CHAPITRE II : LA VILLE DE DOUALA : INTERACTION ENTRE SYSTEME URBAIN ET POLARISATION DES ENTREPRISES
DESIGNATION PREMIERE VAGUE SECONDE VAGUE
I. 3.1.2- Tontine à Douala : réseau de solidarités de valeurs
Les solidarités de valeurs, se résument dans des jeux de solidarités chaudes, entendues comme jeux de communication entre des personnes cest-à-dire des consciences ou des subjectivités, et nont pour but que de sécréter de la culture. Les humains se trouvent ainsi rassemblés par des croyances symboliques du monde. Dans ce cas, laction humaine est considérée comme valeur lorsquelle correspond aux valeurs, normes et croyances communes (M. PAUL et L. DESLAURIERS, 1991).
Elles se matérialisent par les organisations telles que : le clan dâge, les « associations des ressortissants de..., lassociation de lélite de développement de , lassociation des femmes ressortissantes de... , etc. ». Elles mettent en jeu le processus de programmation collective de lesprit humain qui permet de distinguer les membres dune catégorie dhommes par rapport à une autre199 et les dotent dun système commun de valeurs. Il sagit ici dun souci de la différence qui,
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LELART M. (1988) Lépargne informelle en Afrique : les tontines béninoises, institut orléanais de finances, universités dOrléans. 38p
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NGAN NGAN 0. (2000), Les tontines, source de financement de la petite activité informelle. Cahiers de lassociation des chercheurs Économistes, n°2, pp.49-63, Villeurbanne.
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BEGASHAW (1978), the economic role of traditional saving and credit institutions in Ethiopia. Swings and development, vol. II, pp. 132-158.
dans un contexte de dépendance et de précarisation vise un triple objectif : la protection et le développement de la culture, la promotion du développement local, lentraide entre les membres.
a)-La protection et le développement de la culture
Lagenda de chaque groupe de tontine prévoit souvent à chaque séance une page de lhistoire du groupe ou de la communauté dorigine. Cette page na rien de folklorique par rapport à la modernité et au changement social. Elle vise non une assimilation au contact des valeurs importées, mais plutôt une acculturation. Le besoin et la nécessité de cette acculturation se font sentir à travers le maintien des structures de rassemblement de la culture du groupe à la fois dans le monde rural et urbain.
5 Dans le monde rural autour des chefs traditionnels, des autorités politiques ou administratives, les associations secrètes, les groupes de danses, les clans dâge et le bénévolat communautaire, etc., représentent les structures de permanence qui retransmettent la culture locale aux générations montantes. Leur nécessité réside dans un besoin dacculturation pour léquilibre du groupe dans son interaction avec lenvironnement, la culture étant justement une réaction de lhomme contre cet environnement en même temps quune tentative de son adoption.
5 La transplantation dans les centres urbains des structures sociales rurales dont le chef de famille et ses notables, les différentes associations, groupes de danses et hiérarchie sociale du groupe, apparaît stratégiquement comme le chemin le plus sûr pour parvenir à cette acculturation. Elle se manifeste de plusieurs manières dans les groupes et les communautés. Les réunions hebdomadaires permettent aux individus déchapper un peu à lemprise quotidienne de langlais, du français aussi du « pidgin » pour se recueillir convivialement dans la culture dorigine. Les semaines culturelles à la fin de lannée, les distributions de prix aux meilleurs élèves du groupe ou de la communauté en ville et au village à la fin de lannée scolaire, les camps de vacances de lassociation des élèves et étudiants dans leur communauté rentrent dans le cadre de lanimation rurale et urbaine. Les conférences sur thèmes organisées au cours de lannée par les élèves et étudiants de la communauté facilitent la maîtrise du changement social chez les plus âgés pour la plupart peu instruits. Par ailleurs, lhistoire, les proverbes, les contes, les devinettes, etc., dans les réunions élargies aux plus jeunes replongent les générations montantes dans les cultures ancestrales.
198 Partant de notre étude sur lenjeu de la tontine à Douala, nous relevons que cette dernière a une onction éducative : éducation des adultes par rapport au changement social, éducation des jeunes par rapport à la tradition. Cependant, les regroupements par cultures dorigine dans un contexte multi-ethnique donnent souvent à lobservation lévidence dun cloisonnement ethnique et dune obstruction à lunité nationale. Mais une observation plus profonde du phénomène permet de constater que ces regroupements ont un impact positif dans les communications sociales et, par ricochet, dans le développement des activités économiques comme à Douala. Les associations et structures sociales maintenues en ville et à la campagne facilitent lunité et léquilibre psychiques dans les communications entre les urbains et les ruraux. Elles représentent à Douala, les structures daccueil et dintégration urbaine des ruraux cest-à-dire, de préparation aux communications inter-ethniques et culturelles.
Lappartenance dans la constitution des associations nest plus à envisager comme une mesure dexclusion des autres. Elle est pour chaque culture et ses membres la stratégie nécessaire à lévaluation de sa différence. Cette évaluation manifeste son refus de disparaître et rentre dans une perspective existentielle. Dans notre thèse, nous appelons ce moment crucial pour chaque culture, groupe ou communauté à Douala, « le double registre du social et lentreprenariat » cest-à-dire, le mouvement par lequel une culture construit les modalités de sa régulation pour elle-même et par rapport aux autres voisines, car aucun groupe ne peut exister sans penser se produire lui-même. Cela lui est tout autant nécessaire que de penser ou de produire. Et il ne saurait se penser et se produire quen se mettant à distance de lui-même, en se plaçant du point de vue dune possible altérité, du point de vue de lautre200 (M. MAFFESOLI, 1979 ; p.681). La recherche de la différence renforce la dynamique des échanges sociaux entre les ethnies et les cultures en allant chercher chez les autres les éléments qui diffèrent. Les groupes et cultures rentrent dans un processus de fuite en avant au cours duquel ils échangent et consomment les cultures les uns des autres. Ce processus de fuite produit sur le plan socio-économique ce que Platon appelait en philosophie « lharmonie polémique des contraintes », et que M. MAFFESOLI (1979) reprend sous le vocable « dharmonie différentielle », et la société de « globalité harmonique ».
Les associations de tontines montées sur les solidarités de valeurs, opposent la certitude dune unité dans la différence. Cette dernière est dautant plus nécessaire quelle est un facteur de participation et dinvestissement de soi dans les initiatives économiques et communautaires de développement.
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b)- Les tontines à Douala et promotion du développement local
Lacculturation est une ouverture au monde. Elle savère nécessaire pour la production et le développement culturel. Sa viabilité repose sur la densité de services répondant aux besoins de consommation et des échanges entre les membres de la culture. Louverture au monde et la nécessité de survie passent par le biais du financement dans la région dorigine des infrastructures de changement social et de bien-être communautaire, dont les ponts et les routes rurales, les écoles et les collèges, les dispensaires et les hôpitaux, lélectrification et lhydraulique rurales, etc. Partant des résultats de notre enquête sur lenjeu des tontines à Douala, il en ressort que près de 42% des tontines participent à la réalisation des infrastructures sociales (graphique 7).
Graphique 7 : Tontines et participations aux activités de réalisation des infrastructures sociales
Source : notre enquête
Ces infrastructures socio-éducatives font des associations de tontines une forme de bénévolat collectif et communautaire à Douala. Les services quelles produisent, sont parfois plus sollicités que ceux offerts par les structures étatiques et sont socialement pertinents et rentables:
6 ils sont utiles et présentent peu de traumatismes sociaux du fait quils représentent une réponse à un besoin local de consommation et de bien-être, et ne rentrent pas dans le cadre futile dun processus mimétique ;
6 ils sont souvent plus entretenus et mieux équipés, la gestion étant débarrassée au maximum de la paperasse et de la lourdeur bureaucratiques; ils font la fierté des tontiniers et de toute leur communauté qui se sentent valorisés par des projets dont ils maîtrisent tout le processus de la conception à la réalisation en passant par le financement et la planification ;
6 ils couvrent les besoins fondamentaux de santé et de bien-être, et rentrent dans le cadre de lamélioration par les populations elles-mêmes de leurs conditions de vie.