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2. - Les tremblements et les contractures hystériques

Dans le document LES NÉVROSES (Page 112-117)

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Les hystériques présentent souvent d’autres troubles moteur fort intéressants, quoique souvent difficiles à interpréter, qui semblent être intermédiaires entre les agitations motrices dont nous parlions dans le précédent chapitre et les paralysies proprement dites. Ce sont, en particulier, les tremblements et les contractures.

Le tremblement détermine une série ininterrompue de secousses musculaires très régulièrement rythmées, mais très petites et très rapides. On constate, dans les graphiques, que ces petites secousses sont au nombre de cinq à douze par seconde et que leur régularité est d’ordinaire très grande. Il n’est pas facile de comprendre par quel mécanisme se produit cette altération du mouvement et le tremblement n’est pas mieux compris dans les névroses que dans les maladies dites organiques du système nerveux. On rendra, je croix, son étude plus simple, si on observe qu’au point de vue psychologique les cas de tremblement hystérique peuvent, le plus souvent, se ranger dans l’un des trois groupes suivants.

Certains tremblements, les plus lents peut-être, me paraissent ressembler à certaines chorées et se présente dans les mêmes conditions. Une femme de trente-huit ans 19 qui présentait un tremblement intense à la main droite a fini par avouer que ce tremblement était survenu à la suite de longues pratiques de l’écriture automatique pour interroger les esprits. Il suffisait de mettre un crayon dans la main droite pour que le tremblement cessât et fût remplacé par de l’écriture médianimique. On peut dire qu’il s’agissait, ici, d’une sorte de chorée, d’une action subconsciente très incomplète qui prenait, dans certaines conditions, l’apparence d’un tremblement, d’ordinaire plus rapide (7 à 12 oscillations par secondes), ne se transforme jamais en véritables mouvements choréiques ayant une signification; il semble une simple manifestation émotionnelle en rapport avec des émotions conscientes ou subconscientes qui persistent indéfiniment. Le tremblement est, ici, un phénomène surajouté à ces idées fixes que nous avons étudiées tout au début. Je l’ai observé d’une manière remarquable chez un ouvrier qui, à la suite de la chute d’un échafaudage, était resté suspendu pendant vingt minutes à la gouttière d’une maison; le tremblement était associé chez lui d’une manière très nette à des terreurs, des hallucinations, des idées fixes, se présentant sous toutes les formes.

Enfin, il y a une troisième forme du tremblement qui accompagne les parésies, qui précède ou qui suit les paralysies dans les périodes où elles sont incomplètes. Il est alors évidemment en rapport avec l’affaiblissement de l’action volontaire : son mécanisme physiologique ou psychologique est loin d’être encore entièrement élucidé.

Un autre phénomène bien plus important vient compliquer les paralysies hystériques, ce sont les contractures. Il s’agit toujours d’une impuissance motrice, mais elle s’accompagne d’un état de rigidité persistante et involontaire des muscles. Les membres, au lieu de retomber flasques, comme dans les paralysies, présentent, quand on essaye de les mouvoir, une certaine rigidité et restent indéfiniment dans les attitudes particulières que ni le sujet ni l’observateur ne peuvent modifier.

19 Névroses et idées fixes, 1898, II, p. 332.

L’histoire de ce phénomène, qui commence surtout avec les leçons de Brodie en 1837 « Lectures illustratives on certains local nervous affections ». Qui continue avec les travaux de Coulson, 1851, de Paget, 1877, de Charcot, de Laségue, de Paul Richer, correspond à l’évolution des plus grands problèmes de la médecine. On a été amené à séparer peu à peu la contracture hystérique de toutes les affections osseuses, articulaires, nerveuses et médullaires avec lesquelles elle se confondait jadis : c’est dire que ce problème touche à toute la médecine. On peut, en effet, observer ces contractures sur la plupart des muscles du corps et dans chaque région. Elles soulèvent des problèmes curieux de diagnostic. Quand la contracture siège à la face, sur les paupières, sur les muscles des yeux, sur ceux de la bouche, elle donne naissance à des symptômes qu’il faut soigneusement distinguer de certains phénomènes paralytiques en apparence analogues, du ptosis des paupières, de la paralysie d’un côté de la face qui, elle aussi, détermine une déviation de la face. La contracture peut siéger au cou, dans le dos, à l’abdomen, au thorax et, à chaque endroit, voici de nouveaux problèmes qui surgissent. Ici, elle simule une maladie des vertèbres, des déviations de la colonne vertébrale; là, elle transforme la respiration et fait croire à des maladies pulmonaires; ailleurs, elle donne l’apparence de toutes les tumeurs possibles de l’abdomen : ce sont ces contractures qui ont été l’origine des plus grandes erreurs médicales. Quand il s’agit des membres, nous rencontrons les contractures des jambes, les contractures des muscles de la hanche avec le gros problème de la tumeur blanche du genou et de la coxalgie tuberculeuse. Je crois que le médecin le plus exercé ne doit jamais se vanter de ne pas commettre une erreur quand il a à décider entre la coxalgie hystérique et la coxalgie tuberculeuse. Quand il s’agit des bras, la difficulté est, en général, moins grave; mais il faut encore se méfier des fausses luxations de l’épaule, des arthrites et des kystes du coude et du poignet. En un mot, il n’y a pas de plus gros problème clinique que celui des contractures hystériques. Ce qui est bien singulier, c’est qu’il y a là également un gros problème psychologique et que c’est là certainement une des questions les plus obscures et les plus intéressantes de la psychologie pathologique. Son étude permettra, plus tard, de mieux comprendre la nature du mouvement volontaire et les dégradations qu’il présente dans diverses circonstances.

Pour le moment, il faut se borner à mettre en évidence les phénomènes les plus simple qui caractérisent l’évolution et la forme des contractures. Nous savons d’abord que les contractures débutent comme tous les symptômes hystériques, à propos de faits psychologiques, qui sont le plus souvent des symptôme émotionnels.

Un choc n’agit dans ce sens que s’il détermine de grand phénomènes d’émotion et d’imagination et souvent, comme pour les paralysies, un choc réel fait moins qu’un choc imaginaire.

Il en est de même pour la guérison de ces contractures. Dans certains cas, elles persistent indéfiniment : j’ai recueilli deux observations dans lesquelles des contractures nettement hystériques se sont prolongées pendant trente ans. Dans d’autres cas plus fréquents, elles guérissent subitement ou se transforment sous des influences qui seraient incompréhensibles, si l’on ne tenait pas compte des imaginations et des émotions. Ce sont ces maladies qui font la fortune des reliques religieuses et des sources miraculeuses. Quand on lit l’histoire d’un individu cul-de-jatte qui a été poussé à la source dans une petite voiture, avec les jambes tordues sous le corps, dures et desséchées, et qui s’est élevé subitement en emportant sa petite voiture sur ses épaules, on peut affirmer, sans la moindre hésitation, qu’il s’agit là de contractures hystériques. On trouvera, en particulier, plusieurs récits très curieux de ce genre dans le livre célèbre de Carré de Montgeron sur les miracles effectués au cimetière de Saint-Médard, sur la tombe du diacre Paris. Ce sont aussi des phénomènes de ce genre que les médecins ont guéri bien souvent par toutes sortes de précédés, par le courant électrique, par les aimants, par les applications de plaques métalliques, par la simple parole. Il y a donc un ensemble de phénomènes psychologiques dans les terminaisons comme dans les début des contractures.

Si nous jetons un coup d’œil sur les diverses formes que peuvent prendre ces contractures, nous constatons qu’elles peuvent être systématiques comme les paralysies : c’est là un point sur lequel j’ai beaucoup insisté autrefois 20. Il est souvent méconnu, parce que l’on ne considère pas les contractures à leur début et que le plus souvent,

20 Automatisme psychologique, 1889, p. 358, 461; Névroses et idées fixes, 1898, I, p. 175.

au bout d’un certains temps, la contracture s’étend et perd la forme systématique qu’elle avait au moment de sa formation. De telles contractures conservent aux membres, d’une manière permanente, une attitude expressive, rappelant une action ou une émotion : après une colère, le bras reste levé, le poing fermé et menaçant; une femme donne une gifle à son enfant et, comme par une punition céleste, son bras et sa main restent fixés dans la position qu’ils ont prise à ce moment. Une jeune fille, qui apprenait à jouer du violon, a eu le bras gauche contracturé dans la position du joueur de violon; une femme, que j’ai souvent décrite, marche, depuis des années, sur la pointe des pieds, elle ne peut plier les pieds qui sont raidis dans la position de la crucifixion; il s’agit d’une malade qui a des crise d’extase et qui se croit sur la croix comme le Christ 21.

Le plus souvent les contractures sont localisées, elles siègent sur un membre dont elles raidissent tous les muscles à peu près également, de manière à déterminer une attitude, toujours la même, qui dépend de la force inégale des différents muscles de la région.

Les contractures du tronc sont fort fréquentes, quoiqu’elles ne soient bien connues que depuis peu de temps. Quand elles siègent d’un seul côté du corps, elles déterminent de grandes déviations de la taille et les attitudes les plus surprenantes. On voit de ces malades qui restent tordues sur elles-mêmes ou accroupies sans pouvoir se relever.

Quand ces contractures sont bilatérales, elles déterminent seulement une raideur bizarre de la démarche mais amènent, plus qu’on ne le croit, des troubles de la respiration et de la digestion. Il faut toujours songer à ces contractures quand on cherche la cause des étouffements, des constipations, des troubles digestifs 22. Les contractures du cou en arrière ou sur les côtés sont très fréquentes et ont les mêmes causes que les chorées siégeant au même point que nous avons examinées.

Les contractures de la face et de la langue donnent naissance au spasmes glosso-labié, important surtout au point de vue du diagnostic.

Les contractures du bras déterminent le plus souvent l’extension du bras accolé le long du corps avec la fermeture du poing, mais elles

21 Une Extatique, Bulletin de l’Institut psychologique, 1900, p. 209.

22 Contractures, paralysies, spasmes des muscles du tronc chez les hystériques, Névroses et idées fixes, I, p. 292.

peuvent amener d’autres attitudes en rapport avec les causes qui les ont déterminées. Ainsi, une jeune fille avait été frôlée par un omnibus, dans la région de l’épaule : elle conserva, pendant des mois, une contracture permanente de l’épaule gauche, qui restait élevée et accolée contre le cou 23.

Les contractures des jambes sont fréquentes et importantes : les deux jambes sont souvent prises en même temps et alors elles restent étroitement accolées l’une contre l’autre, dans l’extension complète.

Le pied contracturé des hystériques prend le plus souvent, quand il ne s’agit pas de contractures systématiques, l’attitude connue sous le nom de varus équin, en extension avec torsion en dedans.

De même que la paralysie, la contracture peut être hémilatérale, et il n’est pas rare de voir, chez un même sujet. La paralysie du bras et de la jambe céder la place à une contracture de ces deux membres, ou inversement, car l’évolution de ces deux phénomènes n’a aucunement, dans l’hystérie, la régularité que l’on observe dans les hémiplégies dues à des lésions organiques. Enfin, la contracture peut être générale et occuper, à peu près, tous les muscles du mouvement volontaire.

Ces raideurs de tout le corps ne sont pas d’ordinaire aussi prolongées que les contractures localisées, elles font plutôt partie de cet ensemble de phénomènes assez passagers qu’on appelle l’attaque d’hystérie;

cependant, j’ai vu de ces contractures générales se prolonger, sans interruption, pendant plusieurs jours.

Ces diverse contractures se mêlent avec les phénomènes précédents et déterminent, chez les hystériques, un grand nombre de troubles de toutes espèces.

3. - Les phobies des actions

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