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Synthèse du chapitre

Chapitre 4 : l’évolution du business model social

1.1 L’approche processus de l’évolution du BM

1.1.1 Les travaux sur les moteurs ou les freins de l’évolution du BM

Pour répondre à la question « pourquoi » le BM évolue-t’il ? Il conviendra d’analyser les facteurs internes et externes qui motivent ou freinent l’évolution du BM. Plusieurs travaux de recherche s’appuient sur des entreprises établies qui ont connu des changements de leurs activités, de leurs industries, etc. Certains auteurs ont étudié les facteurs liés à l’évolution du BM dans une industrie. On peut citer Moyon (2011) qui a étudié les cinq majors de l’industrie phonographique ; Schneider et al. (2013) qui se focalisent sur le secteur de l’aviation ou Roaldsen (2014) sur celui de l’alimentaire. De même, Anderson et Kupp (2008) se sont concentrés sur le secteur des télécommunications, Richter (2013) sur les photovoltaïques solaires ou la presse écrite avec Wikstrom et Ellonen (2012). Les facteurs explicatifs de l’évolution du BM sont encore assez hétérogènes et empruntent des directions différentes (Wirtz et al, 2016).

Au niveau macroéconomique, des auteurs ont identifié des facteurs qui motivent l’évolution du BM comme les effets de la mondialisation croissante de l'environnement des entreprises (Lee et al, 2012) ou les développements technologiques et des nouveaux comportementaux avec le Web 2.0 (Wirtz et al, 2010).

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Au niveau microéconomique, des auteurs ont identifié des facteurs moteurs de l’évolution du BM. Dans une étude de cas unique, Aspara et al. (2012) soulignent le rôle des cognitions des gestionnaires dans le processus d’évolution. Doz et Kosonen (2010) font ressortir le rôle de l'agilité stratégique dans une étude de cas multiple. Anderson et Kupp (2008) citent la reconfiguration de la chaîne de valeur, la collaboration avec des partenaires non traditionnels et la construction de capacités locales mais aussi la concurrence. Roaldsen (2014) qui se concentre sur les capacités dynamiques distingue les routines de coopération intra-gestion, l'apprentissage collectif, la capacité de recherche d'avantages compétitifs, la capacité d'avancement dans la confiance et la planification des processus opérationnels comme des facteurs influençant l’évolution du BM. En étudiant l’industrie du Disque, Moyon et Lecocq (2014) montrent que les partenariats sont des déterminants importants dans l’évolution du business model. Pour ces auteurs, les partenariats en dehors des frontières de l'industrie ont un impact positif sur le potentiel d’innovation des entreprises. Au-delà de leurs influences sur l'innovation, les partenariats interindustriels peuvent aussi avoir un impact positif sur la rentabilité des industries car plusieurs sources de revenus résultent de ces partenariats interindustriels. Reuver et al. (2009) indiquent la technologie et le marché sont les plus important facteurs tandis la régulation joue un rôle mineur. Néanmoins, ces facteurs jouent un effet modéré pour les entreprises établies et les grandes entreprises. Achtenhagen et al. (2013) identifient trois capacités critiques à savoir une orientation vers l'expérimentation et l'exploitation de nouvelles opportunités d'affaires, une utilisation équilibrée des ressources, ainsi que la cohérence entre le leadership, la culture et l'engagement des employés, en établissant un ensemble d’actions stratégiques.

Dans un autre ordre d’idée, Doz et Kosonen (2010) identifient le succès d’un BM (le chemin évident à suivre) comme un facteur qui explique sa tendance naturelle à être stable. Dans un article théorique, Chesbrough (2010) souligne deux catégories d'obstacles : l'obstruction et la confusion. Laukkanen et Patala (2014) adoptent une approche plus globale et évoquent des barrières réglementaires, commerciales, financières, sociales et comportementales. Koen et al. (2010) mentionnent comme frein, le leadership paradoxal en termes de déficience managériale, de complexité organisationnelle, de processus de gestion de l'innovation rigoureusement conventionnels, d'incertitude financière et de membres d'équipe biaisés agissant uniquement sur leurs connaissances antérieures. Richter (2013) identifie le manque de produits et de services, le manque de demande des clients, le manque de compétences et le manque de

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rentabilité. Eichen et al. (2015) ont élaboré des catégories conceptuelles, à savoir les obstacles liés à la sensibilisation, liés à la recherche, liés au système, à la logique et à la culture.

D’un autre côté, Amit et Zott (2010) et Christensen (1997) identifient la racine de la tension dans l'innovation disruptive comme le conflit entre le modèle d'entreprise déjà établi pour la technologie existante, et ce qui peut être nécessaire pour exploiter la technologie émergente, perturbatrice. Etant donné que les clients finaux peuvent être différents, tout comme les canaux de distribution nécessaires, l'entreprise affecte son capital aux utilisations les plus rentables. Par conséquent, la technologie établie sera disproportionnellement favorisée et la technologie disruptive privée de ressources. Ce qui freine ainsi l’évolution du BM.

Chesgrough et Rosenbloom (2002) ont mis en évidence une autre barrière cognitive à l'expérimentation de BM soutenant que le succès des BM établis influence fortement l'information qui est ensuite acheminée ou filtrée des processus décisionnels corporatifs. Cette approche s'appuie sur la notion antérieure de Prahalad et Bettis (1995) d'une « logique dominante » de la façon dont l'entreprise crée de la valeur et puis saisit la valeur. Dans le déroulement quotidien de la vie des affaires, cette logique aide l'entreprise à évaluer l'information importante. Donc, elle cherchera des informations qui s'inscriront dans cette logique et évitera ce qui est en conflit avec elle.

En somme, la variété et la diversité des industries, des moteurs et des obstacles mentionnés ci- dessus illustrent bien l'hétérogénéité des travaux. Nous résumons ces facteurs explicatifs de l’évolution ou de la stabilité du BM dans le tableau 9 suivant. En outre, on peut noter que la plupart des travaux portent sur l’évolution du BM des entreprises bien établies et moins sur les startups. Ainsi, la question des facteurs moteurs ou freins de l’évolution du BM des startups est encore peu étudiée particulièrement celle des startups sociales. D’où l’importance de répondre à cette question dans le cadre de ce travail.

Par ailleurs, les travaux qui s’inscrivent dans une approche processus cherchent également à répondre à la question suivante : comment le BM évolue ? Selon Wirtz et al. (2016), les études sur l’évolution du BM partagent l’opinion selon laquelle l’évolution du BM est d’une grande importance mais elle est très difficile à mettre en œuvre car il existe des barrières puissantes qui entravent sa réalisation. A la question « comment le BM évolue ? », les chercheurs utilisent deux démarches : la démarche normative et la démarche analytique (Moyon, 2011).

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Tableau 9 : Les facteurs d’évolution du BM

Type de facteurs Facteur Auteurs Facteurs externes

(moteurs ou freins)

Economique et social Afuah et Tucci, 2001 ; Murray et Tripsas, 2004

Institutionnel Govindarajan et Trimble, 2005 ;

Herzlinger, 2006 ; Pfeffer, 2005

Réglementaire Alt et Zimmermann, 2001

Marché Reuver et al. (2009)

Technologique Calia et al.,2007 ; Reuvers et al.,

2009 L’arrivée de nouveaux

entrants, l’accroissement du coût de certaines ressources ou encore l’émergence de substituts Demil et Lecocq, 2010 Facteurs internes (moteurs) Expériences et connaissances

accumulées Sosna et al., 2010 ;

Objectifs organisationnels Teece, 2010 opportunités d'affaires,

utilisation équilibrée des ressources

Achtenhagen et al. (2013)

Partenariats interindustriels; partenaires non traditionnels

Moyon et Lecocq (2014); Anderson et Kupp (2008) Motivations personnelles de l’entrepreneur, leadership, culture Svejenova et al., 2010; Achtenhagen et al. (2013) Facteurs internes (freins) Représentations cognitives, logiques dominantes Chesbrough, 2010 ; Pfeffer, 2005; Prahalad et Bettis (1995)

Imprévisibilité des résultats du changement; complexité organisationnelle

Doz et Kosonen, 2010 ; Berry et al., 2006 ; Berggren et Nacher, 2001; Koen et al. (2010) Barrières règlementaires,

commerciales,sociales, comportementales

Laukkanen et Patala (2014)

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