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De 1964 à 1971 : République Démocratique du Congo De 1971 à 1997 : République du Zaïre

3 LE VISAGE DE L'ÉGLISE ANGLICANE DU CONGO EN UN SIÈCLE D'ÉVANGÉLISATION: 1896-

3.2. La période de gestation (1933 1960)

La deuxième période est celle d'après Apolo, de 1933 à 1960. C'est une période de gestation. En effet, la mort d'Apolo était un grand choc pour l'Église anglicane de Boga; celle-ci venait de perdre en sa personne un leader et un pasteur qui avait su gagner totalement la confiance des fidèles par son grand amour pour ses ouailles, un amour sans discrimination de sexe ou de tribu, et totalement

consacré à l'oeuvre de l'Évangile. Il n'avait pas simplement prêché l'Évangile, mais toute sa vie était une prédication vivante et l'exemple des exigences chrétiennes suivant la volonté du Christ. Après Apolo, il a fallu des personnes qualifiées pour prendre la relève des activités que tenait ce vaillant homme de Dieu. C'est ainsi que la période d'après Apolo Kivebulaya sera marquée par trois faits importants: l'année des missionnaires blancs à Boga, la promotion du ministère évangélique et de l'engagement ainsi que l'indépendance du Congo et la liberté de culte.

3.2.1. Les missionnaires blancs à Boga

Le premier événement est !'installation des missionnaires blancs à Boga. Déjà avant sa mort, Apolo avait exprimé ce désir. La raison en est qu'aucun Congolais n'était déjà formé au niveau du diaconat ou de la prêtrise et que les catéchistes présents n'avaient été qu’à l'école d'alphabétisation tout juste pour lire la Bible dont ils avaient reçu les rudiments. Anne Luck note à ce sujet:

Apolo conseilla vivement la CMS à envoyer un missionnaire européen pour prendre la relève du travail en expansion à Boga. Bien qu'il espérait que les catéchistes qu'il avait nommés continueraient à être formés pour l'ordination, car lui-même connaissait le besoin d'un missionnaire bien formé et éduqué pour consolider le travail qu'il avait commencé comme pionnier.27

À part le raffermissement du ministère et la formation qui devait être assurée par les missionnaires blancs, il convient de noter que leur présence permanente était aussi nécessaire sur le champ de la mission dans une colonie où le colonisateur belge chargé de préjugés négatifs sur l'homme noir et ses cultures, affichait du mépris pour ce dernier. En effet, le gouvernement belge refusait de reconnaître la concession de la mission de Boga à cause du manque de missionnaires blancs résidents qu'il estimait être des interlocuteurs valables, en dépit des rivalités qui caractérisaient

C'est ainsi qu'en juin 1933, Albert Lloyd, un ancien missionnaire retraité de l'Ouganda, fut dépêché à Boga. Il fut suivi, en février 1934, d'un jeune missionnaire Charles A. Rendle. Mais avant leur arrivée, un autre missionnaire ougandais, Anania Binaisha, avait déjà été envoyé à Boga pour s'occuper provisoirement de l'Église. En 1935, ce fut l'arrivée à Boga d'un autre missionnaire, un prêtre anglais, le Rév. R. C. Pelin. Il devait aussi s'occuper de l'Église et de la formation des catéchistes. En tant que laïc, Rendle était chargé de l'enseignement28. Après ceux-ci, la liste continue. Le Rév. Philip Ridsdale arrivera à Boga en 1950. Il prendra la relève de l'enseignement tout en s'occupant aussi de la construction. C'est lui qui, en 1972, deviendra le premier évêque de l'Église anglicane du Congo.

Notons que pour prendre une charge publique comme l'enseignement et aussi pour le ministère, ces missionnaires étrangers devaient d'abord passer par l'école coloniale d'Anvers en Belgique pour recevoir des consignes sur la façon de traiter l'homme noir et aussi pour apprendre le français, qui était la langue officielle de la colonie.

Cependant, malgré leur bonne volonté, ces missionnaires européens ne pouvaient pas faire des progrès spectaculaires à l'instar de l'Église catholique qui avait le monopole de la mission de christianiser et de civiliser les Congolais.

Le texte de la Convention du 26 mai 1906 entre Léopold II, roi des Belges, et le Saint Siège Apostolique, texte commenté par C. Young, en donne la preuve:

Le Concordat mettait en avant le principe qui restera en vigueur jusqu'en 1960: l'effort missionnaire devait être principalement d'origine belge (...). Le Concordat de 1906 établissait un cadre grâce auquel put se développer un système de coopération entre missions et administration. L'État ne se contentait pas seulement de subsidier les écoles des missions catholiques, il contribuait aussi à l'entretien des missionnaires. Une autre aide, très importante, était l'octroi officiel de 200 hectares de terrain à toute mission établie au Congo, qui pourrait en faire usage aussi bien dans un but commercial que pour subvenir à ses besoins.29

28 NDAHURA, B., Implantation de l'Église anglicane au Zaïre, Mémoire de licence, Kinshasa, Faculté Protestante de Théologie, 1974, p. 84, inédit.

29 YOUNG, C., Introduction à la politique congolaise, Kinshasa-Kisangani-Lubumbashi, Ed. Universitaires du Congo, 1968, p. 14.

Il est évident que les missions catholiques ont fait beaucoup de progrès en matière de développement au Congo avec le soutien du Gouvernement belge.

La communauté anglicane du Congo apprécie beaucoup le travail des missionnaires anglicans sur le plan de l'évangélisation et elle leur en demeure reconnaissante. Cependant, nous ne pensons pas que ce Gouvernement belge interdisait à d'autres confessions religieuses de développer les milieux où se trouvaient leurs missions . La preuve en est que les autres confessions, telles que les Presbytériens, les Baptistes, les Méthodistes, les Mennonites, etc. quoique abandonnées à elles- mêmes, avaient tout de même développé leurs missions et réalisé d'appréciables progrès dans le domaine de !'instruction de leurs fidèles. Mais c'est à peine si l'on peut croire que les missionnaires européens ont habité à Boga, si l'on compare avec les autres Églises anglicanes vivant dans les colonies britanniques.

La situation dans laquelle l'Église anglicane du Congo a grandi explique bien le manque actuel d'esprit d'initiative et de créativité dans tous les secteurs, en ce moment où les Africains luttent pour leur identité culturelle en matière d'expression de la foi chrétienne et cherchent à incarner l'Évangile dans leurs cultures traditionnelles pour une foi vivante, enracinée dans le vécu quotidien. L'Église anglicane manque de moyens matériels et d'un personnel compétent pour faire un travail consistant: discussions théologiques sur la religion africaine et autres, l'inculturation dans les domaines de l'évangélisation, de la catéchèse, de la liturgie, etc. Elle ressent tout particulièrement l'urgence de donner une certaine priorité à la formation des chefs religieux et des chrétiens, sans négliger les autres projets de développement.

3.2.2. La promotion dans le ministère et l'enseignement

Le deuxième événement marquant de cette deuxième période est la promotion des ministres autochtones. C'est en 1937 que les premiers Congolais furent ordonnés au diaconat, Nasani Kabarole et Yusufu Limenya. Ils seront ordonnés prêtres en 1940. La paroisse de Boga fut scindée en deux: celle de Kainama, dont le Rév. Yusufu Limenya avait la charge, s'occupera des régions des Nyali, des Talinga et des Nande dans la forêt; tandis que le Rév. Nasani Kabarole restera titulaire de la paroisse de Boga pour la population de la savane. Après cet événement, un certain nombre de serviteurs de Dieu seront envoyés dans les écoles bibliques en Ouganda.

Peu avant l'accession du Congo à l'indépendance, l'Église anglicane connaîtra une certaine croissance avec !'augmentation, peu à peu, du nombre de ministres de l'Église; et les nouvelles paroisses seront ouvertes au même rythme: Bukiringi en 1946, Bundingiri en 1947, Ofayi en 1955

En ce qui concerne !,enseignement, le missionnaire Rendle avait fourni un effort considérable pour encadrer les écoles qu'Apolo avait laissées. Cependant, celles-ci suivaient le programme de l'Ouganda. Même les enseignants venaient de l'Ouganda. Ce n'est qu'en 1951 que les écoles de Boga, Bukiringi et Bundingiri furent visitées par un Inspecteur belge et la plupart des classes furent subventionnées. Le Rév. Rendle, revenu de la Belgique pour son cours colonial, fut agréé comme Directeur et missionnaire inspecteur.30

H faut souligner que ces écoles sont encore du niveau primaire pour la plupart ou du cycle inférieur du secondaire. Les premiers moniteurs ougandais seront progressivement remplacés par les auxiliaires congolais (d'une modeste formation), toujours sous la direction du Rév. Rendle.

3.2.3. L'indépendance du Congo et la liberté de culte

Le Congo accède à l'indépendance le 30 juin 1960, après 80 ans de colonisation belge. Que ce soit dans le domaine politique et administratif ou dans celui de l'Église, aucune préparation des Congolais n'a été faite pour tenir les rênes du pays. Les Congolais étaient ainsi obligés d'user de leur bon sens dans le leadership à différents postes. Tout Congolais devient libre de pratiquer la religion de son choix. L'État, qui était catholique jusque là, devient laïc. Les protestants et les catholiques se trouvent placés sur le même diapason. Ils obtiennent tous les mêmes facilités de la part de l'État afin de mieux éduquer la jeunesse et d'exercer leur apostolat.

En rapport avec la liberté de culte reconnue à tous, certains mouvements religieux ayant résisté à l'oppression coloniale et ayant atteint un niveau appréciable d'organisation, sortent de la clandestinité et s'adonnent au prosélytisme à ciel ouvert: le Kimbanguisme31, les Bapostolo, le Vandisme, le Nsambi ka Yololo, etc. deviennent du reste, des Églises à part entière. Par ailleurs, certains nationaux fondent de nouvelles communautés ecclésiales qui seront rapidement reconnues par l'État. Toutes ces communautés confessent le Christ et se réclament de l'orthodoxie chrétienne. Concomitamment, les communautés protestantes et les congrégations missionnaires catholiques qui

30 NDAHURA, B., op. cit., p. 84.

31 Le Kimbanguisme est une Église Indépendante au Congo, créée vers 1921 par son prophète Simon Kimbangu. Après une année seulement de prédication, cette Église fut farouchement combattue et persécutée par !'Administration coloniale belge et son chef fut mis en prison à Lubumbashi où il mourut en 1952. Cette Église fut reconnue en 1958, sous le nom de "l'Église de Jésus-Christ sur la Terre par le Prophète Simon Kimbangu". Il s'agit d'une des plus importantes Églises Indépendantes en Afrique, avec plus de 6 millions de membres au Congo.

n'avaient jamais exercé au Congo arrivent aussi. Le pays est resté un champ ouvert à d'autres communautés étrangères et nationales. Elles s'installent et s'adonnent à l'évangélisation, à l'éducation, aux oeuvres médicales et au développement.

Il n'y a rien d'inquiétant tant qu'on ne provoque pas l'État par des critiques et des attitudes désobligeantes. Toutes les communautés catholiques et protestantes qui s'implantent à cette période viennent se greffer sur celles qui sont en place depuis la colonisation. Elles font la course contre la montre dans un élan de concurrence et elles occupent tous les coins du pays. C'est au cours de cette période que l'Église anglicane aussi avait quitté son terroir de Boga pour joindre les autres Églises sur le champ de l'évangélisation, partout au Congo. Du côté des autochtones, la liberté de culte permet à chacun d'aller prier dans l'Église de son choix. Dès lors, certains s'adonnent même à "la prostitution spirituelle" et deviennent, à la fois, membres de plusieurs Églises. Il convient de signaler également les nombreuses dissidences parmi les diverses communautés protestantes, surtout pour des raisons tribales, ce qui aboutit, dans la plupart des cas, à la création de nouvelles communautés ayant les mêmes noms, sans une doctrine visiblement distincte.