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De 1964 à 1971 : République Démocratique du Congo De 1971 à 1997 : République du Zaïre

3 LE DÉVELOPPEMENT DE LA LITURGIE ANGLICANE AU CONGO

3.2. La révision liturgique au Congo

Après un siècle d'évangélisation, l'Église anglicane du Congo ne possède que des extraits du Livre de la Prière Commune en usage dans la Communion Anglicane. Ces extraits nécessitent une révision sérieuse aujourd'hui pour une liturgie compréhensive, accueillante et vivifiante. En effet, le contenu de ces livres reste souvent étranger au chrétien Congolais, que ce soit sur plan de la richesse linguistique que de la pensée théologique.

3.2.1. Quelques éléments de la révision

En 1997, sous la présidence de Sa Grâce Patrice Njojo Byankya, archevêque de la Province de l'Église anglicane du Congo, il y a eu révision de la liturgie anglicane en swahili du Livre de 1984. Ce travail était préparé et dirigé par le Rév. chanoine Ian Tarrant, missionnaire de la CMS oeuvrant dans le diocèse de Boga, dont le dévouement et la patience étaient remarquables. Chaque diocèse était représenté par son évêque et 3 autres délégués. Ces derniers étaient sélectionnés, non en raison de la compétence mais en raison du besoin qu'on avait d'un évêque, d'un prêtre, d'un laïc masculin et d'une femme. Il n'y avait pas de vrais liturgistes et linguistes parmi les délégués.

Le travail de révision s'est donc surtout penché sur la correction de la grammaire swahili tout en donnant une nouvelle traduction conformément aux textes anglais de Y Alternative Service Book de l'Église d'Angleterre ou le Book of Common Prayer des autres pays comme l'Australie, la

Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud, l'Irlande, le Canada, etc. On a ajouté aussi la traduction des nouveaux textes comme le Symbole de saint Athanase ou les 39 Articles de Religion qui ne figuraient pas dans les extraits précédents. Quoi qu'il en soit, ces documents sont progressivement abandonnés par beaucoup d'autres Églises de la Communion Anglicane qui les jugent actuellement sans importance pour la foi de leurs communautés.

Il a été décidé aussi la permutation interne de certains actes liturgiques sans une explication convaincante. Ainsi les annonces qui venaient après le credo dans les précédents Livres ont été placées tout juste avant l'Évangile, c'est-à-dire entre la deuxième lecture e"t la proclamation de la Bonne Nouvelle. La justification était que cela permettrait aux participants de retourner à la maison avec la Parole de Dieu qu'ils ont entendue sans se laisser distraire par les annonces. Mais si l'on ne veut pas qu'ils rentrent aussi avec les annonces chez eux, à quoi serviront-elles? Les liturgistes avertis préfèrent que les annonces soient faites tout au début du culte, après le Credo ou à la fin du culte avant le renvoi. La confession, qui venait juste avant la Prière eucharistique, a été ramenée au tout début de la messe avant le Gloria in excelsis. Alors que dans la tradition africaine, la coutume est d'écouter d'abord la parole qui sensibilise et donne un plein sens à la confession. Ce travail a ajouté également une seconde Prière eucharistique à l'unique récitée pendant des années, alors que les livres actuels de prière renferment une variété remarquable de Prières eucharistiques.

Aucune allusion n'a été faite à l'inculturation qui est pourtant le travail le plus important entrepris actuellement sur le plan liturgique par beaucoup d'Églises chrétiennes surtout catholique romaine après le concile Vatican Π et la Communion Anglicane après la Conférence de Lambeth de 1958 et après l'injonction de la Conférence de Lambeth de 1988. Le travail de révision liturgique dans l'Église anglicane du Congo a été plus un travail de correction de textes existants que de création de nouveaux textes. Ce travail a une valeur non négligeable car il permettra aux chrétiens de posséder un texte qu'ils comprennent du moins au point de vue de la grammaire et du vocabulaire même si le sens et le fond sont encore difficiles à saisir. Les observations qui ont été faites par le groupe de théologiens réunis à Harare (Zimbabwe) du 27 juillet au 6 août 1991 sont tout à fait valables pour le cas du Congo comme le disait leur communiqué:

Le groupe cependant a observé que les Provinces Anglicanes Africaines ont été lentes pour faire la révision de leurs liturgies. Beaucoup de Provinces ont seulement traduit ou bien le Livre de la Prière Commune de 1662 pu !'Alternative Service Book (nouveau livre d'Angleterre) dans les langues locales. L'Église de la Province du Kenya était citée comme une des rares exceptions, avec la révision présentant des expressions locales dans son service de la Sainte Communion. Les membres ont ainsi mis l'accent sur le besoin pour les Églises anglicanes en Afrique, d'exprimer leur contexte à travers les hymnes, prières et les sacrements comme le baptême en se servant des noms de leur

les noms occidentaux, mêmes bibliques ne sont pas nécessairement chrétiens, mais ils viennent plutôt des contextes particuliers occidentaux ou juifs.78

3.2.2. Les chants religieux

Si l'Église de Boga possède des chants très anglicans vieux de trois ou quatre siècles en lunyoro, l'Église anglicane du Congo n'a jamais traduit les cantiques de la tradition anglicane; elle utilise les chants d'autres traditions (v.g. baptiste, pentecôtiste, presbytérienne, etc.) traduits de l'anglais en langues locales. Comme les gens ne connaissent pas le solfège et que ces chants sont transcrits sans notes, les mélodies sont transformées selon leur bon plaisir ou influencées par la tonalité de leur langue ou de leur dialecte. La mélodie d'un même chant connaîtra donc des variantes d'une église à l'autre selon le ton de la musique locale. Voici la description d'un service religieux avec chants dans une église au Katanga (Congo) par Tim Naish, où l'on trouve le mélange des notes européennes et africaines tous azimuts:

Une fois mon service du dimanche était animé, le chant était un mélange fascinant: traductions en swahili ( faites par l'Église Brethren), chanté avec balancement et rythme qui seulement déguise partiellement l'origine européenne par la mélodie, était parsemé avec des chorus locaux qui se répercutaient avec la vitalité mouvante pour laquelle la musique zaïroise est renommée.79

Comme en témoigne le Livre de la Prière Commune, en swahili ou en lingala utilisés au Congo (États-Unis 1979/1983), certains chants - bibliques ou autres - largement utilisés dans les monastères, gardent leurs titres latins même si Cranmer les avait traduits en anglais et ces mêmes titres latins sont maintenus en langues locales tels que: Venite, Jubilate, Benedictus, Benedicite, Te Deum laudamus, Gloria in excelsis, Magnificat, Nunc dimitís, etc. Cela comporte un avantage évident: si une personne présente ne connaît pas la langue locale mais qu'elle a le livre en mains, elle saura quel cantique l'assemblée est en trait de chanter ou de réciter.

Ces chants, ainsi que les autres mélodies composées pour l'orgue ou le piano ou d'autres instruments de musique occidentaux, ne cadrent pas souvent avec l'aspiration musicale africaine qui est très rythmique et vivante. Ces chants liturgiques ont été composés par des artistes de grand talent et des théologiens comme Charles Wesley (1707-1788) et sont très profonds sur le plan spirituel. Mais la traduction en usage au Congo en amenuise le sens. Quant à la chorale, elle compose des cantiques et les chante seule sans associer la communauté qui assiste alors à une sorte

78 GITARI, D., op. Cit., p. 20.

d'opéra ou de spectacle musical . Ces chants sont souvent condamnés à disparaître avec cette génération car ils ne sont pas transcrits sur la note musicale. L'Église anglicane du Congo est encore loin de composer ses propres chants liturgiques ou d'exécuter correctement ce qui est composé par les autres Églises, par manque de musiciens et de liturgistes de formation.

3.2.3. L'ensemble de la célébration

En ce qui concerne la célébration liturgique, les prêtres, les catéchistes et les chrétiens n'ont que trois livres: a) l'extrait du Livre de la Prière Commune; b) le recueil des chants; c) la Bible dont la traduction dans la langue locale n'est souvent pas claire car le travail de traduction a souvent été fait par des gens ne possédant pas tout le secret de la langue et de la culture locale.

Les responsables ne possèdent ni une bibliothèque ni d'autres livres auxiliaires (v.g. le commen- taire biblique) pouvant les aider à enrichir leur connaissance dans le domaine spirituel et profane. Bs n'ont souvent qu'une seule version de la Bible, ce qui les met dans l'impossibilité de pouvoir comparer les diverses traductions pour en saisir le vrai sens. Ainsi, la Bible swahili-Zaïre (2e éd.) écrit en Jn 14: 6: "Yesu anasema: Mtu hakuji kwa Baba ila kwa mimi = Jésus lui dit: Personne ne vient au Père si ce n'est qu'à moi". C'est toute une théologie qui fait entorse à la vérité.

3.2.4. Les exigences d'une authentique révision

La liturgie anglicane au Congo a connu très peu d'évolution durant un siècle d'existence et la question liturgique n'a jusqu'ici été abordée que d'une manière superficielle. Le Livre de la Prière Commune, le recueil des chants religieux et la Bible, les seuls documents liturgiques en usage dans l'Église anglicane du Congo, nécessitent une révision sérieuse si nous voulons remettre entre les mains des chrétiens des documents liturgiques de valeur pour une bonne adoration.

Pour un bon travail de révision: a) il ne s'agit pas de rejeter toutes les prières préexistantes mais de les rendre comestibles et digestibles par une bonne traduction qui élève les coeurs et les pensées vers Dieu; b) il faut penser à la composition de prières et de chants appropriés s'inspirant du milieu et des religions africaines pour les insérer dans les livres de prières et des chants. "Cette liturgie doit permettre de connaître ce que Dieu est en train de dire dans leur situation; elle doit aussi permettre de répondre comme hommes et femmes de cet âge, au lieu d'essayer de faire d'eux les gens du Moyen Age ou de la Réforme"80; c) il faut élaborer des liturgies adaptées à certaines circonstances qui marquent les temps forts de l'Africain en général et du Congolais en particulier: la naissance,

!'attribution du nom au nouveau-né, les fiançailles, le lever de deuil, la circoncision et autres rites d'initiation, etc.; d) il faudrait également adopter certains rites propres à la culture africaine: le mariage, l'enterrement, etc.

CONCLUSION

La liturgie anglicane a connu une longue période de développement et elle a traversé comme nulle autre des situations conflictuelles. À partir du 16e siècle, toutes les Églises de l'Occident travaillent sur la défensive pour définir et protéger leurs doctrines: concile de Trente catholique, 39 Articles de Religion anglican, et autres documents semblables pour les Luthériens et les Calvinistes. L'Église anglicane dont la réforme est sui generis englobe en son sein les tendances catholiques et protestantes et actuellement charismatiques, toutes travaillant ensemble sans oublier leurs origines.

C'est dans ces conditions que les théologies et les doctrines de l'Église anglicane ont évolué. Quoique les Anglicans se servent du même Livre de la Prière Commune pour la célébration liturgique, les différences doctrinales se font sentir dans la célébration eucharistique. Ces différences avaient constitué la pomme de discorde pendant des siècles au sein de la Communion Anglicane. Heureusement on en est arrivé à un niveau d'acceptation mutuelle par la politique de l'unité dans la diversité et par celle de la via media qui n'est autre chose que la recherche de compromis comme chrétiens dans l'amour. Nous espérons que le mouvement de révision du Livre de la Prière Commune et de l'inculturation dans lequel sont engagées toutes les Églises présentement servira à plus de rapprochement entre ces dernières sur le plan doctrinal et liturgique. La préface du Livre de la Prière Commune de 1789 de l'Église épiscopale des États-Unis souligne en ces"termes l'objectif de ces révisions:

Le but de ces différentes révisions et de ces changements était, comme l'Église d'Angleterre le déclare dans la même préface, de faire ce qu'elle croyait le plus capable de maintenir la paix et l'unité, d'inciter au respect, d'inspirer la piété et la dévotion dans le culte divin, et enfin de ne point donner lieu à ceux qui en cherchaient l'occasion de blâmer à tort sa liturgie.81

Le rapprochement théologique et doctrinal est possible actuellement. En effet, auparavant, les Églises du tiers-monde étaient consommatrices des idées théologiques et doctrinales élaborées pour elles en Occident. Maintenant, chaque Église particulière, provinciale ou nationale, travaille pour une liturgie adaptée à la réalité de son milieu propre.

L'Église anglicane du Congo connaît un retard dans ce mouvement de révision et d'inculturation de la liturgie. Le chemin à parcourir est encore long mais avec l'éveil de l'esprit de créativité suscité actuellement par la théologie de l'inculturation en Afrique et dans d'autres continents, la Province de l'Église anglicane du Congo ne devrait plus attendre pour s'impliquer. Elle ne doit plus être seulement consommatrice des idées des autres mais doit aussi apporter sa contribution à l'instauration de la liturgie à l'échelle africaine et mondiale. Pour mieux s'impliquer, il est nécessaire de cerner et d'analyser les problèmes pastoraux de la célébration liturgique actuelle au Congo en vue d'y apporter les changements souhaités et salutaires. Ce sera l’objet du troisième chapitre du présent travail.