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Chapitre 2 La construction argumentative du discours environnemental d’Obama

1. Les arguments majeurs invoqués

1.2. La relance de l’industrie

Pour Barack Obama, la transition énergétique constitue une opportunité de relancer l’industrie, et par là-même l’économie. Comment l’orateur parvient-il à promouvoir cette transition énergétique en tant qu’outil de relance économique dans le discours ? Tout d’abord, l’homme politique met en avant les perspectives de gains qu’offrent les différentes facettes de la transition énergétique. Pour soutenir son plan de relance, il développe des exemples fructueux de transition énergétique, tant au niveau de l’industrie qu’au niveau des citoyens américains. Dès sa campagne électorale, il évoque des usines re-nées, re-born factories (Obama, 4 août 2008), grâce au développement des nouvelles technologies. On dénombre 7 occurrences de l’adjectif shuttered (voir annexes p. - 420 -) dans le corpus de discours. Si cet adjectif fait directement référence aux fermetures d’usines connues par le pays en raison de la crise économique, celles-ci sont accompagnées d’un message d’espoir exposant des reconversions industrielles prometteuses pour les citoyens tant au niveau économique qu’en perspective d’emploi et de renouvellement local et national. Ainsi, il déclare par exemple :

Ou nous pouvons choisir un autre avenir. Nous pouvons décider que nous allons faire face aux réalités du 21ème siècle en construisant une économie du 21ème siècle. Dans quelques années seulement, nous pourrons regarder des voitures qui fonctionnent avec une batterie enfichable sortir des mêmes lignes d'assemblage que la première Ford et la première Chrysler. Nous pourrons voir que les usines fermées ouvrent leurs portes aux fabricants qui vendent des éoliennes et des panneaux solaires qui alimenteront nos maisons et nos entreprises. Nous pourrons regarder alors que des millions de nouveaux emplois avec de bons salaires et de bons avantages sont créés pour les travailleurs américains, et nous pourrons être fiers de l'essor des technologies, des découvertes et des industries du futur aux États-Unis d'Amérique.80 (Obama, 4 août 2008)

L’argumentation de l’homme politique donne donc à voir un tableau projectif positif des perspectives qu’offre la transition énergétique qu’il propose. Cette hypotypose est ponctuée par la répétition de « nous pouvons », à savoir « we can ». Si l’orateur ouvre une perspective de possibles

80 Notre traduction de : "Or we can choose another future. We can decide that we will face the realities of the 21st century by building a 21st century economy. In just a few years, we can watch cars that run on a plug-in battery come off the same assembly lines that once produced the first Ford and the first Chrysler. We can see shuttered factories open their doors to manufacturers that sell wind turbines and solar panels that will power our homes and our businesses. We can watch as millions of new jobs with good pay and good benefits are created for American workers, and we can take pride as the technologies, and discoveries, and industries of the future flourish in the United States of America."

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pour la communauté américaine, la répétition de « nous pouvons » dans le discours fait écho à son slogan de campagne « yes, we can ». Marteler le possible porte non seulement un message d’espoir auprès des électeurs, mais la répétition récurrente de « nous pouvons » prend une dimension mémorielle dans le discours. Ainsi, l’orateur part de l’histoire industrielle historique du pays pour proposer sa vision d’un avenir prospère fondé sur une industrie plus efficace énergétiquement. Barack Obama ne s’appuie donc pas forcément sur des exemples réussis de reconversion industrielle au cours de sa campagne électorale, mais il élabore des hypotyposes projetées dans le futur dépeignant une réussite économique du pays. En procédant de la sorte, l’orateur transporte son auditoire dans le domaine du possible pour l’avenir des États-Unis. Son argumentation repose sur l’enchaînement de cause à effet qu’il établit entre la transition énergétique et les gains en résultant en matière d’emploi, de développement industriel et de croissance économique. Le contraste ainsi amplifié entre la situation de crise actuelle et la prospérité qui pourrait être atteinte vient renforcer le raisonnement discursif de l’orateur.

Par la suite, il présente au cours de son mandat les réouvertures d’usines résultant de la mise en œuvre du plan de relance fondé sur la promotion de la transition énergétique. Après avoir rappelé la fermeture récente de l’entreprise NUMMI dans son discours du 26 mai 2010, Barack Obama expose les bénéfices de cette politique :

Mais grâce à des prêts du ministère de l'Énergie, qui ont permis de fournir aux moteurs Tesla les moyens financiers à développer, cette usine fermée va bientôt rouvrir.81 (Obama, 26 mai 2010)

L’orateur repart du constat des usines fermées suite à la crise économique, mais cette fois le futur qu’il évoque est relativement proche et s’ancre dans une réalité effective proche plutôt que dans une projection fictive des bénéfices à obtenir de la transition énergétique. L’orateur établit un lien de cause à effet entre les prêts accordés par l’état et le renouveau industriel : établir un lien illustrant la réussite de la politique menée contribue à construire une image favorable de l’homme politique et de ses décisions. Barack Obama reprend donc un des thèmes qu’il avait abordé au cours de sa campagne et donne à voir à son auditoire un exemple de réussite de la vision qu’il avait élaborée au cours de sa campagne, établissant un certain contraste entre le passé de crise et un futur proche laissant espérer une nouvelle prospérité. La représentation du passage d’une « usine fermée » à sa réouverture illustre certes une renaissance économique, mais cela confère également l’allure

81 Notre traduction de : "But thanks to loans through the Department of Energy, which helped provide Tesla motors with the financial wherewithal to expand, that shuttered plant is soon going to reopen."

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d’un cycle de vie qui redémarre. Plus tard, cette perspective de reconversion économique proposée par l’orateur donne encore lieu à une évolution discursive :

J'ai visité des usines qui étaient fermées, où ils construisent désormais des pales d’éoliennes avancées qui sont aussi longues que des 747 et où ils construisent les axes qui les soutiennent.82 (Obama, 30 mars

2011)

Cette nouvelle référence aux usines fermées suite à la crise économique aboutit à une concrétisation des propos tenus par Barack Obama en 2008. Le constat établi par l’orateur permet de renouveler son argument car la reconversion industrielle de l’usine dont il est question illustre son point de vue et atteste de sa validité. Le contraste entre la situation de crise de 2008 et la renaissance industrielle est désormais chose effective que signale l’orateur en accentuant les caractéristiques de l’industrie renouvelée : l’orateur indique la nature de la production réalisée sur le site avec « des

pales d’éoliennes avancées qui sont aussi longues que des 747 ». Le détail de la précision fournie par

le président américain surprend par son emphase : la comparaison de la longueur des pales à celle d’un avion de gros gabarit ne trahit pas uniquement l’enthousiasme de l’homme politique, mais elle propose une visualisation à l’auditoire de l’ampleur de la production, soit du succès de la politique de relance menée. Témoigner ainsi de la réussite de la relance industrielle promise par la transition énergétique permet à l’orateur de légitimer sa volonté de transition énergétique. L’argumentation qui se fondait alors sur un lien de cause à effet construit par l’homme politique devient au fil du temps une argumentation par l’exemple existant.

En ce qui concerne cette relance industrielle, l’argument de fond de Barack Obama repose sur le fait que tout le monde a quelque chose à y gagner. Pour promouvoir le besoin d’orienter l’industrie automobile vers une efficacité énergétique plus performante, l’homme politique précise notamment que :

Le fait est que tout le monde gagne : les consommateurs paient moins pour le carburant, ce qui signifie moins d'argent partant à l'étranger et plus d'argent pour économiser ou dépenser ici à la maison. L'économie dans son ensemble fonctionne plus efficacement en utilisant moins de pétrole et produisant moins de pollution. Et les entreprises comme celles-ci aujourd'hui ont de nouvelles incitations à

82 Notre traduction de : "I’ ve toured factories that used to be shuttered, where they’ re now building advanced wind blades that are as long as 747s, and they’ re building the towers that support them."

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créer les technologies et les emplois qui offriront des moyens plus intelligents pour alimenter nos véhicules.83 (Obama, 19 mai 2009)

Pour l’homme politique, l’amélioration des performances énergétiques des automobiles contribue à la création d’une stratégie politique gagnante pour tout le monde. Selon cette conception, la politique d’instauration de normes auprès des constructeurs ne constitue pas une contrainte liée à la cause environnementale, mais une perspective d’amélioration de la qualité de vie pour tout un chacun. Si la relance de l’industrie automobile est envisagée sous l’angle de la contrainte, l’objectif consiste à proposer une solution bénéfique à tous les niveaux de la société américaine. L’orateur développe son argumentation en exposant divers liens de cause à effet, s’enchaînant les uns aux autres : il explique que l’amélioration de la performance énergétique signifie des économies pour les citoyens et une consommation plus patriotique orientée sur le pays et non sur l’étranger. Ce point de départ participe de la relance économique générale, et par conséquent à la création de nouvelles technologies. On retrouve ici une argumentation fondée de nouveau sur la notion d’un cycle renaissant. Présenter l’impact de l’instauration de normes de consommation auprès de l’industrie automobile sous cet angle permet d’attirer l’intérêt et l’implication de tous dans cette orientation politique et économique. L’argumentation ne cible pas la cause environnementale, mais l’intérêt de toute la communauté américaine. Barack Obama provoque l’adhésion des esprits à la transition énergétique qu’il souhaite mettre en place en détaillant les bénéfices que chacun est susceptible d’en retirer.

Dans un pays reconnu pour son attachement aux espoirs de prospérité personnelle, présenter la transition énergétique comme un facteur de relance équivaut à intégrer la thématique des économies d’énergies et de la promotion des énergies renouvelables comme des enjeux sociétaux de fond pour l’Amérique. Bien que la question environnementale ne constitue pas la priorité du discours, son traitement par assimilation à la relance du pays l’institue en tant qu’objectif majeur.

83 Notre traduction de : "The fact is, everyone wins: Consumers pay less for fuel, which means less money going overseas and more money to save or spend here at home. The economy as a whole runs more efficiently by using less oil and producing less pollution. And companies like those here today have new incentives to create the technologies and the jobs that will provide smarter ways to power our vehicles."

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