• Aucun résultat trouvé

Prépondérance dans l’économie et difficultés du tourisme en Outre-mer

Dans le document et développement durable en France (Page 187-192)

Des territoires divers pour lesquels le tourisme est particulièrement important Les territoires ultra-marins présentent, en matière de tourisme comme au regard d’autres critères, des problématiques d’une grande diversité, ne serait-ce qu’en raison de leur situation géographique « aux quatre coins du monde » : dans l’Océan Atlantique, dans l’Océan indien au sud-est de l’Afrique, ainsi que dans le Pacifique Sud297.

Marcel Osenat, président du groupe de l’Outre-mer au Conseil économique, social et environnemental, notait lors de son audition en section que ces territoires ont pour autant, pour la plupart, en commun, outre un taux de chômage très élevé rendant urgente l’émergence de pistes pour créer des emplois, une part prépondérante du tourisme dans l’économie locale298. Le tourisme représente 7 % du produit intérieur brut (PIB) de la Guadeloupe (2012), 9  % de celui de la Martinique (2011) et 7,7  % (2011) de

296 Intervention de Jean-Marie Geveaux, président du Conseil général de la Sarthe, à la table-ronde du 10 septembre 2014.

297 Le CESE a consacré deux avis et rapport au tourisme Outre-mer, qui permettent de rendre compte de manière plus circonstanciée de cette diversité : l’avis : Le tourisme, perspective d’avenir de l’Outre-mer français, rapporté en 2007 par Cécile Felzines, et Le tourisme, facteur de développement de l’Outre-mer français, rapporté par Miguel Laventure en 1997.

298 Audition de Marcel Osenat par la section, le 9 juillet 2014.

celui de la Polynésie française, soit davantage que l’agriculture ou le BTP... A La Réunion, il contribue plus modérément à l’activité économique (2,6 % du PIB en 2012). Les recettes du secteur, estimées à 418,6 M€ pour la Guadeloupe et à 309 M€ pour la Martinique en 2011, représentent à La Réunion, avec 314,7 M€, la première source d’exportation de l’île.

En Polynésie française, le chiffre d’affaires du tourisme représente un peu moins de 13 % du total des activités marchandes en 2012, soit plus du double du total des exportations de biens. En Nouvelle-Calédonie, le tourisme est le 2ème secteur économique, derrière le nickel, et représente 4 % du PIB.

Le tourisme contribue à l’emploi en 2012 pour 16 % du total des emplois en Polynésie française, 9 % des effectifs salariés à la Guadeloupe. A La Réunion, l’INSEE l’évalue à 3,2 % de l’emploi total en 2011 avec 6 750 salariés, tandis que l’observatoire régional du tourisme en comptabilise 8 500299. Le tourisme emploie plus de 5 500 personnes en Nouvelle-Calédonie, représentant ainsi 7,43  % de l’emploi salarié du territoire. Ces chiffres montrent la part importante du tourisme dans l’activité économique et sociale de nos territoires ultramarins.

Mais ils ne doivent pas masquer la réalité d’un secteur qui, pour la plupart des territoires ultramarins, est en crise depuis le début des années 2000, soumis à une très forte concurrence des pays tiers voisins et confronté à des difficultés structurelles et conjoncturelles.

Un secteur en crise

Malgré son importance, le secteur du tourisme en Outre-mer traverse, depuis la fin des années 1990, une crise grave, caractérisée par une fréquentation en baisse tendancielle ou en stagnation, qui s’inscrit à contre-courant du dynamisme touristique des îles tropicales concurrentes.

C’est notamment le cas aux Antilles et en Polynésie Française. Les chiffres rappelés dans le tableau ci-après sont clairs. L’essor du secteur touristique observé dans la décennie 1990-2000 s’est arrêté dans la décennie suivante. La baisse de la fréquentation aux Antilles (40 % de baisse en 15 ans) et en Polynésie française (baisse de moitié), ainsi que la stagnation à La Réunion, révèlent des tendances de fond, même si un rebond a pu être observé en 2011 et 2012.

1990 2000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Martinique 282 000 526 290 484 127 503 475 501 400 481 200 441 600 478 000 496 500 487 300 Guadeloupe 331 000 602 875 368 600 371 200 407 900 412 000 346 500 392 300 417 800 487 759

La Réunion 200 000 437 352 409 000 278 800 380 500 396 400 421 900 420 300 471 300 446 500 Polynésie

Française 132 000 252 000 208 067 221 549 218 241 196 496 160 447 153 919 162 776 168 978 Sources : enquête INSEE et données des comités régionaux du tourisme La fréquentation touristique de la Martinique décroît depuis la fin des années 1990.

On comptait en 1998 548 800 touristes de séjour contre un peu plus de 480 000 en 2008.

Ce déclin est particulièrement important pour le tourisme de croisière qui s’élevait à 87 000 croisiéristes en 2008 contre 414 000 en 1998. En Guadeloupe, la croisière a connu une baisse de 75 % de sa fréquentation.

299 Sources : Rapport public annuel 2014 de la Cour des Comptes sur la base des rapports des chambres régionales des comptes.

Les répercussions sont importantes sur l’ensemble du secteur, avec notamment des pertes d’emplois significatives et le vieillissement des structures hôtelières.

De nombreux handicaps

Les raisons qui expliquent cette situation de crise sont nombreuses et variées, structurelles et conjoncturelles. Sans entrer dans le détail des situations propres à chaque collectivité ultramarine, il est possible de mettre en lumière des explications communes.

Le développement du tourisme Outre-mer se heurte à des problèmes d’accessibilité et de transport. Outre-mer, le coût lié à l’éloignement est en effet très important, notamment du fait des carences en matière de transport et des faiblesses des liaisons aériennes. La faible diversification des dessertes aériennes permet aussi d’expliquer la faible attractivité touristique de ces territoires. Passer par Paris est étape obligatoire pour tous les Européens qui ne peuvent choisir que trois lignes régulières pour relier les Antilles et La Réunion, deux lignes pour la Polynésie et Mayotte, et une seule ligne pour la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin/Saint-Barthélémy. Quant aux touristes étrangers en provenance de la zone régionale proche des îles françaises, ils ont aussi des difficultés à accéder à ces destinations Outre-mer. A titre d’exemple, les liaisons aériennes entre la Guadeloupe et le continent américain ne représentaient que 2 % du trafic passager total de la Guadeloupe en 2012. De manière générale, les liaisons entre la métropole et l’Outre-mer sont jugées bien trop coûteuses par les professionnels du tourisme.

Des clientèles étrangères ciblées par les professionnels du secteur - notamment celles provenant d’Europe orientale, de Russie, de Chine et d’Inde - sont de plus soumises à des obligations d’obtention de visa. En dehors des îles françaises, ces clientèles bénéficient souvent de dispense de visa ou de facilités de délivrance dans les aéroports. Du fait notamment de ces différences dans les réglementations, La Réunion par exemple bénéficie peu des retombées des offres combinées avec Maurice et les Seychelles.

La crise du secteur hôtelier constitue un autre facteur majeur, notamment aux Antilles et en Polynésie Française. L’hôtellerie figure parmi les secteurs les plus durement touchés par la baisse de l’activité touristique. Aux Antilles, le parc hôtelier a été divisé par deux en dix ans. En Guadeloupe, près de 5 000 lits hôteliers ont disparu entre 2003 et 2008.

A ce rythme, le nombre de lits pourrait encore diminuer de moitié d’ici 2015.

Le prix de l’offre est bien supérieur à celui proposé par les territoires voisins. Les destinations concurrentes se distinguent du reste par des fréquentations touristiques en augmentation constante ces dernières années, en concordance avec le dynamisme du tourisme international qui a crû de 4 % en 2012.

Dans les Caraïbes, les îles de la Guadeloupe et de la Martinique sont confrontées à une concurrence forte de la République Dominicaine (plus de quatre millions de touristes en 2012), de Porto Rico (trois millions), de Cuba (plus de deux millions), de la Jamaïque (un peu moins de deux millions) et des Bahamas (1,4 million).

Dans l’Océan Indien, La Réunion est en retrait par rapport à ses concurrents, Maurice (965 000 touristes en 2012) et les Maldives (958 000 touristes), qui ont connu une croissance supérieure à 30 % ces dix dernières années.

Dans la zone Océanie, la Polynésie française apparaît de plus en plus distancée par les grandes destinations de la région comme Hawaï (plus de sept millions de touristes), Guam (plus d’un million de touristes) et Fidji (661 000) ou les nouvelles destinations que sont les îles Cook (122 000 touristes en 2012), Samoa (126 000) ou encore le Vanuatu

(108 000)300. Dans cette zone, la Pacific Asia Travel Association a recensé, entre 2000 et 2007, une croissance des arrivées de 15 % environ, alors que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie enregistraient chacune une basse de 6 % environ...

Le succès des îles concurrentes témoigne d’une offre touristique plus adaptée aux attentes de la clientèle internationale qui profite de charges d’exploitation moins élevées, de normes de construction meilleur marché, de parités de change plus favorables et d’un accueil jugé souvent de meilleure qualité301.

En outre, le parc hôtelier est obsolète, souvent standardisé et sans cachet, notamment aux Antilles. Mme Felzines notait déjà en 2007 dans le rapport du CESE que le parc hôtelier, tant martiniquais que guadeloupéen, «n’offre plus le confort, les équipements et services attendus par une clientèle qui trouve dans la zone géographique une offre plus conforme à ses attentes à un moindre coût. La faible rentabilité conduit plus souvent les exploitants à la fermeture qu’à la remise à niveau »302.

Les établissements hôteliers en Outre-mer, et aux Antilles notamment, sont dans une situation financière très difficile. La crise sociale de 2009 a eu là aussi un impact désastreux puisque « l’endettement des hôteliers antillais s’est aggravé depuis 2009 avec une hausse de 49 % des dettes sociales et de 88 % des dettes fiscales entre le 30 septembre 2009 et le 30 juin 2010 »303. Cette situation financière dégradée, ainsi que l’importance des charges (coût salarial, coût de construction aux normes parasismiques et paracycloniques) auxquelles est confronté un grand nombre d’hôtels expliquent en grande partie la difficulté à rénover l’offre hôtelière.

Une autre difficulté réside dans la dépendance vis-à-vis de la métropole, la clientèle métropolitaine représentant plus de 80 % des touristes. « Cette situation de mono-clientèle constitue un double handicap pour les destinations de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Le premier est une grande sensibilité à la conjoncture économique française. Le second tient au caractère fortement affinitaire. Or le tourisme affinitaire apporte moins de recettes que le tourisme d’agrément ou le tourisme d’affaires, les dépenses liées à l’hébergement et à la restauration étant moindres », observe la Cour des comptes dans son rapport 2014.

S’y ajoutent des éléments conjoncturels. Situés dans des zones tropicales, les Outre-mer sont parfois durement affectés par les catastrophes naturelles et les crises sanitaires. Ils doivent aussi faire face à un contexte socio-économique qui affecte fortement le tourisme. Les dernières crises majeures recensées dans les différentes régions (11 septembre, crises sanitaires du Chikungunya en 2006 et problème de la dengue, cyclone, grave crise sociale aux Antilles en 2009...) ont fortement contribué au déclin des activités touristiques.

Le modèle touristique Outre-mer durant les 30 dernières années cherchait à attirer les visiteurs dotés du plus fort pouvoir d’achat, mais en prenant peu en compte les spécificités territoriales et souvent en attribuant à la clientèle visée les attentes les plus communes. Il en résulte un produit et des infrastructures souvent standardisés et dépassés, avec une concurrence très forte sur les prix.

300 Cour des Comptes, rapport annuel 2014.

301 Ibid.

302 CES, « Le tourisme, perspective d’avenir de l’outre-mer français », Avis présenté par Cécile Felzines, 17 janvier 2007, p. 12.

303 KPMG, « Benchmarking des ratios d’exploitation hôteliers : Caraïbes - Océan Indien - France métropolitaine », décembre 2010, p. 4.

Ces éléments d’explication de la situation touristique dégradée renvoient plus largement à l’absence de véritables stratégies touristiques dans ces collectivités. Ce n’est pourtant pas faute de diagnostics sur la question, car le tourisme « est paradoxalement une évidence pour ces territoires » ! Voici plus de sept ans, dans le rapport porté par Cécile Felzine, notre assemblée s’étonnait déjà que, malgré tous les rapports et études consacrés au tourisme en Outre-mer, « aucune mesure spécifique d’envergure n’ait été adoptée en faveur de ce secteur ».

Des atouts indéniables, insuffisamment explorés et exploités.

Face à cette situation, l’Outre-mer français dispose de solides atouts qui mériteraient d’être valorisés et pleinement exploités, autour d’une politique touristique coordonnée, adaptée aux sociétés locales et pleinement intégrée à l’environnement.

Le climat et le contexte géographique général, offrant mer, plages, forêts, montagnes et une biodiversité remarquable constituent le premier de ces atouts. La mer permet un tourisme nautique de qualité, en développement. Quant aux richesses naturelles considérables de ces territoires, elles sont encore peu valorisées. Dans les zones tropicales, la richesse des écosystèmes forestiers et leurs rivières, de la faune, les espaces rétro-littoraux et intérieurs recèlent de ressources naturelles peu connues, au très fort potentiel. Cette biodiversité, vulnérable lorsqu’elle est confrontée à l’urbanisation diffuse et à la concentration excessive des pratiques touristiques, ouvre des perspectives sur le plan touristique. Des initiatives isolées menées par des entrepreneurs locaux motivés commencent à se structurer. Si elles restent souvent sous-exploitées, certaines collectivités locales commencent à s’organiser et à mettre en place des actions mieux coordonnées en la matière.

L’évolution de la demande touristique, avec des profils de touristes plus autonomes, mieux équipés, mieux renseignés et plus soucieux de l’environnement, offre des opportunités pour un développement de l’écotourisme (tourisme de nature, pratiques sportives, tourisme scientifique, culturel, etc.). Elle pourrait conduire, si les acteurs du secteur saisissent cette opportunité, à un redéploiement partiel de l’offre touristique vers les centres des territoires, les contreforts, ainsi que les espaces plus ruraux et forestiers, moins connus. Ces formes de tourisme présentent l’avantage de nécessiter moins de capitaux, d’être plus accessible aux petits entrepreneurs et de permettre l’implication des populations locales (gites ruraux, maison d’hôtes, agritourisme, carbets en Guyane, etc.). Il ne s’agit pas simplement de développer un « tourisme vert » mais de prendre en compte la dimension environnementale dans l’ensemble de la politique touristique, en axant l’offre touristique Outre-mer vers un segment plus de haut de gamme, de qualité, plus ciblé.

L’appartenance à l’Union européenne est un autre atout en ce qu’il qui rassure les touristes sur des aspects tels que la santé ou la sécurité  :  les équipements sanitaires, notamment hospitaliers, sont ainsi d’un niveau élevé au regard des destinations concurrentes voisines, avantage important en termes de sécurité sanitaire pour la population locale comme pour les touristes ; au regard de la sécurité, les territoires ultra-marins se trouvent aussi en général dans une situation plus favorable que nombre de leurs voisins immédiats.

Ils disposent enfin d’infrastructures routières et aéroportuaires très correctes, entretenues notamment grâce à l’apport des fonds européens.

Une politique de développement du tourisme coordonnée, associant l’ensemble des acteurs, doit notamment faire en sorte que le tourisme balnéaire ne soit plus le seul élément déterminant du choix de la destination. S’il demeure un produit d’appel

indispensable, notamment vis-à-vis de la clientèle en provenance des pays émergents, il n’est aujourd’hui clairement plus suffisant et d’autres types de tourisme doivent être donc développés.

Minimiser les handicaps structurels passe par la diminution des coûts d’exploitation (par l’aide fiscale à l’investissement productif afin d’agir sur le coût du travail), par une meilleure organisation des dessertes aériennes, etc. Cela passe aussi, en termes d’offre, par le développement d’un tourisme durable et haut de gamme, et notamment par celui de l’écotourisme. L’essor du tourisme domestique, aux potentialités importantes dans des territoires comme la Nouvelle-Calédonie ou encore les Antilles, à la population nombreuse, constitue une autre opportunité, en liant mieux le tourisme au patrimoine culturel et historique de chacun de nos territoires.

La formation professionnelle et l’émergence de nouveaux métiers, notamment dans le secteur du tourisme vert, passe par la nécessaire association des populations locales et par un travail important à réaliser dans l’offre de formation professionnelle à destination des jeunes ultra-marins afin qu’ils aient sur place la possibilité de se former à des nouveaux métiers dans le secteur du tourisme vert par exemple.

Ainsi, il y a nécessité pour le tourisme ultramarin de passer « d’un tourisme subi à un tourisme intégré », en harmonie avec les sociétés locales et le milieu naturel dans lequel il se développe. Cet objectif commun à l’Outre-mer ne pourra être atteint que par la définition, par chaque collectivité, d’une politique cohérente et d’un positionnement adapté aux réalités propres au territoire concerné304.

Le tourisme, un secteur important pour l’emploi,

Dans le document et développement durable en France (Page 187-192)

Outline

Documents relatifs