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des dysesthésies et des anesthésie hystériques

Dans le document LES NÉVROSES (Page 166-170)

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Nos études précédentes, en particulier celle que nous avons faites sur les agitations motrices et sur les paralysies hystériques, nous permettent de résumer brièvement les caractères de ces troubles des perceptions.

Il est facile de comprendre qu’un grand nombre des dysesthésies sont principalement constituées par l’addition d’un phénomène automatique, d’une idée, d’un mouvement, d’un trouble viscéral à la sensation primitive. Cette sensation est aussi naturelle et aussi normale que possible; elle sert seulement de point de départ à des phénomènes intellectuels et viscéraux qui lui donnent son caractère pénible. Nous retrouvons ici les idées fixes à développement automatique que nous connaissons déjà.

Les dysesthésies dans lesquelles il y au engourdissement de la sensibilité et les anesthésies elles-mêmes sont plus embarrassantes.

Remarquons d’abord qu’il n’y a pas de lésion extérieure de l’organe capable d’expliquer ces symptômes. On ne voit aucun trouble de la peau; le médecin spécialiste ne constate aucune altération de l’oreille ni de l’œil. Cet examen de l’organe est absolument essentiel, en particulier dans les cas si embarrassants d’amblyopie ou de cécité hystériques. Il est indispensable d’établir tout d’abord qu’il n’y a aucune lésion du fond de l’œil, ni du nerf optique, ni aucune

38 Obsessions et psychasténie, I, p. 316, 377, 432.

hémorragie du corps vitré. Rien n’égale dans cet examen l’importance de la recherche des réflexes lumineux. En règle générale, tous les réflexes doivent rester normaux dans une anesthésie hystérique. C’est ainsi qu’on observe la conservation des réflexes cutané, la conservation des érections dans les organes érectiles, et surtout la conservation des réflexes pupillaires. Il y a bien quelques exceptions à propos des réflexes conjonctivaux et des difficultés à propos de certaines modifications des pupilles par spasme des muscles de l’iris. Il y a des inégalités pupillaires qui sont névropathiques, il ne faut pas l’oublier; mais ces phénomènes sont rares et ne doivent pas altérer la règle générale qui nous met gravement en garde en présence d’une altération de ce genre.

À ces premières observations s’ajoutent toutes les remarques que nous venons de faire sur la localisation et la répartition de ces troubles de la sensibilité. Ils portent d’une façon grossière sur la main, le pied, le bras, le sein, la région de l’estomac. Cette localisation semble correspondre à des idées populaires sur les limites des organes, de la main, du pied, de l’estomac, et ne répond à aucune notion anatomique bien précise 39. Quand ces troubles ne sont pas localisés, ils altèrent des fonctions de perception dans leur ensemble et ils sont alors exactement systématisés.

On a vu que les troubles visuels n’étaient pas disséminés et incomplets, comme cela arrive presque toujours à la suite des lésions de l’œil, mais qu’ils semblaient décomposer la vision en une série de petites fonctions partielles qui étaient altérées isolément. Cette remarque sur la systématisation des troubles de perception complète les études précédentes sur l’absence de lésions et sur l’intégrité des réflexes élémentaires. Elle nous confirme dans cette opinion que ce nouveau troubles est fonctionnel et d’ordre psychologique.

Arrivés à ce point, il faut nous convaincre que l’anesthésie hystérique, pas plus que les dysesthésies, n’est une suppression radicale de la fonction elle-même, une destruction de la sensation.

Pour le comprendre, on ne saurait trop insister sur la mobilité de ces anesthésies en apparence si nettes et si fixes. Elles varient d’un

39 État mental des hystérique, I, p. 18.

moment à l’autre sous l’influence de causes si minime qu’elles peuvent passer inaperçues. Tous les accidents hystérique peuvent modifier la répartition de la sensibilité. Des changements d’état même normaux, comme le sommeil naturel, peuvent transformer les anesthésies. J’ai montré autrefois que les anesthésies hystériques, comme les autres troubles névropathiques, disparaissent souvent pendant le sommeil naturel : des sujets qui ne sentent rien sur leur côté gauche pendant la veille sont réveillés ou se plaignent si on les pince de ce côté pendant le sommeil. Diverses intoxications, l’ivresse alcoolique, le début de la chloroformisation, l’état déterminé par la morphine suppriment les anesthésies : une hystérique ivre n’est plus insensible. L’objet principal de mes premières études, publiées dans mon livre sur l’Automatisme psychologique, en 1889, était surtout l’étude des nombreux changements de sensibilité qu’on observe dans les différents somnambulismes provoqués. La sensibilité se modifie également pendant la veille : Briquet avait déjà indiqué l’influence des excitations électriques; Burq avait cru noter celles des aimants et des plaques métalliques. J’ai insisté beaucoup sur l’influence de l’imagination, de la suggestion, de l’association des idées, et surtout de l’attention. Collons un pain à cacheter rouge sur la main insensible d’une hystérique et empêchons-la de l’enlever : elle est gênée par cette modification de sa main, s’en préoccupe, y fait attention et, au bout de peu de temps, sa main est de nouveau complètement sensible.

Toutes ces modifications rapides nous font penser que le trouble de la perception doit être bien superficiel et bien léger 40.

C’est ici le lieu de rappeler toutes les anciennes études que j’ai eu l’occasion de faire, il y a vingt ans, sur un autre caractère plus curieux encore de l’anesthésie hystérique, sur son apparence contradictoire.

Pendant que l’insensibilité semble être complète, on peut montrer par diverses expériences que la perception s’effectue encore au moins d’une certaine manière. Le professeur de Berlin, M. Joly, observait des enfants en apparence aveugles; il notait qu’ils savaient cependant éviter les obstacles et ne se conduisaient pas comme de vrais aveugles : « Ils doivent avoir conservé, disait-il, une espèce de perception. » J’ai pu montrer qu’il en est ainsi dans tous les cas d’anesthésie hystérique. Des sujets naïfs acceptaient aisément cette

40 État mental des hystérique, I, p. 21.

petite convention que je leur proposais : ils devaient nous répondre

« oui » quand ils étaient pincés sur une région sensible, et « non » au moment où ils étaient pincés sur le côté qui ne devait rien sentir. Des objets mis à leur insu dans la main insensible et sans qu’ils pussent les voir, déterminaient des mouvements d’adaptation de la main : les doigts prenaient le crayon ou entraient dans les anneaux des ciseaux.

Si la vue de certains objets déterminait des émotions ou des convulsions, ces mêmes objets les produisaient tout aussi bien quand ils étaient placés devant l’œil qui était aveugle ou dans la région périphérique du champ visuel que le sujet semblait bien avoir quelques notions à propos des impressions faites sur ses organes; on pouvait dire qu’il se comportait comme s’il avait des sensations.

Mais, d’autre part, il affirmait n’avoir aucune conscience de ces mêmes sensations, et je n’avais aucune raison pour douter de cette affirmation et de son anesthésie elle-même. C’est pourquoi j’ai proposé à cette époque d’appeler ces phénomènes des sensations subconscientes et j’ai montré que des sensations subconscientes de ce genre pouvaient presque toujours être mises en évidence dans toutes les formes d’anesthésie hystérique.

En résumé, dans ces troubles de la perception les conditions périphérique de la perception ne sont aucunement modifiées; la perception elle-même, qui semble supprimée ou altérée, peut réapparaître à propos du plus léger changement : bien mieux, elle existe évidemment, d’une manière subconsciente il est vrai, au moment même où elle paraît être supprimée. On peut donc conclure que dans ces troubles la fonction de la perception est bien légèrement altérée. Ici, comme dans l’étude précédente sur les paralysies, nous ne constatons pas un trouble profond de la fonction psychologique, mais une simple modification dans la conscience de la fonction et dans la façon dont le sujet rattache cette fonction à sa personnalité.

7. - Les caractères psychologiques des algies

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