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De 1964 à 1971 : République Démocratique du Congo De 1971 à 1997 : République du Zaïre

1 LE CONCEPT D'INCULTURATION

17 JEAN PAUL Π, Ecclesia in Africa, 1995, n 62.

18 CALVEZ, J. Y., "Nécessaire inculturation", in Lumen Vitae 39 (1984), cité par A. PEELMAN, op. cit., p. 21.

adaptation, indigénisation, contextualisation. Examinons brièvement ces termes - et les notions sous-jacentes - qui ont marqué l'Église tout au long de son histoire.

1.3.1. L'acculturation

Le Petit Larousse illustré définit ce dérivé du mot culture comme "le processus par lequel un groupe entre en contact avec une culture différente de la sienne et l'assimile totalement ou en partie"19. Le Mémorandum de Redfield, Linton et Herskovits (1930) définit !'acculturation comme "l'en- semble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d'individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types culturels de l'un ou des autres groupes"20.

Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons dire sans risque d'erreur que !'acculturation implique l'idée de contact, de rencontre de deux cultures. De cette rencontre découlent des conséquences nombreuses. Parmi les conséquences les plus étudiées, il y a lieu de citer les conflits, les emprunts réciproques, les imitations, les transferts symboliques, les nouveaux développements, la contre- acculturation, la déculturation, l'ajustement, l'assimilation et le syncrétisme qui peuvent être mis en rapport avec les processus sociologiques de compétition, d'adaptation et d'intégration.

En définitive, !'acculturation, concept anthropologique adopté par les missiologues depuis environ quarante ans, n'a pas abouti. Les efforts d'acculturation déployés par les européens ont été vains. C'est ce qui pousse les chercheurs à trouver un procédé fondamental nouveau, l'inculturation, pour arriver à un vrai discours sur la mission, à l'enracinement de la foi chrétienne.

1.3.2. L'adaptation

Le terme adaptation est employé de différentes manières par les auteurs. Citons-en ici quelques-uns que nous avons consultés.

Pour P. Foulquié et R. Saint-Jean, "l'adaptation est l'action d'adapter ou de s'adapter. Adapter, c'est ajuster une chose à une autre. La modifier de manière à ce qu'elle réponde à des conditions

nouvelles ou à une autre destination. S'adapter, par contre, c'est se mettre ou se trouver en harmonie avec une autre chose, en particulier avec le milieu soit physique, soit humain"21.

À la lumière de cette définition, on peut dire que la foi chrétienne doit être modifiée pour répondre aux conditions nouvelles de son milieu ambiant. D'autre part, le christianisme doit se mettre en harmonie avec les modes de pensée, d'existence, etc. du milieu physique ou humain qui l'accueille. Pour sa part, L. J. Luzbetak note que l'adaptation est "l'ajustement respectueux, prudent scienti- fiquement et théologiquement valable de l'Église à une culture particulière en fait d'attitude, de comportement extérieur et d'approche apostolique pratique"22.

L'adaptation suppose ainsi tout le mécanisme déclenché par le sujet en vue de se retrouver dans son nouveau milieu. Ainsi devait-il en être du christianisme en Afrique. Introduit par le colonisateur en milieu africain, un tout nouveau milieu, il devait s'adapter, déclencher toute une série de mécanismes pour vivre en harmonie avec les croyances religieuses des peuples africains. Malheureusement, il a cherché à s'imposer par la force et il est en définitive resté jusqu'à ce jour une religion des Occidentaux en Afrique.

Les premiers missionnaires venaient alors de créer une lézarde grave dans l'édifice qu'ils étaient en train de bâtir, balayant du revers de la main les conseils que François Libermann leur prodiguait le

19 novembre 1847 en ces termes:

C'est sur vous que repose l'avenir de la mission. En ce moment, vos péchés seraient des péchés originels. Dieu vous a choisi pour être les premières pierres de l'édifice. Si les premières pierres de l'édifice ne sont pas bien posées, toutes les autres se mettent de travers...

Ne jugez pas au premier coup d'oeil, non plus d'après ce que vous avez vu en Europe, d'après ce à quoi vous avez été appliqués en Europe; dépouillez-vous de l'Europe, de ses moeurs, de son esprit; faites-vous nègres avec les nègres pour les former comme ils doivent être, non à la façon de l'Europe, mais leur laissant ce qui leur est propre; faites- vous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres, aux usages, au genre et aux habitudes de leurs maîtres, et cela pour les perfectionner, les sanctifier, les relever de leur bassesse, et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu.23

21 FOULQUIE, P. - SAINT-JEAN, R., Dictionnaire de la langue philosophique, Paris, PUF, 19692, p. 12-13.

22 LUZBETAK, L. J., L'Église et les cultures: une anthropologie appliquée pour l'ouvrier apostolique, Bruxelles, Lumen Vitae, 1968, p. 363.

23 LIBERMANN, F., Lettres spirituelles, t. IV, Lettre 99 (19.Π. 1847) cité par H. GRAURAND,

Au vu des dégâts causés par la manière d'agir des premiers missionnaires (un message chrétien non enraciné!), le concile Vatican II a adopté l'adaptation comme la politique officielle de l'Église pouvant permettre, à la longue, au christianisme de s'enraciner dans les coeurs des Africains.

Les tentatives furent faites en vue de découvrir les éléments valides dans les traditions non- occidentales qui pouvaient être utilisés pour exprimer la vie et le message chrétiens. Mais la conviction était que le produit occidental est la base de la structure, alors que les éléments non- occidentaux ne constituent qu'un revêtement accidentel.

En effet, les tenants de l'adaptation missionnaire veulent une adaptation mutuelle: l'Église s'adapte à la culture locale en intégrant quelques éléments (surtout extérieurs) de celle-ci (cf. langue, chants africains, tambours, décor, ...); et la nouvelle communauté chrétienne s'adapte à l'Église en aban- donnant certaines pratiques culturelles qu'elle remplacer par celles que propose l'Église.

Ce qui aurait pu être fait et qui constitue toute une démarche missiologique, sera repris par la constitution du concile Vatican Π sur la liturgie, spécialement dans ses articles 37, 38, 39 et 40:

L'Église, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute la communauté, ne désire pas, même dans la liturgie, imposer la forme rigide du libellé unique: bien au contraire, elle cultive les qualités et les dons des divers peuples et elle les développe; tout ce qui, dans leurs moeurs, n'est pas indissolublement solidaire de superstitions et d'erreurs, elle l'apprécie avec bienveillance et si elle peut, elle en assure la parfaite conservation; qui plus est, elle l'admet parfois dans la liturgie elle-même, pourvu que cela s'harmonise avec les principes d'un véritable et authentique esprit liturgique.

Pourvu que soit sauvegardée l'unité substantielle du rite romain, on admettra des différences légitimes et des adaptations à la diversité des assemblées, des régions, des peuples, surtout dans les missions, même lorsqu'on éditera les livres liturgiques; et il sera bon d'avoir ce principe devant les yeux pour aménager la structure des rites et établir des rubriques ...24

Tout compte fait, l'adaptation exprime une méthode pastorale plus créative que !'acculturation. Elle implique un effort pour rendre le message évangélique plus proche des coutumes du peuple à qui on apporte la Bonne Nouvelle. Cependant, l'adaptation est une forme subtile d'imposition qui ne prend pas au sérieux la culture locale. On reste à la périphérie et on fait certaines adaptations superficielles25. D'ailleurs, c'est l'autorité ecclésiastique qui doit déterminer les adaptations à

24 CONCILE VATICAN II, Constitution Sacrosanctum Concilium, η. 37-40.

opérer, et ce, à la lumière des exigences de l'Église catholique romaine et non à partir des besoins du peuple à évangéliser. Ce qui dénote une continuelle supériorité de l'Occident. Lors du Synode sur l'évangélisation dans le monde moderne (Rome 1974), les évêques africains, ayant constaté l'échec de la théologie de l'adaptation, l'ont rejetée purement et simplement.

1.3.3. L'indigénisation

Employé surtout après le concile Vatican II, le terme indigénisation désigne l'effort d'un peuple pour marquer la religion de son empreinte. Dans le cas qui nous préoccupe, ce terme souligne une volonté des Africains de faire valoir dans le christianisme des particularismes locaux. "Ce terme implique toute la différence existant entre celui qui est né et a grandi dans une culture particulière, qui la connaît donc de l'intérieur, et l'étranger qui traduit et adapte ..."26.

L'indigénisation est née d'une situation de crise: la force expansive de la semence chrétienne a provoqué une insatisfaction dans les milieux africains qui souhaitaient une meilleure adaptation du christianisme aux coutumes et aux modes de pensée des Africains. Elle a provoqué aussi un effort de sincérité de la part des Noirs qui voulaient un retour aux sources africaines authentiques, c'est-à- dire l'intégration des valeurs africaines dans la nouvelle religion. Elle a provoqué enfin une réaction contre l'assimilation occidentale car "l'Église n'est liée à aucune culture particulière; elle se trouve à son aise parmi tous ceux qui observent les commandements de Dieu ..."27. L'indigénisation voulait aboutir à une Église authentiquement chrétienne et une Église authentiquement africaine: une Église chrétienne africaine, par les Africains et pour les Africains.

Cependant, si on n'y prend garde, l'indigénisation peut être porteuse de germe de destruction. Car, même si ceux qui font partie d'une culture donnée la connaissent mieux que toute autre personne extérieure, ils ne peuvent la maîtriser qu'en la comparant à une autre culture. Du reste, c'est grâce à cette comparaison et aux contacts avec les étrangers qu'ils peuvent eux-mêmes évoluer et s'enrichir. 1.3.4. La contextualisation

Selon cette terminologie, le message évangélique doit toujours être annoncé en tenant compte des situations particulières, de !'environnement social de l'auditoire. Ainsi, le message que l'on

26 Ibidem.

27 PIE XII, Radio-message du 31 décembre 1952 aux catholiques de l'Inde, cité par G. BISSAINTHE, "Catholicisme et indigénisation religieuse", in Des prêtres noirs s'interrogent, Paris, Cerf, 1957, p. 122.

annonce en Afrique pourrait ne pas être celui sur lequel on insiste en Europe, en Amérique du Nord, en Asie, etc.

La contextualisation montre que les Églises locales sont de plus en plus prêtes à avoir une conduite qui part de leur propre environnement culturel et à développer une théologie dans la langue qui tient compte de la culture du milieu28. Elle permet à la communauté chrétienne de devenir une communauté vraiment "théologique" en s'engageant dans une démarche communautaire d'intelli- gence de la foi. Elle permet aussi à la communauté de se libérer de ses attitudes paralysantes et d'envisager des pratiques nouvelles. Elle permet enfin à chaque communauté chrétienne de découvrir en quoi elle est le résultat de !'interaction de trois facteurs: l'Évangile (Parole vivante d'un Dieu vivant), l'Église dynamique et missionnaire (qui doit proclamer cette Parole), et la culture des destinataires de la Parole (qui permet à celle-ci de prendre racine et de se développer)29.

Par rapport à l'adaptation et aux autres stratégies missiologiques, la contextualisation représente un véritable changement de perspective dans la façon d'envisager le rapport entre la foi et les cultures. Toutefois, elle présente un écueil non moins important: le fait de tenir compte de la culture du missionnaire qui entrerait en contradiction avec celle de l'auditoire et qui pourrait dénaturer le message évangélique.

1.4. Le rapport entre ces termes connexes et l'inculturation

L'étude de ces termes (acculturation, adaptation, indigénisation, contextualisation) indique une problématique et une démarche communes dans l'analyse des rapports entre l'Évangile et les cultures, dans l'évangélisation des cultures. Pour devenir universelle, l'Église doit s'adapter ou s'accommoder aux diverses cultures, s'implanter localement en favorisant la création de commu- nautés indigènes, parler la langue culturelle des peuples et se construire à partir de leur contexte30. À part le terme contextualisation qui paraît plus englobant, les autres termes sont des approches très limitées. La rencontre de l'Église avec les cultures est en effet plus qu'une affaire ethnique, linguistique, géographique ou sociale. C'est pourquoi l'inculturation supplante toutes ces approches car elle élargit et approfondit la dimension culturelle de l'Église et de la mission. H s'agit

28 SCHREITER, R., Constructing Local Theologies, 1985, cité par A. PEELMAN, op. cit., p. 69. 29 PEELMAN, A., 0p. cit., p. 69-70.

non plus simplement de la maîtrise de sa propre culture, de l'adaptation de la culture étrangère au détriment de la sienne, de changements extérieurs de certains aspects culturels, de la revalorisation de la culture locale ou d'un mélange hétérogène et hétéroclite de l'Évangile avec la culture du prédicateur et celle de son auditoire. H s'agit de l'intégration complète et parfaite de l'Évangile dans la culture qui le reçoit pour que les deux forment un tout indissoluble. Voilà à quel niveau l'inculturation dépasse les autres approches qui, du reste, ne sont que des balbutiements se situant sur le chemin qui conduit à elle.

A. Peelman pense qu'avec l'inculturation, nous sortons nettement du domaine de la méthodologie missionnaire pour entrer dans celui d'une vision nouvelle de l'évangélisation. Le centre de cette vision n'est plus l'Église mais Jésus-Christ et son Évangile. Ce nouveau centre exige plus qu'un renouvellement des stratégies missionnaires: il requiert une conversion profonde au niveau des mentalités et des attitudes31.

Ayant bien compris la complexité et la pertinence de l'inculturation dans l'évangélisation des cultures et l'enracinement du message évangélique, R. Jaouen déclarera qu'avec ce terme "nous sommes peut-être pour la première fois à pied d'oeuvre pour inaugurer un vrai discours sur la mission..."32.

C'est la nouveauté de cette approche. L'inculturation diffère d'une simple "adaptation" du christianisme à la culture. Elle est comme une "incarnation" (ce qui suggère son lien intime avec le mystère du Fils de Dieu qui, devenant homme, a lui-même assumé une culture humaine). Enfin, elle apparaît comme le principe d'une "nouvelle création": de la rencontre entre l'Évangile et la culture doit sortir quelque chose de neuf et non seulement la transposition de telle ou telle figure du christianisme à la réalité culturelle d'un autre lieu et d'un autre temps.