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Le but de notre thèse est d’apporter des éléments de compréhension au faible déploiement de la télémédecine en questionnant la cohérence de la politique de télémédecine et de ses supports théoriques, avec le comportement des acteurs concernés et avec son environnement institutionnel. Notre analyse est réalisée en trois temps, correspondant chacun à une partie distincte de la thèse.

Partie 1 : Du système complexe de télémédecine à la forme de l’intervention de l’État

La première partie de la thèse cherche à confirmer que la politique de télémédecine joue un rôle dans le développement de la pratique. Pour cela, il nous est nécessaire de comprendre le périmètre d’application de la télémédecine. À cet effet, nous cherchons donc à caractériser le système de télémédecine et son modèle organisationnel, dans son articulation

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au contexte institutionnel de la pratique. En second lieu, nous nous attachons à rendre compte de façon détaillée des modalités de mise en œuvre de la politique française de télémédecine et de la stratégie de déploiement qui en découle. Nous cherchons ensuite à identifier les rapports de force à l’origine du blocage du développement de l’activité.

Le chapitre 1 se focalise sur la construction d’un cadre analytique du système de télémédecine. Jusqu’à présent, aucune étude ne s’est, à notre connaissance, attelée à caractériser le modèle organisationnel d’un système de télémédecine alors même que des études comparatives sont menées à différentes échelles locales, nationales et internationales et que des recommandations sont faites pour améliorer le développement en France à partir de ces études. La définition d’un système de télémédecine nous semble pourtant être un prérequis indispensable à toute analyse sur le sujet. Une large partie de ce premier chapitre est donc consacrée à la détermination de la configuration institutionnelle de la pratique, qui doit aboutir à la constitution d’une grille analytique du système de télémédecine.

Une fois cette caractérisation réalisée, il est ensuite possible de comparer les systèmes de télémédecine entre eux, à l’échelle internationale, afin d’expliquer les différences de développement. La suite du chapitre est alors consacrée à l’identification des forces et faiblesse des différents modèles nationaux. Cette identification doit nous permettre d’exclure l’hypothèse selon laquelle le développement de la pratique est indépendant de la politique qui y est associée.

Le chapitre 2 a pour objectif d’analyser l’évolution des relations de production permises par la technologie et d’examiner la façon dont s’est construite la politique française de télémédecine autour de cette évolution technologique. Nous pointons que l’institutionnalisation de la télémédecine, vient modifier les arrangements institutionnels antérieurs, constitutifs des premiers projets de télémédecine. En effet, avant la loi HPST, la télémédecine est considérée dans le droit français comme un outil technologique. L’institutionnalisation lui confère un nouveau statut, celui d’un modèle organisationnel de production de soins et elle introduit de nouvelles formes d’échanges. Pour en rendre compte, nous caractérisons la manière dont l’évolution des technologies de la santé a rendu possible l’introduction des principes du référentiel de marché dans la gouvernance de la télémédecine. En effet, c’est bien parce que la technologie permet de modifier les relations de production et les modes de coordination entre acteurs qu’il est possible de transformer les modalités de régulation. Nous analysons alors la construction des expérimentations de l’article 36 de la loi

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de financement de la sécurité sociale pour 2014, qui représentent le plan d’action du comité national de pilotage de la télémédecine et renseignent sur la stratégie suivie par la puissance publique pour faire de la télémédecine un outil de « modernisation » de l’action publique.

Partie 2 : Les rapports de force dans le déploiement de la télémédecine : analyse des trajectoires de l’action publique

Suite à la présentation des fondements de la politique de télémédecine, nous cherchons à caractériser le modèle productif de l’action publique qui en découle, ce qui nous permettra de déterminer les rapports de forces qui émanent de la mise en place de ce modèle de gouvernance.

Le chapitre 3 propose une analyse détaillée du New public management en tant que

modèle productif de l’action publique. Le New public management est alors caractérisé de modèle productif hybride de l’action publique et trouve ses fondements dans le référentiel de marché. L’objectif de ce chapitre est de présenter, d’une part, le concept théorique de modèle productif hybride et de montrer en quoi le New public management peut être qualifié ainsi. D’autre part, nous cherchons à détailler les supports théoriques communs sur lesquels repose la construction des différents modèles hybrides du New public management. Si les gestionnaires défendent l’idée du free to manage, le New public management puise en réalité ses racines dans les théories économiques standards et standards étendues.

Le chapitre 4 montre ensuite en quoi le modèle de gouvernance du déploiement de la

télémédecine, issu de l’article 36, est un modèle productif hybride de l’action publique sectorielle. La caractérisation de ce modèle productif hybride permet d’identifier les trois objectifs qu’il doit atteindre pour mettre en œuvre un système performant de télémédecine : (i) participer à l’organisation du transfert de compétences entre la médecine de ville et la médecine hospitalière, (ii) instaurer de nouvelles formes de rémunération et (iii) mener une évaluation de la performance de la pratique. Selon le niveau d’atteinte de ces objectifs, différentes trajectoires sont envisageables pour le modèle productif hybride de l’action publique en faveur de la télémédecine. L’évolution actuelle du déploiement laisse alors entendre l’échec du modèle.

Le chapitre 5 vise à caractériser les rapports de force qui expliquent la trajectoire du

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régulation et de coordination de l’activité télémédicale. En mobilisant le cadre analytique de l’Économie des conventions, nous mettons en évidence les différentes représentations du bien commun et les interprétations des modalités de coordination partagées par les individus qui composent les organisations en charge des différentes échelles de régulation de l’activité. L’échelle de régulation externe, composée du comité national de pilotage, de la puissance publique et des ARS s’inscrit dans une logique d’action qualifiée d’industrielle marchande alors que la régulation interne, composée des représentants des professionnels de santé, est quant à elle rattachée à une logique d’action décrite comme professionnelle. Compte tenu des divergences de représentation du modèle de coordination jugé comme légitime entre ces différentes échelles de régulation, l’organisation de la télémédecine ne semble pas soluble dans le modèle productif hybride du New public management.

Partie 3 : L’efficacité des dispositifs de régulation du déploiement de la télémédecine à l’épreuve de la motivation professionnelle des médecins

Malgré les échecs successifs des expérimentations de déploiement, le comité de pilotage national semble pourtant poursuivre la même ligne directrice depuis 2011. Afin de résoudre les conflits de représentation entre la profession médicale et les institutions en charge du déploiement de la télémédecine, ces dernières proposent d’inciter de différentes façons les médecins à adhérer à la pratique de la télémédecine.

Cette troisième partie discute des conséquences de l’introduction de ces dispositifs incitatifs sur la qualité de la production télémédicale et propose une analyse empirique de leurs incidences sur les motivations professionnelles des médecins libéraux. Ces résultats permettront de tirer des conclusions sur l’auto-entretien par la politique publique des échecs du déploiement de la télémédecine.

Le chapitre 6 analyse la façon dont les institutions en charge du déploiement de la

télémédecine traitent les conflits de représentation entre les acteurs de la télémédecine. En mobilisant les enseignements croisés de travaux en économie de la santé et en psychologie cognitive, nous mettons en évidence l’inefficacité, voire la contre-productivité des différentes formes d’incitations que souhaite utiliser le comité de pilotage du déploiement de la télémédecine. Ce comité ne semble toutefois pas en mesurer les conséquences, ce que nous expliquons par les postulats théoriques sur lesquels il fonde sa stratégie, les théories économiques standard. Dans ce cadre analytique, l’individualisme et la cupidité de l’individu

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l’emportent systématiquement sur l’altruisme et les valeurs professionnelles. Le comité de pilotage de la politique de télémédecine ne possède, dès lors, pas une vision complète de la population médicale et de ses logiques d’action. Pourtant, la dégradation du cadre motivationnel des médecins par des incitations peut aboutir à des effets opposés à ceux souhaités par le comité de pilotage.

Le chapitre 7 a pour objectif d’éclairer empiriquement les enseignements issus de la

littérature mis en évidence dans le chapitre précédent. Il est construit à partir d’une enquête réalisée auprès des médecins libéraux de Champagne-Ardenne et d’Île-de-France.

Trois principaux enseignements sont tirés de cette analyse empirique. Le premier renvoie à la caractérisation du profil-type du médecin utilisateur de télémédecine et de la mise en évidence des éléments qui déterminent l’acceptation de la pratique par les médecins. Le deuxième porte sur la mesure de la motivation des médecins qui ont répondu à l’enquête. Enfin, le troisième concerne l’existence d’un lien entre le niveau de motivations autonomes (dont font partie les motivations intrinsèques) et les mécanismes de régulation de l’activité médicale. Ces différents résultats sont ensuite discutés.

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