• Aucun résultat trouvé

3.3 Les douze noms de C¯ık¯ al

3.3.2 Depuis Appar jusqu’aux inscriptions

Nous avons observé que les quatre hymnes attribués à Appar (IV 82, 83 et V 45) et Cuntarar (VII 58) glorifient C¯ık¯al

¯i sous les noms de Kal¯umalam et T¯on.ipuram. Quand ces deux poètes mentionnent l’origine géographique de Campantar, ils le lient à Kal

¯umalam (IV 56.1) et à K¯al¯i (VII 97.9). Appar identifie même T¯on.ipuram comme Kal

¯umalam (IV 82.6). Ajoutons que le poème K¯ırttitiruvakaval du Ti-ruv¯acakam, attribué à M¯an.ikkav¯acakar et établissant une liste de lieux saints shi-vaïtes, ne mentionne que Kal

¯umalam au vers 88. Ailleurs, le poète vishnouite Tiruma ˙nkaiy¯al

¯ar chante le site sous l’appellation de K¯al¯i dans le Periyatirumol¯i (1178-1197). Ces poètes qui sont les plus proches de Campantar dans le temps, entre le viieet ixesiècle, ne font nullement référence à l’unité des douze toponymes de C¯ık¯al

¯i. Ils ne reprennent que les noms attestés dans les sources historiques, les textes épigraphiques.

Kal

¯umalam et T¯on.ipuram sont, en réalité, les toponymes qui désignent le site dans les inscriptions, et ce jusqu’au xive siècle. T¯on.ipuram est le nom du temple, ou du bourg l’entourant, et compose le nom de Śiva ou du li ˙nga appelé T¯on.ipuramut.aiy¯ar. Quant à Kal

¯umalam, il renvoie à une division territoriale plus grande, le val.an¯at.u, englobant divers villages (voir la troisième partie). La première attestation de source historique, que nous connaissions, du terme C¯ık¯al

¯i ou K¯al¯i se trouve dans une inscription du xiesiècle du temple de Tañc¯av¯ur. Elle entre dans la composition du nom d’un chanteur de tiruppatiyam appelé K¯al

¯i Campantan¯(SII 2 65 l.11). Ainsi, les textes littéraires qui ne sont pas attribués à Campantar mais qui

lui sont plus ou moins contemporains, ainsi que les textes épigraphiques du temple même de C¯ık¯al

¯i ne présentent pas ce site comme possédant douze toponymes. Ce constat nous conduit à proposer l’hypothèse que certains des douze noms de C¯ık¯al

¯i ne sont pas à l’origine des toponymes renvoyant à la localité de C¯ık¯al

¯i mais qu’ils ont été ajoutés à ce corpus du T¯ev¯aram ou qu’ils ont été attachés au site de C¯ık¯al

¯i arbitrairement17. Ces douze appellations ne sont célébrées qu’à partir de la pre-mière phase de mise en légende des textes de la bhakti shivaïte tamoule et de leurs poètes, au xiiesiècle environ.

*

Les poèmes du T¯ev¯aram célébrant C¯ık¯al

¯i représentent aujourd’hui les plus an-ciennes références au site et constituent donc la source principale de la première partie de notre étude. Ces hymnes et le reste du corpus ont été chantés et honorés dans l’enceinte du temple. Ils le sont toujours. Leurs auteurs, dès le xie siècle, in-tègrent le panthéon divin et font l’objet d’un cultes. Mais ce corpus du T¯ev¯aram, consacré par la tradition, nous paraît être un ensemble composite qui nécessite l’établissement d’une édition critique. L’analyse de quelques données internes nous a permis de suggérer des interpolations et l’unité des douze toponymes du site de C¯ık¯al

¯i nous est apparu comme étant un artifice, très probablement, formé posté-rieurement.

Les hymnes du T¯ev¯aram célèbrent des sites. Ces hymnes et leurs poètes sont à leur tour célébrés au xiie siècle. Notre deuxième partie, à travers l’étude de quelques textes du Tirumur

¯ai , examine la formation légendaire de ce site et de son poète Campantar. Des légendes se fixent. Des héros y naissent.

17. Nous connaissons des exemples de sites possédant plusieurs temples : deux à K¯at.t.uppal.l.i (K¯ıl

¯ai I 5 et M¯elai III 29), deux à Kura ˙nk¯at.utur

¯ai (Ten¯ II 35 et Vat.a III 91), deux à Kacci ( ¯Ekampam I 133, II 12, III 41, III 114 et Ner

Deuxième partie

Héros

Les hymnes du T¯ev¯aram ont intégré le service religieux des temples shivaïtes et de la vie domestique. Les images de leurs auteurs, élevés au rang de demi-dieux, sont installées dans les lieux de culte dès le xie siècle. Les récits de leurs vies, probablement transmis oralement tout d’abord, sont consignés au xiiesiècle par écrit dans l’hagiographie18 composée par C¯ekkil

¯¯ar, dans laquelle ces figures religieuses deviennent les héros de la conquête du shivaïsme au Pays Tamoul. La « Légende dorée » de Campantar est exemplaire : de poète originaire d’une famille de gotra kaun. d. inya de C¯ık¯al

¯i qui exprime dans ses poèmes son amour absolu de Śiva tout en scandant sa haine des hérétiques, il devient dans son hagiographie un enfant prodige, héros de C¯ık¯al

¯i, qui charme et convertit la population avec ses hymnes produisant des miracles lors de ses pèlerinages-conquêtes dans le Pays Tamoul. Dans cette deuxième partie de notre travail nous explorons la figure de Campantar, l’histoire de sa légende.

Ainsi, le chapitre 4 définit et présente de façon générale les textes du Tirumur ¯ai qui seront exploités pour étudier l’évolution et la fixation des légendes de Cam-pantar et du temple de C¯ık¯al

¯i. Leur choix repose sur l’importance qu’ils accordent au poète et au site pour les périodes antérieure et, probablement, contemporaine des premiers témoignages épigraphiques de C¯ık¯al

¯i

19.

Le chapitre 5 étudie les données textuelles et iconographiques disponibles à propos du héros Campantar pour comprendre l’image de l’enfant qui est, à notre avis, absente du T¯ev¯aram.

Le chapitre 6 essaie de reconstituer le mécanisme hagiographique mis en place par le second héros de cette partie, C¯ekkil

¯¯ar qui fixa la légende du héros de C¯ık¯al¯i.

18. Bien que ce terme ait une signification particulière dans le christianisme, il s’applique, aujourd’hui, dans les études indiennes à une littérature de biographies sacrées. Nous suivons Mallison (2001 : viii) qui, la dernière en date, justifie cet emploi.

19. Parce qu’ils ne sont que le reflet de légendes parfaitement cristallisées, les textes qui cé-lèbrent ce site et son poète postérieurs au xiiiesiècle ne sont pas étudiés dans cette partie.

Chapitre 4

Les textes de la mise en légende

Le Tirumur

¯ai renvoie aujourd’hui à douze livres contenant divers textes re-ligieux louant Śiva, ses temples et ses dévots. Ses sept premiers livres forment le T¯ev¯aram. Le huitième rassemble les œuvres attribuées à M¯an.ikkav¯acakar (le Tiruv¯acakam et le Tirukk¯ovaiy¯ar ) et le neuvième est un volume composite di-visé en deux parties (le Tiruvicaipp¯a et le Tiruppall¯an. t.u) contenant les hymnes de neuf poètes célébrant au total quatorze sites. Le dixième est consacré à l’ou-vrage de Tirum¯ular, le Tirumantiram. Le onzième regroupe en un mélange qua-rante textes de douze auteurs dont K¯araikk¯alammaiy¯ar, Pat.t.in

¯attuppil.l.ai et Nampi ¯

An.t.¯ar Nampi. Et enfin, le dernier volume est l’hagiographie composée par C¯ekkil ¯¯ar, le Tirutton. t.arpur¯an. am, nommé aussi Periyapur¯an. am.

Avant d’examiner les textes de la mise en légende de C¯ık¯al

¯i et de son poète, nous offrons une présentation du corpus du Tirumur

¯ai qui confronte la légende élaborée à son propos dans un texte littéraire aux données archéologiques fournies par l’épigraphie.

4.1 Le Tirumur