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2. - Les anesthésies hystériques

Dans le document LES NÉVROSES (Page 151-155)

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Comme toujours, dans cette maladie, à côté des exagérations du fonctionnement automatique, nous trouvons des insuffisances de la fonction. Ici, les insuffisances de la perception constituent ce symptôme si important de l’anesthésie hystérique. Ce n’est peut-être pas là un phénomène très important pour le sujet qui en souffre rarement, mais c’est un phénomène très remarquable au point de vue psychologique, qui a été l’objet d’études très importantes et qui a certainement joué un rôle dans le développement de la psychologie pathologique. Ces insensibilités bizarres que présentent certains malades étaient connues depuis fort longtemps : elles constituaient ces marques qu’on appelait les griffes du diable et que l’on recherchait chez les possédés pour pouvoir les envoyer au bûcher en toute sûreté de conscience. Mais leur étude scientifique est assez récente, puisqu’elle ne date guère que des travaux de Piorry, 1843; de Maccario, 1844; de Gendrin, 1856. L’examen psychologique de ce singulier phénomène a été quelque peu commencé par Briquet, 1859, mais il date surtout de l’époque de Charcot et de son école.

Il est impossible d’indiquer ici, même sommairement, toutes les observations qui ont été faites sur l’anesthésie hystérique. Il nous suffit d’indiquer d’abord les faits les plus simples relatifs à la sensibilité générale et ensuite quelques notions sur les anesthésies qui affectent les sens spéciaux.

Le sujet se plaint rarement de ne pas sentir, c’est un symptôme auquel il est d’ordinaire indifférent, à moins qu’il n’y ait en même temps de ces chatouillements, de ces troubles qui accompagnent quelquefois des anesthésies incomplètes. C’est un symptôme que le médecin découvre à propos d’autres phénomènes. En faisant l’examen du sujet, on remarque qu’il y a certaines excitations auxquelles l’individu normal réagit et qui laissent absolument indifférent le malade. Cette insensibilité est, en effet, rarement totale, presque toujours elle est plus ou moins systématique, c’est-à-dire qu’elle porte exclusivement sur telle ou telle catégorie de phénomènes. Nous observerons le plus communément l’anesthésie à la douleur, l’analgésie, tandis que le sujet continue à sentir les impressions de toucher ou les changements de température, il ne réagit pas aux excitations qui, d’ordinaire, provoquent de la douleur.

Quelquefois, cette analgésie est considérable et de très forte excitations ne sont pas senties : j’ai décrit une femme à qui on a pu pratiquer l’opération assez grave du curettage de l’utérus sans chloroforme et qui ne manifesta aucune sensibilité 32. Le plus souvent cette analgésie n’est pas absolue; lorsque l’excitation est très forte et surtout lorsqu’elle est bizarre, anormale, elle réveille la sensation.

Certains auteurs se trompent, à mon avis, en déclarant qu’un sujet n’avait pas d’analgésie, parce qu’ils réveillent momentanément sa sensibilité par de fortes excitations électriques. C’est un caractère des anesthésies hystériques, comme nous le verrons, que de pouvoir être dissipées par des excitations anormales. Cela n’empêche pas qu’avant ces excitations et en dehors d’elles, le sujet n’ait eu une indifférence spéciale pour des traumatismes qui éveillent la douleur dans la conscience des autres hommes.

Une autre forme d’insensibilité porte sur les impressions de chaud ou de froid; dans d’autres cas, elle porte sur le toucher proprement dit.

Le sujet ne distingue pas les contacts légers comme ceux des poils d’un pinceau et ne sait aucunement si on le touche ou si on ne le touche pas, ni quels objets on met dans sa main. La même insensibilité peut siéger non seulement sur la peau, mais encore sur les muqueuses; l’insensibilité de la bouche, du pharynx, de la conjonctive oculaire, ont été souvent étudiées. Ces troubles de perception sont

32 Névroses et idées fixes, I, p. 481

intéressants, car ils s’accompagnent souvent de la suppression de certains phénomènes, de la suppression plus ou moins complète du réflexe nauséeux ou du réflexe conjonctival des paupières.

L’anesthésie musculaire enlève la connaissance de la position des membres, de leurs mouvements ou du poids que le membre soulève;

le sujet est incapable de discerner la différence qu’il y a entre les divers poids que l’on met sur sa main, il ne peut pas, quand il a les yeux fermés, décrire la position donnée à un de ses membres, il est incapable de placer volontairement et consciemment le membre symétrique dans la même position; enfin, il n’apprécie pas normalement la fatigue générale ou locale. Tous ces phénomènes sont souvent très remarquables et amènent à leur suite une foule de conséquences très curieuses qui ont été l’objet des premières études de la psychologie expérimentale.

Une variété d’anesthésie tactile et musculaire très curieuse et peu connue trouble non la perception des impressions mais leur localisation. Dans sa forme la plus intéressante, cette anesthésie empêche le sujet de distinguer son côté droit de son côté gauche ou l’amène à commettre, à ce propos, une singulière erreur qui consiste à apporter toujours au côté droit une impression faite sur le côté gauche et réciproquement. J’ai publié, il y a déjà longtemps, une étude sur l’interprétation de ce phénomène de l’allochirie que je considérais comme un trouble exclusivement psychologique 33. Mon interprétation est restée longtemps ignorée et ce n’est que tout récemment que M. E. Jones l’a reprise en la développant par de nouvelles observations 34. La localisation des sensations dépend du sentiment de certains caractères propres à chaque région du corps qui accompagne chaque sensation : ces caractères sont les signes locaux que décrivait déjà Wundt. Ces signes locaux varient suivant les différentes régions; mais ils sont fort semblables entre eux, quand il s’agit de deux points symétriques du corps, comme les deux poignets ou les deux pieds. En un mot, il est plus facile de distinguer les signes locaux de la main et ceux du genou que de distinguer les signes locaux de la main droite de ceux de la main gauche. Cette perte de la

33 Névroses et idées fixes, I, p. 234.

34 Communication au Congrès de neurologie d’Amsterdam¸ 1906.

localisation et en particulier ce trouble spécial de l’allochirie dépendent d’une insensibilité systématique portant précisément sur cette différence minime des signes locaux.

On peut encore signaler une autre forme d’anesthésie plus générale qu’on appelle généralement l’anesthésie organique : elle enlève non seulement la connaissance des impressions venant de l’extérieur, mais la conscience même de l’existence du membre. Ces personnes, anesthésiques d’un côté, se sentent dans le vide si elles sont couchées sur ce côté. Une malade ayant une anesthésie de ce genre à la jambe, prétendant sentir ses orteils collés à sa cuisse, comme si le genou et la jambe avaient disparu.

On a aussi distingué les anesthésies d’après les régions sur lesquelles elles s’étendaient. Il est en effet intéressant de remarquer que, dans certains cas, ces anesthésies présentent à la surface du corps une répartition assez régulière. Elles couvrent tout un membre ou une portion de ce membre et se terminent par des lignes à peu près circulaires, perpendiculaires à l’axe du membre. C’est ce que Charcot appelait des anesthésies en gigot, en manche de veste. Ce genre d’anesthésie, à forme dite géométrique, est souvent contestée aujourd’hui; je crois cependant en avoir constaté un très grand nombre de cas excessivement nets. Plus souvent, l’anesthésie porte sur des régions plus vastes, sur toutes la moitié inférieure du corps, par exemple, ou bien sur une moitié du corps et, dans ce cas, Briquet avait déjà remarqué autrefois que l’hémianesthésie gauche est plus fréquente que l’hémianesthésie droite. Très souvent, ces hémianesthésies se superposent à des hémiplégies, mais elles peuvent aussi exister à peu près isolément.

3. - Les troubles de la vision

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