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Une absence de convention autour d’une définition internationale

Du système complexe de télémédecine à la forme de l’intervention de l’État

Chapitre 1 Construction d’un cadre analytique des systèmes de télémédecine 21Construction d’un cadre analytique des systèmes de télémédecine21

1. Télémédecine, de quoi parle-t-on ?

1.1. Une absence de convention autour d’une définition internationale

L’étymologie du préfixe télé renvoie au grec ancien τῆλε, tễle qui signifie au loin, à distance. Étymologiquement, la télémédecine renvoie donc à une pratique de la médecine à distance. D’un point de vue purement sémantique, la télémédecine s’apparente de ce fait à un acte de soins à distance. Toutefois, dès le début des années 1990, quelle que soit l’échelle géographique considérée, d’autres définitions vont être données à ce mot, ne renvoyant pas nécessairement à l’acte de soin, mais davantage au support technologique permettant la réalisation du soin. Ainsi, en 1992, la Société européenne de télémédecine lui donnera comme

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définition « l’utilisation de tous les moyens de transmission à distance d’informations utiles à

la pratique médicale » (Bili, 2012, p. 21). Jusqu’à la fin des années 1990 la télémédecine est

alors davantage considérée comme l’usage des Technologies de l’information et de la communication pour la réalisation à distance d’un acte médical ou de santé. Dans ce cas, la télémédecine est un outil, censé permettre la réalisation d’un acte médical.

Ce n’est qu’en 1997 que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) donnera une définition de la télémédecine. Définition qui n’a pas été révisée depuis : « Telemedicine is the

delivery of health care services, where distance is a critical factor, by all health care professionals using information and communication technologies for the exchange of valid information for diagnosis, treatment and prevention of disease and injuries, research and evaluation, and for the continuing education of health care providers, all in the interests of advancing the health of individuals and their communities » (OMS, 1997, p. 10).

D’après cette définition, la télémédecine renvoie à l’acte médical en lui-même et non à l’outil permettant la réalisation à distance de cet acte. Si depuis les années 2000, il existe un relatif consensus autour de ce que définit la télémédecine, i.e. un acte médical réalisé à distance, les contours de cet acte ne relèvent pas d’une convention à l’échelle internationale (OMS, 2010b). Ainsi, selon les territoires considérés, les acteurs habilités à pratiquer la télémédecine ne sont pas les mêmes, le lieu où les actes peuvent être réalisés diffère (lieu de vie du patient, lieu médicalisé, lieu exclusivement hospitalier), les modalités de pratiques changent (actes synchrones, asynchrones) et la réglementation n’est pas harmonisée.

En outre, différents termes sont mobilisés dans la littérature tels que télésanté, e-santé ou encore m-santé. Souvent utilisés comme synonymes, leur usage participe à la confusion entre les différents sens qu’ils possèdent. Pourtant chacun de ces termes possède en réalité une définition donnée par l’OMS qui renvoie à des spécificités intrinsèques. En effet, en 1998, l’OMS a précisé : « If telehealth is understood to mean the integration of telecommunications

systems into the practice of protecting and promoting health, while telemedicine is the incorporation of these systems into curative medicine, then it must be acknowledged that telehealth corresponds more closely to the international activities of WHO in the field of public health. It covers education for health, public and community health, health systems development and epidemiology, whereas telemedicine is oriented more towards the clinical aspects » (Darkins et Cary, 2000, p. 2).

Le mot Telehealth (télésanté) est donc un terme générique pour définir toute utilisation de technologies du numérique dans le domaine de la santé. Au sens de l’OMS, la

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télémédecine et la e-santé sont des sous-ensembles de la télésanté, mais ne sont en rien des synonymes. La e-santé renvoie à l’ensemble du contenu numérique en libre accès lié à la santé et facilitant sa diffusion que ce soit dans la sphère médicale ou domestique (à titre d’exemples, les sites internet tels que medecin-direct.fr ou e-sante.fr ou encore conseilsante.com proposent des services de e-santé). La télémédecine renvoie à la prise en charge clinique. Le terme m-santé fait quant à lui référence aux différentes applications des appareils informatiques tels que les téléphones portables ou tablettes tactiles disposant d’application spécifique à la santé (à titre d’exemples, les applications téléchargeables sur Androïd, Windows ou OS telles que Grave pas grave ou Medoc sont des applications de m-santé). Chaque terme revêt donc un caractère singulier.

Malgré cette tentative d’harmonisation des définitions utilisées pour interpréter la réalisation de service de santé à distance, l’existence de définitions plurielles persiste à travers le monde. La télémédecine et de la télésanté ne font donc pas l’objet d’une convention étymologique dans l’espace international (Oh, et al., 2005). Les termes télémédecine, télésanté et e-santé sont non seulement utilisés comme synonymes (Crigger, 2006), mais ils revêtent également des frontières différentes. Hans Oh, et al. (2005) ont recensé 51 définitions différentes à l’échelle internationale de la télémédecine toutes données après 1998 (date de la définition de la télémédecine par l’OMS) et qui désignent soit le processus de production de l’acte médical à distance, soit l’output du service médical ou encore la technologie utilisée pour la production à distance de l’acte médical. De façon plus marginale, le terme désigne également le commerce en ligne lié à la santé (Kirsch, 2002).

Au-delà de la définition de la télémédecine au sens large, les actes médicaux relevant de la pratique ne sont pas non plus harmonisés à l’échelle internationale. En France, à titre d’exemple, la télétransmission de feuilles de soins ou la téléformation médicale ne sont pas considérées comme des actes de télémédecine alors qu’elles le sont dans d’autres pays. De la même façon, les actes renvoyant à une spécialité ou un type de pathologie tels que les actes de téléradiologie ou de télécardiologie ne sont pas reconnus dans le droit français comme des actes de télémédecine alors qu’ils le sont dans d’autres pays comme les États-Unis. Plus complexe encore, un même terme peut définir deux actes distincts au sein d’un même pays. En France, la téléassistance est à la fois un acte de télémédecine lorsqu’il s’agit d’un service rendu à distance par un professionnel médical à un autre professionnel médical et est considérée comme un acte de télésanté lorsqu’il s’agit d’un service à distance d’aide au maintien à domicile, proposé généralement aux personnes âgées.

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Cette grande confusion autour de ce qu’est la télémédecine peut s’expliquer par le fait que les pratiques de la médecine à distance ne sont pas une chose nouvelle. En effet, si l’introduction de la télémédecine dans les problématiques de santé publique et la mise en œuvre de politiques de télémédecine font partie d’un phénomène qui a émergé au cours des années 1990, sa pratique peut être datée au début des années 1900.