• Aucun résultat trouvé

Un modèle intégratif ou interactif : le Processus de production du

2.1 Le handicap : une notion toujours discutée

2.1.4 Un modèle intégratif ou interactif : le Processus de production du

Depuis les années 1980, l’anthropologue Patrick Fougeyrollas et son équipe travaillent sur un modèle intégratif du handicap. Ce modèle, appelé « Processus de production du handicap » (PPH) tente de concilier les modèles individuel et social. Le constat de base est que la personne effectue ses activités quotidiennes en interaction avec son environnement (physique et social). Ce modèle se base sur un modèle anthropologique du développement humain applicable à tous et toutes (Rochat, 2008).

Valorisant les situations de handicap plutôt que les déficiences de la personne, ce modèle présente de manière plus interactive le rôle des facteurs environnementaux comme obstacles ou comme facilitateurs et met en lien les habitudes de vie et la participation sociale (Plaisance, 2009). Le PPH est un modèle québécois qui a émergé lors de la révision de la CIDIH.

De son côté, l’ONU publie la Déclaration des droits des personnes handicapées en 1975. Dans les années 1970, le handicap prend un tournant sur le plan

Figure 3 Le PPH (Ravaud & Fougeyrollas, 2005, p. 21)

politique, en témoigne la Loi d’orientation en faveur des personnes handicapées en France en 1975 ou la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en 1978 au Québec. Cette dernière a d’ailleurs conduit à la création de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) qui a joué un rôle dans la modélisation du PPH. L’OPHQ a développé une politique novatrice « À part … égale » qui a permis de prendre une place importante dans la réflexion sur le handicap (Ravaud & Fougeyrollas, 2005).

De son côté, l’ONU décrète l’année 1981 « Année internationale des personnes handicapées » et proclame la décennie 1983-1992 « Décennie des personnes handicapées » (Ravaud & Fougeyrollas, 2005). La CIDIH, peu connue, a souvent été critiquée, toutefois, il y a eu peu de mise en commun de ces critiques pour l’améliorer. De ce fait, une rencontre internationale a été organisée au Québec.

Philipp Wood concepteur du modèle de la CIDIH ainsi que les mouvements associatifs étaient présents. Cette rencontre « marquait une occasion de pont entre le mouvement politique radical des personnes ayant des incapacités plus proches de l’ONU que de l’OMS avec les partenaires décideurs dans le champ des politiques, de l’épidémiologie et des statistiques de population et de la réadaptation » (Ravaud & Fougeyrollas, 2005, p. 17). C’est lors de cette rencontre que le Comité québécois sur la CIDIH (CQCIDIH), en collaboration avec l’OPHQ, s’est vu confier le mandat de révision de la CIDIH. C’est dans le cadre de ces travaux que des chercheurs ont publiés la classification québécoise du PPH (Ravaud & Fougeyrollas, 2005). En comparaison au modèle de Wood (CIDIH), le PPH intègre l’environnement tant comme facilitateur que comme obstacle (Marissal, 2009).

Selon ce modèle le phénomène de handicap est le résultat de l’interaction de trois domaines conceptuels : (a) les habitudes de vie ; (b) les facteurs environnementaux ; (c) les facteurs personnels (RIPPH, 2017). Afin de faciliter la compréhension de ce modèle, le RIPPH propose un schéma mettant en relation les différents facteurs déterminants.

L’article de Ravaud et Fougeyrollas (2005, p. 21) permet de comprendre les définitions des différents composants conceptuels du PPH :

« Un facteur de risque est un élément appartenant à l’individu ou provenant de l’environnement susceptible de provoquer une maladie, un traumatisme ou toute autre atteinte à l’intégrité ou au développement de la personne.

Un facteur personnel est une caractéristique appartenant à la personne, tel que l’âge, le sexe, l’identité socioculturelle, les systèmes organiques, les aptitudes, etc.

Un système organique est un ensemble de composantes corporelles visant une fonction commune (l’intégrité correspond à la qualité d’un système organique inaltéré, la déficience correspond au degré d’atteinte anatomique, histologique ou physiologique d’un système organique).

Une aptitude est la possibilité pour une personne d’accomplir une activité physique ou mentale (la capacité correspond à l’expression positive d’une aptitude ; l’incapacité correspond au degré de réduction d’une aptitude).

Un facteur environnemental est une dimension sociale ou physique qui détermine l’organisation et le contexte d’une société (un facilitateur correspond à un facteur environnemental qui favorise la réalisation des habitudes de vie lorsqu’il entre en interaction avec les facteurs personnels ; un obstacle correspond à un facteur environnemental qui entrave la réalisation des habitudes de vie lorsqu’il entre en interaction avec les facteurs personnels).

Une habitude de vie est une activité courante ou un rôle social valorisé par la personne ou son contexte socioculturel selon ses caractéristiques personnelles (l’âge, le sexe, l’identité socioculturelle). Elle assure la survie et l’épanouissement d’une personne dans sa société tout au long de son existence (une situation de participation sociale correspond à la pleine réalisation des habitudes de vie ; une situation de handicap correspond à la réduction de réalisation des habitudes de vie). »

L’une des principales critiques adressées à ce modèle est le fait qu’il mélange différents niveaux de facteurs dans les habitudes de vie. Des facteurs micro-économiques liés aux ménages sont mis au même niveau que des facteurs liés aux structures économiques, sociales et juridiques, la participation sociale, et ces facteurs dépassent l’entourage proche de la personne concernée (Marissal, 2009).

La CIF et le PPH : deux références

Aujourd’hui, la CIF et le PPH sont deux références dans le domaine du handicap.

Tous deux comportent des schémas ou modèles systémiques multidimensionnels tentant de conceptualiser le handicap et se veulent applicables à tout être humain.

Toutefois, Fougeyrollas (2005, p. 5) relève des différences : « La CIF classe les états de la santé (soit les structures et fonctions organiques, les activités et la participation) et les états connexes de la santé (soit les problèmes de santé et les facteurs contextuels qui se subdivisent en facteurs personnels et en facteurs environnementaux), selon une approche biopsychosociale. Le PPH classe les composantes du processus de développement humain dont le processus de

production de handicap n’est qu’une variation, selon une approche anthropologique. »

La première partie de ce chapitre a permis de poser un cadre théorique sur la notion de handicap qui est mobilisée tout au long de cette recherche. Dans cette thèse, je considère le handicap comme une condition sociale, mais aussi comme un système de différenciation et de hiérarchisation. Pour cette raison, le handicap est traité plus particulièrement sous le prisme des rapports sociaux dans un prochain chapitre. Les prochaines sections proposent de définir la notion de déficience intellectuelle ainsi que celle de trisomie 21.