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Chapitre 1 Les particularités du discours sur l’environnement d’Obama

3. Synthèse intermédiaire n°5

Le discours de Barack Obama abordant la thématique environnementale tente de se dissocier des discours politiques tenus par le passé. S’affranchir des pratiques discursives et des actions politiques entreprises précédemment constitue un moyen pour le démocrate de s’imposer en tant qu’homme politique capable d’offrir un véritable renouvellement aux États-Unis alors confrontés à une crise économique profonde. Pour parvenir à ses fins, l’homme politique structure son argumentation par l’emploi de divers marqueurs temporels. À travers l’emploi de « il est temps de », Barack Obama établit un jeu de contrastes et d’oppositions sur le crédit et la place à accorder à la science. Le sémantisme lexical de ses déclarations participe de cette stratégie discursive : les références au passé sont nombreuses dans le discours de l’homme politique qui rappelle fréquemment les positions tenues précédemment sur les thématiques énergétiques et environnementales. À l’inverse, il associe ses propositions à l’instant présent, à la nouveauté et au futur, se construisant par là-même l’image d’un homme politique moderne ancré dans son temps et capable de faire des propositions pour résoudre les problématiques actuelles pour lesquelles aucune solution n’a pour l’instant été trouvée.

L’emploi stratégique des marqueurs temporels lui permet aussi de déprécier son adversaire républicain, John McCain à l’occasion de la campagne présidentielle de 2008. Les déclarations du républicain sont mises au service de l’argumentation de Barack Obama : pour souligner l’inertie politique de son concurrent, l’orateur emploie un marquage temporel visant à illustrer la passivité et l’invalidité du dire de John McCain. Ce marquage temporel est d’autant plus présent que l’orateur démocrate tente de se démarquer radicalement des positions et des propos tenus par George W. Bush sur l’environnement au cours de ses mandats présidentiels. Barack Obama rappelle fréquemment les différences entre son point de vue et celui du président républicain dont il souligne régulièrement les positions climatosceptiques.

Cet emploi du marquage temporel s’accompagne d’une structuration sémantique du discours : par l’emploi d’adjectifs tels que new et old, l’orateur parvient à mettre en perspective le caractère novateur de ses idées et de ses propositions avec les politiques passées. Cette structuration du discours contribue à le poser en tant que seul candidat à la présidentielle américaine proposant un véritable renouvellement économique pour le pays fondé sur l’idée d’une modernisation écologique des États-Unis.

Barack Obama n’aborde pas la question environnementale sous un angle consacré à cette thématique. Son traitement discursif de la thématique énergétique témoigne d’une mise en relation de cette question avec l’économie et l’emploi selon l’analyse des cooccurrences d’energy dans le

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corpus de discours. Pour ne pas heurter les sensibilités des divers membres de la communauté qui

peuvent être plus ou moins réfractaires à la question de la préservation de l’environnement, cette thématique se trouve plus ou moins réhabilitée sur la scène politique publique par l’orateur qui ne la pose pas comme un problème de plus à résoudre pour la communauté américaine, mais comme une solution potentielle aux autres problématiques actuelles du pays. Ce traitement particulier de la question énergétique se matérialise à travers l’émergence de notions telles que clean energy

economy, cette lexie établissant un pont lexical entre les deux problématiques : l’orateur présente la

transition énergétique vers des énergies renouvelables comme un outil capable de résoudre les problèmes économiques du pays ainsi que les problèmes d’emploi.

Le lexique employé autour de la notion d’energy tend à montrer qu’il existe d’autres voies pour le pays que l’exploitation du pétrole. Une idée de mouvement est induite par le traitement de la question énergétique par le sémantisme de divers mots tels que alternatif, processus, améliorer. L’analyse lexicale du traitement discursif de la question énergétique ne témoigne pas d’un ancrage particulier dans la préservation de l’environnement : celle-ci ne constitue pas une contrainte pesante, mais plutôt un atout ou une opportunité économique à saisir. L’inclusion de la démarche énergétique dans un « plan de relance » contribue à accentuer l’impression d’un traitement économique de la question énergétique. L’abondance d’un lexique mettant en avant la notion d’investissement vient étayer l’idée d’une réorientation de la consommation énergétique visant à promouvoir exclusivement l’emploi et la relance économique du pays : les mesures bénéfiques pour l’environnement ne s’inscrivent plus dans une démarche écologique, mais elles consistent à agir pour l’économie du pays. L’environnement n’est plus considéré comme une thématique indépendante, mais se trouve incorporé au traitement de la question socio-économique du pays. Si le discours de Barack Obama témoigne d’une certaine orientation politique en faveur des énergies renouvelables, il ne s’agit pas d’un discours écologique pour autant. Une ambiguïté persiste parfois dans les choix lexicaux de l’orateur ainsi que dans certaines de ses déclarations sur le développement énergétique du pays.

La question du réchauffement climatique est néanmoins abordée à diverses reprises par Barack Obama. Comme cette question constitue un sujet de controverse pour les Américains, le discours de l’homme politique s’appuie sur un raisonnement logique pour imposer l’importance de la question environnementale : il met régulièrement en avant les fondements scientifiques de la question climatique. Au niveau discursif, l’homme politique établit un contraste entre la vérité scientifique et l’idéologie climatosceptique : cette opposition est perceptible à travers l’emploi d’un sémantisme caractérisant chaque partie. La structuration de son discours vise également à discréditer l’opinion climatosceptique, sans même parfois la nommer. On observe dans le discours de l’homme politique un jeu de concessions envers les détracteurs du réchauffement climatique

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systématiquement contrebalancées par des faits concrets ou par des vérités générales, ressortant de la vérité scientifique. La nomination de plusieurs scientifiques à des postes clefs du gouvernement est accompagnée d’une certification des compétences des divers personnages alors nommés, ce qui contribue encore à la justification des mesures proposées et annoncées. Le recours aux notions de science et de technologie dans le discours de Barack Obama traduit deux orientations différentes de son discours : la science est érigée en pilier de l’argumentation environnementale, tandis que la technologie est employée pour proposer une conception multiple de l’exploitation de différentes sources d’énergie.

Bien que la rhétorique de l’orateur crée parfois l’illusion d’un choix à effectuer, la construction argumentative du discours et sa structuration temporelle visent à guider l’auditoire vers une seule réponse, celle de l’acceptation de la réalité du réchauffement climatique : la notion d’héritage est convoquée dans le discours pour mettre en avant la dimension morale de la lutte contre le réchauffement climatique. L’orateur procède à un engagement collectif par l’utilisation du

nous et des formes verbales qui lui sont associées. Cette notion d’héritage à léguer aux futures

générations, inspirée du principe responsabilité de Hans Jonas et reformulée selon la perception américaine de la communauté nationale et de la famille, est régulièrement mise en avant dans le discours. Le sémantisme des liens de parenté est mis au service de cette même argumentation afin de conférer un caractère familial, et par extension communautaire, ou du moins collectif à la démarche. Pour construire cette argumentation particulière, la syntaxe est mise au service des objectifs argumentatifs et de la rhétorique de l’orateur.

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Chapitre 2 La construction argumentative du discours