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INTRODUCTION GENERALE

A- CONTEXTE DE L’ETUDE

Depuis une trentaine d’années, la crise économique a bouleversé les hiérarchies spatiales et territoriales entraînant ainsi des altérations industrielles. Cette déformation des paysages industriels interroge la théorie économique. Cette dernière se trouve dépourvue de réponse face aux mutations nouvelles de l’espace économique qu’elle n’a pas su envisager. On comprend dès lors, pourquoi le modèle de croissance des trente dernières années d’après guerre est ainsi tombé en panne. Sa crise, comme la montre B. PECQUEUR, (1986) est aussi celle du discours sur l’espace. La sortie de la crise passe par une reconsidération complète du mode de représentation de l’espace et du territoire.

A ce titre, la situation économique contemporaine devient un chantier de réflexion visant à promouvoir non seulement la prospérité, mais aussi l’équité sur tous les plans y compris le territoire. Ainsi, plusieurs acteurs (économistes, sociologues, écologistes, urbanistes géographes, etc.) ont, de tout temps, pensé aux modèles voire, aux processus permettant la réalisation des différentes priorités. Les réflexions qui en ont découlé ont, pour la plupart, été controversées et ont parfois donné naissance à des concepts qui dominent la littérature économique depuis les temps anciens jusqu’à nos jours. Nous pouvons comprendre dans les diverses pensées développées, la caractéristique de l’accent mis sur deux notions-clés de l’économie, à savoir la croissance et l’équilibre source du développement. Or, tenir compte de la variable territoriale dans ce cadre, c’est renouveler profondément les conceptions traditionnelles de l’économie du développement.

Les théories inhérentes à l’économie de développement, non loin d’être concrètes et pragmatiques, sont d’autant plus intéressantes qu’elles nous donnent l’occasion de revenir sur un essai de définition du « développement ». Quoique cette notion ne soit pas passible d’une définition statique et standard, nous empruntons la définition de F. PERROUX (1950) pour qui : « le développement est la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rende apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel global ». Cette définition nous amène à faire la distinction entre trois notions voisines :

- l’expansion qui est une augmentation, sur une période courte, d’un indicateur de dimension. - La croissance qui est l’augmentation durable sur plusieurs périodes d’un indicateur de

dimension.

- Le progrès qui est tout ce qui représente un mieux par rapport à la situation précédente. Partant de cette définition, nous sommes d’ailleurs immédiatement, tentés de nous reporter sur l’économie africaine en général, et camerounaise en particulier, pour en voir la pertinence. Ici, et

28 peut-être plus qu’ailleurs, croissance, expansion et progrès semblent demeurer une quête perpétuelle dans une « Afrique en panne »3.

Sur le plan plus conceptuel la logique, jadis, environnante fut celle qui mettait l’accent sur l’individualisme méthodologique (étude de l’individu) considérant la société comme la somme des individus. Suivant cette logique, l’approche du développement est essentiellement quantitative. C’est ainsi que pour certains économistes comme A. SMITH (1776), on ne peut appréhender un développement qu’à la lumière de l’économie humaine. Pour cet auteur, l’économie humaine passe par une suite de phases : la chasse, l’élevage, l’agriculture, le commerce et l’industrie. La raison de cette évolution se trouve dans la psychologie de l’homme qui cherche, à chaque instant, la voie du moindre effort pour atteindre la croissance économique. L’analyse méthodologique issue des différentes études pousse K. MARX (1867), à élaborer une théorie de l’évolution fondée, quant à elle, sur une suite de phases de l’organisation de l’activité économique ayant pour moteur la force d’appropriation des facteurs de production, y compris le territoire.

D’un côté les auteurs tels que A. FISHER (1930), J. FOURRASTIER (1941) et surtout COLIN CLARK (1990) ont voulu montrer que l’activité économique se déploie à travers trois secteurs, et que la croissance se produit par le passage de l’importance relative du secteur primaire, au secteur secondaire puis au secteur tertiaire. Or, la littérature contemporaine de l’évolution économique nous a permis de constater que la plupart des économies aujourd’hui développées ont emprunté des voies diversement expérimentées à travers plusieurs types de « révolutions » : la révolution agricole, la révolution artisanale, la révolution culturelle, puis celle industrielle. Le passage progressif à ces révolutions a d’ailleurs amené W.W.ROSTOW (1960 ; 1970), par exemple, à élaborer « une théorie des étapes de la croissance économique » devenue très célèbre. Pour cet économiste, « on peut dire de toutes les sociétés, quelles passent par l’une des cinq phases suivantes : la société traditionnelle, la condition préalable au démarrage, le démarrage, le progrès vers la maturité, l’ère de la consommation de masse4 ». La philosophie générale dégagée par cette théorie est que les pays aujourd’hui développés ont connu, à un moment donné de leur histoire, la situation de sous-développement, qu’il soit agricole ou industriel, comme c’est le cas aujourd’hui pour les pays africains en général, et le Cameroun en particulier.

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Pour reprendre le titre célèbre de J. GIRI (1986) : l’Afrique en panne,…, Khartala, Paris.

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W.W. ROSTOW (1970) : les étapes de la croissance économique, éd. Seuil, Paris. Voir aussi W.W., ROSTOW (1960), the stages of economic growth: a non-communist manifesto, Cambridge University Press.

Les raisons du retard du développement et, plus précisément, du développement industriel pris par les pays sous-développés dans le processus réel de décollage, sont expliquées par les adeptes de l’approche critériologique, psychologique, diffusionniste, et même dualiste. Toutefois, nous pensons avec les économistes de « l’école structuraliste » (R. PREBISCH, C. FURTADO, F. PERROUX, etc.) que, le sous-développement, loin d’être « un degré inférieur » de développement, est contemporain du développement. En effet, lorsque le capitalisme a réussi à intégrer le marché national en Europe Occidentale, par exemple, et en soumettant à sa loi les derniers îlots d’économie féodale dans sa logique d’expansion, il ne lui restait que la conquête des espaces se situant hors des frontières nationales. Cette expansion sera commandée par trois facteurs qui apparaissent nécessaires à tout développement :

- la nécessité d’approvisionnements faciles,

- la recherche des débouchés pour déverser le surplus de la production, et

- une poussée démographique connue par ce continent peu après la révolution industrielle.

Dans l’analyse coloniale du sous-développement, les facteurs géographiques (climat, territoire et espace) et sociologiques tiennent une place importante. La tendance dominante est liée au pessimisme sur les modalités du développement. Tout comme l’accent est mis sur l’exploitation des ressources naturelles alors jugées indispensables au développement industriel. Par réaction contre la colonisation, les organisations internationales ont suscité des études en matière de développement. C’est ainsi que, parallèlement aux réunions tenues sous l’égide de la CNUCED5 (1974-1993), un nouvel ordre économique international fut envisagé. L’attention se portera alors à la fois, sur le rôle des entreprises transnationales, le problème des transferts technologiques, les conséquences des politiques commerciales (protectionnisme excessif) pratiquées par les pays en développement, puis sur le problème de l’endettement extérieur et, sur le rôle des politiques d’échange.

L’intérêt aujourd’hui porté par de nombreux auteurs aux facteurs sociaux, territoriaux et aux politiques de développement n’est pas en reste. Même si cela s’opère parallèlement avec le renouveau des controverses doctrinales, notamment, entre partisans du libéralisme et tenants de l’interventionnisme. Puisque, la crise des années 80 a conduit à remettre en cause les modalités d’intervention de l’Etat dans le processus de développement et à renforcer le courant libéral au sein du développement international. Un courant qui, la mondialisation aidant, tend d’ailleurs à prendre de l’ampleur à travers la planète. Les années 80 et 90 seront en effet caractérisées par le triomphe de la pensée libérale qui se traduit par la remise en cause du rôle de l’Etat dans l’économie, sonnant par là même la fin de « L’Etat-providence ». Cette remise en cause passera, notamment, par la

30 déréglementation et la privatisation. On croit que le marché est susceptible de résoudre tous les problèmes, on prêche le « laisser aller » sur le plan national et une ouverture totale (mondialisation) de l’économie sur le plan international.

Mais après un bilan de plus de 30 ans d’application dans les pays africains, par exemple, même la Banque Mondiale (BM) en appelle à moins de dogmatisme et à plus de pragmatisme. Il faut dire qu’en même temps, la crise du « fordisme » et de son modèle d’organisation de la production industrielle (« taylorisme » entre autres), dans les années 80, ainsi que l’émergence des Nouveaux Pays Industriels asiatiques, vont aussi mettre en évidence un nouveau phénomène d’organisation productive (à base des petites entreprises) et des mutations spatiales dans des territoires qui, autrefois, étaient industrialisés avec les grandes entreprises. Un phénomène qui remettait aussi en cause à la fois, le discours et les pratiques jusque-là développés au sujet de l’espace. Ce dernier ayant toujours été considéré, tour à tour, comme homogène, polarisé et hétérogène

(R.CANTILLON (1952)6, B. PECQUEUR, 1986, J.R. ESSOMBE EDIMO, 2006).

Les différentes mutations ainsi mises en exergue (renversement des hiérarchies régionales traditionnelles, apparition du dynamisme des petites entreprises,…), vont obliger observateurs et théoriciens du développement à réviser, peu à peu, leurs conceptions sur l’espace. C’est dans ce contexte également que l’économie spatiale va se renforcer avec « le développement d’un pan entier de recherches dont le but est de comprendre et d’appréhender les dynamiques spatiales, urbaines et, même, régionales. Et les résultats, nombreux, de ces investigations tendent aujourd’hui à montrer que ‘le territoire est une composante majeure du développement économique’»7. Dans cette partie de l’économie qui constitue essentiellement le territoire en objet d’analyse, on retrouve les travaux théoriques de (A. MARSHALL, 1890 ; C.COURLET, 1986, 1993, 1994 et 2007 ; B. PECQUEUR, 1992 et D.MAILLAT,1996 et 1999 ; J.R.ESSOMBE EDIMO, 2005, 2007a et 2007b ; etc.), qui tentent de spatialiser les modèles de l’équilibre général et partiel à partir des analyses fournies par des disciplines à orientation plus spécifique c’est-à-dire, l’économie urbaine, l’économie régionale ou la nouvelle économie géographique dont P. KRUGMAN (1991a, 1991b et 1998) est l’initiateur. L’économie spatiale ou territoriale est donc un chantier interdisciplinaire dans lequel l’analyse porte fondamentalement sur l’espace économique et géographique.

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R. Cantillon, (1952) Essai sur la nature du Commerce Générale (1755), éd. INED, paris

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J.R. ESSOMBE EDIMO (2007b) : spatialité et développement économique : Douala entre le hasard et la nécessité, éd. L’Harmattan, Paris, pp. 15/16.

En réalité, l’économie spatiale est à la fois une « vieille » et « nouvelle » science dont la remise au jour aura été rendue possible par la crise du fordisme dès la fin des années 708. On le sait, le fordisme désigne ce modèle de développement économique et industriel qui a caractérisé les 30 années de la croissance économique et régulière de l’après Deuxième Guerre Mondiale. Période également dénommée « les 30 glorieuses » par « l’école de la régulation9». D’après les travaux de celle-ci, on considère cette période comme celle durant laquelle la régulation de l’économie était de moins en moins assurée par le marché.

En Afrique en général, et au Cameroun en particulier, le modèle fordiste sera appliqué, observe encore J.R. ESSOMBE (2005 et 2007b, op. Cit.) , avec la généralisation d’une industrialisation caractérisée par :

- les « industries industrialisantes » de G. BERNIS (1966) ou les « pôles de croissances » de F.PERROUX (1955), ou encore, par ce que P. GUILLAUMONT (1987) a appelé les « éléphants blancs »,

- l’imposition des situations de dépendance en matière d’organisation10 industrielle ou locale, et

- un endettement extérieur croissant qui deviendra un fardeau au point de justifier la mise en place des Programmes d’Ajustement Structurels (PAS), auxquels succèderont les initiatives en faveur des Pays Pauvres et Très Endettés (PPTE).

La crise du modèle d’industrialisation fordiste11 va obliger à regarder de près le dynamisme des petites entreprises (PME) qui, contrairement aux grandes, s’organisent avec un mode de fonctionnement qui tend vers une plus large autonomie du territoire, mais intègrent également des processus de coopération localisée. Elles développent à la fois, une flexibilité productive par utilisation d’une main-d’œuvre abondante et moins coûteuse et de l’innovation. La localisation de ces entreprises va d’ailleurs ouvrir des portes de la recherche à travers deux approches : « les analyses territoriales » (avec le « district industriel » autrefois initié par A. MARSHALL (1890), les systèmes productifs localisé (SPL) ou les « milieux innovateurs ») et les approches

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Confère A. LOSCH (1940) et W. CHRISTALLER (1933) dans la théorie des places centrales

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C’est l’une des plus grandes écoles économiques initiées en France, notamment par : R.BOYER (1995), A. LIPIETZ (1997), D LEBORGNE (1999).

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Agglomération (moyens humains, financiers et industriels) ; des spécialisations des aires de productions industrielles, et des spécifications (compétence et institutions….)

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Défaillances des grandes entreprises. On a constaté que l’industrialisation ne pouvait plus être construite exclusivement à base des grandes entreprises. De même l’inversion des tendances (chômage, crise des finance publiques nouvelles articulations dans le domaine industriel,…) devenait une réalité incontournable, tant en Europe, en Amérique, en Asie qu’en Afrique. Voir également J.R. ESSOMBE (1995) : quel avenir pour l’Afrique ?... Silex/Nouvelles du Sud, Paris. Sur ce sujet voir aussi Danièle LEBORGNE (1943-2001), Alain LIPIETZ (2002),

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d’inspiration « régulationniste » (régulation capital/travail, flexibilité productive, réseaux et gouvernance). Formalisations industrielles du « développement local », ces deux cadres théoriques vont bientôt être complétés par les conceptions en termes du « capital social » et de la « proximité », et se situent également dans le prolongement de la « gouvernance ». D’un côté, l’on met en évidence l’importance d’un ensemble de facteurs, pas toujours perceptible à première vue, et qui pourtant, structure les rapports entre les acteurs sur un territoire (les réseaux sociaux, les us, les coutumes, les normes, etc.) en leur permettent d’utiliser les ressources porteuses dont dispose leur « espace vécu » (A. FREMONT, 1976). Tout comme de l’autre, l’on mettra beaucoup plus l’accent sur les interactions entre ces mêmes agents.

Le « district », quant à lui, est d’origine marshallienne (1890) et s’interroge sur la relation entre la division du travail et les économies d’agglomération. Il montre que les rendements croissants ne sont pas le propre des grandes entreprises. Puisqu’ils peuvent découler des effets externes et d’organisations engendrés par une co-localisation spatiale des activités. Pour sa part, le concept de « milieux innovateurs » donne une explication du développement spatial comme étant la conséquence des processus innovateurs et des synergies à l’œuvre sur les surfaces circonscrites faisant place à l’industrialisation. De son côté, l’analyse en terme de « gouvernance » (M. STORPER et B. HARRISON, 1990 ; C. DUPUY, J.P. GILLY et J. PERRAT, 2001) propose cette dernière comme mode de régulation des rapports de production. Ceux-ci peuvent même aller au-delà des relations marchandes. Tout comme les relations entre firmes peuvent obéir à un schéma de rapport type « hiérarchie » ou type « coopération partenariale ».

L’industrialisation, comprise comme l’augmentation de la dimension du secteur secondaire par rapport aux secteurs primaire et tertiaire12, est la transformation continue sur une grande échelle de matières premières en produits transportables. Sur le plan technologique, on peut y comprendre la généralisation de nouvelles techniques productives13 (F. PERROUX, 1950). L’analyse de nombreuses expériences montre que l’industrialisation ne peut être le seul résultat d’un processus de développement centrifuge, issu de la réalité ponctuelle de grands complexes, d’industries dites « motrices » ou de « pôles de croissance ». La réalité est que l’intégration des économies en voie de développement, à partir des impulsions venues d’industries « hautes » n’a jamais été aisée (J.PERRAT, 2001). Une étude menée, dans les années 80, sur 343 complexes industriels construits depuis 30 ans en Afrique subsaharienne, révèle que 274 d’entre eux fonctionnaient mal ou étaient complètement arrêtés. Alors qu’une soixantaine seulement utilisait correctement leurs capacités de

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CLARK C.W.(1971), « economically optimal policies for the utilization of biological renewable ressources » vol 13, pp 149-164

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production14. Les causes de ces dysfonctionnements relèvent de l’absence d’une véritable tradition industrielle, ainsi que de l’insuffisance d’un tissu local de petites et moyennes entreprises (PME).

L’affirmation des Nouveaux Pays Industriels a fait éclater une notion de « tiers monde » homogène et indifférencié. Mais, l’émergence de ces pays a aussi mis en lumière, disions-nous, le retournement spatial en cours sur des territoires qui, comme à Douala, se traduisent de plus en plus par l’apparition de nouvelles concurrences et de nouveaux partenaires et, par une réduction partielle des disparités territoriales au sein des espaces infra-nationaux (J.R. ESSOMBE EDIMO, 2007a). Il est donc question de définir un mode d’industrialisation à taille plus humaine et de proximité, mettant en évidence des dynamiques nouvelles: l’industrialisation à partir de petites initiatives et le développement de PME. Il s’agit de « la nouvelle industrialisation » qualifiée souvent de « diffuse », « spontanée » ou « rampante » qui s’oriente vers les secteurs économiques, les technologies, les types de produits pour lesquels la petite dimension de l’entreprise n’est pas un obstacle insurmontable (C. COURLET, 1986).

Cette « nouvelle industrialisation » est aussi, en général, caractérisée par une forte proportion de main-d’œuvre dans la valeur ajoutée. Elle se spécialise de préférence dans les produits qui permettent de valoriser une compétence artisanale ou une tradition manufacturière en adaptation constante. Elle occupe souvent des créneaux laissés libres par la grande industrie (petit électroménager, petite mécanique, petite menuiserie …), ou ceux dont elle la déloge comme l’habillement et la chaussure15. Elle peut évoluer vers des spécialisations, de plus en plus, poussées dans la production de qualité et de petites séries. Elle a, à sa base, les petites entreprises (C. COURLET, 1986 op. cit; C. COURLET et R. TIBERGHIEN, 1985, 1986 ; J.R ESSOMBE, 2005).

Dans certains pays en développement, multiples sont depuis les années 80/90, les initiatives qui répondent aux critères de cette « nouvelle industrialisation ». On peut noter le « foisonnement industriel » asiatique, avec des centaines de fabricants de parapluies et de milliers de producteurs de meubles à Taiwan, le développement des petites entreprises en Tunisie où la multiplication des promoteurs venant d’horizons divers (techniciens, ingénieurs, cadres supérieurs, enseignants, artisans), manifeste à l’évidence la volonté d’un développement industriel. Le même constat est effectué au Cameroun et, plus particulièrement, à Douala où il existe un dynamisme industriel porté par des acteurs locaux jusque-là mal identifiés ou méconnus. On y assiste, de plus en plus, à la

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Institut de l’Entreprise (Centre Nord Sud), pour un vrai partenariat industriel avec l’Afrique. Bilan et perspective de l’industrie africaine, Paris, Mai 1985.

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6-34 montée en puissance d’un secteur privé de petites et moyennes entreprises (PME) par la transformation d’artisans, de certains grands chefs coutumiers, de grands planteurs, en agents économiques modernes, et par l’entrée en entreprise de jeunes diplômés nationaux16.

De façon générale, on constate que les entreprises s’installent là où elles disposent d’une main-d’œuvre déjà établie dans le voisinage, et utilisent des structures privées et publiques existantes. Le succès de ce type d’industrialisation repose, précisément, sur la possibilité de récupérer, en vue d’un développement moderne, toutes les forces et les ressources, même les plus modestes dont l’organisation économique et sociale préexistante dispose.

Toutefois, du point de vue d’un développement industriel, l’environnement dans lequel s’amorce et se développe une industrie joue un rôle fondamental. Nous relevons qu’à Douala, le territoire est constellé de façon très dense. La ville offre des fonctions urbaines diverses, avec des traditions de démocratie locale très fortes. De même, l’artisanat, le commerce et les professions libérales y sont très développés17. La campagne est desservie par un réseau d’infrastructures également très dense. L’exploitation familiale domine dans l’agriculture et, la population rurale y demeure nombreuse et entretient des relations intenses avec la population urbaine. Le travail autonome et indépendant est fréquent, et il existe des rapports incontestables de solidarité dans le cadre de la famille élargie et du voisinage. La ville loge aussi deux grandes zones industrielles (depuis les années 70) et une zone franche (dès les années 90). On y retrouve, de manière générale, un contexte socioculturel qui pourrait être propice à la combinaison entre eux des éléments nécessaires à un développement industriel et régional.