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De 1964 à 1971 : République Démocratique du Congo De 1971 à 1997 : République du Zaïre

1 L'HÉRITAGE LITURGIQUE

2. PROBLÈMES DE TRADUCTION

2.2. Deux problèmes particuliers de traduction

Ces exemples nous introduisent dans l'étude de cas plus précis en rapport avec notre sujet et ils nous éclairent sur le type de problèmes rencontrés dans l'actuel livre de prière. Ayant jeté un regard critique sur le contenu du Livre de la Prière Commune en swahili pris pour échantillon, nous nous proposons de mener notre étude critique sur quatre aspects différents: l'aspect grammatical: construction des phrases, accords, pronoms, etc.; l'aspect sémantique: sens des mots et des phrases, choix de mots propres en rapport avec les cultures congolaises; la structure du livre; le contenu du livre par rapport aux besoins spirituels des assemblées chrétiennes du Congo.

8 ,IDEM, p. 253. 9 IDEM, p. 58. 10 IDEM, p. 64.

Toutefois, nous n'avons pas l'intention de scruter l'ensemble du Livre de la Prière Commune afin d'y déceler toutes les erreurs qu'il contient. Nous nous limiterons seulement à quelques cas qui nous serviront de preuves de la présence des fautes dans ce document et de la pertinence de réviser immédiatement cet outil de travail dans notre Église. Une étude plus large est prévue dans les chapitres qui suivent où des propositions correctionnelles seront données sur la totalité du contenu du Livre de la Prière Commune en swahili: KITABU CHA SALA KWA WATU WOTE, la traduction en lingala et en tshiluba étant l'émanation de celui-ci.

2.2.1. L'aspect grammatical

Dans le Livre de Prière Commune en swahili, à la page 5, on trouve d'abord une exhortation que l'officiant adresse à l'assemblée pour la préparer à la prière du matin. Cette exhortation commence par la phrase suivante: Tumekusanyika pamoja kama jamaa ya Mungu. Cette phrase peut se traduire de la manière suivante: "Nous sommes réunis ici comme une famille de Dieu".

Le mot ya, qui traduit l'article partitif "de", ne convient pas pour le nom jamaa auquel il se rapporte. En effet, le nom jamaa auquel se rapporte cet article est de la classe nominale "j". Or, en swahili, tous les noms de la classe nominale "j" ont la comme article déterminatif. Ainsi, on peut dire:

- Jamaa la Mungu au lieu de jamaa ya Mungu.

- Jicho la mtoto (l'oeil de l'enfant) au lieu de jicho ya mtoto. - Jua la asubui (le soleil du matin) au lieu dejua ya asubui

- Jina la mke wangu (le nom de mon épouse) au lieu de jina ya mke wangu.

L'expression suivante: Mbele ya Baba yetu ("Devant notre Père") comporte une faute grammaticale très grave. En effet, l'adjectif possessif yetu (notre) ne convient pas devant le nom du Père, qui est Dieu. Le connectif ye se rapporte en effet aux objets, aux choses. Or, le Père indique une personne, et plus encore, Dieu. Dieu est donc pris comme un objet, une chose. Il est pour ainsi dire chosifié. Il fallait plutôt dire:

- Baba wetu au lieu de Baba vêtu.

- Mwalimu wangu (mon enseignant) au lieu de mwalimu van gu. - Msichana wangu (ma fille) au lieu de msichana van gu.

À la page 15, on trouve la prière de la Grâce, sala kwa Neema. Celle-ci commence par l'expression Ee Bwana, Baba vêtu va mbinguni. littéralement: "Oh, Seigneur, notre Père du ciel". Ici la même faute grammaticale est répétée. H fallait écrire: Ee Bwana, Baba wetu wa mbinguni.

À la page 34, la collecte du jour (cf. deuxième dimanche après la naissance de notre Seigneur Jésus Christ) commence par la phrase: Baba wa mbinguni, ulive Mwana wako mubarikiwa aligawana Nazareti maisha ya nyumba ya dunia. Ici, on a voulu dire: "Notre Père Céleste dont le Fils béni a partagé avec nous la vie terrestre". La traduction donnée à cette phrase en swahili a été complètement faussée. Et la phrase en swahili rencontrée ci-dessus est tout simplement dépourvue de sens en raison de l'absence d'un équivalent, en swahili, du pronom relatif "dont". Le mot uliye, placé à cet endroit, ne peut en aucun cas traduire un pronom relatif "dont". Il est plutôt un préfixe verbal, 2e personne du singulier, temps passé, associé à un pronom relatif "qui". C'est ainsi qu'on peut dire. "C'est toi qui as mangé = Ni wewe ulivekula". "C'est toi qui as pris mon livre = Ni wewe ulivechukua kitabu changu".

2.2.2. L'aspect sémantique

Dans ce paragraphe, nous nous pencherons sur le sens des mots et des phrases. Il s'agira d'examiner si, dans la traduction, le choix des mots a tenu compte de la culture africaine en général et de la culture congolaise en particulier. Nous essayerons de voir si les mots sont à leur place en tenant compte de la manière dont les assemblées congolaises les comprennent.

Dans le Livre de la Prière Commune en swahili, à la page 149, au n. 3, le célébrant accueille l'assemblée par ces mots: Bwana owe nanyi, traduction littérale de "Le Seigneur soit avec vous". Le mot Bwana qui traduit "Seigneur" prête à confusion. En effet, ce mot signifie dans la plupart des cas "époux". Mais dans le langage courant, le mot prend le sens de "ami". Deux amis s'appellent fréquemment et mutuellement bwana, alors qu'il y a entre eux une relation d'égalité. C'est dans ce même sens que deux époux, se parlant d'un ton d'amour, arrivent à s'appeler mutuellement bwana. Dans l'Ancien Testament, les hébreux employaient le nom Adonaï, mot hébreu qui fut traduit plus tard par "Seigneur". Mais Adonaï était substitué au tétragrame sacré YHWH, nom de Dieu parce qu'il leur était interdit de prononcer le nom de Dieu. Pour les Africains, il n'existe aucune interdiction de prononcer le nom de Dieu. Normalement le nom Mungu devrait être ajouté au nom Bwana. Ainsi, le célébrant pourrait dire: Bwana Mungu awe nanyi, ou il faudra choisir parmi tout un ensemble de qualificatifs que les Africains attribuent à Dieu.

Dans le Livre de la Prière Commune de l'Église épiscopale des États-Unis, à la page 227, on trouve la phrase: "Béni soit Dieu"; tandis que dans le même livre utilisé aux États-Unis, à la page 81, on

dit: "Et nous bénissons aussi ton Saint Nom". En swahili, ces deux phrases peuvent se traduire de la manière suivante: Mungu abarikiwe et na tunabariki jina lako takatifu.

Dans le monde occidental, le verbe "bénir" est pris ici dans le sens de louer. Tandis que pour l'homme africain, ce verbe a le sens de transmettre les bénédictions d'un supérieur à un inférieur. Ces bénédictions, en effet, viennent des Ancêtres, passant par les parents vers les enfants, par exemple. Elles peuvent aussi passer par le prêtre de la société traditionnelle ou le chef du clan pour atteindre une personne quelconque qui, dans son comportement ou dans son agir, a satisfait à la volonté des parents, du prêtre, du chef du clan. Les autorités terrestres étant satisfaites, les Ancêtres dans l'au-delà se réjouissent également. L'autorité des vivants peut alors prononcer des paroles de bénédiction sur la personne concernée. Cette prière est ainsi agréée par les Ancêtres.

De ce fait, les bénédictions suivent toujours une ligne descendante, de haut en bas. Le sens de bas en haut ne peut pas se concevoir. Dieu étant l'autorité suprême, personne d'autre n'est habilitée à Le bénir. Mieux vaut pour l'homme congolais la phrase: Tus ifu Bwana Mungu wetu, qui signifie:

"Louons le Seigneur, notre Dieu".

Dans le Livre de la Prière Commune de l'Église anglicane du Canada, p.471, au Psaume 13:2b, on trouve ce qui suit: "Combien de temps me cacheras-tu ton visage ?" Tandis que dans celui de l'Église épiscopale des États-Unis, au Psaume 27: 9, on trouve: "Ne me cache point ta face".

Dans ces phrases, on veut tout simplement exprimer la colère de Dieu. Celui-ci se détourne de ceux qui vivent dans l'iniquité et il n'entend pas leur prière.

Pour l'homme africain, l'expression "cacher sa face" est généralement prise dans un sens péjoratif. En effet, souvent on cache la face lorsqu'on se trouve humilié, lorsqu'on éprouve de la honte. L'homme qui se trouve dans cette situation a de la peine à fixer du regard son entourage. Ainsi, détourne-t-il son regard dans la cachette. Il peut même se retirer de sa compagnie vers un isolement. Cette expression appliquée à Dieu le présente comme dans un état d'humilié.11

La confusion plane également sur le mot katolika, qui veut dire "catholique", dans Ninaamini kanisa Moja, Takatifu, Katolika. Cette phrase se trouve dans le Symbole des Apôtres, Livre de la Prière Commune en swahili (p. 153). Elle est la traduction de "Je crois en l'Église, Une, Sainte, Catholique ...". Pour l'homme de la rue, katolika renvoie à l'Église catholique romaine, même si celle-ci ne saurait s'approprier cette caractéristique de l'Église. Mieux vaut expliquer que ce mot 11

signifie "universelle" (Kanisa la popote ulimwenguni). À noter cependant que la Communion Anglicane maintient à bon droit l'usage du mot "catholique" dans son Credo et ailleurs.

Dans la deuxième édition du Livre de la Prière Commune en swahili (p. 5, n. 156), on trouve les expressions suivantes dans la confession des péchés: Na kwa vile tulivyotenda et Na kwa vile tusivyotenda. C'est la traduction littérale de: "par ce que nous avons fait" et "ce que nous avons omis de faire". Deux questions nous viennent à l'esprit. Tout ce que le chrétien a fait est-il mauvais? Dans la vie du chrétien, ne trouve-t-on pas de bons actes ? Par ailleurs, tout ce que le chrétien a omis de faire est-il nécessairement bon au point que Dieu puisse se fâcher contre lui pour les avoir omis? Les fidèles ne comprennent rien quand ils répètent ces phrases. Pour être plus précis, il faudrait dire: "Par le mal que nous avons fait et par le bien que nous avons omis de faire". Ainsi en swahili, on pourra dire: Kwa mabaya tuliyotenda na kwa mazuri tusiyoyatenda.

Si nous revenons sur la collecte du jour du deuxième dimanche après la naissance de Notre Seigneur Jésus Christ, nous trouvons la phrase suivante dans le Livre de la Prière Commune en swahili (3e édition): Baba wa mbinguni, uliye mwana wako mubarikiwa aligawana Nazareti maisha ya nyumba ya dunia, utusaidie kuishi kama jamaa hii takatifu.

Le mot aligawana est la traduction littérale du verbe "partager". On parle de Jésus qui a partagé avec nous la vie terrestre. Ce verbe en swahili kugawa n'a pas d'autre sens que celui de prendre un objet, de le découper en morceaux et de donner une ou plusieurs parties à plusieurs individus. C'est pourquoi la phrase mentionnée ci-dessus manque complètement de sens. Un paysan ou une paysanne africaine qui le répète ne le fait qu'à titre formel. Il serait mieux de dire: Baba wa mbinguni, ambae Mwana wako mubarikiwa, alikubali kuwa pamoja na sisi katika maisha ya dunia hii, utusaidie kuishi kama jamaa hii takatifu.