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De 1964 à 1971 : République Démocratique du Congo De 1971 à 1997 : République du Zaïre

4 PROBLÈMES D'INADÉQUATION THÉMATIQUE

4.4. Un signe révélateur:

la résurgence des Églises Indépendantes et des sectes

La naissance des Églises indépendantes et des sectes au Congo est due à plusieurs facteurs. D'une manière générale, elle s'explique par le fait que les Églises dites missionnaires se sont montrées étrangères à la culture de l'homme congolais, et par conséquent, incapables de répondre aux besoins spirituels des congolais. Cela touche directement la liturgie qui nous occupe.

4.4.1. Face à l'incapacité "chronique" des Églises institutionnalisées: les Églises Indépendantes et le Kimbanguisme

Depuis les générations les plus reculées, le congolais a des problèmes réels qui le préoccupent. Toute sa vie est une lutte pour y trouver des solutions. C'est la sorcellerie, la présence des esprits maléfiques, pour ne citer que cela. La sorcellerie nuit à la santé, à la propriété de l'homme et peut même mettre fin à la vie de celui-ci. Les esprits maléfiques ont aussi les mêmes objectifs. C'est cela qui justifient la fréquentation des devins, le culte aux Ancêtres et même la recherche de Dieu. Toutes ces démarches visent d'abord à protéger contre ces ennemis de l'homme.

Mais les missionnaires, une fois arrivés au Congo, ont négligé ces problèmes, les qualifiant d'imaginaires, de superstitieux. Voyant qu'ils étaient en face d'un problème réel auquel l'Église était incapable de trouver une solution et tout en combattant les dispositions ancestrales établies pour se protéger contre ces fléaux, certains Congolais ont pu créer des Églises dites indépendantes, notamment le Kimbanguisme. Bazola est éloquent à ce sujet:

On sait jusqu'à quel point les missionnaires catholiques et protestants se sont acharnés à la destruction des fétiches. Ils se sont contentés de nier l'existence des "Ndoki"28, sans extirper positivement cette croyance. Kimbangu avait aussi ordonné la destruction des fétiches. Mais il ne s'est pas contenté de cette mesure purement négative. Il a mis à la disposition de ses adeptes un pouvoir divin pour écarter l'influence maléfique des

"ndoki".29

Simon Kimbangu est le fondateur du Kimbanguisme, l'une des plus grandes Églises indépendantes en Afrique fondée en République Démocratique du Congo en 1921. La citation donnée ci-dessus montre comment le Kimbanguisme s'est préoccupé des problèmes réels de l'homme congolais. Aujourd'hui, cette Église s'est étendue jusqu'à dépasser les frontières de l'Afrique. Elle pourrait probablement être présente dans les cinq continents du globe.

Le Kimbanguisme est également né du sentiment nationaliste de son fondateur. Les Congolais n'avaient en effet aucun apport à l'édification de l'Église dite officielle ou missionnaire. Toutes les initiatives devaient venir de l'Occident qui, selon l'opinion de l'époque, était le seul détenteur de la vérité. Simon Kimbangu a voulu montrer que Dieu peut aussi utiliser les Africains pour l'édification de son Église. Il se dressait également contre les injustices des colonisateurs envers les Congolais, et même contre la complicité de certains missionnaires avec les colons belges pour écraser les noirs. C'est pourquoi, Simon Kimbangu a été relégué à la prison au Katanga, où il est mort martyr en 1953.

4.4.2. La prolifération des sectes

L'échec de l'évangélisation missionnaire a poussé les Africains en général, et les Congolais en particulier, à fonder des mouvements religieux locaux plus proches de leurs visions du monde. En créant ces mouvements religieux, les différents prophètes fondateurs visaient la restauration d'une société harmonieuse dont l'équilibre était rompu par !'interdiction de certains aspects culturels jugés superstitieux par le Blanc et par l'imposition d'un nouveau mode de vie n'ayant aucun rapport 28 "Ndoki" est un mot lingala qui signifie sorcier.

avec la vie réelle des habitants. Il fallait donc rééquilibrer la société congolaise. Plus précisément, on voudrait faire disparaître les conflits causés par les Blancs et qui opposent leurs auxiliaires aux autres, restaurer le culte des Ancêtres et de l'Être Suprême, éliminer la sorcellerie considérée comme cause première de tous les maux tels que les épidémies, les mauvaises récoltes, la stérilité des femmes,... et surtout la mort.

Ces mouvements religieux ont donné du fil à retordre à !'administration coloniale. L'administration a pris des mesures diverses: relégation, emprisonnement, expédition punitive, abolition par la loi, etc. (v.g. le cas du prophète Kimbangu Simon). Cependant, au lieu de contenir ces mouvements, toutes ces mesures ont plutôt contribué à raffermir la foi des adeptes et à les répandre sous d'autres deux. Aujourd'hui encore, certains mouvements sont donc devenus des Églises véritables parce que le message évangélique qu'ils donnent est bien compris et vécu par les autochtones et leur célébration liturgique est attirante et vivante.

R. De Haes confirme que: "La décadence de la civilisation et de sa religion officielle a favorisé l'éclosion des sectes, de même que la profonde mutation socio-culturelle et la crise économique que nous vivons aujourd'hui n'est pas étrangère à la prolifération actuelle des sectes"30.

À l'exemple de ces Églises indépendantes et de ces sectes, il faut que le message tiré de la Bible et la liturgie soient en rapport avec la situation du milieu ou du terroir. Car il est impensable de rabattre les oreilles à quelqu'un qui a faim en insistant sur la parousie du Christ. Il faut plutôt lui présenter Jésus-Christ comme celui qui peut apporter la solution qu'il faut contre la faim, la maladie, la pauvreté, etc. C'est pourquoi, après avoir été à l'Église, devenu comme un passe-temps favori, l'on se retrouve chez le féticheur ou le devin pour tenter de conjurer le malheur qui s'abat sur la famille ou sur l'individu. Le message doit être enraciné pour produire des chrétiens convaincus. Dans les sectes, en effet, la chaleur humaine lors de l'accueil, le partage des peines, le soutien matériel et psychologique en cas de problème, la présence des autorités qui guident avec assurance, le message lié aux circonstances du moment, le lien avec les valeurs culturelles du pays ... sont, parmi d'autres, des avantages indéniables qu'on reconnaît aux sectes.

On a aussi compris que le message évangélique qui était donné, au heu de se concilier les cultures et l'âme du fidèle, les combattait dans l'intention de les remplacer par les cultures des prédicateurs et cela déchirait l'âme du fidèle. D'où la superficialité du message évangélique. L'Église, toutes dénominations confondues, est l'Église européenne ou occidentale en Afrique, au Congo. En effet,

les sectes ont appris à exploiter les faiblesses des Églises dites officielles, notamment, l'Église catholique romaine et les Églises protestantes ayant leur direction dite "Église-mère" en Occident. 4.4.3. Les raisons d'un succès

Différents facteurs tant du succès des Églises indépendantes que de la prolifération des sectes peuvent être identifiés. Rappelons-en quelques-uns qui nous intéressent ici plus spécialement. a) Il y a le manque de temps suffisant, dans les Églises institutionnalisées, pour la prière qui se fait hâtivement et d'une manière formelle. Le culte se transforme en une routine qui, par conséquent, devient ennuyant. Or les gens veulent aller là où l'on prie avec détermination contre les mauvais esprits et d'autres embûches que tend le malin. Ces fidèles sont découragés voire dégoûtés de leurs anciennes Églises, incapables d'apporter des solutions à leurs besoins cités ci-dessus. Aujourd'hui, les fidèles veulent expérimenter manifestement la puissance de Dieu.

b) Le manque de vivacité est aussi la cause de désertion de beaucoup de fidèles de leurs Églises vers les sectes. En effet, le fait de ne laisser aucune initiative locale dans la liturgie ne permet pas aux fidèles d'adorer Dieu comme il se doit ou comme ils le souhaitent. Un programme figé, où les mêmes points apparaissent chaque dimanche, ne peut que fatiguer ceux qui voudraient exprimer à leur manière leurs besoins devant Dieu. Ces fidèles sont donc obligés d'aller prier là où ils trouvent le dynamisme, la vivacité pour une adoration à la manière africaine.

c) Il y a le manque d'intégration des fidèles dans le ministère des Églises officielles traditionnelles où il existe une nette séparation entre les laïcs et les membres du clergé. Ces derniers sont souvent censés bien placés pour exercer toutes sortes d'activités dans l'Église. Les laïcs sont condamnés à demeurer spectateurs. Or tout chrétien voudrait se voir confier une tâche au sein de la communauté. Les sectes, quant à elles, ont découvert ce secret. Dès qu'un nouveau membre arrive, on lui réserve d'abord un accueil chaleureux. Puis, après quelques temps, il se voit directement impliqué dans les activités de la communauté: prier, visiter des malades, collecter les offrandes, compter les offrandes, lire les passages bibliques, etc. Un esprit de solidarité et d'hospitalité se crée, on subvient aux besoins du nécessiteux. Le témoignage se répand et on voit venir d'autres membres. Aujourd'hui, on ne sait plus dénombrer les sectes et les Églises Indépendantes qui pullulent dans les villes congolaises et dont la plupart tirent leur origine des États-Unis d'Amérique. Cette situation des Églises Indépendantes et des sectes n'est pas sans influencer la liturgie des Églises dites institutionnalisées: l'envie d'imiter la vivacité de ces Églises Indépendantes; la recherche de conditions plus humaines qui savent davantage concilier les cultures et l'âme des fidèles; etc. À