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Un traitement de la thématique environnementale lié aux différentes problématiques politiques

Chapitre 1 Les particularités du discours sur l’environnement d’Obama

1. Le positionnement du discours d’Obama sur l’environnement

1.2. Un traitement de la thématique environnementale lié aux différentes problématiques politiques

Evoquer la question environnementale s’apparente à une entreprise discursive périlleuse sur une scène politique américaine peu encline à accorder une place prépondérante à une thématique fréquemment considérée comme incompatible avec la préservation des valeurs promues par l’esprit américain. Pour remédier à ce problème, l’orateur intègre le traitement de cette thématique environnementale à celui des problématiques politiques concernant de près la population américaine. Comme les États-Unis traversent une crise économique considérable en 2008, la question environnementale se trouve régulièrement abordée sous un angle particulier, la perspective d’une transition énergétique constituant une opportunité économique à saisir.

L’analyse des cooccurrences d’energy permet d’obtenir le graphique suivant :

Figure 9. Cooccurrences d'energy dans le corpus de discours de Barack Obama

Parmi les cooccurrences, on remarque la présence de mots précisant la nature des sources d’énergies abordées en discours avec les adjectifs clean, new, renewable ou les noms sources et oil. Ce graphique met également en avant l’emploi du mot energy en discours avec les notions d’economy et de jobs. La constitution de la table des cooccurrences d’energy à l’aide du logiciel TXM (voir annexes p. - 400 -) témoigne du rapprochement effectué par l’orateur entre les thématiques énergétiques et économiques. Si la distance moyenne de 2.92 entre les cooccurrents energy et

economy révèle cette proximité des deux termes dans le discours de Barack Obama, les indices de

cooccurrences entre energy et clean ainsi qu’entre energy et renewable (voir annexes p. - 400 -) démontrent que la transition vers des sources énergétiques se trouve au cœur des préoccupations discursives du démocrate. 0 50 100 150 200 250 300 350 th e of in o u r a cl e an en e rgy m o re n ew re n e w ab le re so u rc es ec o n o m y th is an jo b s o il

CoFréq

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Sur les 232 occurrences d’economy présentes dans le corpus de discours, 23 occurrences sont en fait des lexies constituées autour du noyau composé energy economy (voir annexes p. - 404 -). L’analyse de ces différentes lexies laisse transparaître l’intérêt politico-économique de Barack Obama envers des sources énergétiques autres que les ressources fossiles traditionnellement utilisées dans le pays. Bien que Barack Obama évoque la possibilité de s’orienter vers a green, renewable energy

economy, soit vers une « économie de l’énergie verte et renouvelable » dans son discours du 24 juin

2008, les autres lexies composées autour de ce noyau restent plus vagues quant à l’inclinaison déterminée de l’orateur en faveur des énergies renouvelables. Les discours des 4 août 2008 et 26 janvier 2009 présentent chacun 2 occurrences de new energy economy. Utiliser une telle lexie permet de souligner l’intérêt de l’orateur envers une transition énergétique du pays sans préciser les modalités de cette transformation et la nature exacte des sources d’énergies qu’il souhaite promouvoir à l’occasion de cette transition. L’emploi de new suggère seulement la dimension moderne et inédite du modèle économique énergétique que l’orateur souhaite mettre en place. Dans le discours du 26 janvier 2009, Barack Obama emploie également une forme plus développée de cette lexie avec new American energy economy qui n’apporte pas plus de précisions sur les sources d’énergie envisagées.

La présence de 15 occurrences de clean energy economy, à savoir une « économie de l’énergie

propre » semble à première vue relier la conception économique de la transition énergétique prônée

par Barack Obama des enjeux de la protection environnementale. Néanmoins, cette lexie ne précise pas la nature des sources d’énergie incluses sous cette appellation. Évoquer une propreté des sources d’énergie ne présuppose pas de leur caractère exclusivement renouvelable. Doit-on pour autant percevoir une volonté de l’orateur de maintenir une certaine ambiguïté quant à la nature exacte des formes énergétiques à promouvoir afin de ne pas heurter la sensibilité d’une quelconque partie de son auditoire ? Bien que le discours de Barack Obama entretienne parfois le flou, il montre également que l’orateur garde la question environnementale à l’esprit :

Pour finalement déclencher la création d'une économie d'énergie propre, nous allons doubler la production d'énergie alternative au cours des trois prochaines années. Nous allons moderniser plus de 75% des bâtiments fédéraux et améliorer l'efficacité énergétique de deux millions de foyers américains, faisant économiser des milliards aux consommateurs et aux contribuables sur nos factures d'énergie. Dans ce processus, nous mettrons les Américains au travail dans de nouveaux emplois qui paient bien et ne peuvent pas être délocalisés-les emplois créant des panneaux solaires et des éoliennes ; la construction de voitures et de bâtiments économes en énergie ; et

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développer les technologies énergétiques nouvelles qui mèneront aussi à plus d'emplois, plus d'économies et à une planète plus propre et plus sûre par la même occasion39. (Obama, 8 janvier 2009)

L’adjectif « alternatif » suggère l’idée d’une succession et d’un choix : ainsi, on peut passer d’un usage traditionnel qui s’est imposé de manière prédominante à un autre type d’usage. L’association de cet adjectif à « énergie » suppose que diverses sources d’énergies peuvent se substituer à l’utilisation installée des carburants fossiles. Bien que la lexie « énergie alternative » ne procure aucun renseignement complémentaire sur la nature des sources d’énergie à doubler dans les trois ans, le détail des mesures annoncées apporte divers éclairages sur la conception de l’orateur et sur le lien qu’il établit entre la problématique économique du pays et la question environnementale. Le sémantisme des verbes employés pour annoncer les diverses mesures induit l’idée d’évolution. Pour « moderniser », il s’agit de faire évoluer le pays en mettant en œuvre une certaine capacité de progrès afin d’adapter le développement aux besoins actuels. « Améliorer » implique un changement visant à obtenir une qualité supérieure ou à accéder à une condition plus avantageuse. La mise en place de ces diverses mesures participe d’un « processus », à savoir d’une « suite continue de faits, de

phénomènes présentant une certaine unité ou une certaine régularité dans leur déroulement. » selon

le TLFi.40 Le sémantisme du mot processus, ou process dans le discours américain, montre donc que l’orateur conçoit et traite dans son discours la diversité des mesures qu’il annonce comme un ensemble logique d’actions à mener afin de répondre aux problématiques animant la politique du pays. De fait, la transition énergétique et l’amélioration des performances énergétiques visent d’une part à favoriser les conditions économiques du pays et des ménages, et d’autre part à créer de l’emploi.

Ainsi, se tourner vers la transition énergétique proposée par Barack Obama revient à résoudre deux problèmes majeurs de la population américaine. Le gain en matière d’environnement n’est considéré que comme un bonus supplémentaire apporté par la démarche. Adopter ce type de raisonnement permet à l’orateur de ne pas rebuter la partie de l’auditoire qui ne se sent pas concernée par la question environnementale ainsi que celle qui s’y trouve même hostile à l’origine. Si les exemples fournis par l’orateur concernent les industries durables et les énergies renouvelables,

39 Notre traduction de : "To finally spark the creation of a clean energy economy, we will double the production of alternative energy in the next three years. We will modernize more than 75 % of federal buildings and improve the energy efficiency of two million American homes, saving consumers and taxpayers billions on our energy bills. In the process, we will put Americans to work in new jobs that pay well and can't be outsourced – jobs building solar panels and wind turbines; constructing fuel-efficient cars and buildings; and developing the new energy technologies that will lead to even more jobs, more savings, and a cleaner, safer planet in the bargain."

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l’orateur ne procède pas à un ancrage de ces préoccupations dans le domaine de la préservation de l’environnement, mais plutôt dans les questions économiques et industrielles du pays. Bien qu’il se trouve déjà en position de président élu, Barack Obama cherche à persuader son auditoire du bien fondé de ses choix politiques en combinant les problématiques économiques et environnementales. En ce sens, il inscrit son discours dans le principe de la modernisation écologique.

Cette démarche se retrouve en diverses occasions. Lorsqu’il annonce les mesures prises pour s’orienter vers la fabrication de véhicules plus performants au niveau de la consommation énergétique, Barack Obama fait également allusion aux bienfaits et à la relance économique qu’offrent la transition énergétique et l’orientation du pays vers un modèle d’économie fondé sur l’exploitation de l’énergie propre :

[...] Henry Waxman préside une réunion du Comité de l'énergie et du commerce, qui travaille sur un projet de loi sur l'énergie tout aussi historique qui ira non seulement au secours de notre dépendance à l'égard du pétrole étranger, empêchera les pires conséquences du changement climatique et créera une économie d'énergie propre, mais fournira plus de 15 milliards de dollars pour aider à construire les voitures et les camions du futur ici en Amérique. Et le plan de relance que nous avons mis en place, ainsi que le budget qui en découle, fait des investissements historiques dans une économie d'énergie propre : doublant notre capacité à générer des énergies renouvelables comme l'énergie éolienne et solaire ; investir dans de nouvelles technologies de batterie pour les hybrides plug-in ; et construire un réseau électrique plus intelligent et plus fort sur lequel les maisons, les entreprises et les véhicules du futur fonctionneront.41

(Obama, 19 mai 2009)

Dans cet extrait de discours, Barack Obama évoque certains aspects financiers de la transition énergétique entreprise. Bien que la question environnementale ne soit pas placée au cœur des préoccupations motivant cette transition, cette fois-ci le changement climatique est quand même nommé lorsque le président américain affirme que le projet de loi en cours d’élaboration va

41 Notre traduction de : "is chairing a meeting of the Energy and Commerce Committee, which is working on an equally historic energy bill that will not only help our dependence on foreign oil, prevent the worst consequences of climate change, and build a clean energy economy, but will provide more than $ 15 billion to help build the cars and trucks of the future right here in America.

And the recovery plan we've put in place, as well as the budget that builds on it, makes historic investments in a clean energy economy: doubling our capacity to generate renewable energy like wind and solar; investing in new battery technologies for plug-in hybrids; and building a smarter, stronger grid on which the homes, businesses and vehicles of the future will run."

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contribuer à éviter ses « pires conséquences ». La description du plan de relance met en avant des mesures en faveur de l’environnement sans évoquer d’argument écologique.

Au niveau sémantique, la lexie « plan de relance » suppose l’organisation d’une suite ordonnée d’actions répondant à une volonté d’impulsion nouvelle. La série de verbes employée par l’orateur témoigne de l’élaboration d’un projet structuré coordonnant une série d’actions à mettre en œuvre. Le sémantisme de ces verbes indique une volonté de renouvellement qui s’inscrit dans une démarche de développement productif et économique. Le participe présent « doublant » indique l’action d’une multiplication par deux. Le verbe « générer » entend la notion de produire. Le fragment discursif « doublant notre capacité à générer » suppose que la capacité de production est déjà évaluée quantitativement et doit être augmentée jusqu’à sa multiplication par deux. « Investir » implique la notion de placement d’argent afin de retirer un bénéfice. « Construire » sous-entend la réalisation de quelque chose, à savoir le cheminement à effectuer pour produire quelque chose. Ainsi, le détail des mesures évoquées par Obama présente le parcours d’actions à accomplir. Si ces actions contribuent à la promotion de mesures favorables à la préservation de l’environnement, la stratégie discursive employée les institue en moteur du développement économique : les mesures en faveur de l’environnement sont introduites et traitées comme des items relevant d’un intérêt économique bénéfique pour le pays. Procéder ainsi permet vraisemblablement à l’orateur d’éviter la levée d’une opposition marquée à l’encontre de mesures environnementales.

Tous ces exemples portent une ambiguïté sur la nature des énergies à promouvoir, mais laissent penser que l’orateur fait référence à des énergies de type renouvelables ou moins polluantes. L’usage que fait Barack de la lexie clean energy economy dans le discours du 30 mars 2011 soulève alors un autre problème :

Et nous devons commencer maintenant parce que - pensez à cela - dans les années 1980, l'Amérique abritait plus de 80% de la capacité éolienne mondiale, 90% de la capacité solaire mondiale. Nous étions les leaders de l’éolien. Nous étions les leaders du solaire. Nous détenions l’économie de l’énergie propre dans les années 80.42

(Obama, 30 mars 2011)

Cet extrait confirme que les énergies renouvelables sont considérées comme des moteurs de l’économie de l’énergie propre par l’orateur. Comme Barack Obama affirme que l’économie de l’énergie propre était détenue par les États-Unis grâce au développement exclusif de l’énergie

42 Notre traduction de : "And we’ ve got to start now because-- think about this-- in the 1980s, America was home to more than 80 percent of the world’ s wind capacity, 90 percent of the world’ s solar capacity. We were the leaders in wind. We were the leaders in solar. We owned the clean energy economy in the 80s."

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éolienne et de l’énergie solaire dans les années 1980, cela suppose que la notion même d’économie de l’énergie propre se fondait à cette époque sur la promotion d’énergies renouvelables. Ce constat engendre une interrogation sur une éventuelle évolution de la notion portée par clean energy

economy : l’ambiguïté actuelle régissant l’usage de clean energy economy est-il dû à un élargissement

historique progressif du concept ? À l’inverse, on pourrait penser que l’orateur emploie délibérément, lorsqu’il parle exclusivement d’énergies renouvelables, cette notion de clean energy economy aux contours plus ou moins flous pour maintenir le doute sur ce qu’elle recouvre effectivement. L’orateur ne s’attarde pas malheureusement sur une définition de la notion qui pourrait apporter un quelconque éclaircissement sur ce sujet : la stratégie discursive adoptée vise surtout à inciter le pays à reprendre sa place dans la course mondiale d’une économie fondée sur la promotion et la maîtrise. La promotion de l’économie de l’énergie propre se fait à l’aune de la compétitivité. Enfin, l’usage très particulier que fait l’orateur de cette lexie dans son discours du 26 juin 2013 vient confirmer le fait que l’économie de l’énergie propre inclut des formes d’énergies non renouvelables :

La ligne de fond est que le gaz naturel crée des emplois. Il abaisse les factures de chauffage et d’énergie de nombreuses familles. Et c'est le carburant de transition qui peut alimenter notre économie avec moins de pollution carbonée, même si nos entreprises travaillent à développer et ensuite déployer plus de technologie requise pour une économie de l'énergie encore plus propre dans le futur43. (Obama 26

juin 2013)

L’analyse de ce passage amène à produire deux constats. D’une part, Barack Obama intègre le gaz naturel à sa conception de l’économie d’énergie propre dans la mesure où son emploi génère moins d’émissions de carbone. Ainsi, la lexie clean energy economy ne présuppose pas une orientation du pays vers une économie fondée sur de l’énergie renouvelable exclusivement, mais plutôt la tendance à réduire les émissions et les facteurs de pollution. L’usage d’une forme comparative pour évoquer une « économie de l’énergie encore plus propre » ou cleaner energy

economy, vient confirmer ce point. L’orateur procède à une classification des formes d’économies de

l’énergie propre. Evoquer une « économie de l’énergie encore plus propre » équivaut à déclarer que ce qui est aujourd’hui considéré comme une énergie propre deviendra vraisemblablement moins propre dans le futur en fonction des progrès technologiques effectués.

43 Notre traduction de : "The bottom line is natural gas is creating jobs. It's lowering many families' heat and power bills. And it's the transition fuel that can power our economy with less carbon pollution even as our businesses work to develop and then deploy more of the technology required for the even cleaner energy economy of the future."

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Dans le discours de Barack Obama, le traitement de la question environnementale ne se fait pas par le biais du discours à vocation écologique. L’évolution du pays vers une consommation énergétique moins polluante constitue un outil présenté par l’orateur permettant de faire évoluer le pays vers une économie plus moderne. Ainsi, le traitement de la question environnementale se fait par association aux problématiques socio-économiques du pays. Même si ce choix permet de promouvoir une transition énergétique bénéfique pour l’environnement, il soulève une question de fond : peut-on vraiment parler d’un discours environnemental dans le cadre des productions oratoires de Barack Obama ? Fournir une réponse objective à cette interrogation constitue une entreprise difficile. Toutefois, s’il n’est pas possible d’affirmer fermement que ce traitement de la question environnementale appartient à une certaine catégorie de discours ou non, la caractéristique du discours de Barack Obama réside certainement dans la volonté d’installer dans les esprits la transition énergétique en tant que solution aux autres problématiques du pays. Si ce choix argumentatif ne démontre pas une volonté première de protection de l’environnement, il a au moins le mérite d’introduire la question environnementale en discours d’une manière subtilement proche des centres d’intérêts premiers de la communauté américaine et de servir la cause environnementale

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