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Chapitre 1 Problématique de la recherche

1.3 Problématique des politiques de retraite au Canada : portrait des enjeux individuels et collectifs

1.3.2 Problèmes sociaux : prévention de la pauvreté et redistribution

1.3.2.2 Stratification sociale

Pour certains, l‘inégalité de revenu est un problème majeur (Myles 2000: 22). Cette inégalité est mesurée par le coefficient Gini14 (Statistique Canada 2004; Cousineau 2005) dont on voit l‘évolution sur le graphique suivant.

Figure 11 : Coefficient de Gini pour familles âgées et autres que de personnes âgées, Canada

14 «Le coefficient de Gini, compris entre zéro et un, mesure le degré relatif d'inégalité dans la distribution du

revenu. Le coefficient serait de zéro (inégalité minimale) dans le cas d'une population dont chaque personne touche exactement le même revenu familial ajusté et il serait de un (inégalité maximale) si une personne touchait tout le revenu familial ajusté et les autres n'en touchaient pas du tout. Même s'il n'y a pas d'interprétation simple d'une seule valeur d'un coefficient de Gini, la comparaison du niveau au fil du temps ou entre les populations, elle, est très simple : plus le coefficient est élevé, plus grande est l'inégalité de la distribution, et vice versa.» Statistique Canada (sans date). CANSIM - Tableau 202-0709: Coefficients de Gini du revenu du marché, total et après impôt des individus, où chaque individu est représenté par le revenu de son ménage ajusté, selon le type de famille économique, annuel (nombre). CANSIM, Gouvernement du Canada. 202-0709.

Source : Statistique Canada (2004)

La courbe représentant les familles de personnes âgées tend vers le zéro indiquant que l‘inégalité de revenu de cette population a diminué dans le temps et qu‘elle est inférieure à l‘inégalité vécue par les autres types de famille (Cousineau 2005: 22). Précisons qu‘il s‘agit ici de familles et qu‘il est possible que les résultats pour les individus montrent des tendances différentes (ISQ 2007b).

Malgré ces données encourageantes pour les Canadiens âgés, certains demeurent pessimistes quant au maintien de cette tendance. Selon Myles, seuls les programmes du premier palier, dont la SV et le SRG, sont véritablement redistributifs au niveau de la collectivité et permettent d‘amoindrir les inégalités de revenu. Contrairement aux régimes des paliers subséquents liés aux revenus, la prestation de la SV est uniforme. Ceci fait en sorte que les disparités dans les revenus de travail ne se reproduisent pas. De plus, le Supplément de revenu garanti (SRG) offre des prestations inversement proportionnelles aux gains (Myles 2000: 3). Ainsi, les programmes du premier palier réduisent la stratification sociale alors que le RPC/RRQ l‘augmente. Or, la tendance actuelle veut que les régimes publics contributifs, dont le RPC et le RRQ, sont en pleine croissance en matière de source de revenu à la retraite alors que la SV stagne et le SRG recule (Myles, 2000 : 7; Boychuck, 2004 : 29; PRP : 2005 : 11) comme l‘illustre le graphique suivant.

Figure 12 : Dépenses pour remplacement de revenu des aînés, Canada, 1954-2002

Source : Boychuck (2004: 29)

Notes : Le régime « Universal » correspond à la Sécurité de la vieillesse et de l‘Allocation du conjoint, le régime « Income-Tested » correspond au Supplément de revenu garanti et le régime « Contributory » réfère au RRQ/RPC.

Les risques d‘inégalité de revenu pourraient être exacerbés par l‘évolution des régimes privés car beaucoup de travailleurs en sont exclus (OIT 2006: 58). Une étude de Statistique Canada sur l‘accès aux régimes privés des familles canadiennes met en garde quant à cette réalité. En effet, depuis les années 1980, l‘écart entre personnes âgées pauvres et mieux nanties s‘est agrandi (Morissette et Ostrovsky 2006: 4). Les auteurs de l‘étude expliquent que la maturation du RRQ et du RPC ont contribué à la réduction de l‘inégalité du revenu des personnes âgées, mais qu‘ « une partie de cette réduction de l‘inégalité du revenu pourrait disparaître au cours des prochaines années » (Morissette et Ostrovsky 2006 : 4). Ceci s‘expliquerait par le fait que les RPA sont à la portée de moins en moins de travailleurs (Morissette et Ostrovsky 2006: 4).

Figure 13 : Pourcentage d‘employés ayant un régime de retraite agréé, Canada, 1973 à 2003

Source : Statistique Canada, Base de données sur les régimes de pensions au Canada (RPAC) cité dans Morissette et Ostrovsky (2006: 45)

De plus, ces reculs ne seraient pas compensés par l‘investissement dans les REÉR chez les plus pauvres comme l‘illustre le graphique suivant. Notons que les travailleurs atypiques et les travailleurs à bas revenu, dont la plupart sont des femmes, sont particulièrement à risque.

Figure 14 : Cotisation à un régime de pension agréé (RPA) et un régime enregistré d‘épargne-retraite (REÉR), selon le quintile, 1986 à 2003 – couples dans lesquels le conjoint est âgé de 35 à 54 ans

Source : Morissette et Ostrovsky (2006: 49)

Le travail atypique est un phénomène en progression au Québec (Bernier et al. 2003: 31) et au Canada depuis les années 1980 (Tabi et Langlois, 2003; Vosko et al. 2003 cités dans Zeytinoglu et Cooke, 2005 : 30). Zeytinoglu et Cooke ont étudié le lien entre les avantages sociaux et les formes de travail atypique à partir de l‘Enquête sur le milieu de travail et les employés de 1999 réalisée par Statistique Canada. Les auteurs postulaient que les travailleurs dans le marché de travail primaire, correspondant aux travailleurs à temps plein ayant un contrat de travail à durée indéterminée (RFT) seraient davantage susceptibles d‘avoir accès à des salaires élevés, des possibilités d‘avancement, de la stabilité en emploi et des avantages sociaux. À l‘inverse, les travailleurs dans le marché de travail secondaire,

soit ceux à temps partiel (RPT), à contrat à durée déterminée (TFT) ou à la fois à temps partiel et temporaire (TPT) auraient des salaires inférieurs, mais surtout auraient moins accès aux avantages sociaux (O‘Connell et Gash, 2003 : 72; Doeringer et Piore, 1971 cité dans Zeytinoglu et Cooke, 2005 : 32). Leur hypothèse a été confirmée comme le montre le graphique suivant. On constate effectivement qu‘en 2005, les travailleurs RFT avaient significativement plus de chances d‘avoir accès aux avantages sociaux que les RPT, les TFT et les TPT, notamment en matière de régime de retraite.

Figure 15 : Avantages sociaux selon le type de contrat d‘emploi (%)

Source : Zeytinoglu et Cooke (2005: 42)

La conséquence d‘être dans le marché secondaire plutôt que le marché primaire a donc une double conséquence sur les prestations de retraite. D‘une part, les salaires inférieurs se répercuteront dans les régimes publics contributifs et réduiront la probabilité de cotiser à un REÉR. D‘autre part, ces travailleurs ont moins de chances d‘avoir accès à un régime

d‘entreprise. Il y a donc une inégalité de revenus importante à prévoir entre les travailleurs des marchés du travail primaire et secondaire (AISS 2003; O'Connell et Gash 2003).

Fait à noter, les femmes sont surreprésentées dans le marché du travail secondaire au Québec (Bernier et al. 2003: 40) et au Canada (MacDonald 1999: 67). Toutefois, Zeytinoglu et Cooke (2005) ont trouvé un lien mitigé entre le sexe et les avantages sociaux : « [w]hile females were slightly more likely to receive some benefits when including all workers, they were less likely than males to receive the benefit bundle » (Zeytinoglu et Cooke 2005: 54). Bref, les travailleuses canadiennes auraient accès à certains avantages sociaux, mais elles auraient moins souvent accès à toute la gamme d‘avantages comparativement aux hommes. Malheureusement, les auteurs ne précisent pas l‘écart entre les hommes et les femmes quant aux régimes de retraite.