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Des touristes divers aux exigences et à l’autonomie croissantes

Dans le document et développement durable en France (Page 108-112)

Variété du nombre de séjours effectués par an et de leur durée

Des disparités fortes existent au regard du nombre des voyages touristiques (séjour d’au moins une nuitée pour motif personnel) effectués par an  selon les professions et catégories socio-professionnelles (PCS), les âges ou les lieux de résidence : d’après l’enquête SDT, le nombre moyen de voyages effectués dans l’année en 2012 par individu parti atteint 6,3 voyages pour les cadres et professions intellectuelles supérieures (dont le taux de départ est par ailleurs le plus élevé). « A l’opposé, les agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprises, ainsi que les ouvriers ont les plus faibles nombre de voyages par individu parti (3,4 et 3,5) ». Entre les deux se situent les partants exerçant une profession intermédiaire et les inactifs, avec 4,9 voyages en moyenne, ainsi que les employés, qui font 4,1 voyages.

Si l’on considère les tranches d’âge, les 15-24 ans sont celles pour laquelle le nombre moyen de voyage par individu parti est le plus faible (4,0)125, et les 50-64  ans celle pour laquelle le nombre moyen de voyage par individu parti est le plus élevé (5,2). Ce nombre est de 4,4 pour les 35-49 ans, de 4,7 pour les personnes de 65 ans et plus, et de 4,9 pour les 25-34 ans.

Sur le plan géographique, les deux régions pour lesquelles le taux de départ pour des séjours d’au moins une journée est le plus élevé, l’Île-de-France (avec 84,5  %) et Rhône-Alpes (80,9  %), figurent aussi parmi les régions dont le nombre moyen de voyages par

124 Entretien d’Annette Thomas, présidente de l’association « Tourisme et Handicap » et de la Fédération française des techniciens et scientifiques du tourisme (FFTS) avec la rapporteure.

125 La catégorie d’âge des 15-24 ans avait pour autant en 2012 selon la DGE (EX-DGCIS) le taux de départ le plus élevé, avec 81,6 %. Une plus forte proportion d’entre eux part donc, mais ceux qui partent font en moyenne des voyages moins nombreux que les partants des autres catégories d’âge.

individu parti est le plus élevé (respectivement 5,5 et 5,1 voyages). « A l’opposé, le taux de départ est faible pour le Nord-Pas-de-Calais (59,6 %), la Corse (62,3 %) et la Picardie (63,6 %), régions où le nombre moyen de voyages par individu parti se classe aux trois dernières positions (respectivement 3,6, 3,5 et 3,3 voyages) »126.

L’étude déjà citée de Claudine Celhaiguibel croise les données relatives au départ en voyage avec un séjour d’au moins une nuitée pour les années 2005-2008 et celles portant sur la durée et le nombre de ces voyages. Elle montre que, sur cette période de quatre ans consécutifs, seuls 12 % de la population ne sont pas partis au moins une fois. Mais ceux qui partent moins souvent partent aussi en moyenne moins longtemps quand ils partent :

« les personnes qui partent chaque année séjournent 32 nuits par an en dehors de leur domicile principal, celles qui ne partent qu’une ou deux années ne séjournent que 10 nuits en dehors de leur domicile les années où elles partent ». Par ailleurs, l’intensité des pratiques de départ est extrêmement diversifiée : « le tiers le moins mobile de la population ne contribue qu’à moins de 4 % des voyages, tandis que les 10 % les plus mobiles effectuent plus du tiers des voyages »127.

Tableau 5 : répartition du nombre de voyages selon la propension à voyager Nombre de

voyages en 4 ans  % de

personnes  % de voyages

Non partants 0 12,0 0,0

Très petits voyageurs Au plus 4 20,5 3,6

Petits voyageurs De 5 à 15 37,3 25,4

Moyens voyageurs De 16 à 30 20,8 35,3

Grands voyageurs De 31 à 60 6,6 21,7

Très grands voyageurs Plus de 60 2,3 14,0

Source : Celhaiguibel 2013, à partir du panel Sdt 2005-2008 Champ : voyages pour motifs personnels ayant donné lieu à un séjour d’au moins une nuitée hors du domicile personnel.

*Les non-réponses (personnes parties en séjour mais ne pouvant être affectées à une catégorie), qui représentent 0,5 %, ne sont pas indiquées ici.

Lecture : les non partants et les très petits voyageurs, qui constituent 32,5 % de la population, ne contribuent ensemble qu’à hauteur de moins de 4 % au total des déplacements.

L’étude montre en outre que, si le niveau de vie constitue un facteur explicatif essentiel de cette mobilité différenciée, il ne suffit pas à l’expliquer, la variabilité interne dans chaque tranche de niveau de vie étant très importante.

Une individualisation plus forte

Les modes de vacances des Français ont évolué en longue période. A l’époque des

« Trente Glorieuses », une part importante des départs concernait des familles de salariés, qui rendaient notamment visite à leurs familles ou à des amis, souvent en zones rurales.

D’autres, et le cas échéant les mêmes, allaient dans des résidences collectives au confort

126 Article « Le tourisme des Français en 2012 : autant de voyages mais plus courts », de Sylvie Scherrer, (DGE (ex-DGCIS)) in Bilan de la demande touristique 2012, op. cit. p. 20 et 21.

127 Article « Un nouveau regard sur la mobilité touristique des Français », par Claudine Celhaiguibel et Jean-Pierre Orfeuil, Lab4Urba, Université Est, in Revue Transports, n°483, janvier-février 2014, p. 26 à 34.

parfois sommaire, souvent avec d’autres personnes issues de la même branche d’activité ou de la même entreprise, dans le cadre de séjours organisés par leur Comité d’entreprise et/ou par des opérateurs du tourisme social et solidaire. L’évolution de la société a depuis diversifié les publics, avec entre autres une réduction de la taille des familles, une augmentation du nombre des familles monoparentales et des retraités. Elle se traduit aussi par des exigences accrues en termes de confort, la plupart des touristes s’attendant à retrouver sur leur lieu de séjour un niveau de confort équivalent à celui dont ils disposent à domicile, mais également quant aux activités praticables sur place. Ces exigences sont favorisées par l’essor d’Internet, qui permet immédiateté et comparaison. L’individualisation dans l’organisation des séjours et la demande d’autonomie dans leur déroulement sont donc plus fortes que par le passé et les formes de la demande s’orientent davantage vers des séjours touristiques « à thème » d’une très grande diversité : séjours de découverte du patrimoine et/ou centrés sur le suivi d’un évènement culturel ou festif (festivals, par exemple), développement d’un tourisme œnologique, séjours « santé » proposés par nombre de stations thermales, qui y voient une possibilité d’extension de leurs activités complémentaires à leur activité de cure128, séjours

« bien-être » et de « remise en forme », « slow tourisme » permettant un contact approfondi avec la population locale, etc.

En parallèle, les changements des rythmes sociaux se traduisent par un développement des séjours de courte durée et par un fractionnement accru des vacances, voire par « un certain stakhanovisme consumériste  : il faut vivre intensément les quelques jours que l’on s’accorde  »129. Les voyagistes, notamment, s’efforcent d’adapter leurs propositions à ces évolutions, en se diversifiant et en laissant une marge de manœuvre croissante à leurs clients et à leurs agents de voyages locaux : « le forfait à la carte en est l’exemple type », comme le note le Conseil national du tourisme130.

Des essais de typologies des touristes français et étrangers

Alain Decrop et Dirk Snelders ont dressé, en y intégrant des variables comportementales, une typologie des touristes. Ils distinguent notamment le touriste «  routinier  », souvent propriétaire d’une résidence secondaire, qui retourne de manière régulière dans une destination pour lui familière  ; le touriste «  rationnel  », qui prépare très en amont son voyage, recueille beaucoup d’informations et planifie la plupart de ses activités ; le touriste

« contraint », qui doit prendre en compte un contexte extérieur (contraintes situationnelles ou familiales) l’amenant à subir le choix de sa destination ; le touriste « opportuniste », qui se décide au dernier moment en saisissant une opportunité correspondant à ses possibilités financières et temporelles  ; le touriste «  adaptable  », qui tend à multiplier les styles de voyages, aux choix peu prévisibles131.

Il convient de noter que, au cours de sa vie, une même personne pourra être d’abord un touriste « opportuniste », notamment pendant ses études ou en début de vie professionnelle, où elle dispose de moyens financiers limités mais n’a pas ou peu de charges de famille, puis devenir un touriste « routinier » ou « rationnel » pour s’adapter par exemple à la présence

128 Entretien de la rapporteure avec Christian Corne, Président de la Fédération thermale et climatique française.

129 Interview de Patrick Brault, ancien président de l’UNAT, par Philippe Frémeaux, in Le tourisme social et solidaire, Alternatives économiques, Hors série poche n°67, avril 2014, p. 94.

130 Rapport Le tourisme des années 2020 : des clés pour agir, de Claude Orizet du Cluzeau et Patrick Viceriat (2010), p. 15.

131 Alain Decrop et Dirk Snelders, « A Grounded Typology of Vacation Decision-Making », in Tourism Management, vol 26, n°2, 2005, p. 121 à 132, cité dans Le tourisme, un phénomène économique, op. cit.

de jeunes enfants. Par ailleurs, au cours d’une même année, les personnes appartenant aux Professions et catégories socio-professionnelles (PCS) favorisées, qui disposent plus souvent d’une résidence secondaire, peuvent se comporter à la fois comme des touristes

« routiniers », en s’y rendant le week-end ou à certaines des « petites » vacances scolaires, et prendre à d’autres périodes des vacances avec un comportement de touristes « rationnels » ou « opportunistes », par exemple.

Une typologie complémentaire, centrée sur les seuls visiteurs étrangers (qui représentent le tiers de la demande touristique intérieure dans notre pays), est proposée par une étude récente132. Celle-ci distingue plusieurs segments principaux parmi les touristes étrangers en France :

– les simples « traversants », pour la plupart européens, au nombre estimé entre 13 et 17 millions, transitent en France une nuit pour se rendre en voiture dans un pays voisin ; l’enjeu en ce qui les concerne serait de les inciter à prolonger leur séjour (deux ou trois nuits au lieu d’une), voire de les transformer en « séjournants » via une offre attractive ;

– les « primo-découvreurs », en général non-européens, séjournent pour la première fois en France, surtout à Paris, en groupe et/ou en voyage organisé, souvent à l’occasion d’un « tour d’Europe » ; sensibles à une certaine image traditionnelle française (art de vivre, luxe, romantisme), au service et à la sécurité, ils bornent leur visite à quelques sites majeurs et au shopping ; l’enjeu serait d’augmenter leur durée de séjour et de les amener à revenir pour approfondir leur découverte ; – les « multi-découvreurs », eux aussi non européens mais déjà venus en France, sont

demandeurs de sites plus diversifiés et d’une offre plus approfondie en termes de culture ou d’art de vivre ; forts d’un haut niveau d’études et de budget, ils donnent plus d’importance au rapport qualité-prix qu’au prix lui-même ; les attirer par un service conforme aux standards internationaux permettrait d’en faire dans leur pays des ambassadeurs de la France ;

– les « urbains européens », en provenance des pays limitrophes, ont déjà séjourné plusieurs fois dans l’hexagone  ; venant surtout pour des séjours courts ou sur un week-end, en couple, en famille ou avec des amis, ils recherchent une offre nouvelle, attractive et le cas échéant festive, mise en concurrence avec celles d’autres métropoles européennes ; attirer ces touristes et accroître leurs dépenses suppose de diversifier et de renouveler les offres urbaines ;

– les « amoureux des régions et de la nature », en majorité européens, reviennent régulièrement dans une région ou une destination donnée, souvent dans leur résidence secondaire, en location ou en hébergement marchand  ; appréciant les activités sportives ou de détente (littoral, montagne, campagne) et les atouts naturels de notre pays pour des séjours plutôt longs et en famille, ils peuvent pour autant opter pour des destinations concurrentes (côtes d’Espagne, Alpes suisses...) ;

– les « touristes d’affaires » sont envoyés par leur entreprise pour affaires ou pour assister à un congrès ou à une exposition, à Paris surtout ou dans une métropole, parfois accompagné(e)s de leur conjoint(e) ; cette clientèle est importante pour

132 Étude Rester le leader mondial du tourisme : un enjeu vital pour la France, Institut Montaigne et CCIP (2014), p. 11 à 18.

l’hébergement (elle représenterait 45  % des nuitées hôtelières à Paris Île-de-France, surtout en semaine), la restauration et les achats ;

– les touristes « gastronomes », plus âgés que les autres touristes (55 % d’entre eux ont plus de 50 ans), représentent une clientèle attractive pour les professionnels du tourisme, avec un pouvoir d’achat élevé, une tendance à consommer – toute l’année - et optant le plus souvent pour un hébergement marchand. Les activités liées à la « gastronomie » génèrent ainsi des retombées économiques considérables : en France, le chiffre d’affaires global du secteur de la restauration est estimé à 52 Md€, dont 25 Md€ pour la restauration traditionnelle133.

– les «  spécialistes  », venus d’Europe ou d’autres continents, sont attirés par une activité touristique spécifique : amateurs de grands vins et d’œnologie, de grandes expositions artistiques, de pèlerinage (Lourdes, partie française des chemins de Compostelle), etc.

Une certaine porosité existe entre ces segments : à titre d’exemple, s’ils sont satisfaits de leur visite et fidélisés, une partie des « primo-découvreurs » peut se muer en « multi-découvreurs », la clientèle d’affaires alimenter le segment des « urbains européens », etc.

Développer la clientèle des segments les plus porteurs de valeur suppose, selon l’Institut Montaigne, une analyse croisée des divers types de visiteurs et de leurs nationalités, ainsi que des produits et des marques susceptibles de répondre à leurs attentes, en cernant mieux leur importance quantitative respective pour « définir précisément les objectifs de promotion de la France et de ses marques dans les différents pays étrangers »134.

Dans le document et développement durable en France (Page 108-112)

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