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Handicap et genre : les rapports sociaux qui traversent le quotidien des personnes ayant une trisomie 21

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thesis

Reference

Handicap et genre : les rapports sociaux qui traversent le quotidien des personnes ayant une trisomie 21

DE GASPARI, Eline

Abstract

Dans un contexte favorisant la performance et mettant en avant l'autonomie de l'individu dans la conduite de sa vie, cette thèse vise à mettre en lumière les rapports sociaux de sexe et de capacité dans la vie quotidienne de personnes ayant une trisomie 21. Cette recherche qualitative se veut largement ethnographique et est faite d'observations dans le quotidien des personnes ayant une trisomie 21 dans les cantons suisses de l'Arc lémanique. Les observations sont complétées par des entretiens informels avec les personnes elles-mêmes ainsi que leur entourage personnel et professionnel. Afin d'analyser ces deux types de rapports sociaux sans les hiérarchiser, je me suis intéressée aux phénomènes sociaux spécifiques qui en opposant les groupes sociaux deviennent des enjeux : la corporéité, la santé, la communication, le travail, l'affectivité, la sexualité et le care.

DE GASPARI, Eline. Handicap et genre : les rapports sociaux qui traversent le

quotidien des personnes ayant une trisomie 21 . Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2021, no. SdS 174

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:155449 URN : urn:nbn:ch:unige-1554498

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:155449

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les rapports sociaux qui traversent le quotidien des

personnes ayant une trisomie 21

THÈSE

présentée à la Faculté des Sciences de la Société de l’Université de Genève

par

Eline De Gaspari

sous la direction de

prof. Claudine Burton-Jeangros

pour l’obtention du grade de

Docteure ès sciences de la société mention Sociologie

Membres du jury de thèse :

Mme Aurélie DAMAMME, Maîtresse de conférences à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

Mme Marylène LIEBER, Professeure ordinaire à l’Université de Genève, présidente du jury

Mme Manon MASSE, Professeure HES associée à la Haute École de Travail Social de Genève

Thèse no 174

Genève, le 17 septembre 2021

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La Faculté des sciences de la société, sur préavis du jury, a autorisé l’impression de la présente thèse, sans entendre, par-là, émettre aucune opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées et qui n’engagent que la responsabilité de leur auteure.

Genève, le 17 septembre 2021

Le doyen

Bernard DEBARBIEUX

Impression d'après le manuscrit de l'auteure

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Table des matières

Liste des figures et des tableaux ... vii

Résumé ... ix

Abstract ... xi

Remerciements ... xiii

Liste des sigles et abréviations ... xiv

Introduction ... 17

Handicap, déficience intellectuelle et trisomie 21 : clarifications conceptuelles ... 21

2.1 Le handicap : une notion toujours discutée ... 21

2.1.1 Quelques définitions officielles ... 23

2.1.2 Les modèles qui dessinent les contours du handicap ... 24

2.1.3 Les classifications : comprendre et organiser le handicap ... 28

2.1.4 Un modèle intégratif ou interactif : le Processus de production du handicap (PPH) ... 32

La CIF et le PPH : deux références ... 34

2.2 La déficience intellectuelle ... 35

2.2.1 La terminologie ... 35

2.2.2 Des définitions qui dessinent les contours ... 36

2.2.3 Les représentations des personnes déficientes intellectuelles ... 37

2.3 La trisomie 21 : la figure emblématique de la déficience intellectuelle ... 38

2.3.1 Des caractéristiques physiques et les troubles associés ... 39

2.4 Une inscription dans la perspective des Critical Disability Studies .. 40

La sociologie des rapports sociaux comme cadre théorique ... 43

3.1 Les rapports sociaux : les processus oppressifs ... 45

3.1.1 L’exploitation ... 45

3.1.2 La domination ... 46

3.1.3 La stigmatisation... 46

3.1.4 La discrimination... 47

3.2 Les rapports sociaux : les penser ensemble ... 47

3.2.1 L’intersectionnalité ... 48

3.2.2 La consubstantialité ... 50

3.2.3 La complémentarité des deux concepts ... 51

Le handicap et le genre sous le prisme des rapports sociaux . 53 4.1 Les rapports sociaux de sexe ... 53

4.1.1 Des groupes sociaux en tension ... 55

4.1.2 Les rapports sociaux de sexe : des rapports de pouvoir ... 55

4.2 Les rapports sociaux de capacité ... 56

4.2.1 Des groupes sociaux en tension ... 57

4.2.2 Les rapports sociaux de capacité : des rapports de pouvoir ... 58

4.3 Penser ensemble les rapports sociaux de sexe et de capacité ... 59

4.3.1 Des rapports sociaux qui partagent de nombreux points communs ... 59

4.3.2 Des systèmes d’oppression qui s’articulent … ... 61

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4.3.3 Les Feminist Disability Studies ... 63

La problématique et le dispositif méthodologique ... 65

5.1 La problématique ... 65

5.2 Le dispositif méthodologique ... 66

5.2.1 Un protocole de recherche adapté à une population dite vulnérable : les précautions éthiques ... 68

5.2.2 Des observations ethnographiques ... 69

5.2.3 Des entretiens ethnographiques informels ... 70

5.2.4 L’analyse des données ... 72

5.2.5 Les risques de la recherche par observation ... 73

5.2.6 Une chercheuse formée à l’éducation sociale ... 74

5.3 Le terrain de recherche ... 77

5.3.1 Les cantons étudiés dans le contexte suisse ... 79

5.3.2 Les institutions et associations présentes dans les cantons étudiés ... 81

5.3.3 La présentation des participantꞏeꞏs ... 83

Les catégories sociales (im)posées qui marquent les interactions sociales ... 91

6.1 Les catégorisations de sexe et de capacité : un rapport au corps ... 91

6.1.1 Les étiquettes de handicap qui nécessitent peu d’explications .. 91

6.1.2 Les étiquettes de genre connues « par cœur » ... 97

6.1.3 Le corps comme indicateur de la distinction ... 100

6.2 Les interactions comme marqueurs de la séparation ... 115

6.2.1 L’interaction par la communication une difficulté pour les personnes ayant une déficience intellectuelle... 116

6.2.2 Devenir compétentꞏe dans l’art d’éviter les situations d’embarras : ou comment éviter d’exposer sa déficience intellectuelle ... 122

6.3 Discussion ... 126

6.3.1 Les catégorisations de sexe et de capacité : le corps comme territoire de la distinction ... 126

6.3.2 L’oralité un mode de communication marquant la domination .. 131

La vie quotidienne marquée par la recherche d’autonomie ... 135

7.1 L’âge adulte où quand la quête d’autonomie influence le quotidien .... ... 135

7.1.1 L’autonomie comme leitmotiv ... 137

7.1.2 La citoyenneté, un droit à acquérir ... 139

7.2 Des familles impliquées dans la vie quotidienne ... 141

7.2.1 Le soutien de la famille en général, des mères en particulier ... 143

7.3 Un choix de lieu de vie orienté ... 145

7.3.1 Vivre dans le foyer familial ... 146

7.3.2 Vivre dans un appartement ... 147

7.3.3 Vivre en foyer ... 150

7.3.4 L’implication dans les tâches domestiques ... 152

7.4 Discussion ... 154

7.4.1 L’injonction à la vie d’adulte, entre autonomie et dépendance . 154 7.4.2 La famille comme facilitatrice de la participation ... 156

7.4.3 Des lieux de vie influencés par l’autonomie ... 159

(6)

La vie publique : lorsque les rapports sociaux sortent du cercle

familial ... 162

8.1 L’activité professionnelle : un choix orienté ... 162

8.1.1 Être productif ou productive, mais pas uniquement ... 166

8.1.2 Être compétentꞏe ou le devenir ... 167

8.1.3 La rémunération, un enjeu de valorisation du travail ... 170

8.1.4 Les relations aux professionnelꞏleꞏs ... 172

8.2 Des semaines rythmées pour organiser le temps ... 173

8.2.1 L’activité professionnelle interrompue par d’autres activités ... 175

8.3 L’espace public jonché d’obstacles ... 177

8.4 Discussion ... 180

8.4.1 Le travail comme enjeu des rapports sociaux ... 180

8.4.2 Quand le temps est organisé par les "valides" ... 189

8.4.3 L’utilisation fonctionnelle de l’espace public ... 190

La vie affective et sexuelle surveillée et contrôlée ... 193

9.1 Quand les rapports sociaux s’immiscent dans l’intimité de l’amour et du couple ... 193

9.1.1 L’utilisation du verbe « aimer » au bon moment, au bon endroit, avec la bonne personne ... 195

9.1.2 La passion, l’intimité et l’engagement : quelques composantes des relations amoureuses ... 196

9.1.3 Des normes validistes contraignant les relations de couple ... 198

9.1.4 Des relations amicales endogamiques ... 202

9.2 Une sexualité taboue et contrôlée ... 204

9.2.1 Le manque d’accès à l’intimité ... 206

9.3 Des projets d’avenir calqués sur le modèle des "valides" ... 208

9.3.1 Elles et ils vivront ensemble … ... 208

9.3.2 … se marieront … ... 209

9.3.3 … et auront beaucoup d’enfants ... 210

9.4 Discussion ... 212

9.4.1 L’amour et les relations amoureuses, lorsque les sentiments sont normés ... 212

9.4.2 Une sexualité perçue sous l’angle de la gestion des risques ... 215

9.4.3 Le manque d’autonomie et la dépendance comme leitmotiv pour remettre à plus tard les projets d’avenir ... 219

La conclusion générale ... 221

10.1 Synthèse des résultats ... 222

10.1.1 Le groupe social "handicapéꞏe", un groupe social dominé ... 224

10.1.2 Les enjeux mettant en lumière les rapports sociaux ... 226

10.1.3 L’individuꞏe autonome comme modèle hégémonique ... 233

10.1.4 Les stratégies permettant de nuancer le rapport de domination .... ... 234

10.2 Les biais et limites de la thèse... 236

10.3 Les implications pour la recherche et la pratique ... 238

Bibliographie ... 241

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Liste des figures et des tableaux

Figure 1 La CIDIH ... 29

Figure 2 Interactions entre les composantes de la CIF (OMS, 2001, p. 19) ... 31

Figure 3 Le PPH (Ravaud & Fougeyrollas, 2005, p. 21) ... 33

Tableau 1 Répartition des personnes selon l'OFAS, 2015 ... 78

Tableau 2 Présentation des participantꞏeꞏs ... 84

Tableau 3 Typologie des activités professionnelles ... 163

Tableau 4 Part des femmes dans les métiers (OFS) ... 182

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Résumé

Dans un contexte favorisant la performance et mettant en avant l’autonomie de l’individu dans la conduite de sa vie, cette thèse a pour ambition de mettre en lumière les rapports sociaux de sexe et de capacité dans la vie quotidienne de personnes ayant une trisomie 21. Cette recherche se veut novatrice par le regard porté sur l’articulation entre le handicap et le genre, compris comme des catégories socialement construites. Jusqu’ici si des études ont été menées sur la co-existence de ces rapports sociaux notamment chez les femmes avec un handicap, peu se sont intéressées plus spécifiquement au handicap dû à une déficience intellectuelle. Les chapitres théoriques problématisent le handicap comme construction sociale, les rapports sociaux en général, mais aussi les rapports sociaux de sexe et de capacité en particulier.

Cette thèse a pris le parti de donner une place centrale aux personnes ayant une trisomie 21 dans la récolte de données. Le discours de ces personnes sur leur vécu est longtemps resté absent des sciences sociales. Ce travail vise alors à mettre en avant ce discours dans la construction d’un savoir sociologique. Pour ce faire, le dispositif méthodologique a été pensé autour de cet objectif, et ce en prenant les précautions éthiques recommandées lors d’une recherche auprès d’une population vulnérable. Cette recherche qualitative se veut largement ethnographique et est faite d’observations dans le quotidien des personnes ayant une trisomie 21 dans les cantons suisses de l’Arc lémanique. Les observations sont complétées par des entretiens informels menés tout au long du terrain avec les personnes elles-mêmes ainsi que leur entourage personnel et professionnel.

Dans un premier temps, l’attention était particulièrement portée sur les processus oppressifs, tels que définis par Pfefferkorn (2011) ainsi que sur les théories de l’articulation comme l’intersectionnalité et la consubstantialité. Toutefois, l’analyse a vraiment pris corps lorsque cette attention s’est centrée sur des phénomènes sociaux spécifiques qui en opposant les groupes sociaux deviennent des enjeux.

Ils ont permis d’analyser les rapports sociaux de sexe et de capacité dans le quotidien. Les enjeux dont il est question sont : la corporéité, la santé, la communication, le travail, l’affectivité, la sexualité et le care. Effectivement en se concentrant sur ces phénomènes sociaux particuliers, les rapports sociaux se sont laissé observer et analyser sans être hiérarchisés entre eux. Il ne s’agit pas de savoir quel rapport social est le plus marqué dans quelle situation, mais bien de démontrer qu’ils sont indissociables, qu’ils coexistent, qu’ils se coconstruisent, qu’ils sont consubstantiels (Dunezat & Galerand, 2014b; Kergoat, 2005, 2011).

En plus des enjeux, les résultats démontrent comment l’importance donnée au modèle de l’individu autonome affecte les personnes ayant une déficience intellectuelle. Cette recherche permet aussi de mettre en lumière quelques stratégies que les personnes concernées mobilisent pour nuancer les rapports de domination.

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Abstract

In a social context that favors performance and emphasizes individual autonomy in one’s life, this thesis investigates the role of gender and ability in the daily lives of people with Down syndrome. Specifically, this research explores the intersection between ability and gender, both understood as socially constructed categories. Although studies to date have addressed the coexistence of these social aspects, particularly among women with disabilities, few have addressed intellectual disabilities specifically. The theoretical chapters of this research problematize disability as a social construct, social relationships in general, and question the social relationship between gender and ability.

This thesis wanted to give a central position to people with Down syndrome in the data collection. Until now, these people’s discourse about their experiences has remained absent from the social sciences. Additionally, this study highlights participant’s discourse as part of the sociological knowledge construction. To do so, the ethical precautions recommended for researches with vulnerable populations have been undertaken. This qualitative research is primarily ethnographic and is based on observations of daily life involving people living with Down syndrome in three Swiss cantons (Valais, Vaud and Geneva). Observation data were completed using informal interviews conducted during fieldwork with individuals and their personal and professional entourage.

Initially, the focus of this research was to explore oppressive processes, as defined by Pfefferkorn (2011), and cross-sectional theories that include intersectionality and consubstantiality. However, specific social phenomena that later became issues emerged as opposing social groups against each other.

Subsequently, this research focused on gender and ability relations in these individual’s everyday lives. The key issues in question include corporeality, health, communication, work, affectivity, sexuality, and care.

By focusing on these particular social phenomena, the social relations were observed and analyzed without hierarchicalizationzed. The overarching objective is to demonstrate that gender and ability are inseparable, coexist, co-constructed, and consubstantial (Dunezat & Galerand, 2014b; Kergoat, 2005, 2011). The findings demonstrate how an emphasis on the “autonomous individual model”

affects people with intellectual disabilities. This thesis also highlights strategies that the individuals concerned in this research mobilize to nuance the power and domination relations.

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Remerciements

Une thèse de doctorat est un long parcours, je m’y suis engagée seule, mais j’ai été accompagnée tout au long.

Je tiens à remercier particulièrement ma directrice de thèse, Claudine Burton- Jeangros. Elle a su m’accompagner durant ce parcours en m’offrant une oreille attentive, des relectures régulières, des remarques pertinentes et des conseils avisés. Elle a su comprendre ma situation de doctorante et a été d’une disponibilité sans faille. Elle a définitivement laissé une empreinte sur mon identité de chercheuse.

Mes remerciements vont aussi aux membres du jury, Aurélie Damamme, Manon Masse et la présidente Marylène Lieber. Leurs remarques, leurs critiques constructives, et ce dans la plus grande bienveillance, lors du colloque privé m’ont permis d’affiner le manuscrit, de lui donner de la nuance.

Je remercie aussi la Direction de la Haute Ecole de Travail Social de la HES-SO Valais-Wallis pour leur confiance et leur compréhension tout au long de mon parcours de thèse. J’ai pu bénéficier d’une bourse relève du Domaine Travail Social de la HES-SO m’ayant permis d’aménager du temps de travail pour avancer sur ma thèse, je remercie la commission scientifique pour leur confiance.

Je souhaite évidemment remercier mes collègues, pour leur soutien, pour leurs encouragements. Je remercie tout particulièrement Clothilde Palazzo-Crettol, elle m’a donné l’envie de me lancer dans une thèse de doctorat.

Cette recherche n’aurait pas pu être réalisée sans la participation de nombreuses institutions, associations, mais aussi et surtout des personnes ayant accepté d’être des participantꞏeꞏs ainsi que leur famille, elles m’ont accordé leur confiance, du temps, je les en remercie chaleureusement.

Je tiens à exprimer toute ma gratitude à mes amiꞏeꞏs d’avoir porté un intérêt à ma thèse, pour leur soutien tout au long de ce parcours. Je remercie particulièrement mon amie de longue date Mary. Je remercie aussi mon amie Isabela, ce n’est pas une coïncidence si nos chemins se sont croisés, merci pour nos discussions, merci pour ta présence, pour ton soutien même à des milliers de kilomètres.

Je remercie ma famille et ma belle-famille. Au-delà d’être présentꞏeꞏs dans ma vie, ce qui mérite déjà tous les remerciements, certains et certaines m’ont aussi offert du temps de « libre » pour travailler sur mon manuscrit en s’occupant de mes enfants.

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à mes sœurs, Arlène, Aurore et Manon. Elles m’ont toujours accompagnée, toujours soutenue. Nous avons grandi ensemble, nous sommes devenues des femmes ensemble, et c’est sûrement une des raisons qui explique mon intérêt pour les études genre. Je ne remercierais jamais assez mes parents, Christiane et Jean-Paul, merci d’être présentꞏeꞏs, merci d’être disponibles, merci pour votre soutien, merci pour tout.

Et enfin, mes derniers remerciements, et non les moindres, vont à Jérémie et à nos enfants, merci pour votre amour, pour votre présence.

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Liste des sigles et abréviations

AAIDD American Association on Intellectual and Developmental Disabilities

AAMR American Association on Mental Retardation

AI Assurance-invalidité

APA Association américaine de psychiatrie

BFEH Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées CDPH Convention de l'ONU relative aux droits des personnes

handicapées

CIDIH ou CIH Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps

CIF Classification internationale du fonctionnement CIM Classification internationale des maladies CIS Centre d’indication et de suivi (canton du Valais) CQCIDIH Comité québécois sur la CIDIH

DCISH Dispositif cantonal d'indication et de suivi pour les personnes en situation de handicap (canton de Vaud)

DGCS Direction générale de la cohésion sociale (canton de Vaud) DSM Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux HUG Hôpitaux universitaires de Genève

LAI Loi sur l’Assurance-invalidité

LAIH Loi sur les mesures d'aide et d'intégration des personnes handicapées (canton de Vaud)

LHand Loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (Loi sur l’égalité pour les handicapés, LHand)

LIPH Loi du 31 janvier 1991 sur l'intégration des personnes handicapées (canton du Valais)

LIPH – K 1 36 Loi sur l'intégration des personnes handicapées (canton de Genève)

LIPPI Loi fédérale sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides

OAIS Office de l'action, de l'insertion et de l'intégration sociales (canton de Genève)

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OFAS Office fédéral des assurances sociales OMS Organisation mondiale de la santé ONU Organisation des Nations Unies

OPHQ Office des personnes handicapées du Québec PPH Processus de production du handicap

PSH2011 Plan stratégique handicap vaudois

RIPPH Réseau international sur le processus de production du handicap

RLAIH Règlement d'application de la loi sur les mesures d'aide et d'intégration des personnes handicapées (canton de Vaud) RPT Réforme de la péréquation financière et de la répartition des

tâches entre la Confédération et les cantons SAS Service de l’action sociale (canton du Valais)

UPIAS Union of the Physically Impaired Against Segregation

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Introduction

Le handicap et le genre sont des objets d’étude ayant de nombreuses similitudes, tous deux sont des systèmes de représentation divisant, dans le sens commun, la société en deux groupes sociaux : "valide"/"handicapéꞏe" et homme/femme.

Ces groupes sociaux sont hiérarchisés, l’un vaut plus que l’autre. Mon parcours de formation et professionnel est depuis toujours orienté dans le domaine du social et de la déficience intellectuelle en particulier. Je me suis ensuite orientée vers les études genre lors de ma formation universitaire. Ces deux champs m’ont particulièrement intéressé lorsque je les ai étudiés séparément. Mais c’est en les pensant ensemble que les premières réflexions sur cette thèse sont apparues. En effet, ma pratique professionnelle m’a questionnée soulevant ainsi un certain nombre d’interrogations articulant le handicap et le genre. Lors de mon activité professionnelle, j’ai constaté un certain nombre de traitements différenciés entre les hommes et les femmes ayant une déficience intellectuelle, rappelant parfois des différences connues chez les personnes valides. J’en expose ici quelques- uns, en vrac, pour comprendre l’origine de ma réflexion. Certaines institutions demandaient spécifiquement aux femmes d’être sous contraceptif pour vivre dans l’institution. Dans les lieux de vie, la mixité n’était que rarement remise en question, elle était un état de fait, femmes et hommes partageaient des lieux de vie. A contrario, dans les secteurs professionnels, il semblait exister une répartition genrée. Les hommes travaillaient dans des secteurs manuels considérés comme masculin, des ateliers de travail du bois ou du métal par exemple, alors que les femmes étaient engagées dans des ateliers plutôt considérés comme féminins, des blanchisseries par exemple. Je me questionnais aussi sur la perception de la féminité et de la masculinité spécifiquement pour des personnes ayant une déficience intellectuelle. Les hommes étaient souvent encouragés dans des démonstrations de force, de virilité, leur style vestimentaire et leur posture correspondaient à ceux des hommes valides, alors que les femmes ayant une déficience intellectuelle ne semblaient pas entrer dans la définition de la féminité telle que pensée pour les femmes valides. Ces constats initiaux, émanant de la pratique, m’ont permis d’élaborer mes premières réflexions articulant ces deux thématiques. Effectivement, mon intention était d’analyser les conséquences de la séparation des groupes sociaux, mais aussi de leur hiérarchisation, spécifiquement chez des personnes ayant une déficience intellectuelle. Ces premiers jalons posés, il s’agissait de construire une problématique sociologique.

Dès lors, j’ai entrepris une revue de la littérature qui a dirigé cette thèse vers l’analyse du handicap et du genre en tant que rapports sociaux comme « principe de division d’une formation sociale de dimension macro » (Bihr, 2011, p. 23). La hiérarchisation entre les groupes implique que certains groupes sont dans des positions de dominéꞏeꞏs alors que d’autres sont dans des positions de dominantꞏeꞏs. Partant du constat que les groupes sociaux « sont créés par et se créent dans le rapport social » (Kergoat, 2005, p. 95), la problématique a évolué.

En plus des conséquences des rapports sociaux sur la vie quotidienne, ce sont aussi la catégorisation des individus en groupes sociaux ainsi que la construction de ces groupes qui sont l’objet de cette recherche. En effet, je m’intéresse aux catégorisations de sexe et de capacité spécifiquement chez les personnes ayant

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une déficience intellectuelle, et donc à l’identification permanente des individus à l’une ou l’autre des catégories. L’ancrage théorique de cette thèse s’inscrit dans une perspective féministe matérialiste, pour ce qui est de la littérature propre aux rapports sociaux de sexe et celle des Critical Disability Studies, pour les rapports sociaux de capacité.

Peu d’études en sciences sociales se sont intéressées au handicap et au genre simultanément, et lorsque c’est le cas, ce sont souvent les personnes ayant un handicap physique qui sont concernées. Cette thèse explore la thématique des rapports sociaux de manière générale, et des rapports sociaux de sexe et de capacité en particulier, et ce auprès des personnes ayant une déficience intellectuelle. Le spectre de la déficience intellectuelle est large, de ce fait, j’ai décidé de me concentrer sur une population spécifique, celle parfois reconnue comme figure emblématique de la déficience intellectuelle : les personnes ayant une trisomie 21. Les participantꞏeꞏs à cette recherche ont donc toutes et tous une anomalie génétique, la trisomie 21, qui a eu pour conséquence une déficience intellectuelle. Ces personnes appartiennent de facto au groupe social dominé en ce qui concerne la capacité.

Le dispositif méthodologique choisi est fait d’observations dans la vie quotidienne des participantꞏeꞏs permettant ainsi d’appréhender leurs différentes sphères de vie : familiale, de loisirs, professionnelle, etc. Des entretiens informels avec les participantꞏeꞏs, mais aussi avec leur entourage ont complété la récolte de données. Dans cette recherche visant à mettre en lumière les rapports sociaux, j’ai souhaité donner une place centrale aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Le dispositif méthodologique a donc été réfléchi pour entendre et utiliser le discours de ces personnes dans la construction d’un savoir scientifique.

Ce choix méthodologique s’est accompagné de plusieurs difficultés. En effet, les personnes ayant une déficience intellectuelle sont considérées dans la Loi fédérale relative à la recherche sur l'être humain (LRH, 2011) comme des personnes particulièrement vulnérables. Ma recherche a été validée par les Commissions cantonales d’éthique de la recherche sur l’être humain. Ensuite, au niveau du recrutement, il a été difficile d’avoir accès directement aux personnes ayant une trisomie 21, il a fallu passer par des associations, qui contactaient des parents, qui m’autorisaient à rencontrer les participantꞏeꞏs. Le recrutement, tout comme la recherche par observations, a pris du temps et les adaptations spécifiques pour les personnes ayant une déficience intellectuelle ont parfois pu être considérées comme contraignantes. Cette recherche vise à entendre un discours alternatif à celui dominant des personnes valides. Ce discours, s’il était différent dans le fond de celui des personnes valides, variait aussi dans sa forme : certainꞏeꞏs participantꞏeꞏs ne s’exprimaient qu’à travers quelques mots. La parole des participantꞏeꞏs, en plus d’être un enjeu méthodologique, est aussi devenue un élément qui m’a permis de mettre en lumière les rapports sociaux.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, j'explicite les choix terminologiques, mais aussi propose des clefs de lecture pour ce manuscrit. L’ensemble du manuscrit est rédigé en langage épicène. L’écrit et les mots utilisés influencent nos représentations, l’utilisation du langage épicène permet ainsi d’induire un sens plus inclusif. Si effectivement son emploi peut rallonger le texte et demander un effort à la rédaction et à la lecture, il semble toutefois essentiel, dans un travail traitant justement des rapports de domination : son utilisation permet une symétrie

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dans le langage. Dans ce manuscrit, le langage épicène est utilisé sous une forme contractée, avec un point médiant (ꞏ) lorsque le mot s’y prête, sinon, la double désignation complète est écrite.

Certaines terminologies ont pris du temps avant d’être stabilisées pour l’écriture de ce manuscrit, et ce notamment pour les mots ou expressions utilisées pour désigner les participantꞏeꞏs. La trisomie 21 est aussi connue sous le nom de Syndrome de Down. Si durant les premières phases de ce travail de recherche, les deux termes étaient utilisés, suite à la partie empirique, la terminologie trisomie 21 a été préférée, notamment car c’est celle utilisée par les personnes concernées et leur entourage. Les personnes elles-mêmes se disent

« trisomiques » plutôt qu’ayant une trisomie 21. Toutefois, dans une écriture scientifique cherchant à mettre en avant la personne plutôt que son anomalie génétique, j’utilise la terminologie « personne ayant une trisomie 21 ». Dans ce travail, j’ai choisi d’utiliser l’expression déficience intellectuelle plutôt que handicap ou retard mental, notamment car elle prédomine dans les pratiques professionnelles ainsi que dans la recherche en Suisse (Buntinx et al., 2016). La terminologie « personne en situation de handicap » est aussi privilégiée afin de mettre en avant la personne plutôt que son handicap. Toutefois, dans le texte, j’utilise les terminologies "handicapéꞏe" et "valide" quand je fais référence aux groupes sociaux de capacité, aux catégories sociales et ce afin de faire le parallèle avec le rapport social de sexe qui évoque les termes homme et femme plutôt que la personne homme et la personne femme. Finalement, dans ce travail, le terme rapport social de capacité est le pendant du rapport social de sexe, alors que le handicap est celui du genre et finalement le capacitisme fait écho au sexisme.

Afin de clarifier la lecture de ce manuscrit, je propose ci-dessous quelques clefs de lecture de la typographie de ce manuscrit. Les citations d’auteurꞏeꞏs sont entre guillemets (« »). Les citations entre guillemets (« ») et en italique font référence soit aux propos des participantꞏeꞏs ou de leur entourage, soit aux extraits d’observations lorsqu’ils sont insérés dans le texte. Tous les termes que j’écris entre guillemets (« ») sans référence sont des termes utilisés par des participantꞏeꞏs ou par leur entourage dont je souhaite prendre de la distance.

J’utilise les guillemets anglais lorsque j’écris "handicapéꞏe" et "valide" en tant que nom et non en tant qu’adjectif. J’utilise alors parfois l’expression les "valides", mais aussi celle de personnes valides (sans les guillemets). Effectivement, les terminologies "handicapéꞏe" et "valide" permettent certes de clarifier mon propos lorsqu’il s’agit d’énoncer un groupe social ou la catégorie sociale, mais elles peuvent être lues comme stigmatisantes notamment pour les raisons évoquées plus haut. C’est pour cette raison que je les place entre guillemets.

Cette thèse vise à répondre à la question suivante : « Dans quelle mesure les rapports sociaux de sexe et ceux de capacité affectent la vie quotidienne des personnes ayant une trisomie 21 ? ». Pour y répondre, elle se structure en plusieurs chapitres. Les trois chapitres suivant cette introduction sont des chapitres théoriques qui permettent d’inscrire le handicap et le genre dans le champ des rapports sociaux. Le chapitre 2 contextualise la notion de handicap et en retrace sa construction. Le chapitre 3 pose le cadre théorique des rapports sociaux de manière générale puis les rapports sociaux de sexe et de capacité

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sont discutés en particulier dans le chapitre 4. Le chapitre suivant (chapitre 5) expose la problématique de l’étude et présente le dispositif méthodologique choisi ainsi que le terrain de recherche. Je développe ensuite les résultats de la recherche dans les quatre chapitres suivants. Les chapitres reprennent les quatre axes de l’analyse : les catégorisations de sexe et de capacité et leur influence sur les interactions sociales (chapitre 6), la vie quotidienne des personnes ayant une trisomie 21 marquée par la quête de l’autonomie (chapitre 7), la vie publique ou lorsque les rapports sociaux sortent du cercle familial (chapitre 8) et la vie affective et sexuelle marquée par un contrôle par les personnes valides (chapitre 9). Ce manuscrit se termine sur une conclusion générale (chapitre 10) permettant de faire la synthèse des résultats en reprenant notamment les différents phénomènes sociaux observés qui sont au centre de rapport de domination, qui mettent en opposition les groupes sociaux de sexe et de capacité et qui de ce fait s’érigent en enjeux des rapports sociaux. L’analyse de ces enjeux me mène ensuite à la question de l’articulation des rapports sociaux. Dans les deux derniers points de la synthèse des résultats, je mets en lumière le modèle dominant de l’individu autonome et les stratégies mises en place par les personnes ayant une trisomie 21 ou par leur entourage pour tenter de nuancer les rapports de domination. Finalement, dans cette conclusion générale, les biais et les limites de la thèse sont exposés puis un dernier point développe les implications pour la recherche et pour la pratique.

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Handicap, déficience intellectuelle et trisomie 21 : clarifications conceptuelles

Cette thèse s’intéressant à la mise en œuvre des rapports sociaux dans la vie quotidienne des personnes ayant une trisomie 21, ce premier chapitre théorique vise à définir et contextualiser les notions de : handicap, déficience intellectuelle et trisomie 21. Le postulat de départ est que les personnes ayant une trisomie 21 sont justement connues et reconnues comme des personnes en situation de handicap dû à leur déficience intellectuelle. En effet, l’anomalie chromosomique qu’est la trisomie 21 a, dans un grand nombre de cas, comme conséquence une déficience intellectuelle. Afin d’analyser les implications de la catégorisation

"handicapéꞏe" dans la situation particulière des personnes ayant une trisomie 21, il est pertinent de définir et contextualiser ces trois notions. Ce chapitre permet ainsi de construire le handicap en tant que condition sociale.

Dans un premier temps, je reviens sur les terminologies utilisées et sur la signification du mot handicap tout en m’intéressant à la difficulté de définir ce concept. À ce propos, plusieurs définitions suisses et internationales sont mobilisées permettant de poser un cadre autour du concept. Puis, historiquement le concept de handicap a été appréhendé par différents modèles dont notamment le modèle individuel et le modèle social. Leurs approches contrastées permettent ainsi de comprendre, entre autres, les différents enjeux autour de la définition du handicap, mais aussi autour du glissement de la notion de responsabilité. Afin de compléter ces apports théoriques, les principales classifications abordant le handicap sont ensuite présentées. Celles-ci sont des outils intellectuels proposés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui permettent de classifier les êtres humains selon des normes qui se veulent universelles. Pour clore cette première section, je présente un modèle intégratif : le Processus de production du handicap (PPH), issu d’une approche anthropologique. Ensuite, j’aborde la déficience intellectuelle avec dans un premier temps un cadrage terminologique puis des éléments de définitions. Finalement, je m’intéresse spécifiquement aux représentations des personnes ayant une déficience intellectuelle, perçue comme une désignation invalidante, permettant ainsi d’introduire la question de la stigmatisation qui est traitée dans le champ des rapports sociaux. Puis, la section suivante permet de définir l’anomalie chromosomique qu’est la trisomie 21 avec un accent particulier sur les caractéristiques physiques particulières qui permettent de les identifier au premier regard et qui ont peut-être fait de ces personnes la figure emblématique de la déficience intellectuelle. Finalement, ce travail s’insérant dans les Critical Disability Studies, notamment par sa volonté de remettre en question la notion de normalité, cette perspective est brièvement présentée en conclusion du chapitre.

2.1 Le handicap : une notion toujours discutée

Bien qu’inscrite dans le vocabulaire commun et courant, la notion de handicap reste complexe, parfois floue et ne fait pas consensus dans sa définition (Plaisance, 2009; Vaginay, 2011). À ce propos Stiker (2007, p. 56) relève que

« laisser des marges d’appréciation à des instances composées de professionnels, d’administratifs et d’associations, permettait une souplesse

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d’admission dans le champ du handicap et n’écartait pas des évolutions imprévisibles […] ». Les contours peu nets du terme handicap peuvent être expliqués par les tensions et les contradictions qui le traversent (Plaisance, 2009).

Effectivement, cette notion désigne tant une déficience (dimension organique), une incapacité (dimension fonctionnelle) qu’une participation réduite (dimension sociale) (Borioli & Laub, 2007).

Évoluant dans le temps, mais aussi dans les cultures, la notion de handicap n’est pas figée (Vaginay, 2011) : « Le handicap, cette expression de la diversité et de la fragilité humaine, bouscule la croyance à une normalité et à une normativité considérées comme référence universelle » (Ville, 2014, p. 43). La notion de handicap ne se transforme pas par « le fruit du hasard historique » (Plaisance, 2009, p. 5). Elle n’est pas uniquement influencée par les évolutions de la médecine, mais est aussi le reflet des valeurs de la société (Plaisance, 2009).

Cette notion est en lien avec des normes qui définissent qui est considéréꞏe comme handicapéꞏe et qui ne l’est pas (Vaginay, 2011) : « L’étiquette, la catégorisation provient des structurations sociales, bien davantage que du fait brut de l’atteinte physique ou psychique […] C’est l’obligation dans laquelle se trouve la société d’attribuer le qualificatif de handicapé qui crée, socialement, le handicap. » (Stiker, 2005, p. 164). La notion de handicap renvoie généralement à l’idée d’une caractéristique défavorable, d’un manque, elle n’est donc pas neutre (Plaisance, 2009).

Le handicap, comme construction sociale, regroupe des personnes avec des pathologies très diverses : déficience mentale, physique, sensorielle. Un point commun est identifié : leur mise à part au nom de leur manque de conformité et leurs capacités différentes (Stiker, 2009). De plus, la personne étiquetée comme handicapée se trouve prisonnière d’un statut imposé par l’extérieur qui influencera son parcours de vie (Blanc, 2012). Le handicap s’appréhende alors en termes de situation, construite dans les interactions sociales avec les proches, les professionnelꞏleꞏs, l’environnement plus largement (Ville, 2014).

Le handicap a longtemps été un concept difficilement définissable et saisissable, de ce fait de nombreux termes ont été utilisés (Stiker, 2009). Les mots pour évoquer le handicap ont évolué, certains ont vieilli et ne sont plus utilisés (débiles, faibles d’esprit, déviés moraux, etc.), car ils sont jugés péjoratifs (Plaisance, 2009). Les termes utilisés actuellement se veulent moins négatifs et stigmatisants comme : en situation de handicap, aux besoins spécifiques (Plaisance, 2009).

La terminologie « handicap », utilisée aujourd’hui pour remplacer des termes comme infirmité ou invalidité, ne trouve pourtant pas son origine dans le champ social ou médical, mais dans les jeux de hasard. L’explication du New English Dictionary on Historical Principles, citée et traduite par Borioli et Laub (2007, p.

27), revient sur la notion de handicap en Grande-Bretagne durant le XVIIe siècle :

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« Le nom d’un jeu ayant un élément de chance, dans lequel une personne proposait à une autre d’échanger un de ses biens contre un autre lui appartenant. Un arbitre était ensuite choisi pour juger la différence de valeur entre les deux biens et les trois personnes déposaient chacune une mise dans un chapeau. L’arbitre prononçait ensuite son jugement quant à la compensation à donner avec l’article de moindre valeur. En entendant la décision, les deux autres personnes retiraient leurs mains remplies ou vides pour indiquer respectivement l’acceptation ou la non-acceptation de l’échange en fonction de la compensation décrétée. Si les deux se trouvaient d’accord tant pour conclure que pour ne pas conclure l’échange, la totalité de la mise était prise par l’arbitre, sinon, par celui qui souhaitait que l’échange soit conclu. »

Plus tard, au XVIIIe siècle, le mot handicap est utilisé dans le milieu hippique pour désigner une course durant laquelle les chances de gagner sont équilibrées par l’obligation de porter des poids par exemple (Borioli & Laub, 2007). La notion de handicap est donc associée à l’idée d’un désavantage (Borioli & Laub, 2007).

À partir de la première moitié du XXe siècle, le terme renvoie à une mise en infériorité (Plaisance, 2009) ou à des déficiences et des incapacités d’un point de vue médical (Borioli & Laub, 2007). Il demeure toutefois cette idée de « charge pesant sur les épaules de certains pas forcément endogène puisqu’elle est déterminée par un handicapeur ; elle vient de l’extérieur, ce n’est pas une déficience, mais un frein, un obstacle. » (Stiker, 2007, pp. 56-57). Si l’utilisation de ce terme permet de mettre en avant les possibilités d’égalisation des chances entre personnes inégales, le handicap est principalement associé à la déficience, à l’idée de manque (Stiker, 2007). Dès les années 1960, le terme handicapé, devenu familier, n’est pas utilisé comme une caractéristique parmi d’autres pour identifier un individu, mais est l’attribut même de la personne (Plaisance, 2009) : la personne est ainsi désignée par son handicap. Aujourd’hui, l’expression personne en situation de handicap est privilégiée car elle permet d’intégrer la notion d’environnement handicapant (Plaisance, 2009).

2.1.1 Quelques définitions officielles

Dans le rapport de l’Office fédéral de la statistique, il est souligné que « Le handicap est une réalité plurielle qui présente des visages différents selon la définition qu’on en donne. » (Gazareth, 2009, p. 5). Aucune définition du handicap ne faisant consensus, plusieurs définitions, suisse et internationale, sont exposées ici. Elles permettent de poser des bases communes et surtout d’ancrer la notion de handicap dans le contexte connu aujourd’hui.

Sur le plan international, l’ONU (2006) propose dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées, entrée en vigueur en 2014 en Suisse, une définition des personnes handicapées :

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« Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. » (ONU, 2006)

Toujours sur le plan international, l’OMS (2011) dans son Rapport mondial sur le handicap, s’appuie sur la définition donnée par la Classification internationale du fonctionnement (CIF) :

« La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF), prise comme cadre conceptuel du présent rapport, définit le handicap comme un terme générique désignant les déficiences, les limitations d’activité et les restrictions de participation. Il renvoie aux aspects négatifs de l’interaction entre un individu atteint d’un problème de santé (comme l’infirmité motrice cérébrale, le syndrome de Down, la dépression) et les facteurs personnels et environnementaux (comme les attitudes négatives, l’inaccessibilité des transports et des bâtiments publics et des soutiens sociaux limités). » (OMS, 2011, p. 7)

Au niveau suisse, le handicap est notamment défini dans la LHand (2004) :

« Est considérée comme personne handicapée au sens de la présente loi toute personne dont la déficience corporelle, mentale ou psychique présumée durable l'empêche d'accomplir les actes de la vie quotidienne, d'entretenir des contacts sociaux, de se mouvoir, de suivre une formation ou une formation continue ou d'exercer une activité professionnelle, ou la gêne dans l'accomplissement de ces activités. » (LHand, 2004, Art. 2)

Pour le contexte suisse, la Loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (Loi sur l’égalité pour les handicapés, LHand (2004)) reconnait dans sa définition des handicaps venant de trois types de déficience : corporelle, mentale ou psychique. L’Organisation des Nations Unies (ONU) (2006) dans sa Conventien relative aux droits des personnes handicapées considère également les incapacités sensorielles.

2.1.2 Les modèles qui dessinent les contours du handicap

Différents modèles proposent une compréhension du concept de handicap : (a) le modèle individuel (aussi appelé médical) ; (b) le modèle social, et plus récemment le modèle intégratif et dynamique (c), qui tente « de dépasser le déterminisme individuel du modèle médical et le déterminisme externe du modèle social. » (Rochat, 2008, p. 3).

Cette section montre comment l’évolution de la perception et de la compréhension du handicap à travers ces trois modèles reflète un glissement de la responsabilité de l’individu aux obstacles de la société (environnementaux, politiques, culturels,

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techniques, etc.) (Dejoux, 2015). Ce glissement, s’il est observable dans la définition du handicap et ses modèles, l’est aussi dans les actions politiques ou encore dans les lois adoptées (Dejoux, 2015).

Le modèle individuel (ou médical)

Le modèle individuel, parfois appelé modèle médical, date du début du XXe siècle (Barnes, Shakespeare, & Mercer, 1999). Issu de l’approche biomédicale (Rochat, 2008), ce modèle est fortement influencé par la recherche de diagnostic et de solutions médicales (Barnes et al., 1999).

Cette approche médicale porte de l’intérêt à l’anormalité physique en tant que cause de handicap ou de limitation fonctionnelle (Barnes et al., 1999). De ce fait, une relation linéaire de cause à effet entre les déficiences et les désavantages sociaux est pensée (Dejoux, 2015) : « une maladie ou un traumatisme provoque une déficience organique et fonctionnelle ; il en résulte une incapacité pour la personne ; cette incapacité se traduit en désavantage social ou handicap. » (Rochat, 2008, p. 3). L’expérience sociale négative vécue par les personnes concernées prend alors sa source dans leurs attributs personnels (Dejoux, 2015), amenant à penser que le handicap est une réalité intrinsèque à l’individu (Rochat, 2008).

Le handicap devient alors une catégorie, mais aussi une caractéristique, définissant la personne (Barnes et al., 1999). L’une des conséquences reconnues de cette catégorisation est le regard porté sur la personne concernée, elle est perçue comme une victime, une personne ayant besoin d’aide, une personne dépendante (Barnes et al., 1999).

Les solutions proposées sont de l’ordre du curatif et de la réhabilitation, demandant l’intervention des praticienꞏneꞏs de la santé, des psychologues et des pédagogues qui cherchent à réduire la déficience afin de minimiser les conséquences de cette dernière (Barnes et al., 1999). L’objectif est la guérison ou du moins la réadaptation (Rochat, 2008). En Suisse, l’Assurance-invalidité (AI) est l’une des solutions construites sur la base de cette approche (Rochat, 2008).

En se basant sur la perte de gain dû à une déficience et sur le principe des régimes de compensation, l’Assurance-invalidité propose entre autres des rentes aux personnes concernées.

De ce fait, la préoccupation médicale est de diagnostiquer l’anormalité physique ou intellectuelle et d’administrer le « bon traitement ». Autant d’un point de vue administratif et politique, l’intérêt est de traduire le handicap en besoins spécifiques (Barnes et al., 1999).

L’incapacité est pensée en termes de limitations dans les activités quotidiennes essentielles (Barnes et al., 1999). Des discussions s’instaurent alors sur différents points comme les techniques et mesures pour évaluer l’ampleur du handicap ou encore l’évaluation des changements dans le temps (Barnes et al., 1999). Ces questions s’appliquent aussi à la déficience intellectuelle.

Cette approche est critiquée sur plusieurs points. Tout d’abord, cette compréhension du handicap se base sur une définition de la normalité chargée de suppositions et de préjugés sur l’être humain valide (Barnes et al., 1999). De ce fait, les spécialistes se centrent sur la recherche de solutions médicales

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permettant de devenir valide tout en excluant les interventions sociales (Barnes et al., 1999).

La position donnée aux personnes concernées par le handicap dans ce modèle est aussi critiquable. En position de dépendance, ces personnes sont peu, voire pas, entendues, ne peuvent pas s’exprimer sur leurs propres expériences, car c’est l’avis du professionnelꞏle qui est valorisé et qui compte lorsqu’il s’agit de définir les besoins de la personne en situation de handicap. Avec cette approche, on attend de ces personnes qu’elles fassent tous les efforts pour s’ajuster, se normalise. Elle est alors considérée comme anormale ou défectueuse (Barnes et al., 1999). Ce modèle incite à penser que toutes les difficultés que la personne concernée subit sont les conséquences directes de ses incapacités, sans interroger l’environnement (Masson, 2013). « Si une personne handicapée n’arrive pas à trouver du travail, à se faire comprendre, à effectuer ses déplacements ou à participer plus largement à la vie en société, c’est le déficit biologique qui sera invoqué pour expliquer sa marginalisation. La solution relèvera alors des traitements et de la technologie (prothèses et autres), des efforts de l’individu pour « surmonter son handicap » et, le cas échéant, de la charité ou de l’assistance publique. » (Masson, 2013, p. 112).

Suite aux nombreuses critiques, notamment des personnes en situation de handicap, une nouvelle classification, perçue comme biopsychosociale, a remplacé la CIDIH, la CIF qui tente de faire cohabiter le modèle médical et le modèle social.

Le modèle social

Le modèle social puise son origine dans la critique du modèle individuel. Durant les années 1980 et 1990, des groupes d’activistes en situation de handicap ont, à leur tour, tenté de modéliser le handicap, en mettant en évidence sa dimension extrinsèque (Rochat, 2008). Avec le modèle social, l’argument mis en avant est que ce n’est pas à l’individu en situation de handicap de s’ajuster, mais à la société de s’adapter.

À l’avant-garde de ce modèle conceptuel, The Union of the Physically Impaired Against Segegation (UPIAS) du Royaume-Uni, dans son manifeste Fundamental Principles datant de 1976, considère la société responsable du handicap et désigne les personnes en situation de handicap comme un groupe subissant l’oppression de la société (Barnes et al., 1999).

De plus, il semblait alors nécessaire de distinguer « la notion d’incapacité, vue comme limitation fonctionnelle relevant de la biologie, et la notion de handicap, comprise comme l’ensemble des situations de désavantage, de discrimination et d’oppression subies par les personnes vivant avec des incapacités » (Masson, 2013, p. 113).

Si l’incapacité est considérée comme un attribut individuel, le handicap lui est le résultat de la relation, pouvant être perçu comme oppressif, entre les personnes en situation de handicap et le reste de la société (Barnes et al., 1999; Rochat, 2008). Le handicap est une condition stigmatisante, une fois définie comme telle, la personne concernée subit des atteintes sociales en lien direct avec son handicap (Barnes et al., 1999).

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Le modèle social se centre alors sur les causes externes, physiques ou sociales, appelées des obstacles (construction des bâtiments, moyens financiers, éducation, etc.) et limitant l’occasion des personnes concernées de participer à la société (Barnes et al., 1999) ou comme l’explique Dejoux (2015, p. 69) « qui font obstacle à la participation sociale et à la pleine citoyenneté. ». Plutôt que travailler sur l’individu pour diminuer ou supprimer le handicap, le modèle social propose de travailler sur ces obstacles (Barnes et al., 1999). Le handicap n’est donc pas une situation fixe dans le temps et l’espace, l’expérience du handicap peut varier en fonction des réponses qui y sont apportées. Le modèle social, en évoquant des obstacles, propose une réflexion sur les processus de l’oppression sociale et de la discrimination (Barnes et al., 1999). Se questionnant alors sur la culture et les politiques, le modèle social perçoit la vie en société non seulement comme des places en matière de positions de domination, mais comme des « arènes de résistance et de défis pour les personnes en situation de handicap »1 (Barnes et al., 1999, p. 31).

Abandonnant l’idée de guérison via une action curative, les types d’interventions proposées par le modèle social visent à rendre la personne autonome dans sa vie quotidienne en développant ses capacités propres et en supprimant les barrières physiques et sociales (Rochat, 2008).

Le modèle social en dénaturalisant le handicap met l’accent sur la construction sociale plutôt que sur les incapacités. Ce modèle est utilisé pour les mobilisations des personnes en situation de handicap dénonçant les oppressions vécues et revendiquant la reconnaissance de leurs droits. Toutefois, certaines critiques relèvent l’impasse faite sur les incapacités, sur le corps et ses fonctionnalités (Masson, 2013).

Les modèles dans le contexte légal ou juridique suisse

Rochat (2008) analyse la présence du modèle individuel et du modèle social dans le contexte légal et juridique suisse. Effectivement, l’arrivée du modèle social n’a en aucun cas fait disparaître le modèle individuel. En Suisse, la Loi sur l’Assurance-invalidité (LAI), entrée en vigueur en 1960, est empreinte du modèle individuel. Dans son fondement, la LAI se préoccupe de la perte de gain (partielle ou totale) due à une invalidité. Elle propose alors des mesures de réadaptation adaptée et des rentes de compensation. Le modèle social, quant à lui, se retrouve dans l’interdiction constitutionnelle de discrimination et la loi sur l’égalité pour les personnes handicapées (LHand), adoptée en 2004. Cette dernière en améliorant les conditions-cadres globales de la société cible les personnes avec un handicap. Dans ce contexte, si la LAI parle d’invalidité, la LHand évoque le handicap, deux notions différentes ne touchant pas les mêmes individus et reflétant des réalités différentes. La notion de handicap touche un public plus large que celle d’invalidité, effectivement sont comptés parmi les personnes en situation de handicap des retraités ou des personnes ne subissant pas de perte de gain, notion primordiale dans le cas de l’invalidité. Le fait de s’inspirer tant du modèle médical que du modèle social permet au système suisse d’avoir des mesures complémentaires (Rochat, 2008). Effectivement comme vu plus haut, la LAI offre des mesures de réadaptation ainsi qu’une compensation en ce qui concerne la

1 En anglais dans le texte, traduction personnelle

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perte de gain, alors que la LHand améliore les conditions-cadres globales offertes par la société (Rochat, 2008).

2.1.3 Les classifications : comprendre et organiser le handicap

Durant le XIXe siècle, l’hygiénisme et la médecine connaissent leur essor (Diederich, 2010). Des théories et des concepts utilisés encore aujourd’hui sont inventés (Diederich, 2010). Effectivement, il ne s’agit plus uniquement de décrire les phénomènes, il faut les comprendre, les organiser. L’un des sujets trouvant de l’intérêt à cette période est celui de la différence entre les êtres humains, notamment dans leurs capacités physiques ou intellectuelles. Des outils intellectuels, élaborés en fonction du contexte, permettent de classifier les êtres humains selon des normes. De ce fait, la norme occidentale devient une idéologie vers laquelle chacunꞏe doit tendre, soit un phénomène imposant une forme de normalisation. De ce fait, des catégories classant les êtres humains sont créées, ces catégories sont ensuite devenues des références (Diederich, 2010). Deux classifications produites par l’OMS sont plus particulièrement traitées, notamment car elles témoignent de l’évolution de la notion de handicap et de ses représentations (Winance, 2008).

La Classification internationale des déficiences, des incapacités et des handicaps (CIDIH ou CIH)

Avant les années 1970, les organisations internationales n’avaient publié ni des textes d’orientation ni des recommandations concernant le handicap (Ravaud &

Fougeyrollas, 2005). Si des textes avaient été écrits, ils ne traitaient pratiquement que de la question de l’adaptation des invalides ou accidentéꞏeꞏs au travail, valeur dominante de l’époque (Ravaud & Fougeyrollas, 2005). En 1975, l’ONU publie sa Déclaration des Droits des personnes handicapées démontrant alors que le handicap n’est pas uniquement une notion relative à la santé, mais qu’il touche tous les secteurs de la société (Ravaud & Fougeyrollas, 2005). De son côté, l’OMS constate que la CIM, née à la fin du XIXe siècle et issue du modèle individuel, ne couvre pas l’état fonctionnel des personnes suite à un problème de santé. Le slogan de la CIM « Une cause, une maladie, un traitement » reflète le modèle curatif en vigueur à l’époque, et ne prend pas en considération les séquelles de certaines maladies ou certains accidents (Ravaud & Fougeyrollas, 2005). Dans ce modèle curatif, les deux seules options initialement envisagées étaient la guérison ou la mort, toutefois les progrès de la médecine ont permis aux personnes de vivre avec des conséquences d’une maladie ou d’un accident en ayant des limitations fonctionnelles (Fougeyrollas, 2002). L’OMS se rend alors compte de la nécessité de prendre également en compte les conséquences des maladies et accidents, notamment suite à deux urgences sociétales : la première est celle de l’évaluation des conséquences des accidents de travail et la seconde concerne la responsabilité étatique envers les mutilés des deux guerres mondiales, notamment en termes de prise en charge, de pension et de remise au travail (Fougeyrollas, 2002). C’est dans ce contexte que l’OMS mandate Philipp Wood, rhumatologue britannique, pour fournir un cadre conceptuel de ce complément à la CIM (Fougeyrollas, 2002). Le but de ce complément est de proposer un langage commun et des possibilités d’évaluation des personnes et des traitements (Fougeyrollas, 2002). La notion de maladie permet d’articuler les

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deux classifications (la CIM et la CIDIH) (Winance, 2008). Ce complément prend en particulier en « compte les conséquences des maladies et blessures dans un sens large incluant toutes les maladies et de constituer la base de futurs systèmes d’information permettant de documenter le phénomène en croissance exponentielle le plus significatif du XXe siècle : celui de la chronicité. » (Fougeyrollas, 2002, p. 3). Effectivement, si lors de l’élaboration de la CIM, les maladies infectieuses étaient prépondérantes, ce sont les maladies chroniques qui prennent de l’ampleur. Ce ne sont plus les maladies en tant que telles qui mènent les gens à consulter, mais les conséquences de la maladie sur la vie quotidienne (Winance, 2008). C’est dans ce contexte que la première classification sur le handicap a été élaborée (Plaisance, 2009) : la CIDIH approuvée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1975, publiée par l’OMS en 1980 (Rochat, 2008) et traduite en français en 1988 (Winance, 2008).

La CIDIH marque le passage d’un modèle curatif à un modèle réadaptatif et introduit la notion de désavantage social mettant alors en avant la partie non médicale du handicap (Ravaud & Fougeyrollas, 2005). La classification, qui était centrée sur les causes dans la CIM, porte son attention sur les conséquences des maladies dans la CIDIH et permet d’avoir un outil et des codes « structurant le recueil des informations nécessaires pour évaluer l’état de santé des populations et l’efficacité des services de santé » (Winance, 2008, p. 382).

L’OMS différencie trois concepts pour les effets de la maladie : la déficience, l’incapacité et le désavantage. La déficience est l’aspect lésionnel, qu’elle soit temporaire ou permanente, elle peut concerner une structure psychologique, physiologique ou anatomique (Plaisance, 2009). L’incapacité est l’aspect fonctionnel du handicap, c’est une réduction partielle ou totale d’une capacité dans une activité. Puis l’aspect situationnel est le désavantage, il touche la personne dans son rôle social, un rôle qui correspond à celui d’une personne de son âge, son sexe et des facteurs sociaux culturels. La personne en situation de handicap ne peut pas répondre aux normes de fonctionnement de la société (vie quotidienne, travail, école, transport, etc.) (Plaisance, 2009; Rochat, 2008).

Déficiences (niveau lésionnel)

Incapacités (niveau fonctionnel)

Désavantages (niveau situationnel) Pertes, malformations,

anomalies ou dysfonctionnements résultant de la maladie

Réduction partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité

Difficultés ou impossibilités à accomplir un rôle social Figure 1 La CIDIH

Dans la CIDIH, le handicap est aussi envisagé comme dans un processus à quatre niveaux successifs qui part d’une situation intrinsèque (la maladie), se transforme en phénomène extériorisé (la déficience), puis en phénomène objectif (l’incapacité) et finalement en problème social (le désavantage) (Winance, 2008).

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La situation de handicap n’est pas déterminée par le seul problème de santé comme cause, il s’agit d’une conséquence, d’un dysfonctionnement en lien avec plusieurs facteurs : environnementaux et contextuels (par exemple une situation de chômage, car la personne ne trouve pas de travail). « En résumé, dans la CIH, le handicap est défini comme l’écart à une norme sociale, définie en termes de performances moyennes, écart résultant d’une maladie et entraînant un jugement négatif, un discrédit, un désavantage pour la personne. » (Winance, 2008, p. 390).

Distinguer plusieurs niveaux permet de mieux appréhender les expériences des personnes en situation de handicap, tout comme cela de différencier les institutions et les spécialistes concernés par le handicap (centres médicaux pour les déficiences, centres de rééducation pour les incapacités et centres d’aide sociale pour le désavantage) (Plaisance, 2009). Cette classification introduit la dimension sociale du handicap, par le désavantage. Effectivement, les normes sociales créent elles aussi le handicap. Toutefois, ce schéma amène aussi son lot de critiques négatives. L’un des éléments très souvent soulevés est son caractère linéaire de cause à effet et à sens unique. Une déficience ne conduit pas inévitablement à une incapacité ni à un désavantage (Plaisance, 2009;

Rochat, 2008). Avec cette approche, la personne est handicapée, car elle est malade, le handicap est donc une tragédie personnelle (Winance, 2008). Cette classification, souvent jugée comme négative dans sa terminologie, oublie les facteurs environnementaux. Toujours dans une conception individuelle et médicale du handicap, le handicap est seulement expliqué par les facteurs- personne (déficiences), l’intervention ne peut alors qu’être centrée sur l’individu (Rochat, 2008).

Cette première classification a permis d’ouvrir le débat sur la question du handicap (Stiker, 2007). Pierre Minaire, médecin de réadaptation, a introduit ensuite la notion de « situation de handicap » et au Québec une équipe de chercheurꞏeꞏs a travaillé sur un modèle intégratif le PPH (Rochat, 2008). Dans le cadre des Disability Studies, le modèle social est ébauché et stipule que la personne n’est pas handicapée à cause de sa déficience, mais à cause de la société et de ses obstacles. Ce modèle social en opposition au modèle individuel de la CIDIH aura une importance certaine dans la révision de la CIDIH (Winance, 2008). Ces modèles alternatifs (intégratif et social) donnent plus d’importances à la norme sociale qu’aux attentes médicales (Winance, 2008).

La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF)

La CIDIH ne devait à l’origine pas être considérée comme une classification définitive. En 1993, elle a toutefois été publiée comme classification de l’OMS (Winance, 2008). La CIDIH, comme vue plus haut, a été critiquée par les mouvements revendicatifs des personnes en situation de handicap, tout comme par des chercheurꞏeꞏs, notamment pour sa non-prise en compte de l’aspect social du handicap (barrières physiques, restrictions des droits humains, discriminations) (Plaisance, 2009). Rappelons que dans les années 1970-1980, outre la Déclaration de l’ONU, de nombreux mouvements de personnes en situation de handicap se sont mis en place, comme l’association internationale des personnes handicapées (Disabled People International) qui a rejeté les définitions de l’OMS (Winance, 2008). À partir de la publication de la CIDIH, de

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