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De 1964 à 1971 : République Démocratique du Congo De 1971 à 1997 : République du Zaïre

3 LE VISAGE DE L'ÉGLISE ANGLICANE DU CONGO EN UN SIÈCLE D'ÉVANGÉLISATION: 1896-

4. L'ÉVANGÉLISATION ET LES CULTURES TRADITIONNELLES

4.3. L'impact du christianisme sur la culture traditionnelle congolaise

4.3.1. Évangéliser ou christianiser et coloniser?

Le système d'évangélisation, qu'il soit de la première ou de la seconde période et qu'il soit de provenance catholique, anglicane ou protestante, n'a pas permis à beaucoup de Congolais de vivre pleinement leur foi. Cette évangélisation a donc été imposée de l'extérieur: il vaut alors mieux parler de christianiser et de civiliser que d'évangéliser. En effet, évangéliser, c'est faire des disciples de Jésus-Christ, alors que l'évangélisation dans les pays colonisés était présentée comme un appui indispensable du système colonial avec toutes les connotations qui s'ensuivirent.

C'est avec raison que le 12 mars 2000 (premier dimanche du Carême), le pape Jean-Paul Π a posé un geste très significatif en demandant humblement pardon pour toutes les fautes commises par l'Église catholique au cours de l'histoire de l'humanité: les croisades, l'inquisition, l'holocauste des Juifs et l'évangélisation forcée des autochtones. Personnellement, nous pensons que tous les responsables des Églises occidentales ayant oeuvré dans les colonies devraient suivre cet exemple d'humilité et de franchise des responsables de l'Église catholique et demander aussi pardon aux évangélisés pour les avoir forcés à adhérer au christianisme tout en renonçant à leur propre culture. En effet, le christianisme s'est implanté en Afrique par le biais des missionnaires occidentaux. L'accueil même que les Congolais réservèrent au christianisme fut très chaleureux. Les récits des explorateurs et des missionnaires sont très éloquents à ce sujet. Beaucoup d'auteurs africains ont même adressé des remerciements vibrants à ces pionniers. La revue Pirogue écrit à ce sujet:

Ces auteurs et d'autres nous disent que l'Europe leur a apporté le bonheur, la vérité et la connaissance. Ils ont été libérés de l'ignorance, de l'erreur; ils ont été affranchis des mensonges et de la tyrannie des sorciers et des féticheurs. Et ce qu'eux-mêmes et leur peuple cherchaient obscurément et à tâtons, ils l'ont reçu en toute clarté et plénitude avec la civilisation chrétienne.46

Cependant le christianisme dont ces écrivains de la première génération font l'éloge se révélera dans la suite comme une simple couche de vernis de la foi chrétienne sur la tradition africaine qui reste encore très puissante au Congo, malgré un siècle d'évangélisation de la seconde période47.

4.3.2. La superficialité de la foi chrétienne

L'affirmation de la superficialité de la foi chrétienne a été reprise par de nombreux écrivains, anthropologues, théologiens, sociologues, etc. Cette affirmation est même vérifiable dans la vie courante. Quand tout va bien, on est un chrétien fervent. Quand rien ne va, on a volontiers recours à d'autres forces mystiques. On consulte le féticheur, en quête des amulettes pour avoir un bon emploi, pour monter en grade dans !'administration publique ou dans une entreprise, voire dans l'Église, pour réussir aux examens à l'école, pour écarter un danger ou éloigner une situation difficile, pour gagner au football ou autres compétitions. Les amulettes ou les gris-gris sont en Afrique ce que la drogue est en Occident. John Mbiti, décrit en ces termes la superficialité des conversions opérées en Afrique par les religions importées et donc le profond tiraillement que connaissent les chrétiens congolais.

Ils sont tiraillés entre l'existence ancestrale qui, quoi qu'on ait pu dire, a des racines historiques et des traditions fermement ancrées et la vie de notre époque de technicité, qui ne présente encore pour beaucoup d'Africains ni forme concrète ni sens profond. Dans ces conditions, ni le christianisme, ni l'islam ne paraissent porter remède à leurs sentiments de frustration et de déracinement. (...).

Si le christianisme et l'islam ne s'emparent pas de l'homme dans sa totalité (...), la grande majorité des nouveaux convertis retournera à ses anciennes croyances et à ses coutumes pendant six jours par semaine, en tous les cas dans les cas graves et en période de crise. Il faut que tout environnement et le temps dans sa totalité soient imprégnés de signification religieuse, si bien que chaque instant en tout lieu, un individu se sente suffisamment sécurisé pour agir dans un sentiment de conscience

46 ANONYME, "L'Époque des mercis vibrants", in Pirogue 28 (1978), p. 3.

47 Le Congo connaît deux périodes d'évangélisation. La première commence avec l'arrivée des Portugais à l'embouchure du fleuve Congo sur l'océan Atlantique en 1483. Ils évangélisent le grand royaume Kongo qui a même un évêque africain, Henrique. Ce christianisme très florissant à ses débuts disparaît complètement au 17e siècle. La deuxième évangélisation est liée à l'histoire de la colonisation du 19e siècle commençant avec la Conférence de Berlin en 1885 qui partagea

religieuse. Du moment que les religions traditionnelles absorbent complètement l'homme et son existence, il faut que la conversion à des nouvelles religions telles que le christianisme et l'islam s'emparent de son langage, de son mode de pensée, de ses craintes, de ses relations sociales, de ses attitudes et de son orientation philosophique pour avoir un impact durable sur l'individu et sur la communauté à laquelle il appartient.48

Ayant manqué - de bonne foi - d'approcher la culture des évangélisés, le christianisme s'est révélé incapable d'imprégner la vie de l'homme noir, ce qui fait que parmi ceux qui ont embrassé la nouvelle religion, la plupart ont gardé les coutumes relatives à leurs traditions. Il y a donc persistance des coutumes considérées comme païennes et leur coexistence avec une foi indéniable. 4.3.3. La valorisation de la religion africaine

La voie qui conduit à un christianisme un tant soit peu intériorisé passe par son intégration ou son adaptation à la culture africaine. Ceci signifie qu'un rapprochement fécond des deux systèmes culturels doit amener à un seul système où, d'une part, l'Africain ou le Congolais ne se situe pas en contradiction flagrante avec sa propre culture et où, d'autre part, le christianisme ne perd pas son fondement éthique ou doctrinal. Voilà la condition pour assainir cette situation dénoncée par Vincent Mulago lorsqu'il dit:

Les Africains adhèrent volontiers à des religions importées. Cela ne veut nullement dire qu'il existe dans leurs esprits et leurs attitudes, un découpage entre leur religion traditionnelle et la religion révélée. Dans leur comportement concret, la première persiste toujours comme base et fondement de toute conversion ultérieure.49

Le Congolais porte donc aujourd'hui le poids de deux croyances: le christianisme et la religion traditionnelle. "Ceci est la conséquence 'd'implanter' les Églises devenu une opération consistant à mettre sur quelqu'un un costume non taillé sur mesure, un 'prêt-à-porter', avec tout ce que cela comporte d'incommodant"50. De ce fait, il subsiste toujours un décalage entre la vie concrète et les exigences de la foi. La religion traditionnelle, qu'on le veuille ou non, reste jusqu'à présent le soubassement du christianisme. En vue de résoudre ce dualisme, il est donc indispensable de la revaloriser pour un christianisme cohérent.

48 MUGARUKA, M., "Problème d'inculturation du message chrétien au Zaïre", in Cahiers des Religions Africaines, 19/37 (1985) p. 20.

49 MULAGO, V., La religion traditionnelle des bantu et leur vision du monde, Kinshasa, Faculté de théologie catholique, 1980, p. 168.

CONCLUSION

La biographie d'Apolo Kivebulaya et l'histoire de ses oeuvres missionnaires au Congo sont impressionnantes, encourageantes et inspirantes. Au début du 20e siècle, il était impensable de croire à !'accomplissement d'une oeuvre digne par un missionnaire anglican noir à l'époque où cette race était l'objet du mépris de la part du monde dit de la civilisation supérieure.

En outre, son travail dans une colonie à vocation francophone et officiellement catholique était déjà un présage des difficultés. Apolo n'avait appris à lire et à écrire que dans une école d'alphabétisation, ce qui lui avait permis d'apprendre les rudiments des Écritures Saintes. Il a su cependant communiquer aux autres, avec compétence, le peu qu'il connaissait; il leur a fait connaître le nom de Jésus et son amour rédempteur; lui et ses disciples ont maintenu, contre vents et marées, la présence de l'Église anglicane au Congo.

L'Église a commencé sur des bases accusant une certaine faiblesse tant sur le plan intellectuel que matériel, mais cela n'a pas eu d'impact majeur sur le plan spirituel. La Province de l'Église Anglicane du Congo vient de célébrer son centenaire. Il semble cependant que peu d'efforts aient été déployés pour pallier aux lacunes des premiers jours de l’évangélisation. La position francophone de cette Église l'a défavorisée face à une communauté à vocation majoritairement anglaise. La Province de l'Église Anglicane du Congo se trouve confrontée aux problèmes de son développement dans tous les secteurs d'activités ecclésiales pour la contextualisation de l'Évangile. Dans cette entreprise, elle compte d'abord bien entendu sur ses propres efforts; elle a aussi grandement besoin du soutien de ses partenaires de la Communion Anglicane. L'Église doit en outre assurer un enseignement solide à ses membres pour aboutir à une foi chrétienne profonde. Or le domaine le plus visible dans la pratique de la foi chrétienne, c'est la liturgie, manifestation intérieure et extérieure de la pratique religieuse . Et c'est justement dans ce domaine que les responsables des Églises doivent beaucoup s'investir en recourant sans cesse aux Écritures Saintes et aux valeurs de la culture africaine. Pour réaliser cet objectif, l'Église a besoin de gens bien formés et capables d'une réflexion profonde sur la vie africaine à partir de leur héritage culturel, et ce, sans pour autant s'enfermer dans des cavernes négatives de la culture africaine.

Dans le prochain chapitre, nous présenterons le type de liturgie auquel ont été soumis les chrétiens anglicans congolais durant un siècle.