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INTRODUCTION GENERALE

B- PROBLEMATIQUE GENERALE

La question de la physionomie de la ville de Douala fait d’ailleurs aussi référence à la problématique de la localisation des ménages et des activités18. Le modèle standard de l’économie urbaine a proposé un premier cadre théorique d’après lequel la distance par rapport au centre explique le choix de la localisation des ménages (P.Y. PEGUY, 2002). Tout ceci renvoie, au concept « d’agglomération » ou aux différentes approches théoriques de la localisation économique des entreprises à Douala et qu’il faudra aussi visiter. Depuis A. WEBER (1909), avec ses travaux

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J.R. ESSOMBE (1990) et (2007a) in MED, N° 137 et C.COURLET, 1986, op. cit.

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O.S.E.E.D (2006) et (2007) : les différentes monographies de l’OSEED, in « collection entreprises et territoire », CUD, Douala.

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P. BAIROCH (1985) montrait comment, dès l’origine des villes, s’enclenchait une relation dynamique d’action réaction entre croissance et agglomération des activités.

sur la localisation optimale et qui transpose à l’industrie les analyses de J.H. VON THÜNEN19 (1827) ou H. HOTELING (1929), en passant par P. KRUGMAN (1991) qui, avec la « nouvelle théorie des échanges », propose un dépassement de l’approche néo-classique de la division internationale du travail (P. KRUGMAN, 1998)20, nous revisitons aussi la notion «d’avantages comparatifs » en matière du développement territorialisé (D. RICARDO,1817). Grâce à une réactualisation des concepts de D. RICARDO21, nous admettons aujourd’hui que les espaces urbains et la concentration des hommes, ne sont plus prisonniers d’une simple dotation initiale en facteurs de production22.

L’espace territorial de Douala, regroupe deux grandes zones industrielles23, (Bonabéri et Bassa) s’étendant sur une superficie de 342 hectares, et gérées par la Mission d’Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles (MAGZI). Ces deux grandes zones, logent nombre d’unités industrielles opérant sur le sol de Douala. La première, à savoir celle de Bonabéri (Douala IV), est crée en 1968 et compte actuellement 44 entreprises industrielles sur les 79 firmes qui s’y trouvent. Dans celle de Bassa (Douala III), on dénombre près d’une quarantaine d’entreprises de fabrication. Dans cette localité, deux autres gros centres de fabrication industrielle, respectivement dénommés « Centre St Michel » et « Ndokotti » se sont formés peu à peu. Et, comme l’observe encore J.R. ESSOMBE EDIMO (2007a, op. Cit.), pendant des décennies, les unités industrielles qui s’implantaient dans la ville de Douala, se localisaient majoritairement, soit dans l’intérieur de ces zones industrielles, soit dans les centres ci-dessus identifiés, soit encore à la lisière de ces différentes aires. Si bien que l’activité industrielle de Douala restait concentrée dans les portions précises des espaces des arrondissements de Douala III et Douala IV. Pour la plupart de ces entreprises, les sites ainsi présélectionnés offraient en effet d’importants avantages comme, les dessertes maritime, ferroviaire, routière et aéroportuaire (O.S.E.E.D, 2005a).

De façon générale, la promotion des entreprises (industrielles, commerciales, etc.) à Douala, a traditionnellement été assurée par différents « codes des investissements ». Mais ces derniers, en définissant le cadre légal des activités au Cameroun, seront aussi l’occasion pour les pouvoirs publics de présenter un catalogue des avantages fiscaux qu’offrait la création des firmes au niveau national et, en fonction des impératifs sectoriels de promotion du moment.

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Depuis 1820, l’espace a été introduit dans la pensée économique de façon historique avec Von Thünen.

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En matière de développement territorialisé, la notion « d’avantages comparatifs » demeure inopérante dans le cadre de la compétition entre territoires locaux, parce que celle-ci présente des caractéristiques distinctes du modèle du commerce international (R. CAMAGNI, 2002, pp..553-578)

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RICARDO (1772-1823). Voir RICARDO, D. (1817), On the Principles of Political Economy and Taxation, London: John.

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J.R ESSOMBE EDIMO (2007b) : op. Cit., p. 100.

36 A Douala, l’organisation sociale très structurée et le vif sentiment de solidarité de certains peuples (Bamilékés par exemple) sont à l’origine des développements spontanés de la petite entreprise au point où, même les organismes internationaux, à l’instar de la Banque Mondiale, s’interrogent sur l’efficacité des grands projets. Un des experts H. RICHARDSON (1977), préconise d’ailleurs un développement à base de petites unités de production. C’est donc, à partir de la base constituée des PME, que doit se construire le développement fût-il industriel comme le montre C.COURLET (1986, op. cit.). Ce qui met en lumière la vision générale sur l’exploitation renouvelée de l’espace. A ce stade, l’espace n’est plus conçu seulement comme distance des lieux, mesurée par des coûts (W. CHRISTALLER ,1933; A. LOSCH, 1940). Il n’est pas non plus un et indivisible, modelé par des lois de fonctionnement exogènes. Il est, avant tout, composé de territoires qui sont autant d’espaces de vie pour les groupes qui doivent et peuvent organiser leur propre développement (B. PECQUEUR, 1986).

Cependant, le développement est centré sur des relations humaines directes. Ces relations sont tissées entre les acteurs présents sur le territoire, et constituent des réseaux dans lesquels circulent de l’information et du savoir-faire. L’intensité de ces réseaux détermine la cohérence du tissu industriel local et sa capacité d’adaptation. Par ailleurs, les PME telles que celles rencontrées à Douala, sont engagées avec des partenaires24, dans un jeu social local dans lequel les positions de chacun ne peuvent être expliquées seulement par la nature des processus de production ou par le type de produits et des marchés. Ce qui crée « un système industriel » qui n’est pas la simple juxtaposition d’unités de production, mais un système d’articulation entre les instances politiques et économiques. De même, on sait que les réseaux de relations entre les acteurs peuvent être faits d’us et coutumes informels ou formels, constitués par des organisations de type consulaire, syndical ou patronal. Dans ce cas, par le biais des réseaux multiples de communications, les territoires comme celui de Douala, produisent une solidarité entre les acteurs locaux, traduisant dans les stratégies entrepreneuriales une problématique nette qui se répercute soit sur la gestion du rapport social dans l’entreprise, soit sur la diffusion de l’innovation, soit encore sur la création de nouvelles unités de production : d’où le problème de la gouvernance territoriale et du développement industriel dans cette ville.

Lorsqu’on utilise le mot « gouvernance » au sens large, on se réfère, de prime abord, à la définition donnée par la commission Brandt sur la «gouvernance globale » : « la somme des voies et moyens à travers lesquels les individus et les institutions, publiques ou privées, gèrent leurs affaires

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communes25». Il s’agit d’un processus continu grâce auquel les divers intérêts en conflit peuvent être arbitrés et une action coopérative menée à bien. Ceci inclut les institutions formelles et les régimes chargés de mettre en application les décisions, ainsi que les arrangements que les individus ou les institutions ont accepté ou perçoivent comme étant dans leur intérêt26. Bien que très générale, cette définition nous est importante dans la mesure où, elle est l’idée de processus interactif. Les partenaires socio-économiques n’ont pas le même intérêt et agissent à différentes échelles (P. CALAME, 2002). Toutefois, confrontés à un même problème, ils vont progressivement construire une représentation de cette réalité, ou se fixer des objectifs, voire adopter des solutions, puis les mettre en œuvre collectivement sans que rien ne soit déterminé à l’avance (DEUTSCH, 1963).

Essentiellement pragmatique, le concept de gouvernance renvoie à une boite à outils de recettes managériales ou d’instruments supposés apporter des réponses à la crise des politiques démocratiques traditionnelles, centrée sur l’autorité de l’Etat (J. KOOIMAN, 1993). Dans cette perspective, la gouvernance ne suppose aucune vision politique ou éthique du bon gouvernement, si ce n’est un vague assentiment sur des règles de transparence, de réflexivité et d’accès à l’information (DEUTSCH, 1963, op. cit.).

Mais, si la gouvernance concerne plutôt les outils et les processus de l’action collective destinés à trouver des solutions à la fois, efficaces et acceptables face à des situations spécifiques, nous pensons que la gouvernance territoriale, quant à elle, interpelle le processus par lequel les différents acteurs locaux (institutionnels, privés, associatifs, de formation, financiers,...) impactent de près ou de loin le développement du territoire (O.S.E.E.D., 2005). En référence à l’approche du type « régulationiste », les caractéristiques principales privilégient l’analyse des facteurs qui contribuent à la stabilisation des structures économiques et sociales face aux intérêts des agents économiques et des entreprises qui composent ces structures. Le mérite en revient aux économistes américains M. STORPER et B. HARRISON (1990), pour qui les formes de gouvernance peuvent même aller au-delà des relations marchandes, de même que les relations interentreprises peuvent obéir à un schéma de rapport type hiérarchique et à une coopération partenariale.

Dans un espace comme celui de Douala, les entreprises pour être efficaces peuvent en effet recourir à des règles de coopération, de hiérarchie, de sous-traitance ou encore à l’intervention des organismes publics ou privés qui sont des formes multiples de gouvernance. La théorie de la

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Commision Brandt (1984) cité par Jan KOOIMAN (2000) in « governance, a socio-political perspective » séminaire de Floride sur la « gouvernance participative » september.

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38 gouvernance territoriale se donne donc également pour rôle d’étudier et de mieux comprendre de quels acteurs dépend l’évolution des systèmes territoriaux de production. D’une manière ou d’une autre, l’on se retrouve également dans une sorte de « proximité » productive. La gouvernance territoriale interroge donc aussi l’Economie de la proximité (M. BELLET et al. 1993 ; A. RALLET et A. TORRE, 1995 ; B. PECQUEUR et J.B. ZIMMERMANN, 2004). Puisque, chemin faisant, il s’agira de rendre compte des conditions de la coordination des agents sur un espace situé. L’espace devient l’élément moteur de la coordination, et celle-ci s’illustre sous diverses formes objectivées (sociale, relationnelle, géographique...). Et la proximité géographique, par exemple, demeure un des facteurs qui favorisent, sur un espace plan « le renforcement des logiques d’appartenance et de similitude qui caractérisent la proximité organisée »27. Même si, comme le montrent également A. TORRE et A. CARRON (2002), la proximité géographique peut aussi, dans certains cas, être source de conflits.

De manière générale, la ville de Douala (plus de 3 millions d’habitants), est le principal foyer industriel de la sous région CEMAC28. Elle représente, avec moins de 7% de la population de la même zone CEMAC, un peu moins de 27,5% du PIB de cette Communauté Economique sous régionale en 2005. Son produit intérieur brut, au cours de la même période, était ainsi supérieur à celui de la RCA, du Tchad et de la Guinée Equatoriale réunis. Sur le plan national, avec un peu moins de 11% de la population du Cameroun, la ville polarise :

- 4,5% de la superficie de sa Région territoriale et administrative (à savoir, la Région du Littoral), et à l’intérieur de laquelle elle concentre, par exemple, 92% des lignes téléphoniques et les trois-quarts des routes bitumées. La place de Douala dans la structuration régionale est telle qu’elle exerce son influence sur un périmètre de 25 000 Km2, soit 100 km à la ronde,

- 66% des entreprises du pays et près de 60% des petites et moyennes entreprises du Cameroun,

- le plus important centre décisionnel en matière économique du pays : localisation des sièges sociaux de la grande majorité des firmes nationales et même de la plupart des entreprises publiques et multinationales du Cameroun. Plus de la moitié des effectifs industriels du pays dépendent d’une entreprise dont le siège est à Douala.

Mais la ville présente aussi une organisation spatiale de la production unique dans la sous région : localisation de la production industrielle dans les arrondissements périphériques (Douala III, IV et,

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V. ANGEON et J.C. CALLOIS (2005) : fondements théoriques du développement local : quels apports du capital social et de l’économie de proximité ?, Revue Economie et Institutions, 1er et 2ème Trim. , p. 33.

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Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale. Celle-ci englobe le Cameroun, la Gabon, le Congo, la RCA, la Guinée Equatoriale et le Tchad, soit 33,4 millions d’habitants en 2005.

depuis peu, Douala V), et celle des activités de services et du commerce dans ses arrondissements centraux (Douala I et II). Enfin, ces derniers abritent également les centres décisionnels des firmes situées en périphérie et avec lesquelles se développent désormais diverses relations intragroupes29. Par ailleurs, depuis la crise économique et la période des ajustements structurels des années 90, la Municipalité de Douala a entrepris un certain nombre d’actions en vue de l’amélioration de l’environnement des entreprises. Tout comme elle a mis en place des instruments de développement et d’animation du milieu économique local : agence de développement, observatoire économique urbain, etc.

Comme le montre encore J.R.ESSOMBE EDIMO (2007b op.cit) et, à partir d’un « rapport provisoire d’étape » (OSEED, 2005b)30, portant sur un échantillon de 340 unités industrielles de la ville (avec des unités œuvrant dans des filières variées (transformation métallique, aluminium, menuiserie, fabrication de peintures, vernis et encres d’imprimerie, production et distribution d’eau, d’électricité, de pétrole, fabrication de plastique, de papier, de piles, d’allumettes,…)), l’on observe que, la zone de production industrielle de Bassa (avec 34 firmes) et ses centres industriels (55 entreprises) logent 89 unités, soit 25% du total, c'est-à-dire une entreprise sur quatre. De son côté, Bonabéri (42 firmes répertoriées dans la zone industrielle) et sa nouvelle zone de la « Nationale n°2 » (avec 29 unités recensées) regroupaient 71 entreprises, soit près de 21% de l’ensemble des unités industrielles recensées. De sorte qu’au total, Douala III et Douala IV hébergent 160 entreprises sur un effectif de 340 firmes du secteur, soit un peu plus de 47% de l’ensemble (OSEED, 2005b). Dans le secteur agro-alimentaire, on retrouve la même domination territoriale des arrondissements de Douala III et IV en matière de localisation des entreprises dans la ville. Cette approche empirique de l’Observatoire de la Statistique et des Etudes Economique de Douala (OSEED), confirme l’encrage des deux arrondissements (Douala III et IV) dans leur image de « poumon industriel » de la ville. Elle met ainsi en évidence le caractère « rampant » des localisations industrielles dans ces deux communes.

Avec cet auteur, nous constatons ainsi que, malgré leurs potentialités, les unités industrielles tendent à occuper de plus en plus d’espaces à l’intérieur de ces localités communales, et ne se contentent plus des aires qui, autrefois, étaient dédiés aux activités industrielles jusqu’aux années 1970. Si bien que la ville connait aujourd’hui ce qu’il31 appelle « une dilatation par processus ségrégatifs »

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J.R. ESSOMBE EDIMO (2007b) : Spatialité et Développement Economique : Douala entre le hasard et la nécessité, op.cit. L’Harmattan, Paris, pp. 18/19.

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D’après cette analyse de l’O.S.E.E.D (2005b), en cette période, la statistique économique de Douala (SECOD) comportait 5505 entreprises du secteur formel recensées.

40 et dont l’un des facteurs est la localisation discriminée des entreprises industrielles. Encore qu’il faille intégrer le rôle fondamental de l’Etat dans la dynamique de développement industriel. Et dans un pays comme le Cameroun, et à Douala en particulier, cette prise en compte du rôle des pouvoirs publics locaux notamment revêt en effet une importance capitale dans la création des structures permettant la circulation de l’information, la réhabilitation ou la rénovation des infrastructures collectives, et la création des institutions d’animations de l’économie.

Par ailleurs, la mondialisation aidant, le champ de l’attractivité des territoires et, plus particulièrement, des villes dépasse largement les limites nationales. C’est une réalité aujourd’hui incontournable qui oblige les villes à se positionner dans cette compétition et donc, à concevoir des stratégies de compétitivité. D’autant plus que la stratégie des firmes (délocalisation / localisation) oblige ces mêmes territoires à s’adapter de plus en plus. Et, il s’est d’ailleurs crée partout, « un marché de l’offre et de la demande territoriales32 ». Ils doivent donc aussi être des lieux de création d’actifs spécifiques leur permettant de faire face à la compétitivité territoriale. Ce qui peut nécessiter, par exemple, une redéfinition de leurs « zones industrielles ». Les exemples couramment cités de modes compétitifs de régulation d’une agglomération d’entreprises sont nombreux. On y retrouve, par exemple, les « systèmes productifs locaux » ou (SPL), les « clusters », les « learning regions », les « districts industriels », etc., et qui, plus que les zones industrielles classiques, sont également une forme d’organisation territoriale de la production construisant l’attractivité et la compétitivité33 spatiales (C. COURLET, 2007, op. cit.).

Face à ce constat et dans une dynamique de gouvernance territoriale et de développement industriel à Douala et, par extension à la zone CEMAC34 : quels sont les facteurs territoriaux qui interagissent dans le développement des entreprises dans la ville de Douala ? Y a-t-il ou non un ensemble de facteurs locaux (de production, de formation, de relations sociales, financières, de réseaux,…) qui impactent directement et massivement le développement industriel dans la capitale économique du Cameroun ? Par extension, pourrait-on « revisiter » l’existence ou non de la notion « d’atmosphère industrielle » jadis, initiée par A. MARSHALL, (1890, op. Cit.) à propos de Douala ?

La question de recherche qui découle de cette problématique est celle de savoir :

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J.R.Essombé Edimo (2007b) : op. cit p.137

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Les différentes observations empiriques des modalités de développement à base de systèmes productifs territorialisés (Vallée de l’Ave au Portugal, la 3ème Italie, la Silicon Valley aux USA,...), tendent à montrer que c’est bien dans un espace géographique circonscrit que les acteurs locaux du développement coopèrent, se parlent et construisent ensemble la compétitivité de leur territoire (C. COURLET, 2007, op. Cit.),

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Quels sont les facteurs-clés de la gouvernance territoriale qui favorisent le développement des entreprises dans la ville de Douala et, subsidiairement, comment les valoriser aux fins d’une meilleure attractivité spatiale et d’une compétitivité territoriale productive?