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3.3 Les douze noms de C¯ık¯ al

4.1.2 Tirumur

¯ai : les données historiques

Les occurrences du terme tirumur

¯ai sont rares et tardives dans l’épigraphie. Dans l’état actuel des recherches, tirumur

¯ai apparaît, sous la dynastie c¯ol¯a, dans une inscription datant du règne de Kulottu ˙nga II (1133-1150) : CEC 269; trois de R¯ajar¯aja III (1216-1256) : ARE 1928-29 350, 1908 454 et SII 8 20510; une de R¯ajendra III (1246-1279) : ARE 1918 10 ; ainsi que sous les P¯an.d.ya « tardifs » (ARE 1907 92, 1908 414 et 1924 24).

Dans ces inscriptions le terme désigne clairement des hymnes chantés. Les re-levés de l’ARE 1928-29 350 et 1907 92 mentionnent des dons pour assurer la réci-tation du Tirumur

¯ai . ARE 1908 454

11 et ARE 1918 1012 précisent qu’il s’agit de dons de terre pour nourrir le chanteur du Tirumur

¯ai . Une inscription de V¯ıl¯imil¯alai (Nan

¯n¯ilam tk.), ARE 1908 414, que nous détaillons plus bas, enregistre une dona-tion pour faire des offrandes de nourriture au Tirumur

¯ai , sous forme manuscrite, qui avait été installé, mené en procession, chanté et honoré.

9. Nous montrons dans le CEC que le résumé de l’ARE de cette inscription évoquant des images est erroné. Par conséquent, la présence du terme tirumur

¯ai y est restée inconnue pour de nombreux auteurs qui datent son « apparition » épigraphique sous R¯ajar¯aja III, tel que Swamy (1972 : 98).

10. Cette inscription de Mun

¯iy¯ur (P¯apan¯acam tk.) datant de la vingt-huitième année du roi a été citée comme référence dans de nombreuses études. Cependant, elle a été publiée avec des erreurs. La vérification de l’estampage nous a permis de constater avec certitude que le nom du temple au sud du monastère de Tirumur

¯ai-t¯ev¯arac-celvan¯, l. 1, n’est pas Tirutton.icuram (ou Tirutton.t.¯ıśvaram, Rangaswamy 1990 [1958] : 29) mais Tirutt¯on.ipuram, i.e. C¯ık¯al

¯i, et que figure, l. 2, tirumur

¯ait tirukk¯appu nikki « ayant ouvert le Tirumur¯ai » au lieu de tirumur¯¯ra tirukk¯appu nikki qui ne fait pas sens. Sur l’expression tirukk¯appu nikki, cf. CEC 26.

11. l. 3 : tirumur

¯ai otuv¯ar¯kku tiruvamutupat.ikku ut.al¯aka ivar kut.utta nilam¯ay, « terre qu’il a donnée comme capital pour l’offrande de nourriture au chanteur du Tirumur

¯ai ». 12. l. 2 : tirumur

¯ai el¯untarul.i irukkum tiruppal.l.i ar

¯ai nokkuv¯ar¯kkum tirupp¯at.t.u otuv¯arkkum, « pour celui qui s’occupe de la pièce tiruppal.l.i où se trouve installé le Tirumur

¯ai et pour le chanteur des hymnes sacrés ».

Certains textes épigraphiques nous informent par ailleurs que le Tirumur ¯ai était conservé dans une pièce, ou un espace spécifique du temple où il était chanté, appelée souvent le tirukkaikk¯ot.t.i13 (ARE 1908 203, 414, 454, 1928-29 350 et CEC 26). Cette partie du temple semble avoir été négligée dans quelques sites, au péril des ôles contenant le Tirumur

¯ai . À notre avis, deux inscriptions, non publiées et très mal connues de la littérature secondaire, font état de cette situation. Elles proviennent de C¯ık¯al

¯i et de V¯ıl¯imil¯alai, deux sites du delta de la K¯av¯eri liés à la légende de Campantar, et datent, respectivement, du xiieet du xiiiesiècle14. Ainsi, CEC 26, qui date de la quatrième année de règne de Kulottu ˙nga II, enregistre un don de l’assemblée villageoise de C¯ık¯al

¯i pour que l’expert en tamoul de la chapelle de Campantar rouvre le tirukkaikk¯ot.t.i, répare les manuscrits détériorés et en réinstalle de nouveaux. Une inscription de V¯ıl

¯imil¯alai (ARE 1908 414)

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13. Selon Rangaswamy (*1990 [1958] : 23) il s’agit probablement d’une forme tamoulisée du sk. śr¯ıhastagos.t.h¯ı ; ce terme dériverait du fait que les hymnes étaient récités par un groupe (gos.t.h¯ı) marquant le temps avec les mains (hasta). L’hypothèse de Swamy (1972 : 108) qui y voit un comité travaillant pour le temple plutôt qu’un espace défini consacré à la récitation n’est absolument pas convaincante compte tenu des inscriptions que nous présentons ici. Précisons toutefois que le terme śr¯ıhastagos.t.h¯ı ne se rencontre pas dans les textes sanskrits (Information de Dominic Goodall). Signalons enfin un exemple que présente Hardy (*2001 [1983] : 643) pour souligner le substrat tamoul de la langue du Bh¯agavatapur¯an. a. D’après l’auteur, le nom K¯amakos.n.¯ı trouvé dans ce texte est une mauvaise re-sanskritisation du nom tamoul du temple K¯amak¯ot.t.i à K¯añcipuram car le terme tam. k¯ot.t.i est un dérivé du sk. kos.t.ha signifiant « grenier, trésorerie » et non de kos.n.¯ı qui ne fait pas sens. K¯ot.t.am, « temple », est un autre dérivé tamoul de ce terme. Ainsi, nous suggérons que le terme tirukkaikk¯ot.t.i n’est pas une forme tamoulisée du sk. śr¯ıhastagos.t.h¯ı mais que ce dernier est une mauvaise sanskritisation du mot tamoul qui renvoit certainement à un espace défini du temple (k¯ot.t.i, k¯ot.t.am du sk. kos.t.ha) associé, nous ne savons pas encore pourquoi, aux mains (tam. kai ).

14. Il nous semble abusif de douter de la véracité de ces textes épigraphiques sachant que nous n’avons pas affaire à un éloge royal, à une inscription contenant un éloge, à une copie d’inscription antérieure ou à un réemploi (types d’inscriptions qui sont susecptibles d’être des « faux »). De plus, compte tenu de la dimension « locale » — les donateurs sont le temple et l’assemblée villageoise — de leurs données nous croyons en l’authenticité de leur témoignage. Nous avons édité la première dans le CEC (26) et avons consulté la transcription de la seconde à Mysore en décembre 2006.

15. L’épigraphe date de la neuvième année de règne de Cat.aiyapan ¯mar

est encore plus explicite sur les conditions de renaissance d’un tirukkaikk¯ot.t.i et, ce faisant, du Tirumur

¯ai qu’il contenait : « le tirukkaikk¯ot.t.i du seigneur [de ce temple] a été laissé longtemps en ruine, sans que le Tirumur

¯ai , installé, puisse écouter les chants sacrés » (l. 3-4)16. Le terme tirumur

¯aiy¯ar, nom appellatif au pluriel ou au singulier honorifique, qui pourrait renvoyer à des images, souligne ici la déification du texte. En effet, l. 20, la séquence tiruvet.ukal.um tan

¯ittupp¯attu nokki, « ayant regardé séparément les ôles », qui décrit le tirumur

¯aiy¯ar confirme que ce dernier désigne le texte sur feuilles de palmier et non les images des auteurs de ce texte. Puis, un certain Tevar N¯araci ˙nkatevar, désireux d’entendre à nouveau les chants sacrés dans ce temple, « construisit un tirukkaikk¯ot.t.i, ainsi qu’un siège de lion » et réintroduisit procession, chant et culte pour ce texte (l. 4-6)17. Enfin, les employés du temple décident à leur tour de destiner une terre à l’offrande de nourriture pour ce Tirumur

¯ai et celui qui l’entretient (l. 6-7)

18

. Des guirlandes (tiruppal.l.itt¯amam l. 19) et des vêtements (tirupacicat.t.am l. 20) étaient prévus pour orner ce texte.

Ainsi, nous suggérons que le terme Tirumur

¯ai renvoyant à des textes chantés dans des inscriptions des xiieet xiiiesiècles pourrait se référer à une compilation, antérieure à 1136 (CEC 26), d’hymnes généralement appelés par le terme tirup-patiyam et dont le contenu exact reste à définir19. Ensuite, pour des raisons qui

Tirupuvan

¯accakkaravattikal. Cun

¯tarap¯an.t.iya que Mahalingam (1992 : 485) suggère d’identifier comme Jat.¯avarman Sundara P¯an.d.ya II, et date ainsi le texte de 1285.

16. [. . .] in

¯¯n¯ayan¯ar tirukkaikkot.t.i citilam¯ay net.un¯al. pat.at tirumur

¯[ai]y¯ar el¯untarul.i iruntu ti-rupp¯at.t.uk ket.t.arul.ap per

¯¯amal potukaiyil [. . .] 17. [. . .] pin

¯pu tevar n¯araci ˙nkatevar tiruñ¯an¯aca. . . kkat.ava k¯al

¯it tirumen. i mun¯pil¯an. t.u ut.aiy¯ar tirukkaikkot.t.iyil tirupp¯at.t.uk ket.t.arul.um pat.iye tirupp¯at.t.uk ket.t.arul.a ven.umen

¯¯ru muta. . . tirukkaikkot.t.iyum amaittu ci ˙nk¯acan

¯amum amaittu oru[p*]pat.a tirumur

¯aiy¯arum el¯untarul.ap pan.n.i er

¯iyarul.avum pan.n.i tirupp¯at.t.uk ket.t.arul.ip p¯ucai kon.t.u potukaiyil [. . .] 18. [. . .] tirumur

¯aiy¯ar amutu caiytarul.a ven

¯umen¯¯ru i. . .tikku amutupat.ikkum tirupparikar¯am¯ay nin

¯¯ru tirumur¯aiy¯arai nokku[cey*]kir¯a tirumen¯ikku [. . .]

19. Nous pensons que ces poèmes sont, en partie, ceux attribués aux m¯uvar et à d’autres poètes connus du Tirumur

¯ai actuel. Par exemple, des noms propres basés sur ce terme et sur Campantar nous permettent de supposer que les œuvres de ce dernier appartenaient à ce corpus : le monastère Tirumur

¯ait-t¯ev¯arac-celvan¯est très probablement un monastère de Campantar dans SII 8 205 (voir 1.2) et la donatrice d’une image de Campantar s’appelle « Tirumur

¯ai-N¯achchi alias Tirujñ¯anasambanda-na ˙ngai » dans ARE 1924 24.

nous sont encore obscures, le Tirumur

¯ai et la pièce qui les contenait furent négligés dans quelques temples comme s’ils avaient connu une phase impopulaire. Ces faits sont d’autant plus surprenants qu’ils eurent lieu dans deux sites très importants de la légende de Campantar. Et enfin, une autorité locale (assemblée ou temple) intervient et rouvre les portes du tirukkaikk¯ot.t.i pour entretenir, honorer et ranimer ces hymnes. Il apparaît donc, selon nous, que la trame du Tirumur

¯aikan. t.apur¯an. am ne serait en fait que la reprise mythifiée d’éléments historiques attestés dans l’épi-graphie et mis en œuvre par des autorités locales. Le génie de l’auteur de cette légende est d’avoir vu en Nampi ¯An.t.¯ar Nampi le compilateur, figure semblable à l’expert en tamoul de CEC 2620, et surtout, d’avoir, en quelque sorte, conféré au corpus le statut de texte révélé : Gan.eśa localise les hymnes sacrés perdus dans la demeure du Śiva dansant qui demande à les mettre en musique.

Enfin, pour clore cette sous-partie, nous signalons que le terme tirumur ¯ai ap-paraît dans la littérature avec le Periyapur¯an. am où il semble attesté deux fois. Sa mention dans l’hagiographie de Campantar (st. 2680) ne conduit pas, selon le com-mentaire de Ci. K¯e. Cuppiraman.iya Mutaliy¯ar, à l’idée d’un corpus composé des hymnes des m¯uvar et d’autres, mais désignerait plutôt, dans ce contexte, un écrit religieux quelconque qui guide vers la délivrance. Dans la légende du dévot Kan.an¯atar, son occurrence (st. 3925) pourrait se référer au corpus du Tirumur

¯ai . En effet, ce quatrain et le suivant énumèrent différents services (ton. t.u) envers Śiva que Kan.an¯atar enseigne aux dévots qui viennent à lui. Écrire, ou plutôt transcrire, et lire le Tirumur

¯ai sont considérés là comme des actes méritoires

21. Les com-mentaires de Ci. K¯e. Cuppiraman.iya Mutaliy¯ar et de Gopal Iyer (1991 : 10-11) s’accordent sur cette lecture. Toutefois, à notre avis, les occurrences sont

20. Il est toutefois précisé dans le Tirumur

¯aikan. t.apur¯an. am st. 23 que les hymnes des m¯uvar connaissaient une ordonnance harmonieuse avant leur perte et que le roi désirait la rétablir : pan. t.¯aran tir

¯antu vit.t.¯an

¯; parivu k¯urnt¯an¯; intavakaip peru ˙nkal.ikon. man

¯¯nan¯¯ran¯¯u mel¯in¯mur¯aiyai mun

¯ola vakukka ven. n. i, « Then the king, filled with joy and love, opened the treasury, in-tending to put the beautiful collection (mur

¯ai ) in the order it was previously » (traduction de Prentiss 2001b).

21. ellai yilvil.ak kerippavar, tirumur

¯ai yel¯utuv¯or v¯acipp¯or (3925d), « ceux qui allument des lampes sans fin, ceux qui transcrivent et lisent le tirumur

insuffisantes dans le Periyapur¯an. am pour définir précisément le sens du terme22. Aravamuthan (1934-35) et Zvelebil (1975 : 130-151) offrent une introduc-tion aux textes du Tirumur

¯ai . Notre choix des œuvres du Tirumur¯ai dans ce chapitre est dicté par leur référence, allusive ou détaillée, au site de C¯ık¯al

¯i et à son poète. Leur présentation se veut chronologique, selon la tradition, et gé-nérale : le Tirukkal

¯umalamumman. ikk¯ovai attribué à Pat.t.in

¯attuppil.l.ai (Tirumur ¯ai xi), six poèmes sur Campantar qui auraient été composés par Nampi ¯An.t.¯ar Nampi (Tirumur

¯ai xi) et le Periyapur¯an.am composé par C¯ekkil

¯¯ar (Tirumur¯ai xii).