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Théorie néo-classique et la théorie des choix politiques (public choice theory)

Liste des sigles

Chapitre 2 Recension des écrits

2.2 Théories en sciences économiques

2.2.1 Théorie néo-classique et la théorie des choix politiques (public choice theory)

La théorie économique développée par Adam Smith demeure incontournable en sciences économiques. Cette théorie postule que les individus sont des êtres rationnels cherchant à maximiser leur utilité. Ceci se produit grâce au marché qui permet d‘établir le prix des produits et services via les mécanismes d‘offre et de demande. Ainsi, on « confie aux marchés le soin de produire l‘ensemble des biens et des services visant à assurer la survie, le bien-être, l‘épanouissement et la pérennité d‘une collectivité » (Cousineau 2005: 278). Dans cette optique, l‘État doit limiter son implication à assurer la loi et l‘ordre, à fournir des biens publics et à corriger les imperfections du marché (Cousineau 2005: 281-283) puisque toute interférence nuirait au bon fonctionnement des marchés. Par conséquent, la théorie néo-classique en économie ne peut servir de cadre théorique pour expliquer les stratégies des acteurs vis-à-vis l‘élaboration des politiques publiques de retraite. Les économistes, dont Cerda (2005), prônant l‘abolition des régimes publics sont de cette tradition.

Une version moins radicale de la théorie néo-classique, mais s‘en inspirant grandement, à savoir la théorie des choix politiques, pourrait fournir quelques réponses (Howlett et Ramesh 2003: 22). La théorie des choix politiques ou public choice theory postule, comme la théorie néo-classique, que les acteurs sont rationnels et cherchent à maximiser leur utilité, dans ce cas-ci maximiser les votes. Par exemple, les électeurs élisent des députés favorables à leurs intérêts, les politiciens et les partis politiques chercheront à acquérir ou maintenir leur pouvoir et les bureaucraties viseront à augmenter leurs budgets et leur contrôle. Puisque tous ces acteurs n‘œuvrent que dans leur propre intérêt, il est primordial de développer des institutions qui permettront de rediriger ces efforts afin qu‘ils soient compatibles avec les besoins du reste de la société. Pour ce faire, les tenants du public

choice theory postulent, à l‘instar des néo-classiques, que le rôle de l‘État doit se limiter à

corriger les failles du marché (Howlett et Ramesh, 2003 : 22-24; Cousineau, 2005; Royer, 2006; 52).

Plusieurs auteurs cités dans le chapitre précédent relèvent de cette approche. Par exemple, Clark (2003) et Börsch-Supan (2005) considèrent que les régimes de retraite publics contiennent des failles majeures. Ils reconnaissent toutefois l‘improbabilité de se départir de ces régimes dans un grand nombre de pays et considèrent qu‘il faille mettre en place des meilleures institutions pour encadrer ces régimes.

Bien qu‘elles ne fassent pas l‘unanimité chez les économistes, les réformes paramétriques sont une solution compatible avec la théorie du choix politique. En effet, ce type de réforme a pour objectif d‘assainir les finances publiques tout en maintenant les grandes lignes des institutions de retraite. On pourrait également inclure les économistes ouverts au développement des régimes privés au détriment des régimes publics dans cette approche. En favorisant, au niveau fiscal, les RPA et les REÉR, le gouvernement cherche à modifier le comportement des particuliers et des employeurs afin qu‘ils assument une plus grande part du fardeau de retraite. L‘objectif final est de réduire l‘implication de l‘État et de rediriger les recettes fiscales à d‘autres fins plus près de ses intérêts et, diront certains, de ceux de la société. David Dodge, auparavant de la Banque du Canada, qui prêche une meilleure gestion des régimes d‘entreprise, est un tenant de cette approche.

Enfin, des économistes prônant l‘augmentation de l‘offre de travail peuvent également être associés à l‘approche des choix politiques. Tel que vu précédemment, les membres de l‘OCDE et du Projet de recherche sur les politiques (PRP) du gouvernement du Canada soulignent la nécessité d‘harmoniser les lois et règlements entourant les régimes de retraite afin de prolonger la vie active. Ils prêchent également l‘élimination de l‘âge légal de

retraite et la lutte à l‘âgisme afin que les employeurs embauchent et retiennent davantage les travailleurs âgés. Enfin, l‘OCDE et le PRP cherchent à donner des outils aux travailleurs pour augmenter l‘employabilité de ceux-ci. Toutes ces mesures visent à montrer que le prolongement de la vie active est dans l‘intérêt de tous et à inciter travailleurs et employeurs d‘agir en ce sens pour accroître leur utilité.

Cette théorie séduit par sa simplicité et sa logique, mais elle comporte plusieurs failles dont la principale est sa vision simpliste de la psychologie humaine. En effet, les études empiriques montrent que les acteurs ne sont pas toujours rationnels au sens défini par la théorie et, par le fait même, que le postulat de base de cette théorie est erroné (Howlett et Ramesh 2003: 24-25). À titre d‘exemple, en dépit d‘une certaine connaissance des risques associés à un retrait hâtif du marché du travail, les Canadiens continuent à opter pour la retraite anticipée.

De cette première faille en découle deux autres : la faible valeur prédictive de la théorie et l‘incapacité de généraliser cette théorie à d‘autres cas que celui des États-Unis (Howlett et Ramesh 2003: 24-25).

La théorie des choix politiques découlant de la théorie économique néo-classique domine le discours quant aux réformes à adopter en matière de politiques publiques de retraite au Canada. Toutefois, cette théorie ne peut qu‘expliquer le contenu des réformes, pas le processus comme tel, soit notre sujet de recherche. Pour cette raison, nous devons considérer d‘autres modèles théoriques pour répondre à notre question de recherche.