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2.3 Campantar dans le T¯ ev¯ aram

2.3.3 Le Tiruv¯ acakam de M¯ an.ikkav¯acakar

Le Tiruv¯acakam et le Tirukk¯ovaiy¯ar constituent l’œuvre attribuée au poète M¯an.ikkav¯acakar. Ils forment le livre viii du Tirumur

¯ai . Nous proposons ici un

83. VII 62.8 : n¯al.um in

¯ icaiy¯al tamil¯parappum ñ¯an¯acampantan¯ukku ulakavar mun¯ al.am ¯ıntu, avan

¯ at.alukku ira ˙nkum tan

¯maiy¯al.an

¯ai ; « celui qui a donné des cymbales devant les habitants du monde à ѯan

¯acampantan¯, qui répand quotidiennement le tamoul par une musique plaisante, a la nature de s’émouvoir à ses chants ». Signalons toutefois que le terme t¯al.am signifie aussi bien le rythme ou le battement que l’instrument, les cymbales, qui sert à le marquer.

84. VII 97.9 : ¯un

¯am il k¯al¯itan¯¯nul.(l.) uyar ñ¯an

¯acampantar¯ku an¯¯ru ñ¯an¯am arul. purint¯an

¯; « celui qui fit grâce de la connaissance, jadis, au grand ѯan

rapide survol descriptif de la forme du Tiruv¯acakam85.

Le Tiruv¯acakam, « Paroles sacrées », constitue un ensemble de cinquante et un hymnes. La longueur des poèmes est variable : les quatre premiers contiennent quatre-vingt-quinze vers et plus. Les deux suivants ont respectivement cent et cin-quante strophes. Les textes 7 à 14 en comportent vingt et les autres, moins longs, en possèdent souvent dix (17-29, 31, 33-38, 40-43 et 45). Leur agencement ne concorde pas avec le déroulement des différents événements narrés dans l’hagiographie de M¯an.ikkav¯acakar. Tous les hymnes sont dits être liés à un site particulier : vingt-cinq pour Tillai (Citamparam), vingt pour Peruntur

¯ai, deux pour Tiruvan.n.¯amalai et un pour Uttarak¯ocama ˙nkai, Tirukkal

¯ukkun¯¯ram, Tirutt¯on.ipuram (C¯ık¯al

¯i), et Ti-ruv¯ar¯ur. De nombreux poèmes exaltent la dévotion ardente envers Śiva et sa puis-sance ; certains (7 à 19) sont placés dans la bouche de femmes vaquant à des occu-pations domestiques, ludiques ou autres. Ainsi, les hymnes de M¯an.ikkav¯acakar les plus chantés dans les temples, et peut-être les plus connus, sont le Tiruvemp¯avai (septième) qui met en scène le chant des femmes prenant leur bain matinal, ou le Tiruc¯al

¯al (douzième) qui est un jeu de questions-réponses, entre jeunes filles, sur les formes de Śiva. La consonnance philosophique de certains passages a été considérée comme les racines de la doctrine Śaiva Siddh¯anta86.

M¯an.ikkav¯acakar appartient aujourd’hui au groupe des « maîtres de la religion » shivaïte, les camay¯ac¯ariyar, ou du Quatuor, n¯alvar , qu’il forme avec les trois au-teurs du T¯ev¯aram. Sa datation a été l’objet de controverse ; aujourd’hui, le ixesiècle est généralement accepté (Zvelebil 1975 : 144). M¯an.ikkav¯acakar serait « le poète le plus important du mouvement shivaïte et le plus représentatif de l’âme tamoule » selon Filliozat (1994 : 329). Cependant, il existe très peu d’études scientifiques sur cet auteur et les textes qui lui sont attribués. À notre connaissance, Yocum (1982) est le seul ouvrage récent qui propose une monographie sur le poète. Bien

85. Les informations sur Campantar et C¯ık¯al

¯i sont quasi-inexistantes chez M¯an.ikkav¯acakar. Nous présentons toutefois son œuvre car elle suit de près chronologiquement celle attribuée à Campantar.

86. Cf. Yocum (1982) pour une étude récente de ce texte et Ramachandran (2001) pour une bibliographie exubérante mais non sélective.

que Yocum ait donné priorité à l’analyse littéraire des textes, il énumère (Yocum 1982 : 46-50) six arguments qui permettraient de placer M¯an.ikkav¯acakar dans le ixesiècle87.

87. Pour suivre le raisonnement de Glenn E. Yocum, il faut tout d’abord admettre que tous les hymnes rassemblés dans les deux textes qui constituent le livre viii du Tirumur

¯ai , depuis le Tirumur

¯aikan. t.apur¯an. am au plus tard (voir 4.1), ont été composés par un unique auteur, nommé M¯an.ikkav¯acakar. Nous résumons ici ses propos. Son premier argument, soutenu par de nombreux chercheurs, est l’absence de M¯an.ikkav¯acakar dans le « Recueil des saints serviteurs », le Tirutton. t.attokai (VII 39), qui formera la liste immuable des soixante-trois n¯ayan

¯ar , attribué à Cuntarar que la tradition place au viii-ixe siècle. M¯an.ikkav¯acakar lui serait donc postérieur. Par ailleurs, son absence dans les étoffements hagiographiques de Nampi ¯An.t.¯ar Nampi et de C¯ekkil

¯¯ar n’impliquerait pas une postériorité à ces auteurs mais reposerait sur la fidélité de ces derniers qui ont suivi Cuntarar. Ensuite, Yocum s’appuie sur les références au terme m¯ay¯av¯ada dans l’œuvre du poète qui illustreraient sa connaissance de la philosophie de Śa ˙nkara dont le décès est placé en 820. Ainsi, M¯an.ikkav¯acakar serait postérieur ou contemporain de celui-ci. Pour un compte rendu des études sur la datation de Śa ˙nkara cf. Harimoto (2006) qui propose une nouvelle datation du Brahmas¯utraś¯a ˙nkarabh¯as.ya et qui souligne la confusion dans laquelle est née la datation dite ‘traditionnelle’ du philosophe, 788-820. Le troisième argument s’appuie sur le fait que le Tirukk¯ovaiy¯ar mentionne un roi p¯an. d. ya nommé Varagun.a. Deux rois de cette dynastie portent ce nom au ixe

siècle. Les historiens que suit Yocum s’accordent à considérer notre poète comme contemporain de Varagun.a II alias Varagun.avarman (862-885?). Le quatrième argument de Yocum est fondé sur le fait que M¯an.ikkav¯acakar aurait eu connaissance des m¯uvar : il chante les sites de Campantar (Kal

¯umalam, i.e. C¯ık¯al¯i) et de Cuntarar (Tiruv¯ar¯ur) et il reprendrait un vers d’Appar. Yocum (1982 : 47) : « Tiruv¯acakam 5 : 30, where M¯an.ikkav¯acakar says, “y¯am ¯

arkkum kut.i all¯om y¯atum añc¯om", appears to rely on Appar’s T¯ev¯aram : “n¯am¯arkum kut.i all¯om naman

¯ai añc¯om" ». Le vers d’Appar se trouve en VI 98 1. Cependant, le poète ne mentionne jamais les m¯uvar (cf. Prentiss 1999 : 79). Ensuite, la ressemblance entre le Tiruvemp¯avai (hymne 7 du Tiruv¯acakam) et le Tirupp¯avai d’ ¯An.t.¯al., poétesse vishnouite qui aurait vécu au ixe

siècle, est un argument supplémentaire pour dater l’auteur de ce même siècle. Filliozat (1972 : xiii) écrit : « La similitude de composition du Tirupp¯avai et du Tiruvemp¯avai , tous deux de forme exceptionnelle dans la littérature tamoule est aussi en faveur d’un rapprochement des époques des deux poètes. La connaissance chez l’un de l’œuvre de l’autre semble bien avoir inspiré au premier l’idée de donner la réplique au second. Mais, faute d’une chronologie précise, nous ne pouvons décider de la priorité de l’un ou de l’autre ». Enfin, le dernier argument de Yocum repose sur l’identification d’un roi cingalais bouddhiste converti au shivaïsme après la guérison de sa fille par M¯an.ikkav¯acakar à Citamparam.

À notre connaissance, ce n’est qu’au xiie siècle88 que des témoignages épi-graphiques précis sur les images du poète et le chant de deux hymnes du cor-pus du Tiruv¯acakam semblent apparaître, bien que, étrangement, les noms de M¯an.ikkav¯acakar et du Tiruv¯acakam n’y figurent pas89. Une épigraphe du règne de R¯ajar¯aja II, datée de 1158, décrit l’installation par deux danseuses du temple de trois images : Appar, Tiruv¯atav¯ur¯al.ikal. et Kan.n.appar90. Tiruv¯atav¯ur¯al.ikal. est identifié comme M¯an.ikkav¯acakar parce que V¯atav¯ur est son lieu de naissance, parce que des inscriptions lient cette figure avec le chant du Tiruvemp¯avai (ARE 1912 421) et, enfin, parce que Nampi ¯An.t.¯ar Nampi, jouant sur le terme v¯acakam, semble se référer à lui quand il parle d’un dévot shivaïte de V¯atav¯ur qui a composé un Tirukk¯ovai91. Ainsi, M¯an.ikkav¯acakar, sur le même plan que les « véritables » n¯ayan

¯ar , est sanctifié dans l’enceinte des temples. Ailleurs, il est aussi appelé « V¯adav¯ur-N¯ayan

¯¯ar » (ARE 1912 420). Bien que nous envisagions la possibilité que les hymnes de M¯an.ikkav¯acakar aient été répertoriés dans les inscriptions sous la désignation générale de tiruppatiyam, une étude plus ample est nécessaire pour

88. L’affirmation de Swamy (1972 : 97) que ARE 1940-41 157 (Nall¯ur, Ten

¯n¯¯ar¯at.u dt.) est la première inscription à mentionner le Tiruc¯al

¯al (douxième hymne de ce qui forme le Tiruv¯acakam) et qu’elle date du règne de V¯ırar¯ajendrac¯ol

¯a, soit de 1069, est discutable car cet ARE p. 243 et Mahalingam (1988 : 496) identifient ce roi comme Kulottu ˙nga III et datent le texte de 1184. L’agencement des autres épigraphes sur les murs du temple et leur datation tardive donnent plutôt raison à ces derniers. Une vérification in situ est indispensable pour trancher la question. 89. Une inscription du temple de N¯ageśvara à Kumpak¯on.am (ARE 1911 258), qui contient l’éloge royal de R¯ajar¯aja III (1216-1279) c¯ır man

¯¯ni irun¯an¯ku ticai, mentionne un donateur nommé Tiruñ¯an

¯acampantar M¯an.ikkav¯acakan

¯. Cependant, nous n’avons pas rencontré de textes épigra-phiques nommant ainsi une image du poète.

90. SII 8 228 l. 9-10 : el

¯unta[rul.uvitta] tirun¯a[vu]kkarai[cu]tevar

¯[kum] tiruv¯atav¯ur¯al.ikal.ukkum [tiruk]kan. n. appatevarkkum, « pour Tirun¯avukkaraicutevar, Tiruv¯atav¯ur¯al.ikal. et Tirukkan.n.appatevar qui ont été érigés ».

91. K¯oyil tiruppan. n. iyar viruttam : varuv¯a cakattin

¯il, mur¯¯run. art t¯on¯ai, van. tillaiman¯¯nait tiruv¯ata v¯urcciva p¯attiyan

¯ ceytiruc cir¯¯rampalap porul.¯ar tarutiruk k¯ovaikan. t.¯eyumar

¯¯rapporul.ait terul.¯ata vul.l.at tavarkavi p¯at.ic cirippippar¯e. (58)

la soutenir. Ne sont donc abordés ici que certains textes évoquant les chants du Tiruc¯al

¯al et du Tiruvemp¯avai , textes qui appartiennent, nous le rappelons, au Tiruv¯acakam.

Une inscription datant de la dix-septième année de Vikramac¯ol

¯a, SII 22 165 l. 2, enregistre un don pour qu’entre autres la déesse parte en procession tous les di-manches accompagnée du chant du Tiruc¯al

¯al

92. De plus, ARE 1912 421 de Val ¯uv¯ur (M¯ayavaram tk.), datant du premier juillet 1167 (Mahalingam 1992 : 349), sti-pule un don pour que soit récité le Tiruvemp¯avai devant l’image de « V¯adav¯ur¯ al.-N¯ayan

¯¯ar » pendant la fête du mois de m¯arkal¯i (décembre-janvier)

93. Enfin, quatre inscriptions de Nall¯ur (Ten

¯n¯¯ar¯at.u dt.) du règne de Kulottu ˙nga III, entre 1198 et 1202, enregistrent des dons pour que soient chantés différents morceaux du Tiru-vemp¯avai par les danseuses du temple. En effet, ARE 1940-41 143 évoque le mu-talp¯at.t.u « première strophe » de l’hymne, 161 l’iran.t.¯amp¯at.t.u « deuxième strophe » et enfin, 149 et 160 le kat.aik¯appu « protection finale ». Il semble que ces chants étaient accompagnés de danse. Nous rappelons que le Tiruvemp¯avai était chanté principalement par des renonçants et des femmes et que cette mise en scène par-ticulière souligne le statut ascétique traditionnel de M¯an.ikkav¯acakar et le contenu de son hymne qui n’est autre que le chant des femmes prenant leur bain matinal94. Mais les textes attribués à M¯an.ikkav¯acakar ne mentionnent pas notre poète Campantar et la seule et brève référence à C¯ık¯al

¯i se trouve dans une liste de lieux saints shivaïtes du poème intitulé K¯ırttittiruvakaval : « et ayant fait apparition à Kal

¯umalam » (kal¯umala matan¯ir¯ at.ci kot.uttum, l. 88). Enfin la tradition rattache le poème intitulé Pit.itta pattu, attribué à ce même auteur, à T¯on.ipuram parce que, au début de la strophe 3, Śiva est appelé ammaiy¯e app¯a, « mère, père ». Si Ammaiyappan

¯ est bien le nom actuel de l’image de Śiva se trouvant dans le temple

92. Il est intéressant de noter que le rapport de l’ARE 1940-41 157 met aussi en relation cet hymne, qui célèbre exclusivement Śiva, avec la déesse ; en effet, il évoque un don de terres pour assurer le chant du Tiruc¯al

¯al et diverses offrandes à la déesse.

93. Le rapport de l’ARE 1943-44 192 de Maturai, d’une inscription gravée sous Sundara P¯an.d.ya III, datant de 1219, mentionne le chant du Tiruvemp¯avai par des ascètes le mois de m¯arkal

¯i. 94. Cette présentation sommaire des données épigraphiques mérite d’être développée et com-plétée pour chercher des éléments de réponse aux interrogations légitimes et aux conclusions hâtives de Swamy (1972 : 118-128).

à étage du complexe de C¯ık¯al

¯i (voir 8.1), Śiva ne porte ce nom ni dans les textes du Tirumur

¯ai , ni dans les inscriptions. Par ailleurs, il n’y a aucune autre référence au site dans le poème. Nous pensons donc que les commentateurs du Pit.itta pattu ont associé ce texte au site de C¯ık¯al

¯i de façon anachronique et que, cet hymne, à caractère général, ne célèbre aucun temple en particulier.

*

L’étude intrinsèque de l’œuvre attribuée à Campantar nous place devant des problèmes d’interpolations. Les hymnes du T¯ev¯aram attribués à Campantar se ca-ractérisent par une structure fixe, une griffe personnalisée dans l’envoi et l’emploi fréquent de procédés littéraires. Or, nous suspectons qu’un grand nombre d’envois et d’hymnes composés selon des procédés stylistiques seraient des ajouts posté-rieurs. De plus, certaines références biographiques de Campantar sont douteuses, et d’autres se révèlent être clairement des ajouts. Enfin, les allusions à Campantar dans les hymnes des autres m¯uvar n’infirment pas nos doutes.

Ainsi, sur la base des données internes, nous proposons l’hypothèse que le poète Campantar n’est pas l’auteur unique des trois cent quatre-vingt-cinq hymnes du T¯ev¯aram qui semblent avoir été réunis au moment d’une compilation ou, peut-être, pour justifier, en partie, les écrits des hagiographes. Nous avons le sentiment d’être confrontée à un corpus hétérogène, incluant des strophes et des hymnes de poètes de dates variées, qui est présenté comme l’œuvre d’un auteur unique appelé sous le nom collectif de Campantar95. De plus, nous avons aussi émis des doutes quant à l’attribution des douze toponymes au seul site de C¯ık¯al

¯i. Ne faudrait-il pas aussi considérer C¯ık¯al

¯i comme un toponyme sous lequel auraient été rassemblés douze sites distincts ?

95. Cf. Shulman (1990 : xxxviii-xl) pour une interprétation similaire de la figure de Cuntarar et Hawley 1988 pour une étude sur les auteurs des poèmes de bhakti des xv-xviie siècles de l’Inde du Nord.

Chapitre 3

C¯ık¯al

¯i aux douze noms

Un talapur¯an. am, « histoire d’un site »1, est un type de texte, généralement composé en vers, racontant les mythes fondateurs qui ont apporté ou révélé la sain-teté d’un lieu, souvent d’un temple. Le C¯ık¯al

¯ittalapur¯an. am, « histoire du site de C¯ık¯al

¯i », a été composé au milieu du xviiie

siècle par Arun.¯acalakkavir¯ayar (1712-1779), originaire de Tillaiy¯at.i, dont les talents ont été grandement récompensés à la cour du Mah¯ar¯aja de Tañc¯av¯ur2. Ce texte contient mille cinq cent cinquante-trois quatrains et serait une traduction condensée d’une version sanskrite3 en quarante

1. Le terme est dérivé du sanskrit sthalapur¯an. a. D’ailleurs, chaque texte tamoul se réfère à un ancêtre sanskrit, souvent introuvable et douteux. La plupart des textes se disent être des traductions de divers chapitres de pur¯an. a sanskrits dont le plus fréquent est le Skandapur¯an. a.

2. Ce texte a été commandité par Citamparan¯atamun

¯i, disciple renonçant responsable du monastère de C¯ık¯al

¯i, une des annexes de Tarumapuram à l’époque. Il a été publié en 1887 par Cap¯an¯ayakamutaliy¯ar, un puissant local, puis réimprimé, en 1937, sous la direction de son fils, Ca. Cat¯acivamutaliy¯ar. Cf. « Autour des talapur¯an. am au Pays Tamoul », notre présentation, faite le 20 mars 2006, dans le cadre de la première Journée Monde Indien organisée par l’UMR 7528 Mondes iranien et indien.

3. Voici les détails de cette version sanskrite en quarante chapitres que nous lisons dans l’in-troduction de l’édition du C¯ık¯al

¯ittalapur¯an. am (p. xiv) : dix-huit du Pavut.ika (sk. Bhavis.ya), un du Piram¯an. t.a (sk. Brahm¯an. d. a) et vingt-et-un du Kantapur¯an. am (dont neuf du Ca ˙nkaraca ˙nkitai, un du Can

¯ar¯kum¯araca ˙nkitai et onze du troisième Pariccetam). Nous n’avons pas retrouvé ces différents chapitres sanskrits.

chapitres. Le texte s’organise en une introduction4 et trente-et-un chapitres (at-tiy¯ayam), dont douze sur les mythes fondateurs du site (chapitres 2, 3, 6, 7, 9, 10, 12, 13, 15, 16, 17 et 18), un sur Campantar (chapitre 23) et deux sur Cat.t.ain¯atar (chapitres 20 et 25)5 :

Tableau 3.1: Les douze chapitres des mythes fondateurs

Chapitre Toponyme Nombre de strophes 2 T¯on. ipuram 41 3 Piramapuram 50 6 Śr¯ık¯al.ipuram 61 7 Ve ˙nkuru 39 9 Pukali 39 10 Cirapuram 24 12 Can. pai 34 13 Koccai 38 15 V¯en. upuram 47 16 Kal ¯umalam 19 17 Pur ¯avam 39 18 Tar¯ay 19

Les douze noms de C¯ık¯al

¯i sont expliqués dans le talapur¯an. am par des mythes fondateurs qui sont, souvent, des versions « tamoulisées » et localisées de récits mythologiques panindiens connus à travers des textes fameux du corpus sanskrit. Ainsi, des histoires empruntées aux pur¯an. a et aux épopées sanskrits sont relocali-sées à C¯ık¯al

¯i. Nous commençons par résumer ici les douze chapitres dans l’ordre de présentation du talapur¯an. a qui n’est pas, au passage, celui que nous avons relevé dans les Tirumur

¯ai (cf. 2.1.3) :

1. Le site est appelé T¯on.ipuram, « ville du radeau », parce que Śiva et sa pa-rèdre y sont venus se poser pendant le déluge sur leur barque. Ce lieu devient le centre cosmique à partir duquel la création peut recommencer. Si le mythe

4. L’introduction comprend une « protection de Vin¯ayakar » (vin¯ayakar k¯appu, deux st.), un « hommage aux dieux » (kat.avul. v¯al

¯ttu, trente-et-une st.), une « célébration du pays » (ti-run¯at.t.uccir

¯appu, soixante st.), une « célébration de la ville » (tirunakaraccir¯appu, quatre-vingt-dix st.) et une « histoire du pur¯an. a » (pur¯an. a varal¯ar

¯u, quarante-sept st.). 5. Nous étudions cette figure dans la dernière partie.

du déluge est universel celui de Śiva y naviguant sur une barque paraît ap-partenir à la tradition tamoule (Shulman 1980 : 55-63).

2. C¯ık¯al

¯i obtient le nom de Piramapuram, « ville de Brahm¯a », parce que ce dernier y a honoré Śiva pour que son œuvre de création se déroule correc-tement. De nombreux temples ou li ˙nga portent ce nom au Pays Tamoul comme à Pul.l.ma ˙nkai par exemple (voir Schmid (2005) pour une étude mo-nographique de ce temple).

3. Le toponyme K¯al

¯i est expliqué par deux mythes dans le talapur¯an. am. Dans le premier, la déesse K¯al¯ı est venue là faire pénitence après sa défaite lors de la compétition de danse contre Śiva à Tillai. Dans le second, le serpent K¯aliya, vaincu par Kr

˚s.n.a qui a dansé sur sa tête et suivant son ordre, y est venu expier sa faute. Notons que les deux anthroponymes, K¯al¯ı (tam. K¯al.i) et K¯aliya, ne possèdent pas l’alvéolaire du toponyme K¯al

¯i. La défaite de K¯al¯ı lors de la compétition de danse à Citamparam n’est pas mentionnée dans les talapur¯an. am principaux du site que sont le Cidambaram¯ah¯atmya (skt.) et le K¯oyir

¯pur¯an. am (tam.) mais dans une version sanskrite mineure, le Vy¯aghrapuram¯ah¯atmya (Smith 1998 : 143-145). Dans le Harivam. śa (cha-pitres 55 et 56), Kr

˚s.n.a, après avoir dompté le serpent K¯aliya, le congédie expier sa faute dans l’océan (Couture 1991 : 218-226).

4. L’appellation de Ve ˙nkuru, « maître cruel », résulte de deux mythes. Dans le premier, Ve ˙nkuru, identifié comme Śukr¯ac¯arya, attristé par le manque de respect que les dieux lui portent parce qu’il est le maître des démons, fait pénitence à C¯ık¯al

¯i. Dans le second, Ve ˙nkuru est Yama. Il décide d’honorer Śiva à C¯ık¯al

¯i pour que ce dernier accorde aux damnés la faculté de se souvenir de leurs bons et mauvais actes antérieurs afin de comprendre leur sort aux enfers.

5. Pukali est le « refuge » des dieux qui y sont venus honorer Śiva pour se protéger du démon Ś¯urapadma. Dans le Kantapur¯an. am (II.24 st.19-22 et III.30 st.1-9) Indra y est venu faire pénitence.

6. Le site obtient le nom de Cirapuram, « ville de la tête », parce que la tête de R¯ahu, coupée par le Soleil pour le punir d’avoir bu l’ambroisie du barattage

destinée aux dieux, est tombée en ce lieu. 7. C¯ık¯al

¯i porte le nom de Can.pai, dérivé de can.pu désignant une plante