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L’âge adulte où quand la quête d’autonomie influence le quotidien

L’entrée dans l’âge adulte pour les personnes déficientes intellectuelles est une étape importante, car elle marque de grands changements tant dans le domaine privé (prise en charge, institution, lien avec la famille, etc.) que dans le domaine professionnel (formation, emploi, etc.). Toutes les personnes de l’échantillon appartiennent à la tranche d’âge des adultes (18 à 35 ans). Pour étudier cette étape de vie qui « a pour principal enjeu la quête de l’autonomie » (Jourdan-Ionescu et al., 2000, p. 223), cette section examine l’injonction à être adulte pour les personnes ayant une trisomie 21, leurs rapports à l’autonomie et à la dépendance, et enfin la question de la citoyenneté.

Le handicap est perçu comme une « restriction de participation » (Bodin & Douat, 2015, p. 99), allant ainsi à l’encontre de l’image de l’adulte qui participe, qui est autonome. Les observations montrent que la place de la personne ayant une déficience intellectuelle dans l’une des catégories "adulte" ou "enfant" n’est pas figée. Effectivement, bien qu’il semble y avoir une injonction forte à être "adulte" et donc à se comporter en tant que telꞏle, les personnes ayant une trisomie 21 en particulier, et les personnes en situation de handicap en général sont souvent associées à des enfants ou dans tous les cas elles sont séparées et distinguées de la catégorie adulte. Si ce phénomène n’est jamais explicité comme tel, certaines observations démontrent cet accès refusé à la position d’adulte. Par exemple, dans l’atelier professionnel de Lina, une professionnelle différenciait deux types de toilettes, celles où allaient les personnes en situation de handicap et celles des professionnelꞏleꞏs, qu’elle nommait « les adultes ».

Je demande où sont les toilettes à la professionnelle, elle demande à Lina de me les montrer. Elle lui dit « tu sais lesquelles ?». La professionnelle cherche ses mots et dit

« celles des adultes ». Puis, elle se reprend. (Extrait du journal de terrain avec Lina) Bien qu’il semble plus habituel de distinguer les toilettes selon le sexe, entre homme et femme, certains milieux professionnels séparent ces lieux en fonction de l’appartenance à la catégorie de handicap. Et quand il s’agissait de nommer ces lieux, la professionnelle évoquait « celles des adultes » en opposition à celles pour les personnes en situation de handicap. De ce fait, elle marquait d’une part la ségrégation entre les deux groupes et d’autre part le fait qu’elles n’étaient pas adultes. Le père de Louise était aussi tenté de parler de sa fille et de ses collègues en parlant « des enfants », ne reconnaissant pas leur statut d’adulte. Les personnes ayant une trisomie 21 pouvaient, elles aussi, reproduire ce type de représentation, à l’instar de Manuel dans l’extrait ci-dessous.

Je lui demande : « Elle [une femme avec qui il travaille] est trisomique ? », il me répond : « non, c’est une adulte ». Je poursuis : « une adulte ? », il s’explique : « ouais, elle n’a pas le chromosome ». (Extrait du journal de terrain avec Manuel)

Cette utilisation du terme "enfants" en opposition à celui d'"adultes" s’est faite à plusieurs reprises durant les observations, marquant ainsi la difficulté à associer des personnes en situation de handicap à des adultes. La plupart du temps, les personnes faisant référence à ces personnes comme à des enfants se rendaient compte du fait que ce n’était pas approprié, toutefois, cela semblait être ce qui leur venait naturellement, démontrant ainsi la force du stigmate dont sont porteuses les personnes ayant une trisomie 21.

Pourtant souvent associées à d’éternels enfants (Bodin & Douat, 2015) que ce soit dans l’imaginaire collectif ou dans les discours, les adultes ayant une trisomie 21 subissent des injonctions à être adulte. De ce fait, les comportements ou attitudes enfantins sont réprimés, il leur est demandé de se comporter comme des adultes. Lors d’un repas dans le foyer d’Alice, une discussion s’est instaurée sur la mère d’un de ses colocataires, elle était gravement malade et hospitalisée.

Le colocataire en question demande si les médecins vont la soigner. Il y a un petit malaise par rapport à cette discussion. Alice se bouche les oreilles, l’assistante lui dit qu’elle doit être adulte et ne pas se boucher les oreilles, il a le droit de parler de ça.

(Extrait du journal de terrain avec Alice)

Dans une discussion entre Sofia et la professionnelle en charge de l’atelier, Sofia a changé sa voix et a pris une voix plus aiguë rappelant celle d’une petite fille.

Elle l’a fait à plusieurs reprises quand elle ne comprenait pas ce qui était demandé. La professionnelle la reprenait et a confié plus tard qu’elle travaillait avec Sofia sur le fait de ne pas prendre cette petite voix, qu’elle était adulte maintenant. Sofia, qui s’infantilisait avec cette petite voix, était alors reprise et il lui était demandé de se comporter en adulte avec sa voix d’adulte.

Si la question de l’âge adulte était récurrente, il pouvait sembler parfois difficile de définir ce que signifiait être adulte. Chacunꞏe en avait sa propre perception.

Manuel, lors d’une discussion sur le mariage, expliquait que pour se marier, il fallait être adulte, il confiait que lui il était un adulte, mais que quand même il fallait

« bosser » pour payer le mariage. Il expliquait ensuite que bientôt, il souhaitait habiter avec sa copine « pour devenir adulte ». La notion de l’âge adulte est floue

et les observations à ce sujet sont un bon marqueur de cette représentation paradoxale entre la vie d’adulte et le handicap. La transition à l’âge adulte touche trois trajectoires de la vie : professionnelle, résidentielle et familiale (Widmer, Ritschard, & Müller, 2009). Dans son discours, Manuel évoquait ces trois trajectoires pour devenir adulte, la première étant qu’il devait travailler pour gagner de l’argent (professionnelle), qu’il devait habiter avec sa copine (résidentielle) et finalement qu’il devait se marier (familiale). Les observations montrent que les personnes ayant une trisomie 21 peuvent avoir des difficultés à correspondre à ce qui est attendu d’unꞏe adulte, les empêchant ainsi d’obtenir ce statut d’adulte. À propos de ce statut d’adulte, l’autonomie est apparue comme une notion importante, elle est traitée dans la prochaine section.

7.1.1 L’autonomie comme leitmotiv

L’un des enjeux fondamentaux de la vie d’adulte est la quête de l’autonomie. Le terme d’autonomie peut recouvrir un certain nombre de réalités, mais pour la plupart des participantꞏeꞏs être autonome c’est « quelqu’un qui fait tout seul » (Extrait du journal de terrain avec Manuel).

Plusieurs participantꞏeꞏs ont suivi durant leur parcours une formation d’apprentissage à l’autonomie que ce soit dans une institution ou dans une association. Lors de la première rencontre, Lucien et ses parents se sont exprimés à ce sujet.

Après l’école, il a été dans une institution pour jeunes adultes, ils apprenaient un tas de choses, dont l’autonomie. La dernière année, ils apprenaient à vivre en studio.

[…] Il a adoré, il apprenait beaucoup. Il préparait notamment les enveloppes avec la paie de ses collègues. (Extrait du journal de terrain avec Lucien)

D’autres jeunes ont vécu cette expérience, comme Lina, Célien, Marc ou Sofia.

L’autonomie dans la vie personnelle et professionnelle peut être apprise et travaillée durant plusieurs années ; les personnes apprennent à se déplacer en transports publics, à faire leurs achats, à faire leur repas, à gérer leur argent, etc.

Les parents de Lucie expliquaient avoir accordé une grande importance à l’autonomie dans la vie personnelle de leur fille. Elle a suivi une formation qui lui a permis de développer son autonomie et encore aujourd’hui dans le cadre d’une association, elle est accompagnée un vendredi après-midi sur deux pour apprendre « à faire des trucs » et ainsi devenir de plus en plus autonome.

Dans la plupart des institutions et des ateliers observés, les professionnelꞏleꞏs proposaient dans leur accompagnement des objectifs à travailler durant l’année pour chacune des personnes en situation de handicap. L’autonomie pouvait faire l’objet d’un travail par objectifs, elle pouvait donc s’apprendre comme le démontre l’extrait ci-dessous.

L’éducatrice m’explique les objectifs d’Alice : elle fait une fois par semaine le souper et nettoie une fois par semaine sa chambre. Selon elle, ce sont des objectifs pour développer son autonomie. (Extrait du journal de terrain avec Alice).

Sofia, pour sa part, expliquait qu’elle travaillait son autonomie en apprenant à utiliser les transports publics seule. L’autonomie dans la vie personnelle ou dans la vie professionnelle était travaillée et semblait prendre une place importante

dans la vie de ces adultes. L’un des outils permettant cette acquisition d’autonomie était les smartphones. Au-delà du simple lien avec les proches, les smartphones permettaient aux professionnelꞏleꞏs et à la famille de joindre la personne en cas de nécessité. Elles acquéraient donc plus d’autonomie, car les

"valides" les entourant avaient un « filet de sécurité » en cas de problème. Dans l’institution de Lucie, la maîtresse socioprofessionnelle a expliqué que certains travailleurs et certaines travailleuses venaient seulꞏeꞏs aux ateliers. Pour Lina qui était très autonome dans ses déplacements, le smartphone lui permettait d’avoir ce filet de sécurité, s’il y avait un problème avec le transport qu’elle prenait, si elle ne trouvait pas un lieu, elle pouvait toujours appeler sa mère qui la coachait à distance. Certainꞏeꞏs utilisaient aussi des applications pour se géolocaliser et se déplacer ou d’autres pour les transports publics. Les smartphones devenaient alors des facilitateurs leur donnant accès à une plus grande autonomie.

Lors de ces observations, l’autonomie était souvent mise en lien avec le rapport de dépendance à l’autre, souvent "valide". Les personnes ayant une trisomie 21 étaient dans de nombreuses situations dépendantes de l’autre "valide". Depuis leur enfance, leur vie était conditionnée par ce rapport à l’autre, que ce soient des parents, des enseignantꞏeꞏs, des professionnelꞏleꞏs du social ou de la santé.

L’entrée dans l’âge adulte, qui se voudrait synonyme d’indépendance vis-à-vis de l’autre, était alors compromise par ce besoin d’accompagnement dans la vie quotidienne. Celles et ceux qui sont considéréꞏeꞏs comme des facilitateurs et facilitatrices dans la réalisation des habitudes de vie des personnes, deviennent aussi celles qui marquent la séparation les groupes sociaux. L’un groupe, dominant, qui peut prétendre vivre de manière autonome, et l’autre groupe, dominé, qui sont dépendantꞏeꞏs pour la réalisation des habitudes de vie comme prendre les transports publics, se déplacer, se faire à manger, prendre soin d’elles, etc.

La mère de Lucie soulignait que sa fille était autonome « mais avec l’aide des gens ». Ce rapport à la dépendance marque les interactions et les rapports que les personnes ayant une trisomie 21 entretiennent avec les autres individus, notamment les "valides". À plusieurs reprises, les personnes observées attendaient de la part des personnes valides présentes, moi y compris, un soutien ou une aide pour accomplir une tâche. Cette aide semble acquise et façonne logiquement ce rapport social de capacité. L’état de dépendance semble alors faire partie inhérente de la relation entre les "valides" et les "handicapéꞏeꞏs", et ce de telle manière qu’il a tendance à biaiser la relation. Par exemple, bien que je ne fasse pas partie de la vie de l’atelier professionnel, que je sois présente uniquement depuis quelques heures, les personnes en situation de handicap se référaient à moi pour savoir comment faire l’une ou l’autre des tâches. Mon statut de personne valide impliquait alors que je sache et que je puisse aider à la tâche.

Dans cette même idée, lors d’un repas, Charly m’a demandé d’aller lui chercher un fruit pour son dessert, alors que je ne savais pas où les trouver. Quand je lui ai expliqué que je ne savais pas où se trouvaient les fruits, il s’est levé, est passé devant plusieurs personnes en situation de handicap travaillant à la cafétéria et pouvant le renseigner, mais s’est dirigé vers le responsable de la cuisine "valide".

Cette dépendance à l’autre "valide" peut aussi s’avérer une stratégie pour être autonome. Les personnes ayant une trisomie 21 doivent alors trouver des stratégies pour contourner leur handicap et leur difficulté. S’appuyer sur une

"valide" peut en être une. Ces stratégies sont parfois insufflées par les parents.

La mère de Lucien partageait une expérience au sujet de la mise en place de stratégies pour rendre autonome son fils.

Même s’il a des capacités, un bon potentiel, c’est toujours le handicap qui est mis en avant. La mère explique que pour aller à l’école, il devait savoir déboutonner son pantalon, lacer ses chaussures et être propre. Elle a cousu un velcro à son pantalon et n’a acheté que des chaussures à velcro et du coup il était autonome. (Extrait du journal de terrain avec Lucien)

Devenir autonome pour des personnes en situation de handicap semble être un parcours semé d’obstacles pratiques à dépasser (Gardien, 2016). Dans les stratégies mises en place, il a été repéré que ces personnes n’accordaient pas autant d’importance à des sujets qui pouvaient sembler essentiels à unꞏe "valide". À plusieurs reprises, j'ai remarqué que les participantꞏeꞏs ne maîtrisaient pas toutes les données des situations et elles et ils étaient confortables avec cela.

Daniel se déplaçait en transports publics de manière autonome, il allait au travail en prenant plusieurs bus, il se rendait à ses activités de soirées aussi en prenant plusieurs bus. Il semblait maîtriser les transports publics et pourtant s’il était interrogé sur le nom des arrêts, il ne savait pas répondre comme le démontre l’extrait suivant.

On prend le bus. Je lui demande où on s’arrête pour que je prenne mon billet, il ne sait pas me dire. […] Il sait où on doit s’arrêter, il appuie sur le stop. Je lui demande où on va il me dit qu’on a le temps « on est tranquille ». (Extrait du journal de terrain avec Daniel)

Manuel, qui vivait en appartement, bénéficiait de l’accompagnement d’éducatrices. Quand je lui demandais quand les éducatrices passaient, il ne savait pas m’expliquer, mais ne semblait pas gêné de ne pas avoir cette information. Marc, quant à lui, ne connaissait pas les horaires de son travail, il savait dire l’heure de la pause du matin, mais ne savait pas expliquer les autres horaires. De nombreux exemples démontrent qu’elles sont capables de vivre sans avoir une compréhension ou une connaissance complète de ce qui les touche. Et pourtant, cela ne semblait pas poser de difficultés. Si ce besoin de connaître et maîtriser les informations pour être à l’aise est une norme des valides, les personnes ayant une déficience intellectuelle semblent alors y déroger, en quelque sorte, elles résistent à ce besoin de maîtrise de l’environnement qui semble être une norme dominante. Elles connaissent ce qu’elles ont besoin de connaître pour vivre de manière autonome et le reste semble superflu.

7.1.2 La citoyenneté, un droit à acquérir

La question de la citoyenneté si elle n’a que rarement été explicitement abordée en ces termes était récurrente dans les observations. Elle fait partie des enjeux de la vie d’adulte. Dans ce point la citoyenneté est définie comme telle : « la

« citoyenneté active » ou la « participation citoyenne » comme l’exercice des droits civils, des droits sociaux, économiques et culturels et des droits politiques.

La citoyenneté peut s’exercer de plusieurs manières, dans une grande diversité de lieux (associations, groupes, institutions, commissions), à différents niveaux (local, régional, national, international). » (Tremblay, 2013, p. 3)

La citoyenneté et plus précisément l’exercice des droits ne sont pas égaux pour tout le monde, certaines personnes « accusent un retard important […], comme c’est le cas pour les femmes, les enfants, les communautés gay ou lesbiennes, les populations migrantes, les personnes en situation de pauvreté, les personnes en situation de handicap » (Tremblay, 2013, p. 1). Les études féministes ont démontré combien la citoyenneté était androcentrique « construite en excluant les femmes et (a été) forgée sur le modèle de l’homme, propriétaire, blanc et hétérosexuel » (Lieber, 2002, p. 41). Les femmes, comme les personnes en situation de handicap auraient une position particulière, « elles n’acquièrent les droits politiques et civils qu’après les droits sociaux, et en outre, leurs droits ne sont pas toujours identiques à ceux des hommes » (Lieber, 2002, p. 41). Les femmes sont ainsi moins représentées en tant que citoyenne (Giraud & Lucas, 2009) et les « lieux stratégiques de pouvoirs et de décisions restent entre les mains de l’élite masculine. » (Riot-Sarcey, 2000, p. 158). Être unꞏe citoyenꞏne, pour des personnes en situation de handicap, comme pour les femmes, demande de se battre pour avoir les mêmes droits que les personnes appartenant à des groupes dominants.

La citoyenneté a été observée à deux niveaux, d’une part dans le droit de vote et d’autre part dans la participation à des associations. Sur les treize personnes observées, trois d’entre elles n’avaient pas de représentantꞏeꞏs légaux, elles avaient un droit de signature sur des documents comme celui du consentement éclairé pour la participation à la recherche et elles avaient aussi le droit de vote.

Elles pouvaient ainsi participer à la prise de décision à différents niveaux, communal, cantonal et fédéral. Bien qu’elles aient ce droit, les personnes confiaient que c’était souvent trop compliqué et qu’elles ne votaient pas toujours.

Dans tous les cas, avoir ce droit de voter, d’élire permet de participer aux débats de société, de participer aux choix de la société, d’être entendu. Toutefois ce droit n’est pas acquis, toutes les personnes concernées avaient dû effectuer des démarches pour prouver qu’elles étaient capables de voter16. Les personnes ayant une déficience intellectuelle voient leur capacité de voter remise en question, elles sont considérées comme pouvant faire des « votes « irrationnels », des votes « malavisés », et des votes « sous influence ». » (Gurbai, 2012, p. 74).

L’exercice du droit de vote permet « d’être un citoyen au grand jour » (Gurbai, 2012, p. 73).

D’autre part, certaines personnes participaient à des associations qui permettaient de discuter de politique et de vie citoyenne. Elles pouvaient alors aborder des questions d’actualité avec d’autres personnes en situation de handicap et des personnes valides. Des personnes spécialistes des questions débattues pouvaient être invitées pour échanger sur certains sujets. Lucien était engagé dans ce type d’association, il participait au débat. Il avait depuis 2016 le droit de vote, ses parents et lui ont affirmé avoir dû se battre pour l’obtenir, il s’intéressait à la politique et se qualifiait de « révolutionnaire d’extrême droite ».

Dans sa participation à l’association, il faisait régulièrement des discours sur sa condition.

16En novembre 2020, à la suite d’une votation, le canton de Genève reconnait le droit de vote et d’élection pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, la capacité de discernement n’est plus un critère pour retirer les droits politiques. J’y reviens en conclusion.

À un niveau plus institutionnel, certains lieux cherchaient à développer la citoyenneté des personnes ayant une déficience intellectuelle. Telma participait depuis plusieurs mois à un « conseil des travailleurs et travailleuses » qui lui permettait de s’exprimer et surtout de porter la voix de ses collègues quant aux conditions de travail dans l’institution. Les personnes observées participaient aussi aux choix de leurs objectifs personnels ou professionnels, aux choix des activités, etc. Il s’agissait alors de soutenir la mise « en place d'actions sociales favorisant la participation de la personne déficiente intellectuelle » (Joulia, 2014, p. 122). L’autodétermination est une notion présente dans le discours des professionnelꞏleꞏs et permettrait aussi une forme de citoyenneté. En leur donnant des choix sur des activités quotidiennes et en mettant en place des actions leur permettant de s’autodéterminer, les personnes ayant une trisomie 21 pouvaient avoir le sentiment d’influencer leur environnement, d’être capables de trouver des solutions par elles-mêmes ou avec l’aide d’autrui (Bastien & Haelewyck, 2017).

La personne en situation de handicap pouvait alors « indiquer ses préférences, à faire des choix et à amorcer une action en conséquence (composante de l’autonomie) » (Haelewyck, 2013, p. 229).

La citoyenneté peut être l’une des possibilités de s’émanciper et s’affranchir de

« toute forme de contrainte, d’oppression, de domination qui fait obstacle à notre

« toute forme de contrainte, d’oppression, de domination qui fait obstacle à notre