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4.3 Le Periyapur¯ an . am

4.3.3 Les repères historiques

4.3.3 Les repères historiques

Certains auteurs, comme Nilakanta Sastri (*2000 [1955] : 675-676) et Zve-lebil (1975 : 135), s’accordent pour dater le Periyapur¯an. am du règne de Ku-lottu ˙nga II (1133-1150). Ils se basent sur l’hagiographie qui mentionne, à plusieurs reprises, un roi nommé Anap¯aya (du sk., « impérissable ») identifié comme Ku-lottu ˙nga II grâce aux sources épigraphiques.

À notre connaissance, dix occurrences du terme anap¯aya (orthographié aussi an

¯ap¯aya), désignant un roi c¯ol¯a, se trouvent dans le Periyapur¯an. am et ce terme peut être appliqué à trois objets différents. En premier lieu, le terme anap¯aya ren-voie à la figure générale d’un roi représentant de la dynastie c¯ol

¯a. Une partie du premier chapitre décrit la « glorification du pays » (tirun¯at.t.uccir

¯appu) et célèbre le territoire c¯ol

¯a sur lequel règne un roi impérissable au sceptre juste, protecteur et triomphant (st. 22) ; plus loin, ce roi est l’héritier de grands monarques my-thiques, dévots de Śiva (st. 404, 552, 2745, 3949 et 4210). Ensuite, un roi légendaire, dont le récit est narré dans la « glorification de la ville de Tiruv¯ar¯ur » (tiruv¯ar¯urt tirunakaraccir

¯appu, st. 86-135), s’appelle Anap¯ayan¯ (st. 85 et 98). Cette légende, bien connue par d’autres sources48, raconte comment un roi juste, descendant de Manu, condamne son fils à mourir écrasé par le char avec lequel ce dernier avait accidentellement tué un veau. Enfin, deux strophes semblent faire allusion au roi régnant au moment de la composition de l’hagiographie ; ce roi nommé Anap¯ayan ¯ est lié à Citamparam. La première strophe appartient à l’avaiyat.akkam (passage

exprimant la modestie de l’auteur). Elle nomme le roi Anap¯ayan

¯et mentionne qu’il est « le C¯ol

¯a qui a couvert d’or rouge et pur la grande salle sacrée (de Citampa-ram) du (Seigneur) Rouge »49. La seconde strophe qui nous intéresse s’insère dans le récit de Can.d.eśa dont l’introduction décrit la ville de C¯eyñal¯ur qui est digne d’être le lieu de couronnement de la lignée du roi Anap¯ayan

¯, à nouveau associé à Citamparam. La strophe ne mentionne pas explicitement qu’il a couvert d’or un des toits de ce temple :

cen

¯¯ni, yApayan¯, kul¯ottu ˙nkac c¯ol¯an¯, r¯illait tiruvellai pon

¯¯nin¯ mayam¯ak kiyaval.avar p¯or¯e, r

¯en¯¯rum puvik¯akku man

¯¯nar perum¯a n¯Anap¯ayan¯ varunton¯ marapin¯ mut.ic¯ut.t.un tan

¯mai nilavu patiyainti n¯on¯¯r¯ay vil.a ˙nkun takaittavv¯ur. (1213)

La ville brillante [de C¯eyñal¯ur est] comme une des cinq villes perma-nentes dignes de la qualité de couronner l’ancienne lignée d’où vient Anap¯ayan

¯, le seigneur des rois qui protège la terre, et qu’on appelle aussi l’Apayan

¯ couronné, le Kul¯ottu ˙nkacc¯ol¯an¯, le héros capable qui a donné la beauté de l’or au site sacré de Tillai (Citamparam).

Ainsi, seules les deux occurrences des st. 8 et 1213 peuvent nous permettre d’iden-tifier ce roi à un monarque historique qui a accompli les mêmes faits. Les titres Apayan

¯et Kul¯ottu ˙nkacc¯ol¯an¯qui lui sont attribués (st. 1213) et la dorure de Citam-param qu’évoquent les deux strophes semblent soutenir son identification comme Kulottu ˙nga II.

Les données historiques confirment cette identification50. Quelques épigraphes mentionnent des villages (Anap¯ayanall¯ur dans les ARE 1921 533, 1915 271 et

49. Le commentaire de Ci. K¯e. Cuppiraman.iya Mutaliy¯ar et la traduction de Ramachan-dran (1990) suggèrent que ce roi nommé Anap¯ayan

¯ a aussi commandité l’hagiographie. Cepen-dant, nous ne pouvons pas appuyer cette interprétation qui n’est pas évidente à la lecture de cette strophe dont la structure demeure incompréhensible ;

m¯eya vivvurai kon. t.u virumpum¯am c¯eya van

¯¯rirup p¯erampalañ ceyya t¯uya pon

¯¯nan. i c¯ol¯an¯¯ı t.¯ul ¯ip¯ar ¯

aya c¯ır-ana p¯aya n

¯aracavai (8)

50. Cf. ARE 1912 para. 27. Selon Nilakanta Sastri (*2000 [1955] : 349) Anap¯ayan ¯ est un titre de Kulottu ˙nga II.

1911 363) et des officiers royaux (Anap¯ayam¯uventav¯el.¯an

¯ dans les ARE 1911 346 et 359) nommés d’après ce titre. Bien que certaines inscriptions (ARE 1911 346, 359 et 363 du Ce ˙nkar

¯pat.t.u dt.) soient datées par Mahalingam (1989) du règne de Kulottu ˙nga II sans justification, d’autres nous donnent plus de précision sur leur datation : ARE 1915 271 (Vat.¯ar

¯at.u dt.) date d’un Kulottu ˙nga et ARE 1921 533 (Ten

¯n¯¯ar¯at.u dt.) contient l’éloge royal p¯um¯evi val.ar attribué à Kulottu ˙nga II51. Une inscription de ¯Ar¯ur (SII 7 485) commençant par p¯uman

¯¯nu patumam, meykk¯ırtti également composée à la gloire de ce souverain, précise l. 32, dans la partie sanskrite, que le roi est Anap¯aya (devo’nap¯ayo nr

˚pah. ). Ainsi, en contexte épigraphique, Anap¯ayan

¯ semble être un titre exclusif de Kulottu ˙nga II. La littérature de cour témoigne aussi que le titre Anap¯ayan

¯ est attribué à Ku-lottu ˙nga II. Dans le Kul¯ottu ˙nkacc¯ol

¯an¯ul¯a composé par Ot.t.akk¯uttar au xiie siècle (Zvelebil 1995 : 502-504) et dédié à la célébration de Kulottu ˙nga II, nous re-trouvons deux occurrences du titre Anap¯ayan

¯ (st. 159 et 315) qui désignent ce roi.

Enfin, l’analyse de la frise narrative du temple de T¯ar¯acuram représentant les épisodes des n¯ayan

¯ar conduit Marr (1979) à la conclusion que les panneaux forment une illustration fidèle du Periyapur¯an. am. Parce que T¯ar¯acuram a été construit sous le règne de R¯ajar¯aja II (1150-1173), l’auteur propose de dater le Periyapur¯an. am sous le règne de Kulottu ˙nga II (1133-1150). L’Hernault (1987 : 96-107) remet en question cette fidélité à cause de l’existence d’une frise antérieure, plus ou moins similaire, à M¯elakkat.amp¯ur. Elle argue que les éléments des pan-neaux de T¯ar¯acuram n’ont pas forcément leur origine dans le Periyapur¯an. am et suggère que les deux frises auraient été influencées par le Tirutton. t.ar tiruvant¯ati attribué à Nampi ¯An.t.¯ar Nampi et par d’autres versions orales qui auraient été en circulation à cette époque. Gros (2001 : 25) critique cette idée car, pour re-prendre ses mots, « la fidélité quasi servile de C¯ekkil

¯¯ar à la lettre de l’Ant¯ati rend futile la controverse sur Darasuram où rien n’existe qui contredise le Periya Pur¯an. am ». L’observation des images des deux temples et la lecture du Periya-pur¯an. am nous permettent d’apporter un argument supplémentaire qui soutient

l’hypothèse de Marr : contrairement aux panneaux du temple de M¯elakkat.amp¯ur ceux de T¯ar¯acuram représentent parfois le couple de Śiva et P¯arvat¯ı montés sur le taureau52. Cette représentation iconographique correspond à la description lit-téraire du deus ex machina de nombreuses hagiographies : Śiva et P¯arvat¯ı appa-raissent montés sur le taureau à la fin de l’épisode pour sauver ou bénir le n¯ayan

¯¯ar . Par exemple, la situation finale de l’hagiographie d’Il.aiy¯an

¯kut.im¯aran

¯ est décrite ainsi :

m¯alayar

¯ kariya n¯atan¯ vat.ivoru c¯oti y¯akac c¯alav¯e maya ˙nku v¯arkkuc ca ˙nkaran

¯¯r¯an¯ma kil¯nt¯e y¯elav¯ar kul

¯al¯a t.an

¯¯n¯o t.it.apav¯a kan

¯an¯ ¯ayt t¯on¯¯ric

c¯ılam¯ar p¯ucai ceyta tirutton. t.ar tammai n¯okki (PP 464) an

¯pan¯¯e yan¯par p¯ucai yal.ittan¯ı yan.a ˙nki n ¯¯ot.um en

¯peru mulaka meyti yirunitik kil¯avan¯¯r¯an¯¯e mun

¯peru nitiya m¯enti mol¯ival¯i y¯eval k¯et.pa vin

¯pam¯arn tirukka ven¯¯r¯e yarul.ceyt¯a n

¯evarkku mikk¯an¯. (PP 465)

Le Seigneur difficile [à trouver] par M¯al et Ayan ¯ Prit la forme d’une lumière

Śa ˙nkara se réjouissant lui-même pour [les deux] confus extrêmement, Apparut tel Celui à la monture de taureau

Avec Celle à la chevelure pleinement parfumée ; Il regarda les saints serviteurs qui [lui] avaient rendu Des cultes [hospitaliers] parfaitement dignes, (PP 464)

« Ô dévot ! toi qui as rendu un culte au dévot, avec ton épouse, Atteins mon grand monde, du Possesseur des deux trésors

Reçois la grande richesse de jadis, écoute les directives des textes, Sois pleinement joyeux » parlant ainsi,

Celui [qui est] supérieur à tous accorda sa grâce. (PP 465)

Le couple divin n’apparaît pas sur leur monture de taureau dans les panneaux de M¯elakkat.amp¯ur ni dans l’Ant¯ati attribuée à Nampi ¯An.t.¯ar Nampi. Seuls les des-criptions du Periyapur¯an. am53 se superposent donc parfaitement sur les panneaux de T¯ar¯acuram.

52. Voir dans L’Hernault (1987) les Ph. 73 (fig. 4, 5, 7, 9, 12, 14, 17, 20, 28, 36, 38, 41 et 43) et 74 (fig. 44 et 57).

53. Pour d’autres apparitions du couple divin sur le taureau voir les pur¯an. a de Nilakan.t.an ¯

Ainsi, compte tenu des données littéraires, épigraphiques et iconographiques dont nous disposons il est difficile d’identifier le roi Anap¯ayan

¯à un autre souverain c¯ol

¯a que Kulottu ˙nga II. Il nous paraît donc probable que le Periyapur¯an. am date de la seconde moitié du xiiesiècle.

Mis à part les informations données par le texte légendaire du C¯ekkil

¯¯arpur¯an. am, nous avons peu de renseignements sur l’auteur du Periyapur¯an. am, si C¯ekkil

¯¯ar est bien le compositeur de cette hagiographie. Ir¯acam¯an.ikkan

¯ar (*1996 [1968] :¯ 16-18) souhaite reconnaître la famille du poète dans les inscriptions mention-nant des hommes du « clan » C¯ekkil

¯¯ar de Kun¯¯ratt¯ur, conformément à la légende qui nous informe que les proches du poète étaient actifs dans cette région. Il donne ainsi une liste de neuf épigraphes sans, malheureusement, fournir les ré-férences des relevés. Nous en avons retrouvé cinq. Trois inscriptions du temple de N¯ak¯ecuram de Kun

¯¯ratt¯ur (Śr¯ıperumput¯ur tk.)

54, qui a été parrainé par l’au-teur du Periyapur¯an. am selon la légende, et une du temple de Tirupp¯alaivan

¯am (ARE 1928-29 314 datant de 1226), toutes du district de Ce ˙nkar

¯pat.t.u, enre-gistrent des donations d’individus portant le nom de C¯ekkil

¯¯an¯ et originaires de Kun

¯¯ratt¯ur. La datation de deux épigraphes que l’auteur présente nous semble erronée : les dates de 1164 et 1179 données pour ces inscriptions évoquant un certain C¯ekkil

¯¯an¯ alar¯¯av¯ayan¯ Kal.app¯al.ar¯ayan

¯, que Ir¯acam¯an.ikkan

¯ar associe¯ sans fondement à Kun

¯¯ratt¯ur, ne concordent pas avec celle de l’ARE 1928-29 221 (Virutt¯acalam tk., Ten

¯n¯¯ar¯at.u dt.) où figure le même homme et qui date de 1235 selon Mahalingam (1988 : 512). Nous pensons que Ir¯acam¯an.ikkan

¯ar¯ a été influencé par la st. 98 du C¯ekkil

¯¯arpur¯an. am qui nomme P¯alar¯¯av¯ayan¯ le frère successeur de C¯ekkil

¯¯ar, et qu’il a voulu à tout prix confondre le personnage

(PP 399), Iyar

¯pakai (PP 434), M¯an¯akkañc¯ar¯ar (PP 896), ¯An¯¯ayar (PP 963-965), Kuripputton.t.ar (PP 1203), Can.t.i (PP 1257), Campantar (PP 1962) et C¯akkiyan

¯ (PP 3651-3652). Parfois Śiva intervient seul sur sa monture : T¯ayan

¯ (PP 923), Atipattar (PP 4009), Kaliyan¯ (PP 4037). Il peut être sans taureau : avec sa parèdre (Amarn¯ıti PP 547), seul (En

¯¯atin¯atar PP 647 et K¯ot.puli PP 4144). Enfin, une fois, Śiva se manifeste sous la forme de Som¯askanda, avec Um¯a et Skanda, devant le dévot Cir

¯utton.t.ar (PP 3743-3744).

54. ARE 1929-30 230, 218 et 208 datées respectivement de 1182, 1241 et 1268 par Mahalingam (1989 : 438-446).

littéraire P¯alar

¯¯av¯ayan¯ avec cet individu de l’inscription (C¯ekkil¯an¯¯ alar¯¯av¯ayan¯ Kal.app¯al.ar¯ayan

¯) qui n’est pas originaire de Kun¯¯ratt¯ur. Une inscription évoque-rait notre hagiographe selon Ir¯acam¯an.ikkan

¯ar. Le résumé que donne l’ARE¯ 1920 95, provenant du temple de Tirumal

¯ap¯at.i (Ut.aiy¯arp¯al.aiyam tk., Tirucci dt.) et datant de la dix-septième année de règne d’un R¯ajar¯aja, mentionne une dona-tion de quatre-vingt-dix moutons pour l’entretien d’une lampe perpétuelle par un individu appelé « Kun

¯¯ratt¯ur Ś¯ekkil¯¯an¯ ad¯evad.igal. R¯amad¯eva alias Uttamach¯ol.a Pallavarayan

¯». Dans le C¯ekkil¯¯arpur¯an. am (st. 18), C¯ekkil¯¯ar porte le titre Utta-mac¯ol

¯appallavan¯. Ir¯acam¯an.ikkan

¯ar et quelques autres auteurs, comme Cox¯ (2006b : 7), en concluent que ce donateur est notre poète. Cependant, l’épigraphe n’est pas publiée et sa datation est incertaine. Ni l’ARE ni Mahalingam (1991b : 388) ne proposent une identification du roi. Il nous semble que, dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons pas soutenir l’identification de ce dona-teur comme l’audona-teur du Periyapur¯an. am sur la seule autorité du C¯ekkil

¯¯arpur¯an. am. Deux inscriptions notées par Ir¯acam¯an.ikkan

¯ar demeurent introuvables. Ainsi,¯ les ARE « retrouvés » et datables placent ces différents C¯ekkil

¯¯ar de Kun¯¯ratt¯ur principalement au xiiie siècle.

Par ailleurs, la concordance des noms des inscriptions c¯ol

¯a (Karashima, Sub-barayalu, Matsui 1978), recense six autres épigraphes publiées, datant du xie et xiie siècles et, ce faisant, antérieures à celles discutées plus haut, et mention-nant des C¯ekkil

¯¯an¯. Si deux d’entre elles enregistrent des donateurs originaires du district de Ce ˙nkar

¯pat.t.u (SII 5 473 et 7 476), les autres viennent de l’ancien district de Tañc¯av¯ur (SII 19 78, 8 226 et 220) et du taluk de Citamparam (SII 13 146). Il nous apparaît donc que le « clan » des C¯ekkil

¯¯ar n’est pas uniquement enraciné dans la région de Ce ˙nkar

¯pat.t.u, et plus particulièrement de Kun

¯¯ratt¯ur, comme le suppose Ir¯acam¯an.ikkan

¯ar mais qu’un nombre substantiel de hauts officiers ou¯ de propriétaires terriens possédant ce nom vivaient aussi dans la plaine deltaïque. De plus, relier tous les C¯ekkil

¯¯ar de Kun¯¯ratt¯ur à la famille du poète sur l’unique autorité d’un texte légendaire nous semble contestable.

pu-bliées, peuvent faire allusion à l’auteur du Periyapur¯an. am55 : ARE 1958-59 313 et ARE 1938-39 229. La première provient de Citamparam. Le résumé de cette inscription nous informe qu’elle contient l’éloge royal puyal v¯ayttu val.am peruka attribué à Kulottu ˙nga III (1178-1218), qu’elle date de la huitième année de règne de ce roi, 1186, et enfin, qu’elle enregistre un ordre royal qui détaxe quelques terres données par un certain « Ś¯ekkil

¯¯an¯ Araiyan¯ Ediriliśol¯an¯» de Kun¯¯ratt¯ur pour former un jardin nommé tirutton. t.ar c¯ıruraitt¯ar56. Le nom appelatif tirutton. t.ar c¯ıruraitt¯ar, « Celui qui a raconté la gloire des saints serviteurs », peut être une désignation de Cuntarar, de Nampi ¯An.t.¯ar Nampi ou de C¯ekkil

¯¯ar. Mais, le titre et l’origine géographique du donateur nous permettent de supposer que ce nom appellatif renvoie à C¯ekkil

¯¯ar le poète

57 ou à un de ses descendants. La seconde date de la vingt-cinquième année de règne de Kulottu ˙nga III, soit de 1203, et se trouve à Śr¯ıv¯añciyam (Nan

¯n¯ilam tk., Tañc¯av¯ur dt.). Selon le résumé de l’ARE, elle relate une donation pour maintenir le culte et les offrandes faits aux trois images d’Emberumakkal. (littéralement, « nos êtres chers », identifiés comme les m¯uvar) et à celle de Tirutton. d. ar S¯ıruraitt¯ar. Alors que l’ARE identifie ce dernier comme M¯an.ikkav¯acakar, Nagaswamy (1989 : 227), dans un paragraphe confus, qui nous semble-t-il, réfute (sans la mentionner) l’identification proposée par l’ARE, pense qu’il s’agit de C¯ekkil

¯¯ar. L’interprétation de l’ARE nous paraît mauvaise car les œuvres attribuées à M¯an.ikkav¯acakar ne permettent pas de le qualifier de « Ce-lui qui a raconté la gloire des saints serviteurs ». Cependant, aucune information intrinsèque du résumé concernant le donateur, un certain Anap¯ayan

¯, ou l’emplace-ment des images, dans la chapelle de la déesse du temple de Tiruman.akk¯oyilut.aiy¯ar à C¯ev¯ur, ne permet d’établir formellement une identification. Il faudrait étudier en détail ces inscriptions inédites pour confirmer notre hypothèse.

55. L’identification du texte ¯Al.ut.aiya Nampi Śr¯ıpur¯an.am de SII 5 1358 avec le Periyapur¯an.am par Rajamanickam (1964 : 211-213) reste, à notre avis, discutable.

56. Cox (2006b : 7) classe cette inscription parmi celles qui attestent l’existence d’un clan C¯ekkil

¯an¯ mais ne relève pas le nom du jardin, et par conséquence, son importance. 57. Par ailleurs, à la st. 95 du C¯ekkil

¯¯arpur¯an. am, C¯ekkil¯¯ar l’hagiographe y reçoit du roi le titre de ton. t.a c¯ırparavuv¯ar, « celui qui répand la gloire des serviteurs ».

*

Nous avons vu, tout au long de ce chapitre introductif aux textes de la mise en légende de C¯ık¯al

¯i et de Campantar, que l’histoire de nombreux textes du Tirumur¯ai reste incertaine malgré une bibliographie abondante et quelques nouvelles données épigraphiques. Ces œuvres sont nimbées de légendes tellement influentes que, mal-heureusement, la plus grande partie de la littérature secondaire repose sur ces dernières pour établir la chronologie des poètes et des textes qui leur sont at-tribués. Très peu de chercheurs remettent en cause par exemple la paternité de certains textes fondée sur les informations de ces récits mythologiques souverains. Le Tirumur

¯aikan. t.apur¯an. am et le C¯ekkil¯¯arpur¯an. am racontent respectivement la compilation des onze premiers livres du canon shivaïte par Nampi et la composi-tion du douzième livre par C¯ekkil

¯¯ar. Ces légendes ont été essentiellement exploitées pour rattacher tel texte à tel auteur et pour les dater.

À travers les textes du Tirumur

¯ai présentés, nous voyons se dessiner deux phases de mise en légende qui ont permis de revaloriser et regénérer les textes de la bhakti shivaïte tamoule. La première, celle qui concerne notre étude, a eu lieu avec le Periyapur¯an. am qui consacre une grande portion de son œuvre aux m¯uvar (plus du quart à Campantar). Rappelons seulement ici que les textes de bhakti shivaïte ont connu, pour des raisons obscures, un certain « abandon » ou « oubli » à la période c¯ol

¯a dans quelques temples comme l’attestent les deux inscriptions de V¯ıl

¯imil¯alai (ARE 1908 414) et, de manière plus surprenante, de C¯ık¯al¯i (CEC 26). Ce dernier temple est fortement associé au poète Campantar qui apparaît aujourd’hui comme le meneur de la bhakti shivaïte tamoule. Comment expliquer que le temple de Campantar s’est retrouvé dans cette situation au xiiesiècle ? De plus, il nous semble intéressant de souligner que les œuvres attribuées à Nampi et à C¯ekkil

¯¯ar, forgeant le mythe de ce personnage, émergent précisément dans ce contexte historique. Y a-t-il un lien de causalité entre la renaissance du tiruk-kaikk¯ot.t.i de C¯ık¯al

¯i et la naissance de la légende figée de Campantar ? La seconde phase concerne le Tirumur

¯aikan. t.apur¯an. am et le C¯ekkil¯¯arpur¯an. am. Bien que ces deux récits légendaires soient eux-mêmes sujets de controverses et que leur attri-bution à un seul Um¯apati Civ¯ac¯ariyar nous paraisse très improbable, ils semblent

illustrer le besoin qu’a ressenti, aux xiv-xviesiècles, la société shivaïte tamoule de légitimer, de sanctifier et d’établir un corpus canonique d’hymnes tamouls bhak-tiques ; et ce, assurément sous la direction incorporatrice du mouvement Śaiva Siddh¯anta tamoul prépondérant à Citamparam à partir du xivesiècle58.

Dans les deux chapitres suivants, nous essayons de comprendre comment la légende de Campantar et celle de sa ville natale furent construites en examinant, dans la limite du possible, selon l’ordre chronologique établi par la tradition, les textes du Tirumur

¯ai qui célèbrent le poète. Campantar appartient en effet à la catégorie des n¯ayan

¯ar poètes — comprenant les m¯uvar , K¯araikk¯alammaiy¯ar, Tirum¯ular et le roi C¯eram¯an

¯ Perum¯al. — dont les œuvres, passées à la postérité, ont été exploitées pour constituer leurs biographies sacrées.

58. Nous renvoyons à Prentiss (1996) en gardant toutefois des réserves sur les identifications et les datations qu’elle suit. Pour une introduction au Śaiva Siddh¯anta panindien, cf. le premier chapitre de Davis (*2000 [1991]) ; pour une mise au point sur l’étude de ce mouvement dans la littérature secondaire, cf. la préface de Goodall (2004) et enfin, pour une présentation générale des textes philosophico-religieux du Śaiva Siddh¯anta tamoul, cf. Zvelebil (1975 : 198-207).

Chapitre 5

Aux origines d’un héros légendaire

Le Periyapur¯an. am, ensemble des hagiographies des soixante-trois n¯ayan ¯ar, narre la vie exemplaire, sacrée et légendaire de serviteurs qui incarnent une