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De 1964 à 1971 : République Démocratique du Congo De 1971 à 1997 : République du Zaïre

1 LES FONDEMENTS DOCTRINAUX DE LA LITURGIE ANGLICANE

1.2. Les bases de l'autorité doctrinale

"Il n'y a pas de doctrine théologique spécifiquement anglicane, comme ce fut le cas de Luther, Calvin ou Zwingli. L'Église anglicane enseigne toutes les doctrines de la foi catholique telles qu'on les trouve dans l'Écriture Sainte, telles qu'elles sont résumées dans le Symbole des Apôtres, dans le Symbole de Nicée-Constantinople et le Credo de saint Athanase, et telles qu'elles ont été exposées dans les décisions des quatre premiers conciles généraux de l'Église non divisée"9.

Cette citation de Stephen Neill montre bien que l'Église anglicane puise ses doctrines dans les Écritures Saintes et la Tradition appuyées par la Raison. L'Église anglicane a toujours basé l'expression de sa foi sur la combinaison de ces trois sources principales d'inspiration que Hooker compare - en s'inspirant d'un passage de l'Ecclésiaste - à un "cordon à trois brins qui ne peut se briser de sitôt" (4: 12).

Dès la fin du 16e siècle, Richard Hooker établit ce "cordon à trois brins qui ne peut se briser de sitôt": Écriture-Raison-Tradition qui allait devenir la marque de l'anglicanisme classique. Par la suite, certains théologiens placeront la Tradition avant la Raison, mais ce triple critère restera de toutes façons la base de l'autorité doctrinale.10

Prenant un exemple issu de l'Afrique, nous considérons ces trois sources comme les trois pierres d'un foyer pour faire la cuisine. Si l'une de ces trois pierres ne tient pas, il y a bien des chances que la casserole se renverse sur le feu. Les Anglicans voudraient ainsi tenir ensemble - quoi qu'elles soient d'importance inégale - ces trois sources d'inspiration pour une doctrine juste et équilibrée.

8 ANDRONIKOF, C., Le sens de la liturgie, Paris, Cerf, 1988, p. 9. 9 NEILL, S., op. cit., p. 370.

1.2.1. Les Écritures S aintes

L'Écriture constitue le fondement principal de la doctrine de l'Église anglicane. Elle est l'autorité suprême en matière de doctrine et, ni la Tradition, ni la Raison ne sauront la remplacer. La Parole révélée de Dieu enseigne toutes les vérités au sujet de la relation entre Dieu et l'homme en ce qui concerne le salut du monde. En présentant le résumé de la foi anglicane, la Conférence de Lambeth de 1888, dans sa résolution 11 qui a repris le document appelé "Quadrilatère de Chicago" de 1886, stipule: "La Sainte Écriture de l'Ancien et du Nouveau Testament contient toutes choses nécessaires au salut et est la règle et la norme ultime de la foi"11.

La liturgie de l'Église anglicane, telle qu'on la rencontre dans Le Livre de la Prière Commune, a abondamment puisé ses prières et ses chants, ses sacrements et ses cérémonies dans les passages bibliques qui forment le poumon même du culte anglican. Depuis quatre siècles, l'Église anglicane travaille ainsi hardiment pour la traduction de la Bible dans plusieurs langues locales en vue de remettre entre les mains des chrétiens une bonne traduction pouvant les aider à acquérir une foi responsable et pour une bonne adoration. Elle encourage chacun de ses membres à posséder sa propre Bible et les invite constamment à la lecture et à la méditation. Les groupes d'études bibliques sont aussi grandement encouragés au sein de l'Église anglicane qui tient beaucoup à ce que les chrétiens comprennent la Parole de Dieu pour leur édification personnelle et celle des autres.

Les Anglicans affirment ainsi que la Parole de Dieu doit continuer à être proclamée au temps présent, et l'Écriture doit être interprétée de façon à s'adresser aux auditeurs dans leur situation actuelle. Depuis le 17e siècle, les Anglicans ont affirmé que les Écritures doivent être comprises et lues avec l'éclairage de la Tradition et de la Raison.

1.2.2. La Tradition

Pour l'Église anglicane, la Tradition désigne plus particulièrement l'enseignement des Pères de l'Église appelés aussi Pères apostoliques. L'Église s'attache à leurs enseignements pour les raisons suivantes. D'une part, la plupart d'entre eux ont été les témoins oculaires des Apôtres de qui ils ont reçu le témoignage encore frais de la vie, de la mort et de la résurrection de notre Seigneur Jésus. Ils se sont révélés de leur vivant, les défenseurs de la saine doctrine (Didachè, Prières

11 Le Livre de la Prière Commune selon l'Église Épiscopale, New York, Church Pension Fund, 1983,!). 727.

eucharistiques ou Anaphores, Credo, etc.). D'autre part, la vie des Pères de l'Église est elle-même édifiante. Leur dévouement pour la cause du Christ témoigne de leur fidélité à la Parole de Dieu. Certains d'entre eux sont morts martyrs pendant la persécution des chrétiens (Polycarpe de Smyrne: 69-156; Ignace d'Antioche: 67-110; Justin: 100-165; etc.).

Par Tradition, l'Église anglicane entend également les lois, coutumes, rites, etc. acquis au cours des âges et qui sont des compléments indispensables pour la bonne compréhension de l'Écriture et pour une bonne adoration. Ces lois, coutumes, rites, etc. se réfèrent d'une certaine façon à l'Écriture proprement dite, car ils reflètent la tradition, le message, la foi telle que présentée aux saints Pères de l'Église sous !'inspiration de l'Esprit Saint. "Il ne faut pas changer les anciennes lois, rites et coutumes sans nécessité urgente"12. La Tradition reste une des pierres de touche de la vérité religieuse. Elle ne doit pas être interprétée comme une simple accumulation de formules et de textes, mais plutôt comme une pensée vivante, le centre intellectuel de l'Église.

Comme le souligne le Rapport de Virginie·, "l'appel anglican à la tradition est l'appel à cette vision de l'Église issue du culte, de l'enseignement et de la vie de l'Église remplie de Saint-Esprit"13. L'Église anglicane se propose ainsi de ne pas les changer à tous vents, s'ils ne présentent pas d'inconvénients sérieux pour le temps présent. Cependant la Tradition ne peut être imposée comme une loi immuable à toutes les situations futures de l'Église. Elle reste soumise à l'appréciation de l'Écriture et de la Raison. L'Église peut y apporter des changements si cela s'avère nécessaire.

1.2.3. La Raison

L'Écriture Sainte peut parfois n'être pas bien comprise malgré les lumières naturelles de l'homme. Les lumières de la Raison sont alors nécessaires. Les Anglicans soulignent donc ici la place de la Raison car ils voudront amener les gens à la foi par conviction, comprendre en quoi et pourquoi ils doivent croire: c'est la foi en quête d'intelligence - fides quaerens intellectum.

11 ne s'agit pas de la raison comme on l'entendait au siècle des Lumières (18e s.), mais de la "droite et divine raison" qui permet à l'homme de comprendre les choses de Dieu, qui éclaire le sens de certains passages obscurs de l'Écriture. L'Église étant la gardienne et l'interprète de l'Écriture Sainte, elle ne doit enseigner comme nécessaire pour le salut éternel que ce qui peut être conclu et

12 MARTINEAU, S., op. cit., p. 50.

prouvé par l'Écriture et pour cela, le recours à la "droite et divine raison" est nécessaire. La Raison comme la Tradition contribuent ainsi à une bonne interprétation de l'Écriture.

La Raison dont il s'agit ici renvoie à la capacité des êtres humains de symboliser ainsi que de partager et de communiquer leur expérience. "L'approche typiquement anglicane de vivre l'inter- relation dynamique des Écritures, de la tradition et de la raison signifie que la volonté de Dieu doit sans cesse être discernée de nouveau, non seulement selon l'époque, mais dans son contexte"14. Cela dit, il y a une connexion claire entre ces trois sources d'inspiration doctrinale et les trois principaux courants théologiques qui caractérisent l'Église anglicane: les Évangéliques mettent l'accent sur l'autorité de l'Écriture, les Anglo-catholiques mettent l'accent sur la Tradition et les Libéraux préconisent que la foi doit être raisonnable. Cela ne signifie cependant pas que chaque courant de l'anglicanisme reconnaisse uniquement une sorte d'autorité aux dépens des autres, mais la différence dépend de la manière dont chaque groupe comprend et cherche à établir l'équilibre entre l'Écriture, la Tradition et la Raison.

1.2.4. Documents-témoins de la foi

Le principal fondement des enseignements de l'Église anglicane reste les Saintes Écritures. Mais on retrouve également des rudiments de la doctrine extraite des Écritures, dans d'autres textes et documents de l'Église. Nous pensons aux documents ci-après:

a) Les symboles de foi. Les symboles de foi constituent les résumés des croyances fondamentales sur Dieu. L'Église anglicane utilise le Symbole des Apôtres, qui est "l'ancienne profession de foi du baptême". Il est employé dans les prières quotidiennes. Π rappelle l'alliance avec Dieu lors du baptême. C'est en quelque sorte un rappel du serment fait lors du baptême. Quant au Symbole de Nicée-Constantinople, c'est "la profession de foi de l'Église universelle". Il a été formulé au concile de Nicée en 325 pour régler la question doctrinale liée à la nature de Jésus dont la divinité était contestée par Arius, un prêtre d'Alexandrie. Il met l'accent sur la divinité et la préexistence étemelle de Jésus (cf. Évangile de Jean 1: Iss). Il a été complété et précisé par le concile de Constantinople en 381. À ces deux Symboles, il faut ajouter celui de saint Athanase ou Quicumque Vult qui est un ancien document proclamant la nature de l'Incarnation et la Trinité de Dieu; actuellement, il est de moins en moins utilisé dans l'Église anglicane.

b) L'enseignement des quatre Conciles oecuméniques. Il s'agit des premiers Conciles de l'Église tenus au cours des quatre premiers siècles. Ces assises avaient pour objet de lutter contre les hérésies qui menaçaient alors la doctrine de l'Église. Ils ont ainsi permis de fixer la doctrine chrétienne telle qu'elle a été transmise par les Apôtres. Les dits Conciles se sont déroulés alors que l'Église n'avait pas encore connu de division. Il s'agit du concile de Nicée en 325, dont nous venons de parler; du concile de Constantinople en 381, tenu pour trancher la question de l'hérésie dite "apolinarisme"; du concile d'Éphèse en 431, qui s'est penché sur la querelle nestorienne; et du concile de Chalcédoine en 451, tenu pour trancher la question de l'hérésie eutychéenne. L'Église anglicane enseigne donc toutes les doctrines telles qu'elles ont été exposées dans les décisions de ces quatre premiers Conciles généraux de l'Église non divisée15.

c) Les Trente-Neuf Articles de Religion. Ce document, officiellement accepté en 1571 sous le règne d'Élisabeth I, trouve sa base dans les Quarante-Deux Articles de la Foi élaborés par Cranmer en 1553, minutieusement révisés. Ce document n'est pas un article de foi à l'exemple du Credo. Il ne couvre pas tous les domaines de la doctrine mais seulement ceux en discussion à cette époque. Il fait encore autorité aujourd'hui dans l'Église anglicane, dans certaines régions du globe, mais il ne peut trouver son application totale qu'en Grande-Bretagne.

Beaucoup de ces Articles élaborés pour l'Église d’Angleterre à l'époque de la Réforme ne sont plus valables pour le reste de la Communion Anglicane (tel le serment d'obéissance au Roi ou à la Reine lors de l'ordination). Il convient de noter aussi que beaucoup d'Articles reflètent les controverses sur certains points de la doctrine de Rome et celle des Réformateurs extrémistes. "Ces articles n'ont pas pour objet de proposer une confession de foi totale mais de tirer au clair la position d'une Église qui se donne pour tâche d'être catholique en évitant d'un côté les traditions romaines du bas moyen âge et de l'autre les excès des Anabaptistes"16. Ils avaient ainsi pour but d'éviter les diversités d'opinion au sein de l'Église anglicane et d'établir un consensus concernant la vraie religion. Leur importance sur la liturgie anglicane n'était pas négligeable.

d) Le Catéchisme. Ce catéchisme est "un commentaire des Symboles de la foi qui n'entend pas être un énoncé complet de la foi et sa mise en pratique; c'est plutôt un point de départ pour l'enseignant (...). Ce catéchisme peut également servir à composer un office simple. Son contenu, classé en sous-titres, permet la sélection d'un extrait auquel l'officiant peut, au besoin, ajouter des prières et

des hymnes"17. Il s'agit là d'un document aussi important qu'obligatoire dans l'Église anglicane car pour le baptême des adultes et pour la confirmation, les candidats doivent nécessairement faire la preuve qu'ils ont pris connaissance de son contenu.

e) Le Livre de la Prière Commune. La doctrine de l'Église anglicane se trouve essentiellement dans Le Livre de la Prière Commune - The Book of Common Prayer qui est le seul document officiel pour le culte anglican. Originellement, "avec le Prayer Book, un seul livre remplaçait bréviaire, missel, livre des coutumes; il était destiné au clergé comme aux fidèles et, rédigé dans la langue du pays, il permettait à tous de suivre les offices"18. L'importance de ce livre vient entre autres du fait que désormais il y un seul et unique livre pour le prêtre et pour les fidèles

Il en va toujours de même, étant par ailleurs entendu que, surtout à partir des années '60, il y a eu un intense mouvement de révision de ce livre et que de nouveaux livres ont été produits portant le titre Book of Common Prayer ou Alternative Book (cf. v.g. The Book of Common Prayer, Episcopal Church of USA, 1979; The Alternative Service Book 1980, Church of England; The Book of Alternative Services, Church of Canada, 1985; etc.). Même si des changements considé- rabies peuvent avoir été apportés à sa teneur et à sa structure, ce livre est demeuré substantiellement identique: tout anglican se reconnaît dans la célébration. Ce livre reflète l'importance qu'un Anglican attache à l'Écriture, à la Tradition et à la façon dont il vit et célèbre sa foi.

Si le Livre de la Prière Commune est pratiquement unique, son utilisation voire même la compré- hen si on de ses textes diffèrent souvent d'un courant théologique à l'autre. L'Église anglicane est, en effet, caractérisée par différents courants théologiques comportant parfois une nette distinction des pensées théologiques et doctrinales et de la pratique liturgique elle-même.