CHAPITRE I : LES ANALYSES TERRITORIALES DE LA LOCALISATION DES ENTREPRISES
INTRODUCTION DU CHAPITRE I
I. 2.2.1 Le choix de localisation : un processus doptimisation économique
Les théories néoclassiques se sont dabord intéressées à la localisation des productions agricoles (D. RICARDO et J. H. VON THÜNEN), avant celles des industries et des services (B. MERENNE-SCHOUMAKER, 1999, p.106 et 124-129). Ces théories accordent un rôle majeur aux coûts de transport et se fondent sur trois principes généraux :
• Les variations spatiales des structures de coût et /ou de profit expliquent les localisations ;
• Pour survivre, une firme doit se localiser là où ses revenus couvrent ou dépassent ses coûts ;
• La compétition entre les producteurs est le grand régulateur des comportements économiques et donc des comportements de localisation.
On y distingue généralement deux grands courants qui éclairent bien la problématique de la localisation industrielle et dont nous présentons dans ce cadre quelques contributions majeures.
I.2.2.1.a)- La solution du moindre coût dAlfred WEBER dans la problématique de localisation optimale des entreprises
Poursuivant les travaux de ses prédécesseurs113, A.WEBER (1909, op.cit.) est lauteur de la première théorie générale de la localisation industrielle. Pour cet auteur, la localisation optimale correspond à celle qui minimise les coûts de production. Sur la base de certains postulats114, lespace dans lequel travaille A.WEBER est implicitement uniforme culturellement, politiquement et spatialement. Trois facteurs influencent la localisation industrielle dans ce monde simplifié : deux facteurs régionaux (les coûts de transport et les coûts de la main-duvre) et un facteur local (les forces dagglomération ou de désagglomération). A. WEBER résout le problème en trois étapes chacune delle correspondant à lun des trois facteurs.
Pour cet auteur, les coûts de transport115 sont le facteur capital et ne sont pas considérés directement mais comme une fonction du poids à transporter et de distance à couvrir. Pour la
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notamment ceux de LAUNHARDT
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La théorie de Weber repose sur trois grands postulats :
- De nombreuses matières premières ont une localisation spécifique, cest-à-dire ne se trouve pas partout sauf quelques matériaux « ubiquistes » tels que lair et leau ;
- Les marchés des produits finis sont localisés en certains points et la concurrence est parfaite, cest-à-dire quil existe un grand nombre dacheteurs et de vendeurs et que personne ne peut influencer le prix par son action ;
- Les bassins de mains duvre sont localisés et peuvent fournir un nombre illimité de travailleurs à un certain taux de salaire
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Pour matérialiser limpact des coûts de transport, Weber définit des isodapanes ou lignes formées par des points supportant un même supplément de frais de transport par rapport à loptimum (« dapane » =dépense). Pour expliquer le degré de liaison dune industrie aux matières premières ou au marché, il introduit lindice matériel qui est le rapport en poids des matières premières aux
détermination du moindre coût de transport, il utilise la même construction que LAUNHARDT dans sa démonstration à savoir le triangle de localisation (voir figure 1).
Figure 1 : Le triangle de localisation de A. Weber
Source : notre étude inspirée des analyses de D.M. Smith, 1981
Soit un point du marché (M) et deux sources les plus avantageuses de matières premières (S1 et S2) ; le point de moindre coût (0) est celui qui minimise les déplacements. Si une unité de production nécessite x tonnes de S1 et y tonnes de S2 et que le produit fini de poids z doit être transporté au point (M), le point (0) est celui qui minimise xa + yb + zc (a, b et c étant les distances S1 0, S2 0 et M 0).
Par ailleurs, lexistence dun bassin de main-duvre bon marché est susceptible dentrainer un déplacement de loptimum de localisation obtenu sur base des moindres coûts de transport. Cette situation intervient généralement si léconomie réalisée en matière de couts de main-duvre excède les coûts de transport occasionnés par le déplacement.
Pour mesurer limportance du facteur main duvre, A.WEBER calcule le coût de la main-duvre par unité doutput ou indice de coût de travail et montre que la distorsion par rapport au modèle basé sur les seuls coûts de transport est dautant plus grande que lindice de coût de travail est élevé. Il est dès lors question de rechercher le meilleur compromis entre le minimum des coûts de transport et les lieux où la main duvre est la plus avantageuse.
produits finis. Un indice supérieur à 1 traduit une industrie liée aux matières premières alors quun indice inférieur à 1 est typique dune industrie orientée vers le marché.
M = point de consommation
S1 = source de la matière première 1 S2 = source de la matière première 2 0 = point de moindre coût
y z x 0 S2 M S1 c b a
98 Loption finale de localisation dépend du rapport entre les coûts de transport additionnels entrainés éventuellement par la déviation et léconomie réalisable sur le montant des coûts du travail. Or, les forces dagglomération peuvent susciter une autre déviation de loptimum. La position dA. WEBER devient contestable lorsquil remarque quen pratique, certaines aires dagglomération correspondent à une zone de faible coût de main duvre. A ce sujet, il introduit toutes les recherches sur les forces dagglomérations et polarisation et sur les économies et déséconomies externes.
Toutefois, la théorie dA.WEBER ne permet de résoudre le problème de la localisation quà léchelle moyenne. Dautres auteurs (T. PALANDER, 1935 et E. HOOVER, 1937) vont lélargir en sintéressant à la demande et à linterdépendance des firmes. T. PALANDER (1935) apporte une contribution majeure en introduisant létude du marché et de la compétition entre les firmes. E. HOOVER (1937) pour sa part évolue dans le même sens que PALANDER (op.cit.) en ce qui concerne la compétition entre les firmes. Il introduit dans son analyse les problèmes liés au commerce international, à lextérieur des frontières et à lintervention des Etats tout en affirmant limportance du facteur temps et lampleur des réajustements dans la dynamique de léquilibre spatial.
I.2.2.1.b)- Loptique du marché DAUGUST LÖSCH dans la problématique de localisation des entreprises
Une des critiques majeures adressées à lécole dA.WEBER est la non prise en considération de la demande et de ses variations. A. LÖSCH (1938 et 1940) va construire une théorie en réponse à cette critique, en rejetant le point du moindre coût et en recherchant le point de profit maximum. Dans son analyse, il intègre linterdépendance des firmes.
La démarche dA. LÖSCH (1940) repose sur une double conviction : « léconomiste doit être plus soucieux daméliorer la réalité que de lexpliquer et le nombre de lieux et de variables impliqués est si considérable quil est illusoire de vouloir donner une solution unique et scientifique au problème de la localisation individuelle ».
Son problème nest donc pas dexpliquer la localisation dune activité économique, mais de montrer comment se met en place un système de localisation des activités économiques (voir figure 2)
Figure 2: Mise en place dun système de localisation selon A. LÖSCH (1940)
q = quantité p = prix
Source : notre étude, inspirée des analyses de D.M. Smith, 1981
Soit un producteur qui sinstalle dans un premier temps au point A. La courbe de la demande est QF ; le prix (p) du produit augmente avec les coûts de transport le long dAF et la distance verticale entre AF et AQ indique la quantité demandée (q) en fonction du prix. En F, le produit ne peut plus se vendre, car son prix est trop élevé. Le volume total des ventes est donné par le volume du cône produit par la rotation dAQF.
Linstallation de certaines entreprises dans un second temps nest pas capable de desservir tout le marché potentiel. Lespace laissé libre entre les producteurs attire dautres entreprises : les aires de marché se restreignent ainsi que les profits anormaux jusquà la formation dune grille régulière dhexagones. Sans rappeler les travaux de W. CHRISTALLER (1933 op.cit), la superposition des systèmes dhexagones correspondant à chacune des branches industrielles fait apparaitre des coïncidences entre certains centres de production.
Le reproche que lon fait de la recherche menée par A. LÖSCH est quelle élude les variations spatiales des coûts de production.
I.2.2.2- Les surfaces de profit de D.M. SMITH dans la problématique du choix de localisation
Depuis 1945, lespace si longtemps ignoré suscite un intérêt croissant. La floraison des travaux est telle quune classification systématique est de plus en plus malaisée. Des deux écoles de pensée
A Q F p q Distance Limites de laire de marché
100 pouvant être identifiées notamment celle de A. WEBER et celle de A. LÖSCH, se greffe les travaux de certains auteurs parmi lesquels celui du géographe D. M. SMITH (1966 et 1981).
Reprenant les recherches de M. RAWSTRON (1958) sur les marges spatiales de rentabilité, D.M. SMITH montre que tout choix dun entrepreneur est limité à des aires où il peut réaliser un certain profit. Ces aires sont délimitées par les marges spatiales de rentabilité se formant et se déformant en fonction des surfaces des coûts et des surfaces de revenus.
Les variations spatiales des coûts et des revenus créent ainsi un optimum de localisation où les profits peuvent être maximisés et des marges spatiales de rentabilité en dehors desquelles aucune opération rentable nest possible. Lentrepreneur peut se localiser librement à lintérieur des aires de rentabilité, le profit maximum nétant pas nécessairement recherché. De façon générale, loptimum se situe au lieu du moindre coût de fabrication, car les variations spatiales de ces coûts sont plus fortes que les variations de prix de vente des produits en raison de la concurrence.
Cette logique de concurrence a permis à dautres économistes de se prononcer quant au déterminant du choix de localisation des entreprises et à en construire un modèle économétrique (A. RICHAUD, 2004).