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Chapitre 3 La circulation des discours et le texte de presse

1. Spécificités du discours de presse

1.2. Discours de presse et identité

La question de l’identité constitue une problématique majeure du discours de presse. Elle se pose à plusieurs niveaux, qu’il s’agisse de la ligne éditoriale du journal ou bien de l’ethos même du journaliste. L’identité éditoriale conditionne le discours de presse selon la ligne directrice choisie. Un double niveau énonciatif doit être pris en compte, l’énonciation textuelle du discours de presse à proprement parler étant régie par une énonciation éditoriale déterminée. Cette dernière confère une harmonie générale à la publication dans son ensemble, légitime l’appartenance du discours de presse à un journal donné et participe à sa reconnaissance en tant que tel par le public. Cette notion d’identité éditoriale est susceptible d’influer sur la représentation du discours d’autrui. Quelle influence peut-elle exercer dans le choix des citations des dires politiques de Barack Obama sur la question environnementale ainsi que sur l’image de ce dire que la presse souhaite donner à voir à ses lecteurs ?

L’AFC effectuée sur le corpus d’articles en fonction du quotidien où les articles de presse sont publiés expose la situation suivante :

Figure 4 AFC du corpus d'articles en fonction des quotidiens

Ainsi, l’identité de chaque quotidien semble avoir un impact sur le discours de presse qu’il donne à voir à ses lecteurs. On peut en déduire que l’identité d’un quotidien se construit à travers le

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discours lui-même : comme l’identité éditoriale impacte le discours, on peut présumer qu’elle influe également sur les représentations des propos de Barack Obama sur la question environnementale.

Bien que le discours de presse prétende proposer une certaine objectivité à ses lecteurs, il offre toutefois une énonciation textuelle complexe. Le système d’énonciation porte les traces de l’énonciation éditoriale fixée, mais aussi celles du journaliste. Une grande polyphonie ainsi qu’une certaine hétérogénéité énonciative s’offrent aux lecteurs du discours de presse. En fait, le discours de presse constitue une forme de communication différée dans le temps dans la mesure où sa rédaction résulte d’un événement, discursif ou non, qui s’est produit et a été soumis à un cheminement réflexif ordonné procédant méthodiquement et successivement à l’analyse puis à l’interprétation médiatique du fait dont la presse souhaite rendre compte. À ce titre, Maingueneau qualifie le discours de presse de « locuteur particitant » (Maingueneau, 2004 : 111-126) étant donné que celui-ci cite parfois le discours d’autrui tout en l’organisant à sa convenance sans même dévoiler ses sources. Si la

particitation résulte d’une volonté de l’énonciateur qui choisit d’autonomiser un énoncé en

particulier et de l’intégrer dans son discours sans prévenir du caractère citationnel de l’énoncé autrement que par un décalage interne de l’énonciation, elle témoigne également d’une certaine adhésion à l’énoncé cité de l’énonciateur journalistique s’arrogeant alors dans le même temps un statut d’hyperénonciateur.

Le discours de presse propose délibérément une grande polyphonie à ses lecteurs. C’est un discours qui n’hésite pas à citer un grand nombre de sources différentes pour se construire lui-même. Il ne donne pas à voir un reflet fidèle de la réalité, mais une combinaison élaborée avec soin de divers éléments discursifs constituant la réalité. Alors que le journaliste est généralement considéré comme l’énonciateur source du discours de presse, il agit surtout en coordonnateur et en porte-parole des diverses sources énonciatives dont il articule les citations pour construire son article, proposant alors une vision, voire même une interprétation personnelle de l’actualité et des discours d’autrui. C’est ici que le rôle énonciatif du journaliste prend toute son ampleur : les choix qu’il va effectuer alors pour construire son discours de presse vont témoigner de son point de vue personnel, imprégnant de fait le discours d’une certaine subjectivité perceptible malgré les tentatives d’objectivisation du discours qu’il peut mener. Qu’il procède à un effacement énonciatif, à une surénonciation ou à une sous-énonciation, la place que s’accorde le journaliste-locuteur n’est pas neutre comme le signale Sophie Marnette (Marnette, 2004 : 51-64). S’attarder sur les moyens mis en œuvre par le journaliste au niveau énonciatif afin de comprendre l’objectif recherché par celui-ci s’impose alors.

Dans tous les cas de figure, le discours journalistique reste dépendant du dire politique en un certain sens. C’est ce que fait remarquer Tangi Quémener qui a fait partie du personnel des

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correspondants de presse autorisés à travailler en tant que permanent à la Maison-Blanche, lorsqu’il déclare :

Quelle que soit notre proximité avec le pouvoir, nous ne savons des événements courants que ce que l’on veut bien nous en dire.

(Quémener, 2012 : 239)

Le discours de presse ne peut que reprendre ce que le discours politique veut bien porter à la connaissance de ses auditoires et des organes de presse, le condamnant parfois implicitement à émettre des critiques interprétatives ou spéculatives sur le dire dévoilé. Si les journalistes peuvent regretter les manipulations politiques opérées sur le discours de presse par le biais de l’orchestration de fuites occasionnelles, et même particulièrement sporadiques sous la présidence d’Obama (Quémener, 2012 : 131), il reste néanmoins utile de voir comment le dire politique à venir peut être annoncé à l’avance par le discours de presse, illustrant par là-même le lien étroit unissant le discours politique au discours journalistique, l’identité de ce dernier se construisant partiellement de par la posture qu’il adopte vis-à-vis du dire politique.

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