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les origines de la politique publique

3. Le déploiement de la télémédecine, une affaire de politique publique

3.1. Qu’est-ce qu’une politique publique ?

« Une politique publique c’est un peu comme un éléphant,

vous le reconnaissez quand vous le voyez, mais vous ne pouvez pas facilement le définir »

(Cunningham, 1963, p. 229) La politique publique est une construction sociale difficile à définir dans le sens où elle évolue en fonction du temps, de l’espace et du référentiel considéré. Dès lors, pour étudier la politique de télémédecine il est nécessaire de la repositionner dans le référentiel contemporain, le référentiel de marché. C’est à partir de ce référentiel que nous caractérisons les modalités d’action publique (3.1.1) puis nous affinons la présentation en positionnant la politique de santé et de télémédecine dans la configuration globale des politiques publiques (3.1.2).

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124 3.1.1. De l’action à la politique publique

Le concept de politique publique renvoie aux « interventions d’une autorité investie de

puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire » (Thoenig, 2014, p. 420). L’utilisation de l’expression autorité investie de la puissance publique marque les caractéristiques du référentiel dans lequel s’insère la politique

publique depuis le début des années 1980. La politique publique, au sein du référentiel de marché, n’est pas une affaire réservée à l’action de l’État. La puissance publique n’est pas la seule à produire du politique. C’est pourquoi, il est question d’action publique et non pas exclusivement d’action de la puissance publique (Kübler et De Maillard, 2009). La politique publique renvoie aux actions menées par les institutions publiques et celles d’une pluralité d’autres acteurs à la fois des secteurs publics et privés qui agissent conjointement pour produire des modes de régulation des activités collectives marchandes ou non marchandes. Le référentiel de marché des politiques publiques marque un accroissement du rôle d’acteurs du secteur privé dans la production de l’action publique. L’interdépendance des actions des sphères étatiques et de la société civile se situe alors à différents niveaux locaux, nationaux et supranationaux. Une politique publique est donc la production de ceux qui gouvernent. Cette production prend la forme de contenus idéologiques, qui se traduisent par des prestations et des règles et génèrent des effets. L’analyse des politiques publiques n’a donc pas pour objectif d’étudier ce qu’une autorité doit faire en fonction du mandat dont elle dispose, mais d’expliquer les choix qu’elle fait et ceux qu’elle renonce à faire face à un problème donné afin d’en comprendre le sens, les idées. Ainsi « serait politique publique tout ce que les acteurs en

charge d’action publique décident de faire ou de ne pas faire, font effectivement ou ne font pas » (Mény et Thœnig, 1989). Analyser une politique publique c’est donc étudier ce que

produisent les acteurs dotés d’autorité investie de puissance publique, comment et pourquoi ils le produisent. Pour comprendre la politique de télémédecine il est donc nécessaire de définir les acteurs dotés de cette autorité puis d’analyser leur production, les supports de cette production et ses conséquences.

La mise en œuvre de toute politique publique repose sur deux caractéristiques principales. La première est la détention légale d’une ou plusieurs autorités d’ordre public. L’action publique, de par son autorité dispose alors d’une légitimité d’agir de façon coercitive. Pour qu’une politique publique soit mise en place, la loi doit donc définir au préalable le périmètre d’autorité dont disposent les acteurs en charge de la politique publique.

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Nous montrerons que, pour le déploiement de la télémédecine, la question de l’autorité a été clarifiée dans l’article 36 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

La seconde caractéristique nécessaire à la mise en œuvre d’une politique publique est la définition d’un programme d’actions et la définition d’un agenda publique. Le terme d’agenda public renvoie à une définition précise : « ensemble des problèmes faisant l’objet

d’un traitement, sous une forme ou une autre, de la part des autorités publiques » (Kübler et

De Maillard, 2009, p. 215). Le programme d’action d’une politique publique doit faire l’objet d’une présentation de mesures concrètes qui consistent en premier lieu à l’énoncé du problème, puis à la présentation des actions pour résoudre le problème et enfin à la définition des résultats attendus après la résolution du problème. Ce programme d’actions, en fonction de l’échelle de sa mise en œuvre, doit être cohérent avec l’ensemble des autres politiques publiques locales, nationales et supranationales qu’elles s’appliquent au même domaine d’activité ou non. Ainsi, un programme d’action est « une combinaison spécifique de lois,

d’affectation de crédits, d’administrations et de personnes dirigés vers un ensemble d’objectifs plus ou moins clairement défini. La difficulté vient de ce que la cohérence voulue des décisions est souvent mise à mal dans la pratique. Derrière l’unicité d’un programme d’actions peuvent se nicher des concurrences administratives, une pluralité d’actions sans lien entre elles, seulement rassemblées formellement au sein d’un même programme » (Ibid.,

p. 9). La politique de télémédecine doit ainsi trouver sa place parmi les autres politiques des secteurs de la santé et de l’industrie à l’échelle locale, nationale et supranationale, mais doit également faire consensus entre les acteurs de l’action publique.

3.1.2. La politique de télémédecine dans la politique de santé

Nous avons précédemment mis en évidence que la télémédecine s’insère dans un système de soins lui-même compris dans un système de santé dont une partie des directives est donnée à l’échelle européenne mais également mondiale. Ainsi, à l’échelle européenne, afin d’appliquer les critères de Maastricht, des logiques semblables sont mises en œuvre en termes de politiques de santé dans les systèmes beveridgiens et bismarckiens. Le Conseil européen et la Commission européenne sont dès lors chargés de diffuser des recommandations à l’échelle européenne mais également d’évaluer et de contrôler la qualité des soins dans les pays membres (Bonnici, 1993). En Europe, quel que soit le pays, les objectifs en termes de santé deviennent identiques et se résument en trois axes : accessibilité pour tous les citoyens aux soins, convergence de la qualité des soins et encadrement des

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dépenses de santé. À l’échelle internationale, l’OCDE œuvre pour une meilleure efficacité des dépenses de santé dans les pays membres (OCDE, 2006b). Cette efficacité doit conjuguer l’amélioration de l’état de santé de la population avec la contrainte budgétaire. Enfin, l’OMS apparait comme l’autorité dominante en matière d’orientation des politiques de santé. La politique de santé est définie par l’OMS comme la mise en œuvre de dispositifs permettant d’atteindre un niveau satisfaisant de bonne santé. Pour rappel, la bonne santé ne se limite pas à l’absence de maladie mais est la recherche « d’un état complet de bien-être physique, mental

et social » (OMS, 1946). Pour atteindre cet objectif fixé à l’échelle internationale, différentes

mesures sont menées en tenant compte du principe que la santé n’a pas de prix mais qu’elle possède un coût (Domin, 2013).

Ainsi, la politique de santé à l’échelle nationale est constituée d’objectifs quantitatifs et qualitatifs qui coïncident avec ceux des échelles européennes et mondiale et portent d’une part sur l’organisation de la prévention, celle des soins, et celle de la sensibilisation de la population et d’autre part sur les modalités de financement de ces organisations. Pour cela, la politique de santé dispose d’un ensemble de moyens institutionnalisés qui couvrent les champs réglementaires, techniques, économiques, financiers et humains de la protection sociale (Bonnici, 1993).

Dès lors, la politique de télémédecine doit être cohérente avec ces différentes échelles. L’objectif qui lui est attribué est donc l’amélioration de l’état de santé de la population tout en tenant compte de la contrainte budgétaire. Les résultats doivent se mesurer en termes de réduction des inégalités d’accès aux soins, réduction des hospitalisations et augmentation des actes de prévention afin de réduire les mesures curatives. Pour cela un programme d’action est mis en place et un agenda de politique publique est créé. C’est ce qu’il convient de présenter.