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Le tourisme, une notion complexe : Une définition qui fait appel à plusieurs critères

Dans le document et développement durable en France (Page 66-70)

ٰ Critères et définitions

Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le tourisme est constitué par « Les activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et de leurs séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs »12.

Cette définition met en avant plusieurs critères :

Et tout d’abord, il faut un critère de mobilité. Prendre un moyen de transport pour aller vivre ailleurs que chez soi, là où l’on réside habituellement. Lors de son audition par la section, Philippe Duhamel, professeur à l’Université d’Angers, notait que ce déplacement impliquait « un changement de place, au sens de changement d’habiter  : être touriste, c’est décider d’aller vivre ailleurs temporairement : (...) on ne peut pas être touriste chez soi  »13. Le voyage en question ne peut donc, par définition, être constitué par un déplacement quotidien domicile-travail ou par un déplacement du domicile au lieu d’étude, ces deux déplacements participant de l’environnement habituel.

Ce premier critère appelle plusieurs précisions : ainsi, selon le ministère du Tourisme, les déplacements vers une résidence secondaire sont considérés comme « toujours réalisés hors de l’environnement habituel »14. Par ailleurs, pour le ministère du Tourisme, la traversée d’une frontière induit conventionnellement que l’on sort de son environnement habituel et est donc comptabilisée comme un voyage touristique ou une excursion, même s’il s’agit d’un déplacement de quelques kilomètres (les allers-retours pour le travail et les études, qui sont exclus du champ du tourisme, ne sont toutefois pas concernés). En revanche, la longueur kilométrique du déplacement n’est pas délimitée, ce qui semble adapté : en effet, les moyens modernes de déplacement (avion, TGV) permettent des déplacements de plusieurs centaines de kilomètres aller et retour dans la journée, qui ne constituent donc pas un voyage touristique  ; à l’inverse, pour certaines populations disposant de moyens

12 Définition de l’OMT citée par le Memento du tourisme, édition 2013.

13 Audition de Philippe Violier et Philippe Duhamel par la section le 14 mai 2014.

14 Memento du tourisme, édition 2013, p. 17.

financiers très limités ou peu accoutumées à se déplacer, séjourner à une faible distance de chez elle peut parfois constituer une véritable mobilité touristique15.

D’autre part, il faut un critère de temporalité ; ce déplacement nécessite un séjour et un hébergement hors du domicile d’au moins une nuit. Ce minimum d’une nuitée permet de distinguer les « touristes » (visiteurs qui passent au moins une nuit) des « excursionnistes », qui réalisent pour leur part « un aller-retour dans la journée à plus de 100 kilomètres de leur domicile ». Dans cette définition, un séjour est défini comme « un lieu où le voyageur a passé au moins une nuit »16. Pour les statistiques de l’OMT et de l’INSEE, la durée du voyage et du séjour ne doit par ailleurs pas excéder un an. Ainsi, le tourisme est clairement à distinguer d’une migration définitive.

Ensuite, il faut un critère que l’on pourrait appeler « de non contrainte et de hors quotidien » impliquant de ne pas être soumis aux pressions liées au travail. Les motifs de déplacements retenus par l’OMT et par l’INSEE pris en compte dans la définition du tourisme sont très larges : outre les motifs d’agréments (loisirs), sont ainsi pris en compte les motifs professionnels ou d’études, mais aussi religieux, culturels ou de santé, ainsi que les visites à des parents et amis. Philippe Violier, dans son livre Tourisme et développement durable, considère que « une telle approche, extensive, qui met ensemble des pratiques très disparates, ne permet pas de comprendre et encore moins d’agir avec efficacité ». Il invite alors, même si des déplacements effectués pour un autre motif peuvent effectivement commencer ou se prolonger par une phase touristique, à « dépasser ce stade de confusion »17. Philippe Violier soulignait en effet avec Philippe Duhamel lors de leur audition que le tourisme constitue fondamentalement une mobilité choisie, ce qui correspond bien aux motifs d’agrément ou de visite à des parents et amis, mais beaucoup plus malaisément au voyage d’affaires, pour lequel le choix du voyageur salarié est restreint .

Le tourisme répond à un projet réfléchi en amont. Le choix de la date, du lieu, des activités pratiquées, des rencontres que l’on veut faire. Tout cela se planifie et quelquefois longtemps à l’avance.

Mais le tourisme ne se limite pas à la personne du touriste qui effectue le voyage.

Il apparaît aussi nécessaire de prendre en compte pour définir cette activité les différents jeux d’acteurs qui contribuent à sa production. Le tourisme constituerait alors, selon la définition de Rémy Knafou et Mathis Stock, « un système d’acteurs, de pratiques, et d’espaces qui participent de la recréation des individus par le déplacement et l’habiter temporaire hors des lieux du quotidien »18.

Ainsi le tourisme peut se définir comme l’ensemble de ces éléments ayant des relations entre eux.

Mais attention, il convient de ne pas confondre le tourisme et le « loisir » car il y a obligatoirement un critère de mobilité dans le tourisme qui n’existe pas forcément dans le loisir. Idem en ce qui concerne la distinction à faire entre la notion de tourisme telle que définie ci-dessus, celle de « vacances ». Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), les vacances désignent « le fait de séjourner en dehors de son domicile pour des motifs autres

15 Cf. article : « Pratiques touristiques et apprentissages », de Gilles Brougère in Mondes du tourisme n° 5, juin 2012, p. 62 à 73.

16 Memento du tourisme, édition 2013, p. 17.

17 Philippe Violier, Tourisme et développement local, p. 17 et 18.

18 Rémy Knafou et Mathis Stock, article “Tourisme” in Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, sous la direction de Jacques Lévy et de Michel Lussault, Belin, Paris 2003.

que professionnels au moins quatre nuitées ». Cette définition ne prend donc en compte ni les voyages professionnels, ni les séjours de moins de quatre nuitées, ni les excursions (déplacement de loisir de plus de 100 km du domicile mais ne comportant pas de nuitées extérieures)19.

La pertinence de ce seuil de quatre nuitées pourrait être discutée mais il se traduit quoi qu’il en soit par le fait qu’une partie des touristes qui effectuent de courts séjours de une à quatre nuitées ne sont pas comptabilisés comme «  partis en vacances  », alors que ces départs connaissent un développement croissant.

Il est enfin d’usage de distinguer le tourisme des résidents et celui des non-résidents.

Celui des résidents est le fait des personnes qui habitent en France, qu’elles soient françaises ou étrangères, et qui viennent séjourner à des fins touristiques dans un territoire français.

Celui des non-résidents est constitué par les séjours touristiques effectués en France par des personnes, qu’elles soient françaises ou étrangères, résidant la majeure partie de l’année dans un pays étranger.

ٰTourisme et développement durable

Des éléments complémentaires tels que le développement durable, le tourisme durable mais aussi certaines autres formes de tourisme doivent être définis si l’on souhaite appréhender le tourisme dans sa dimension durable, comme vise à le faire le présent rapport.

Tout d’abord, le développement durable est défini par le rapport Bruntland comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre ceux des générations futures », dans sa triple dimension économique, sociale et environnementale.

Ces trois dimensions ne sont pas à concevoir de manière séparée, mais doivent au contraire s’imbriquer dans une logique systémique, comme le souligne Gérad Ruiz, ancien Président du partenariat mondial pour le tourisme durable : « Le tourisme durable participe d’une approche différente et plus globale. Il ne se veut pas un segment isolé mais se conçoit comme un principe de développement durable applicable à tous les types d’activités touristiques, agissant sur les comportements des consommateurs et des producteurs du secteur, et supposant une évolution de ceux-ci, motivés par une culture du changement  »20. « C’est la notion de développement durable appliqué au tourisme. C’est complétement transversal. C’est un concept touristique nouveau qui embrasse tous les secteurs du tourisme. C’est une approche liée au comportement de production et de consommation en matière touristique. Dans son processus de production, l’opérateur intègre des comportements de production qui sont liés au développement durable. »

Certains agendas 21 locaux ont engagé une démarche territoriale dans le développement du tourisme durable. Cette stratégie repose sur deux principes :

– le tourisme durable doit être considéré comme un agrégat de branches afin de susciter des démarches qualités adaptées à chacune (RSE, Normes, circuits courts, écoconception...) ;

– il a un rôle de levier pour traiter l’ensemble des domaines du développement territorial et les relations entre eux.

Le tourisme durable englobe tous les secteurs et les acteurs du tourisme avec une approche comportementale de production et de consommation liée à la notion de

19 Lutter contre la fracture touristique : rapport conduit par Claude Buisson et Elisabeth Roure, p. 8 (2013).

20 Audition de Gérard Ruiz par la section le 14 mai 2014.

développement durable. Ce n’est pas un nouveau segment du tourisme, c’est une prise de conscience que les trois piliers du développement durable s’appliquent aussi au tourisme et que cela nécessite une modification dans la manière de concevoir le tourisme.

Le ministère de l’Ecologie met alors en avant trois composantes qui, combinées, seraient caractéristiques du tourisme durable :

– « exploiter de façon optimale les ressources de l’environnement qui constituent un élément clé de la mise en valeur touristique, en préservant les processus écologiques essentiels et en aidant à préserver les ressources naturelles et la biodiversité » ;

– « assurer une activité humaine viable sur le long terme offrant à toutes les parties prenantes des avantages socio-économiques équitables répartis, notamment des emplois stables, des possibilités de bénéfices et des services sociaux pour les communautés d’accueil, et contribuant à la réduction de la pauvreté » ;

– «  respecter l’authenticité socioculturelle des communautés d’accueil, conserver leurs valeurs traditionnelles et contribuer à l’entente et à la tolérance interculturelle ».

Si les deux premiers critères proposés par la définition du ministère de l’Écologie apparaissent adaptés pour définir ce vers quoi pourrait tendre un tourisme durable dans notre pays, c’est moins le cas du troisième critère, qui correspond sans doute davantage à des formes particulières de tourisme intervenant dans des communautés traditionnelles à l’étranger.

Enfin, cette définition du tourisme durable est à distinguer des formes plus spécifiques de tourisme, même si celles-ci peuvent être du tourisme durable :

– le tourisme vert (ou rural) qui correspond aux vacances « à la campagne ». Les activités les plus pratiquées en espace rural sont la pêche, le vélo et la randonnée ; – le tourisme urbain (ou culturel) ; ce sont les voyages touristiques effectués vers

les villes car la France est riche de monuments (on compte 38 000 monuments, dont 13 000 classés, et près de 8 000 musées). Elle est aussi riche de manifestations culturelles organisées chaque année sur des thèmes variés  : musique, théâtre, danse, bande dessinée, etc. ;

– le tourisme de découverte économique défini comme « la découverte par le public d’un site professionnel présentant un savoir-faire hérité, nouveau ou en développement  » (DGCIS). On y trouve notamment les parcours touristiques proposant des itinéraires de découverte autour de savoir-faire artisanaux d’un territoire ou de spécialités artisanales réparties sur plusieurs territoires. Exemples :

« les routes des métiers de bouche », « les routes des métiers d’art », « les routes des Entreprises du patrimoine vivant » (label EPV), ou encore la découverte de savoir faire des métiers d’art, promue par le label « Ville et métiers d’art » ;

– le tourisme de santé, avec notamment les cures thermales et un élargissement à d’autres formes prenant en compte la santé (éducation diététique, physique, prévention du stress...). La durée de ces séjours est d’environ 18 jours. Il convient aussi d’y ajouter la venue de populations européennes, notamment britanniques, qui viennent se faire soigner en France compte tenu des délais d’attente trop longs dans leur pays. De même pour certains Français qui partent se faire soigner dans certains pays de l’Europe de l’Est compte tenu du faible coût des soins pratiqués dans ces pays ;

– le tourisme d’affaires désigne l’ensemble des déplacements réalisés dans un cadre professionnel. Il combine les composantes classiques du tourisme (transport, hébergement, restauration) avec une activité économique  : essentiellement les foires, les salons, les congrès, les déplacements professionnels … ;

– l’écotourisme, axé sur la recherche du contact avec la nature (observation de la faune et de la flore, randonnées, etc…) et les cultures traditionnelles ;

– le tourisme solidaire ou tourisme responsable, qui met au centre du voyage la rencontre avec d’autres populations dans une logique interculturelle de développement des territoires.

Ces différentes appellations ont pour but d’attirer certains types de consommateurs qui se sentent concernés par ces formes de tourisme. Il est évident que ces segments du tourisme peuvent relever du développement durable à condition qu’ils intègrent les critères du développement durable mentionnés ci-dessus.

Dans le document et développement durable en France (Page 66-70)

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