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L’étude de cas multiples comme stratégie d’accès au réel 1 Définition et intérêt de l’étude de cas

épistémologique et méthodologie adoptée

Section 2 : le Choix méthodologique

2.1 L’étude de cas multiples comme stratégie d’accès au réel 1 Définition et intérêt de l’étude de cas

Une méthodologie qualitative par étude de cas a été mobilisée pour conduire notre recherche. Yin définit une étude de cas comme « une investigation empirique qui examine un phénomène contemporain au sein de son contexte réel lorsque les frontières entre le phénomène et le contexte ne sont pas clairement évidentes et pour laquelle de multiples sources de données sont utilisées » (Yin,1994 p.17). Eisendhardt (1989) ajoute que l’étude de cas est une stratégie de recherche qui a pour objet la compréhension des dynamiques et processus sous-jacents de certains phénomènes.

L’étude de cas tient compte des dimensions historique, contextuelle et circonstancielle des phénomènes observés (Giordano, 2003). Elle se prête bien à des études longitudinales (Barker, 1993) ou historiques (Vézina, 1999) dans une approche diachronique. De plus, elle fournit aussi beaucoup d’éléments et d’informations concernant les circonstances dans lesquelles se produisent les phénomènes observés. Ces données favorisent une approche contextualiste de l’activité de la firme (Pettigrew, 1983) et permettent ainsi de mieux comprendre l’évolution du contexte dans lequel s’insère la firme.

L’étude de cas comme méthode de recherche se distingue de l’autre forme d’étude de cas employée pour l’enseignement. L’étude de cas ambitionne de comprendre un phénomène et de ce fait, se distingue des études de cas pédagogiques qui visent à illustrer un point ou faire ressortir un élément important pour l’apprentissage (Gagnon, 2012). Les études de cas sont appropriées lorsque la question de recherche débute par pourquoi ou comment (Dubouloz, 2013 ; Renaud, 2012). Nous cherchons en partie à comprendre et à expliquer le « pourquoi » et le « comment » de l’évolution du BM des entreprises sociales. Miles et Huberman (2003) stipulent que des relations légitimes et raisonnablement stables peuvent être découvertes au sein

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des phénomènes sociaux par le biais d’études de cas dans une perspective du réalisme transcendal (ou réalisme critique). En plus, l’entreprise sociale et le BM sont deux concepts complexes qui recouvrent diverses réalités. La rigueur et la transparence des recherches qualitatives pouvant être remises en cause, nous avons suivi les recommandations de Miles et Huberman (2003) dont le processus d’analyse des données qualitatives est rigoureux et cohérent avec notre stratégie d’accès au réel et notre méthodologie. Nous avons également pris de nombreuses précautions afin d’assurer la qualité de cette recherche, tant au niveau de sa fiabilité que de la validité des résultats.

Des études de cas sont généralement considérées comme étant de qualité supérieure pour la création d'une compréhension des phénomènes empiriques et pour générer de nouvelles théories (Eisenhardt, 1989). Selon Yin (2003), les études de cas multiples sont préférables dans une logique de réplication littérale ou théorique. Se pose alors la question du choix des cas selon leur nature et leur nombre. Yin (2009) en propose une typologie qui distingue quatre designs en fonction du nombre de cas mais aussi de leur caractéristique enchâssée ou non (cf. figure 15).

178 Source : Yin (2009, p. 46)

Notre recherche s’inscrit dans la partie droite d’en haut donc des cas multiples holistiques. La multiplication des cas peut également être utile dans une logique comparative et pour permettre de trouver des cas contraires qui inciteront à approfondir la compréhension et l’explication (Dubouloz, 2013).

2.1.2 Le choix de la nature et du nombre de cas

La question du choix du nombre et de la nature des cas est délicate. Il est essentiel de trouver un terrain d’étude représentatif de la question de recherche (Gagnon, 2012). La qualité des résultats et la compréhension du phénomène en dépendent (Yin, 2014). Nous avons tenu à faire une sélection adéquate de cas par rapport à notre problématique en visant les cas les plus informatifs possible et non pas un échantillon statistiquement représentatif.

Pour Eisenhardt (1989), avec moins de quatre cas, les fondements empiriques risquent d’être peu convaincants. Cependant, Dyer et Wilkins (1991) soulignent que les études de cas unique ont durablement marqué les sciences sociales. De plus, l’étude attentive d’un seul cas peut également conduire les chercheurs à développer de nouvelles relations théoriques et à questionner les anciennes.

Le choix de plusieurs cas nécessite qu’on soit explicite sur les critères de sélection (Miles et Huberman, 2003). Une sélection adéquate d'un nombre modéré de multiples cas saura équilibrer le compromis entre les études de cas détaillées uniques et d'augmenter les avantages théoriques de l'inclusion de plusieurs cas supplémentaires par échantillonnage théorique. Deux critères peuvent conditionner le choix des cas : la saturation et la réplication (Thiétart, 2014).

✓ Le principe de réplication

Le principe de réplication dans les recherches qualitatives permet de tester des théories (Yin, 2014) où d’en construire (Eisenhardt, 1989, Eisenhardt et Graebner, 2007). Le nombre de cas selon ce principe de réplication d’une recherche dépend de deux critères à savoir le degré de certitude souhaité et de l’ampleur des effets (Yin, 2014). Chaque cas est sélectionné soit parce

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qu’on suppose trouver des résultats similaires (cas de réplication littérale) soit parce que, selon la théorie, il devrait conduire à des résultats différents (cas de réplication théorique). Deux ou trois cas de réplication littérale sont suffisants lorsque la théorie est simple et que l’enjeu ne requière pas un degré de certitude important. Dans la situation contraire, lorsque la théorie est subtile ou si l’on souhaite un degré de certitude plus important, cinq à six cas de réplication constituent un minimum (Yin, 2014).

Le nombre de cas de réplication théorique dépend, quant à lui, des conditions supposées exercer une influence sur le phénomène. Ainsi, plus il existe un grand nombre de conditions différentes susceptibles d’influencer le phénomène ou de théories alternatives, plus le nombre de cas de réplication théorique pourra être important. Eisenhardt (1989) recommande d’étudier quatre à dix cas selon le principe d’échantillonnage théorique de Glaser et Strauss (1967). Chaque cas est sélectionné selon des raisons théoriques de réplication, d’extension de théorie, de contradiction ou d’élimination d’explication alternative (Eisenhardt et Graebner, 2007).

✓ Le principe de saturation

Contrairement à Yin (2014), Glaser et Strauss (1967) ne fournissent pas d’ordre de grandeur du nombre d’unités d’observation que doit comporter l’échantillon. Selon ces auteurs, la taille adéquate d’un échantillon est celle qui permet d’atteindre la saturation théorique des catégories. Cette saturation théorique est atteinte lorsqu’on ne trouve plus de données supplémentaires générant de nouveaux éclairages théoriques, ni de nouvelles propriétés aux principales catégories (Charmaz, 2006). Généralement la collecte des données s’arrête lorsque les dernières unités d’observations analysées n’ont pas apporté d’éléments nouveaux. Ce principe repose sur le fait que chaque unité d’information supplémentaire apporte un peu moins d’information nouvelle que la précédente jusqu’à ne plus rien apporter.

Au-delà de ces deux principes essentiels, qui visent à accroître la validité interne, il est également possible d’augmenter le nombre de cas afin d’améliorer la validité externe. Ces nouveaux cas seront alors sélectionnés de manière à faire varier le contexte d’observation (par exemple, localisation géographique, type d’organisation…). Pour Thiétart (2014 p.221) « la validité de l’étude peut être reliée à trois caractéristiques de l’échantillon qui sont la nature (hétérogène ou homogène) des éléments qui le composent, la méthode de sélection de ces éléments et le nombre d’éléments sélectionnés (cf. tableau 15). La validité externe concerne la

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possibilité d’étendre les résultats obtenus sur l’échantillon à d’autres éléments, dans des conditions de lieu et de temps différentes. La validité interne consiste à s’assurer de la pertinence et de la cohérence interne des résultats par rapport aux objectifs déclarés du chercheur ».

Tableau 15 : Les caractéristiques de l’échantillon influençant la validité

Eléments d’appréciation Validité interne Validité externe

Caractère La recherche améliore

Homogène (+) (-)

Hétérogène (-) (+)

Nombre de cas La recherche présente

Petit nombre de cas (étude approfondie)

(+) (-)

Grand nombre de cas

diversifiés

(-) (+)

(-) faible et (+) fort Source : adaptée de Thiétart (2014 p.222)

Le tableau 15 ci-dessus synthétise les principales caractéristiques de l’échantillon qui influence la validité interne et externe de la recherche. En effet, l’utilisation d’un échantillon d’éléments homogènes améliore la validité interne mais au détriment de la validité externe. Tandis que le recrutement avec des éléments hétérogènes aura une validité interne faible et une forte validité externe. De même, les études de cas multiples avec un faible nombre de cas étudiés en profondeur présentent une forte validité interne et une faible validité externe. Alors qu’un échantillon avec un grand nombre de cas diversifiés aura une plus faible validité interne mais une plus grande validité externe.

La corroboration empirique étant un des principes méthodologiques clés du réalisme critique (Wynn et Williams, 2012), nous avons tenu à respecter ce principe par la multiplication et la diversification de nos cas. Ce qui permet d’évaluer dans quelle mesure une explication causale peut être maintenue à travers différents cas et événements (Wynn et Williams, 2012). Ainsi, la corroboration empirique nous permet alors de s’assurer que les mécanismes générateurs

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proposés représentent la réalité de manière adéquate, et qu’ils ont un meilleur pouvoir explicatif que des explications alternatives.

2.2 Le cadre empirique : l’échantillonnage théorique pour le