CHAPITRE II : LA VILLE DE DOUALA : INTERACTION ENTRE SYSTEME URBAIN ET POLARISATION DES ENTREPRISES
INTRODUCTION DU CHAPITRE II
I. 1.3.4- Spécificités des infrastructures routières et ferroviaires à Douala
Les transports de dégagement du port de Douala se font en grande partie par route. Le réseau est constitué, hors de la zone urbaine proprement dite, par deux axes routiers :
3 Laxe de lEst commence par « laxe lourd », jusquà Yaoundé, puis se poursuit (via Bertoua et Garoua Boulaï) vers le réseau du Nord Cameroun et les pays voisins. La distance de Douala à Ngaoundéré est de 925 km. A partir de cet axe sont également desservis la RCA et le Tchad. Sur cet axe, la partie Est et Nord sont en voie damélioration avec lappui de la coopération internationale. Dans un proche avenir le trajet Yaoundé-Bertoua-Garoua Boulaï sera entièrement revêtu et des travaux sont prévus sur la route Ngaoundéré-Garoua et sur la route Garoua- Maroua-Kousseri.
3 Laxe Ouest est nettement plus court (200 km de moins) mais moins bien équipé pour le moment : la route N5 est bonne jusquà Bafoussam et Foumban, mais assez chargée de trafic et la sortie de Douala-Bonabéri est difficile. La route de terre qui continue vers Banyo est assez bonne en saison sèche mais le tronçon Banyo-Tibati est très accidenté (« falaise de Banyo ») et presque impraticable en saison des pluies. Cet axe fera aussi lobjet de travaux damélioration entre Fouban et Ngaoundéré, mais il restera encore longtemps moins bien équipé que laxe Est.
Ces deux axes sont pénalisés en matière de temps et de coût par les difficultés existant dans lagglomération de Douala (encombrement de laxe lourd jusquà la Dibamba, goulot détranglement du pont sur le Wouri, et encombrement de la route Bonabéri /Bekoko).
Des projets sont en cours pour lamélioration des entrées Est et Ouest ainsi que pour la construction du deuxième pont sur le Wouri. Le trafic routier de marchandises et de passagers se répartit à peu près également entre les deux axes. Les comptages indiquent des ordres de grandeurs de 1.000 à 1.500 poids lourds/jour sur chaque axe, avec une charge utile plus forte sur la voie Est (grumiers et plateaux de bois débité). Le trafic de voyageurs sur le réseau routier vers Yaoundé est déterminant pour la compétitivité de Douala. En effet, les échanges fréquents entre la capitale économique et la capitale administrative sont observés à tous les niveaux de la vie des affaires.
Le transport collectif est majoritairement assuré aujourdhui par des autocars en, environ, 4 à 5 heures (temps dattente et de transport terminal en taxi compris) dans le meilleur cas, et 6 à 7 heures en situation dégradée (retards, pannes).
Pour ce qui est du transport ferroviaire, deux lignes de chemin de fer desservent larrière-pays de Douala. La principale relie Douala à Yaoundé (Transcam I) puis à Ngaoundéré (Transcam II). Entre Douala et Yaoundé la voie a fait lobjet dune importante modernisation à la fin des années 70. Entre Yaoundé et Ngaoundéré la faiblesse du réseau routier et son tracé peu direct donnent une importance capitale au chemin de fer. Dautant que la réhabilitation des infrastructures a permis de sécuriser la voie et de rétablir une vitesse commerciale normale dans ce contexte.
La seconde ligne assure le transport de voyageurs vers Mbanga et Kumba. Elle na pas dimportance stratégique pour le développement de la ville et ne transporte pas de marchandises. Sur une capacité globale de transport de marchandises longue distance offerte en liaison avec le port de 1,7 millions de tonnes par an, montée et descente confondus, le rail nen assure que 25% à 30% contre 70%-75% pour la route.
La voie ferrée Douala-Yaoundé-Ngaoundéré, est considérée dans un état moyen et assure des prestations comparables à celles des autres réseaux dAfrique de lOuest et du Centre. Elle répond à une demande importante et quelque fois, la capacité de son matériel roulant est insuffisante pour écouler rapidement le trafic.
Deux nouveaux plans dinvestissement ont été élaborés pour les 12 prochaines années, dont la mise en uvre est réalisable depuis la très récente signature du dernier avenant à la convention de concession. Elles entraîneront une sensible amélioration des capacités et des conditions de transport, notamment pour les voyageurs (par la mise en service de trains rapides reliant Douala à Yaoundé en deux ou trois heures).
En outre, il est souhaitable denvisager à plus long terme quun réseau soit développé en relation avec le futur port de Kribi et que lensemble du réseau national soit mis à lécartement normal (1,435 m pour les rails).
De façon générale, Douala semble concentrer les activités de services et de commerce (ou administratives) en son « centre ». Par contre, celles qui relèvent de lindustrie quittent la ville pour se loger dans la « périphérie ». Il y a donc là comme un effet de la localisation discriminée des firmes industrielles et qui, comme on peut le constater de jour en jour, tend à créer de « nouvelles
176
centralités175» dans cette ville qui se « dilate par processus ségrégatifs176». Cet effet de localisation est important à saisir dans un contexte historique de la spatialité des activités.
I.2- De la création à la localisation spatiale des activités à Douala
Au lendemain des indépendances177, grâce aux efforts de lEtat (codes des investissements, création dentreprises publiques et parapubliques), les entreprises industrielles sétabliront pour la plupart en dehors du centre ville (hors des arrondissements de Douala I et II) exception faite de quelques cas particuliers de localisation178. Le centre ville se trouvait réservé soit aux structures administratives publiques et privées (sièges des départements ministériels locaux, des banques et autres sociétés dassurances ) à linstar de Bonanjo, soit aux activités commerciales (cas du quartier Akwa).
De nos jours, le cadre dintelligibilité théorique de la localisation des entreprises dans la ville de Douala sest largement enrichi dapports multiples. Nous retenons dans cette thèse, plus particulièrement le modèle standard de « léconomie urbaine » (avec son analyse « centre/périphérique ») et lapproche en termes de « réseau » et de « proximité » qui, elle- même se complète par celle développée en termes de « firme », d«acteur » ou de « prise de décision ».
En fait, la création des entreprises industrielles à Douala est depuis quelques décennies, luvre de promoteurs nationaux bien que pendant longtemps considérée comme la résultante de linvestissement privé étranger. Si pour cette dernière catégorie (capital privé étranger, par exemple), le calcul en matière de localisation est un facteur décisif, les promoteurs locaux intègrent davantage des us et pratiques179 en interaction dynamique avec le milieu local. Ainsi la manière dont les agents sorganisent ou agissent, sappuie sur des normes, des conventions et autres us (facteurs constitutifs du territoire) du milieu local et qui constituent, souvent, des repères qui guident leurs choix. Aussi comme le montre J.R. ESSOMBE EDIMO (2007b op.cit.), au-delà des considérations et autres calculs économiques clairvoyants, la localisation des entreprises à Douala intègre des facteurs constituant la trame de ce que lon peut qualifier de « réalités locales ».
175
ESSOMBE EDIMO J.R. (2007a) : Localisation périphérique des entreprises industrielles et création de nouvelles Centralités à Douala, in Revue Mondes en développement, n° 137, vol. 2007/1, pp. 112.
176
ESSOMBE EDIMO J.R. (2007 b) : Spatialité et Développement Economique : Douala entre le hasard et la nécessité, Editions LHarmattan, Paris.
177
au cours des années 1960
178
On note limplantation, bien avant lindépendance, dune grande usine du secteur bio- alimentaire (SABC) ou dune unité du secteur cosmétique (SIPCA) respectivement à Koumassi et Bali, dune usine de vitrerie (CIMA) toujours à Bali ou encore dune unité de fabrication textile (VASNITEX) à Bonapriso, etc.
179
Dans un environnement incertain ou risqué (coûts de transaction et de changement élevés), le comportement de lentrepreneur (choix de localisation de lentreprise, calcul de maximisation ) peut reposer sur des normes, des conventions ou des pratiques issues du milieu local.
Afin de mettre en exergue ces réalités locales, nous allons dans cette partie passer en revue la vigoureuse empreinte des dispositifs institutionnels, puis faire une analyse des fixations spatiales et dynamiques du « tissu » territorial qui va nous guider dans la compréhension de lémergence de « saillies et de bourgeons industriels180 » en périphériques de Douala.
I.2.1- Lempreinte des dispositifs institutionnels dans la dynamique de localisation des