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Des systèmes de santé aux systèmes de télémédecine

Du système complexe de télémédecine à la forme de l’intervention de l’État

Chapitre 1 Construction d’un cadre analytique des systèmes de télémédecine 21Construction d’un cadre analytique des systèmes de télémédecine21

2. Caractérisation des éléments du système de télémédecine

2.3. Des systèmes de santé aux systèmes de télémédecine

Nous venons de mettre en évidence les limites de la littérature existante sur l’analyse de la télémédecine en tant que pratique institutionnalisée. Nous élargissons alors le champ des recherches afin de trouver de nouvelles pistes méthodologiques de caractérisation de la configuration institutionnelle de la télémédecine. Nous nous tournons vers les travaux réalisés sur les systèmes de santé.

De la même manière que l’OMS définit la télémédecine, l’organisme rattaché à l’ONU en vue de coordonner la santé mondiale, caractérise ce qu’est la santé : « La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »28. L’organisation donne également une définition d’un système de santé : « Le système de santé est l’ensemble des organisations, des institutions, des ressources

et des personnes dont l’objectif principal est d’améliorer la santé »29. Un système de santé inclut donc les moyens organisationnels et stratégiques mis en place par pays, par zone géographique ou entité communautaire, afin d’assurer une continuité et une qualité des prestations de santé. Il réunit toutes les organisations, institutions et ressources qui interviennent en matière de santé et qui fournissent des soins formels ou informels. Le modèle organisationnel du système de santé, dont la finalité est la production de bonne santé s’inscrit donc dans une analyse de complémentarité institutionnelle. Dès lors, les frontières du système de santé sont difficilement traçables et dépendent des différents contextes nationaux (Or, 2009). Il en va de même pour la télémédecine. Prendre en considération l’environnement institutionnel revient à considérer l’impossibilité de créer un modèle canonique.

Contrairement à la télémédecine, une définition de référence existe pour le système de santé. L’OMS définit également qu’« un bon système de santé est avant tout celui qui

contribue à instaurer un bon niveau de santé » (OMS, 2000, p.28) et qu’« il existe probablement un niveau minimum de dépenses qui permet de fournir à toute une population un petit nombre de services particulièrement rentables » (OMS, 2000, p.29). Une vaste

28 Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé à New York les 19-22 juin 1946 et entré en vigueur le 7 avril 1948.

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littérature s’interroge alors sur la meilleure façon de mesurer l’état de santé d’une population et la construction d’indicateurs pertinents permettant d’en rendre compte (Murray et Frenk, 2000 ; Ovretveit, 2001 ; Wendt, 2014 ; Wendt, et al., 2009). Pourtant, malgré l’existence d’une définition a priori consensuelle de la bonne santé, sa caractérisation effective reste en débat30.

Ceci n’empêche toutefois pas la réalisation de comparaisons des systèmes de santé au regard de leur capacité à produire de la bonne santé et de l’efficience du système. Deux grandes approches coexistent : une approche relativement simple proposée par l’OMS et applicable à un grand nombre de pays et une approche plus complexe, développée récemment par l’OCDE mais pour un champ restreint de Pays. Il ne s’agit pas pour notre analyse de retenir les modalités d’évaluation mais de comprendre la construction des indicateurs. Nous présentons successivement l’approche de l’OMS puis celle de l’OCDE.

L’évaluation et le classement des systèmes de santé réalisés par l’OMS, qui serviront par la suite de supports privilégiés dans la littérature, reposent sur deux groupes d’indicateurs. Le premier constitue une évaluation de la bonne santé d’une population (indicateurs de niveau général de santé et de distribution de la santé dans la population) et le second repose sur la mesure des dépenses de santé (indicateur de répartition de la contribution financière). Les comparaisons des systèmes de santé réalisées par l’OMS sont ainsi établies au regard de deux éléments : les niveaux de bonne santé et de dépenses de santé. Pourtant, nous avons mis en évidence que l’OMS définit un système de santé comme intégrant davantage d’éléments, en particulier les producteurs de soins, mais aussi des organisations et institutions. Ces critères disparaissent des modalités de comparaison des systèmes de santé, qui sont évalués en termes de bonne santé et des engagements monétaires contreparties de la production de santé.

Les travaux de l’OCDE, quant à eux, reposent sur une définition plus large de la bonne santé que celle retenue par l’OMS. En effet, dans sa mesure de la performance d’un système de santé, l’OCDE intègre dix indicateurs médicaux et dix indicateurs non médicaux de mesure de l’état de santé (Paris, et al., 2010). Ces indicateurs diffèrent de ceux retenus par l’OMS pour définir la bonne santé. Par ailleurs, quinze indicateurs de qualité des soins, sept d’accès aux soins et sept de coûts et de dépenses de santé intègrent également la mesure de la performance des systèmes. Les ressources humaines et les activités de soins sont également mesurées pour construire la comparaison (OCDE, 2013).

30 La bonne santé ne résulte pas seulement du système de santé lui-même, mais aussi d’un ensemble de facteurs environnementaux, lié à l’alimentation, à l’éducation, etc. (Joumard, et al., 2008)

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L’OCDE cherche alors à relier la performance d’un système de santé aux caractéristiques institutionnelles propres à chaque pays, afin de tenter de dégager un type d’institutions qui serait plus à même de soutenir la performance du système. Les travaux de l’OCDE se rapprochent donc davantage d’une analyse de la configuration institutionnelle du système. La classification des systèmes en fonction de leurs institutions, proposée par l’OCDE, repose sur une dimension principale : l’organisation du système de santé y est réglée soit par le marché, soit de façon hiérarchique à travers une organisation largement publique. L’OCDE intègre également les modalités assurantielles de couverture des frais de santé, ainsi que la liberté de choix du patient en rendant compte de la force des pratiques de gatekeeping.

Pour rendre compte de la performance d’un système de santé, l’OCDE met en perspective les différentes configurations institutionnelles des systèmes avec leurs capacités respectives à produire de la bonne santé. Il apparaît néanmoins que les pays les plus performants ne relèvent pas des mêmes configurations institutionnelles. Dans chaque idéal-type de configuration se trouvent des pays efficients et des pays qui le sont moins. Il n’existe donc pas un modèle organisationnel de performance unique, mais a contrario, un nombre important de facteurs externes qui explique les résultats de chaque pays. Ce résultat suggère de tenir compte d’un ensemble de variables institutionnelles intrinsèques, qui a une incidence directe sur le fonctionnement du système et dont l’évolution est confrontée à un degré de dépendance au sentier variable selon les systèmes (André, 2015 ; Palier et Bonoli, 1999). Ainsi, cette typologie, axée sur des composantes institutionnelles des systèmes de santé, suggère que la convergence vers un modèle unique de performance est un argument à nuancer et qu’au contraire, la diversité institutionnelle doit être intégrée dans la perspective d’une caractérisation du système de télémédecine. Cette diversité est caractéristique des différents systèmes de santé. Les pratiques de télémédecine peuvent ainsi s’inscrire dans des environnements variables, dont l’influence sur la pratique doit être caractérisée.

Les comparaisons des systèmes de santé réalisées par l’OMS et l’OCDE ne caractérisent donc pas le système de santé de la même façon. Si les deux comparaisons coexistent et apportent des éléments de caractérisation des systèmes de santé, elles ne sont toutefois pas comparables. Non seulement parce qu’elles mesurent la bonne santé différemment, mais surtout parce que les éléments retenus pour caractériser le système diffèrent. Elles nous enseignent toutefois que la caractérisation du système peut être réalisée à partir du moment où deux éléments sont réunis : (i) une définition de l’objet que l’on cherche à comparer est précisément donnée, (ii) le champ du système dans lequel cet objet s’insère est

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clairement délimité. Forts de ces enseignements, nous proposons dans la section suivante de définir le système de télémédecine.