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l’entrepreneuriat, une analyse de l’évolution du concept et des

Section 2 : L’évolution des approches dans le processus entrepreneurial

3.1 Les motivations et les objectifs de l’entrepreneur

Il est important de connaître les motivations et les objectifs de l’entrepreneur pour mieux comprendre sa logique d’action. Des chercheurs se sont intéressés à la question du « pourquoi ? » pour déterminer les motivations de l’entrepreneur et ses caractéristiques. Les travaux de ces auteurs, regroupés dans ce qu’on appelle l’école des « traits », avait pour objectif de différencier les entrepreneurs des autres individus par l’identification de leurs caractéristiques psychologiques (Janssen et Surlemont, 2009). L’identification de ces caractéristiques permettrait de prédire le comportement entrepreneurial.

En reprenant Laville et Nyssens (2001), la théorie économique a montré ses limites car il est difficile de réunir ces hypothèses fondatrices. Ces auteurs nous rappellent que « la théorie économique repose sur le théorème fondamental selon lequel l’allocation des ressources par le

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marché est efficace lorsque celui-ci est composé de consommateurs et d’entreprises qui maximisent leur profit. Mais ce résultat est valable pour un marché de concurrence pure et parfaite, c'est-à-dire lorsque des conditions particulières d’échange sont rencontrées, parmi lesquelles l’absence de pouvoirs des agents, une information parfaite sur les biens et les services échangés ou encore l’absence d’externalités et de biens publics. Il suffit qu’une de ces conditions ne soit pas remplie pour que l’allocation des ressources par le marché ne soit plus efficace ». En admettant ces limites de la théorique économique classique, la concurrence réelle permet à un entrepreneur de poursuivre des objectifs autres que la maximisation du profit, bien que ce dernier constitue souvent une contrainte de sa fonction d’utilité (Janssen et Surlemont, 2009). Pour ces auteurs, « les entrepreneurs poursuivent fréquemment des objectifs non lucratifs telle que la satisfaction psychologique d’être son propre patron. L’indépendance, professionnelle et/ou financière se retrouvent parmi les motivations des entrepreneurs. Il en existe une multitude dont la volonté est d’assurer un revenu ou un emploi pour sa famille, le désir de réaliser des produits de qualité, la créativité, le pouvoir, le statut, la réalisation individuelle, la pérennité de l’entreprise, etc. » (Janssen et Surlemont, 2009 p.35-36).

Une revue de la littérature permet de regrouper les motivations de l’entrepreneur sous deux catégories génériques : les motivations de type « pull » qui sont des facteurs intrinsèques que l’entrepreneur contrôle, et les motivations de type « push » qui sont des facteurs extrinsèques sur lesquels ce dernier a peu d’emprise. La perception d’une opportunité de marché, la réalisation personnelle ou la recherche de profit peuvent être considérées comme des motivations pull (Janssen et Surlemont, 2009). Tandis qu’une situation de chômage, d’insécurité d’emploi, d’un emploi peu satisfaisant, peu rémunérateur ou sans perspective de progression sont typiquement des motivations push (Giacomin et al., 2010).

En outre, les travaux du Global Entrepreneurship Moniteur (GEM)9 utilisent plutôt les concepts « d’entrepreneur de nécessité » (push) et « d’entrepreneur d’opportunité » (Pull).

9 Le rapport du GEM de Marlese von Broembsen, Eric Wood, Mike Herrington (2005) distingue : « Necessity-

motivated entrepreneur » and « Opportunity-motivated entrepreneur »

A necessity entrepreneur is someone who is engaged in starting or managing a new firm because he or she has no better work alternatives.

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L’entrepreneuriat par opportunité rejoint les motivations traditionnelles des créateurs (indépendance, réalisation de soi, etc.). Ils agissent en fonction d’opportunités qu’ils ont identifiées (Fayolle, 2015). L’entrepreneuriat par nécessité concerne les personnes qui envisagent la création d’entreprise car elles ne trouvent pas d’autres possibilités d’emploi (Léger-Jadiniou, 2013). Elles créent leur propre emploi pour survivre et se réinsérer dans la société après des périodes de chômage longues et de nombreuses tentatives infructueuses pour retrouver un emploi rémunéré. Pour Fayolle « ces individus qui entreprennent par nécessité sont des entrepreneurs sociaux (ils créent, au moins, leur emploi et ne sont pas à la charge de la société) qui bénéficient des mesures et systèmes d’aide communs ou d’autres plus adaptés à leur situation de demandeurs d’emploi » (Fayolle, 2015 p.48).

Cette dichotomie est jugée quelque peu réductrice et, fréquemment, nécessité et opportunité se mêlent et se complètent pour constituer des motivations complexes et hybrides. Le moteur de l’entreprise sociale n’est pas la recherche d’un rendement maximal pour les investisseurs, mais bien la réalisation de la mission sociale que les entrepreneurs sociaux se sont donnés. Ainsi, à côté des entrepreneurs par opportunité et par nécessité, il existe des entrepreneurs qui sont animés par d’autres motivations notamment la résolution de problèmes non ou bien mal prise en charge ou encore de changement social. Nous appelons ces derniers des « entrepreneurs de solution » ou « des entrepreneurs d’impact ». L’entrepreneur d’impact ou de solution est un entrepreneur qui cherche à apporter de la valeur économique et/ou sociale à toutes ces parties prenantes tout en essayant au mieux de minimiser ses externalités négatives dans la société en générale. Ainsi, ce concept d’entrepreneur d’impact serait plus adapté à l’évolution du rôle de l’entreprise pour inclure les entreprises qui s’inscrivent dans une véritable vision de triple

bottom line, qu’elles s’activent dans l’économie sociale ou dans l’économie marchande. De ce

fait l’entrepreneur d’impact est plus inclusif que l’entrepreneur social. Dans cette dynamique, les entrepreneurs classiques s’inscrivent dans une démarche de triple finalité économique, sociale et environnementale.

Selon Roy, « le courant de la responsabilité sociale des entreprises avait déjà, depuis quelques décennies, indiqué que les entreprises en dehors de celles de l’économie sociale pouvaient

An opportunity entrepreneur is someone who is engaged in starting or managing a business in order to take advantage of an opportunity. This may be a life-style opportunity, an opportunity to work for oneself or to make more money.

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s’impliquer socialement, sans doute de manière plus réparatrice que transformatrice. Celui de l’entrepreneuriat social interroge davantage l’économie sociale puisqu’il reprend une partie de ses valeurs et prétend aux mêmes effets transformateurs de l’économie » (Roy, 2016 p.6). En plus, l’entrepreneuriat social est animé d’une autre vision d’une économie « sociale », qui reprend les outils traditionnels de l’économie et de l’entreprise pour s’investir dans des secteurs non traditionnels comme l’aide aux pays en développement, la production écologique, la gestion des espaces publics, l’aide au chômeur, les personnes âgées, etc.

En somme, les objectifs et les motivations des entrepreneurs peuvent varier au fil du temps et du développement de l’organisation. Par conséquent, la classification des entrepreneurs en entrepreneur d’« opportunité », de « nécessité » ou d’« impact » semble moins évidente même si elle se base sur les motivations de départ. C’est pourquoi nous introduisons le terme « entrepreneur d’impact ».