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Une gouvernance publique émiettée

Dans le document et développement durable en France (Page 72-78)

ٰAu niveau national, une gouvernance compliquée par la transversalité du secteur Il est intéressant de noter qu’en France, il n’y a jamais eu de ministère du Tourisme. Ce poste a été rattaché soit au ministère de la Culture et de l’environnement en 1977, soit au Temps libre en 1981, soit à l’Industrie en 1986, soit à l’Aménagement du territoire en 1988.

Un décret du 12 janvier 2009, dans le cadre de la RGPP, intègre l’administration du tourisme au ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi dans une sous-direction au sein de la DGE (ex-DGCIS).

Pour accomplir ses missions, cette administration s’appuie sur des organismes sans pour autant rendre ce secteur plus lisible.

Placée sous l’autorité du ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, la DGE (ex-DGCIS) a dans ses attributions une sous-direction intitulée : le service tourisme, commerce, artisanat et services qui :

« Prépare, met en œuvre et évalue la politique de l’État en matière de tourisme. Elle anime les différents secteurs de l’activité touristique, prépare les réglementations y afférentes et veille à leur mise en œuvre.

Elle contribue au développement des professions touristiques, notamment par l’établissement de relations institutionnelles avec les organisations professionnelles, patronales et salariées.

Elle accompagne les politiques d’entreprise menées par les principaux acteurs de l’industrie touristique et propose les mesures de nature à accroître leur compétitivité sur le territoire et l’accès à des marchés extérieurs. Elle apporte son soutien aux secteurs de l’économie touristique en difficulté ou en reconversion.

Elle assure la coordination interministérielle des politiques d’aménagement touristique durable qu’elle conçoit en concertation avec les instances territoriales décentralisées de métropole 22 Rester le leader mondial du tourisme, un enjeu vital pour la France – Paris-Île-de-France, Institut Montaigne.

et d’Outre-mer. A ce titre, dans son domaine de compétence, elle coordonne la préparation et le suivi des contrats de projet État-régions.

Elle prépare et met en œuvre la politique d’aide au départ en vacances ; elle fixe le cadre des aides aux associations à objet touristique. Elle contribue à la tutelle de l’Agence nationale pour les chèques-vacances. Elle élabore et veille à l’application des contrats d’objectifs et de moyens, des structures intervenant dans son champ de compétences et bénéficiant de ses contributions financières. Elle prépare et assure la représentation du ministère dans les réunions organisées par les institutions internationales autres que communautaires auprès desquelles elle promeut les positions de la France ; elle est le correspondant pour la France de l’Organisation mondiale du tourisme. Elle instruit les demandes de coopération ou d’expertises exprimées par les gouvernements étrangers »23.

La loi de 2009 a aussi créé Atout France, agence de développement touristique de la France, opérateur national unique de l’État en matière de tourisme, qui travaille à la fois sur l’offre et sur les marchés.

Groupement d’intérêt économique, cet organisme s’est vu confier par l’État les missions de promouvoir et de développer la marque France à l’international, d’adapter l’offre française à la demande touristique nationale et internationale, d’accompagner chacun de ses partenaires, privés comme publics, pour accroître leur compétitivité économique.

La convention d’objectifs et de moyens fixe à Atout France un éventail très large d’interventions tant sur le territoire national qu’à l’étranger. Ainsi :

- « elle définit la stratégie nationale de promotion de la « destination France » conformément aux orientations arrêtées par l’État ;

- elle concourt à la mise en œuvre des politiques publiques en faveur du tourisme, notamment à travers les missions suivantes :

• fournir une expertise à l’État, aux collectivités territoriales et aux partenaires privés ou associatifs, membres du groupement, pour la définition et la mise en œuvre de leur politique touristique, concevoir et développer leurs projets, les conseiller en matière de formation, de recherche, d’innovation et de développement durable dans le secteur du tourisme et exporter son savoir-faire à l’international ;

• élaborer, mettre en œuvre et assurer le suivi des actions d’information et de promotion des territoires et destinations de la métropole et des collectivités ultramarines sur les marchés étranger et national. A ce titre, l’agence encourage la démarche de classement et promeut la qualité de l’offre touristique dans les hébergements, la restauration, l’accueil des touristes et les prestations annexes ;

• observer les phénomènes touristiques, mettre en place des données chiffrées fiables et utilisables par ses membres, produire des études, notamment prospectives, sur l’offre et la demande dans les filières et les territoires touristiques, diffuser le résultat de ses travaux par tous moyens qu’elle juge appropriés ;

• concevoir et tenir à jour les tableaux de classement des offices de tourisme, des hôtels, des résidences de tourisme, des meublés de tourisme, des villages résidentiels de tourisme, des

23 Textes de référence : décret n° 2009-37 du 12 janvier 2009 relatif à la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services ; arrêté du 26 janvier 2009 portant organisation de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services.

villages de vacances, des terrains de camping et caravanage, des parcs résidentiels de loisirs et des chambres d’hôtes, et diffuser librement et gratuitement la liste des hébergements classés.

L’État, les collectivités territoriales ainsi que leurs établissements publics peuvent par convention confier à l’agence d’autres missions d’intérêt général compatibles avec son objet.

L’agence comprend une commission chargée d’immatriculer les personnes physiques ou morales mentionnées à l’article L. 211-1 et les exploitants de voitures de tourisme avec chauffeur visés à l’article L. 231-1.

Elle comprend également une commission de l’hébergement touristique marchand. »24. Le plan stratégique « Destination France 2010 - 2020 », défini par la convention d’objectifs et de moyens 2010-2012, prévoit que la France devienne la première destination européenne en recette par touriste, donc rejoigne l’Espagne. L’enjeu est de transformer la France, qui est trop souvent une destination de passage, en destination de séjour.

Les axes majeurs de ce plan de reconquête de parts de marché sont les suivants : y La modernisation de l’offre ;

y La promotion à l’international ; y La formation ;

y La rénovation hôtelière ; y La création d’un outil statistique ;

y Le renforcement des partenariats avec les collectivités locales ; y La conduite de projets d’investissement ;

y La valorisation du patrimoine historique et culturel ; y Le pilotage et animation des événements ;

y Le déploiement de la « marque France ».

Afin de décliner sur le plan opérationnel les orientations définies par la stratégie du tourisme français 2010-2020, Atout France a développé un plan marketing quinquennal 2010-2015. Celui-ci prévoit notamment de donner une identité à la destination France pour le grand public et les nouvelles clientèles internationales issues des BRICS25 et d’agir sur l’offre touristique en créant de nouvelles destinations et filières.

Ces paramètres ont conduit à déterminer sept axes d’actions qui, selon l’administration, pourront constituer l’armature de la politique de l’État en matière de développement touristique :

y n°1. constituer des destinations internes « patrimoine et culture » ; y n°2. construire une politique de tourisme d’itinéraire ;

y n°3. structurer une politique de tourisme urbain hors Paris ; y n°4. formater une politique du tourisme de croisière maritime ; y n°5. formater une politique de tourisme de plaisance ;

y n°6. développer une stratégie de communication et de promotion de la destination France ;

y n°7. développer le tourisme d’affaires à Paris et en Île-de-France.

24 Convention d’objectifs et de moyens de l’opérateur Atout-France.

25 Sont appelés BRICS les pays suivants : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.

Ces axes d’actions ont le mérite de définir des priorités et des objectifs concrets à atteindre.

« Sachant que toutes ces actions ne pourront pas être déclinées toutes en même temps, il conviendra peut être de fixer des priorités. De plus, s’ils sont appelés à être mis en œuvre dans le seul cadre des moyens dont peut disposer la DGE (ex-DGCIS) ou Atout France, certains de ces axes risquent de rester lettre morte. »26.

Atout France collabore, dans un modèle partenarial, avec tous les acteurs du tourisme, qu’il s’agisse d’entreprises privées, d’institutionnels ou d’organismes associatifs qui attendent un retour sur investissement. Aujourd’hui, plus de 850 entreprises privées sont partenaires de la stratégie Atout France pour un budget de 40 M€ (l’État quant à lui participe à hauteur de 34 M€).

Atout France développe ses missions à l’international grâce à un réseau de 34 bureaux répartis dans 32 pays.

En 2014, Atout France a réalisé 2 200 actions de promotions dans 54 pays, elle a classé 92 % des hébergements touristiques, elle a encouragé le virage numérique.

Elle a aussi développé les contrats de destinations qui visent à promouvoir des marques de destinations à résonance internationale. Ils ont pour objet de fédérer les acteurs publics et privés autour d’une offre touristique cohérente et visible au regard des attentes des clientèles étrangères. C’est une démarche intégrée qui porte simultanément sur la structuration et le développement de l’offre, sur la qualité d’accueil, la promotion sur un ou plusieurs marchés cibles, ainsi que sur les démarches d’intelligence économique.

Les contrats de destination sont tous différents. Ils se définissent par une analyse du contexte touristique et des besoins spécifiques. Ils poursuivent un objectif stratégique décliné sur un ou plusieurs marchés cibles, suivent des logiques territoriales et/ou thématiques avec des échelles différentes, en visant la mutualisation de moyens à la taille critique pertinente. Ils mettent en place les articulations efficaces entre les acteurs clés d’une même destination synchronisant l’action sur les produits et celle sur les marchés.

Pour Christian Mantei, directeur général d’Atout France « le partenariat est essentiel, il apporte beaucoup, il représente 90 % des actions de levier, mais il ne faut pas baisser la garde et ne pas se désengager des actions avec les Européens ». Il reconnait toutefois qu’Atout France est aux limites de l’exercice.

Le Conseil national du tourisme (CNT) est une commission administrative à caractère consultative. C’est l’instance de concertation de l’État avec les acteurs du tourisme. Il est placé directement auprès du ministre chargé du Tourisme, qui en assure la présidence.

Institué en 1986, il est composé de 200 membres représentant le Parlement, les collectivités territoriales, les employeurs et les salariés, les milieux professionnels et les organismes du tourisme social, les consommateurs, le monde de la formation de la recherche et de l’emploi. Il est organisé en quatre sections : économie touristique, solidarité et politiques sociales, politiques territoriales et développement durable. Son rôle est de recueillir à l’intention du ministre et de ses services (et de façon plus générale de la communauté du tourisme) l’opinion, les avis, les alertes et les analyses de l’ensemble du

26 Rapport d’information Le tourisme, un atout formidable pour la France de André Ferrand et Michel Bécot, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et de la commission des finances du Sénat, déposé le 29 juin 2011.

secteur sur les problématiques du tourisme dans le monde actuel. Il peut aussi s’auto-saisir sur un sujet qui lui parait important.

Mais face à la concurrence féroce de certains pays et à l’émiettement des intervenants, une feuille de route aussi ambitieuse doit s’accompagner des moyens correspondants car il convient aussi de noter que les moyens financier d’Atout France (77 M€) sont inférieurs à l’Espagne (201 M€), aux États-Unis (200 M€), et au Royaume-Uni (79 M€)27.

ٰUn secteur marqué par la multiplicité des acteurs territoriaux et la clause générale de compétence

L’article L 111-1 du Code du Tourisme précise  : « L’État, les régions, les départements et les communes sont compétents dans le domaine du tourisme et exercent des compétences en coopération et de façon coordonnée  ». Le principe de la compétence concurrente et complémentaire est posé, mais la réalité sur le terrain est plus complexe.

Pour Emma Delfau28, la gouvernance du tourisme par ses acteurs est une des faiblesses du secteur. « Cette gouvernance est très émiettée. Ce secteur est géré par l’Etat mais aussi et surtout par les collectivités qui sont elles-mêmes à plusieurs niveaux. Toutes ont une compétence (régions, départements, communes), finalement cela crée des difficultés pour avoir une stratégie globale et commune de promotion des territoires ».

Créées dans le cadre de la révision des politiques publiques, les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), relais de l’État dans les régions, regroupent huit directions ou services qui relevaient de deux ministères (travail- emploi et économie-industrie). Dans les missions des Direccte, le tourisme n’apparait pas en tant que tel, il est intégré au sein du pôle 3E (entreprise, emploi, économie) chargé des actions de développement des entreprises et de l’emploi, notamment des services et du tourisme.

Les institutions régionales et départementales du tourisme se déclinent autour du comité régional du tourisme, instrument d’action des conseils régionaux et le comité départemental du tourisme

Chaque région a pour obligation de créer un Comité régional du tourisme (CRT) tout en ayant la liberté d’en définir elle-même la nature juridique et les principes d’organisation (les CRT prennent la forme, pour la plupart, d’une association type loi 1901). Ils sont chargés de mettre en œuvre la politique régionale en matière de tourisme. Leurs missions sont les suivantes :

– définir en liaison avec le conseil régional et ses partenaires institutionnels et professionnels le Schéma régional de développement du tourisme et des loisirs ; – communiquer et promouvoir l’offre touristique de la région en France et à

l’étranger grâce à l’organisation ou la participation de salons grand public ou/et professionnels ;

– observer l’activité touristique de la région (études de clientèles, de marchés, analyse de la fréquentation, bilan annuel des saisons touristiques) ;

– développer l’offre touristique en accompagnant les professionnels pour la montée en qualité et la professionnalisation pour innover et pour identifier les bonnes pratiques.

27 Source DGE (EX-DGCIS) 2010.

28 Audition d’Emma Delfau, sous directrice du tourisme à la DGE (ex-DGCIS).

Les CRT assument ces missions en partenariat étroit avec, d’une part, l’Etat et son opérateur Atout France, et, d’autre part, les organismes territoriaux de tourisme et les professionnels privés ou associatifs.

Par ailleurs, le Conseil régional peut confier au CRT tout ou partie de la mise en œuvre de la politique du tourisme de la région, notamment dans le domaine des études, de la planification, de l’aménagement et de l’équipement, des aides aux hébergements, des assistances techniques à la commercialisation ainsi que de la formation

Le Comité départemental du tourisme (CDT) a pour vocation de contribuer au développement et au dynamisme du tourisme départemental. C’est le conseil général qui établit, en tant que de besoin, un schéma d’aménagement touristique départemental. Ce schéma prend en compte les orientations définies par le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs.

Les principales missions d’un CDT sont notamment de :

– fédérer, informer et stimuler tous les acteurs publics et privés de son département ; – analyser, conseiller, évaluer et élaborer, notamment la stratégie de développement

touristique du département ;

– collecter, gérer, qualifier et mettre à disposition les informations touristiques (observation touristique) ;

– faire la promotion de son offre touristique en France et à l’étranger ;

– gérer et animer des filières infra-départementales afin de développer la mise en marché.

On peut noter que certains CDT sont dotés d’un service commercial, une «  agence réceptive » intégrée ou externe, appelée Service Loisirs Accueil (SLA) qui assure la réservation et la vente de prestations et de forfaits touristiques (séjours en meublé, produits individuels, circuits groupes...).

On peut regretter que les compétences touristiques de la région et du département se chevauchent et ne soient pas mieux précisées, d’autant que viennent se rajouter à ce schéma les compétences locales de l’office du tourisme et du syndicat d’initiative.

L’office de tourisme est un centre d’information dont la mission est « l’accueil, l’information et la promotion du tourisme  » sur le territoire concerné. Sa création nait de l’initiative de la collectivité compétente  : une commune, un groupement de communes.

Une convention d’objectifs devra être établie entre l’office de tourisme et la collectivité.

L’objectif de la structure est de faciliter le séjour touristique des visiteurs. Selon les sources du ministère de l’Agriculture, il existe 2 460 offices du tourisme classés de 1 à 4 étoiles, selon des critères d’équipement et de services.

Les offices du tourisme n’ont pas tous les mêmes moyens, ni les mêmes activités. Cela dépend du niveau de délégation de compétence donné par les collectivités. Ainsi l’Office du tourisme de Reims a compétence générale pour promouvoir le tourisme local, et gérer les infrastructures (maitrise d’ouvrage délégué).

En 2013, il a travaillé sur l’adoption du schéma de développement touristique dans une feuille de route 2014-2018 pour aménager des ports fluviaux, créer de l’hôtellerie de plein

air, déployer le schéma de développement du numérique. Il gère un budget de 5,8 M€, dont 1 million d’investissement avec 37 salariés29.

Le syndicat d’initiative est créé dans le cadre d’une association du type loi 1901. Il a pour ambition de développer l’accueil et l’information des touristes, la promotion touristique d’une collectivité et l’animation touristique. Il est à noter qu’il n’a pas de délégation de service public au titre de la compétence tourisme. Toujours selon les mêmes sources, il y a aujourd’hui 1 100 syndicats d’initiative répartis sur le territoire national.

Ces deux structures sont regroupées au sein de la Fédération nationale des offices du tourisme et des syndicats d’initiative (FNOTSI), qui coordonne et définit leur action.

« Ainsi, le partage des compétences entre l’État, les conseils régionaux, les conseils généraux, les communes, induit un enchevêtrement des interventions qui rend difficile l’identification des sources de financement. Compte tenu de la rareté des informations, il est difficile d’évaluer de façon précise le poids en valeur des différentes interventions institutionnelles »30.

Dans le document et développement durable en France (Page 72-78)

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