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SYSTÈME POLITIQUE « BOÎTE NOIRE »

2.3.5.1 Cadre conceptuel des étapes (Stages heuristic)

Le cadre conceptuel des étapes est un complément à la théorie systémique en sciences politiques. La théorie systémique de Easton est plus holiste, elle est préoccupée par le tout alors que le cadre conceptuel des étapes se concentre sur les parties de ce tout. Il semble

toutefois difficile d‘arrimer les deux. Malgré tout, il y a des rapprochements à faire entre la théorie systémique et le cadre conceptuel des étapes, notamment parce qu‘ils partagent les mêmes forces et faiblesses. Ces deux approches ont des lacunes au niveau de la génération d‘hypothèses. Par contre, ils ont l‘avantage de situer et de définir les éléments bien distincts du processus de politiques publiques (DeLeon, 1999 : 28; Birkland, 2005 : 224).

Harold D. Laswell fut le premier à définir les éléments et les caractéristiques du processus politique. Plus précisément, Laswell cherchait à comprendre les étapes fonctionnelles que peut franchir une politique. Laswell identifia sept étapes dans le processus décisionnel (decisional process) en 1956. Ces étapes ont été refondues au fil du temps, notamment par Gary Brewer qui a clarifié la terminologie des diverses étapes et qui a montré que le processus politique était un cycle continuel plutôt qu‘un processus ayant un début et une fin. Les explications de Brewer ont grandement inspiré les politologues au cours des années 1970 et 1980 (Howlett et Ramesh 1995: 10-11). La séquence figurant dans la majorité des manuels destinés aux étudiants du processus politique va comme suit :

1. Apparition du problème (issue emergence) : Apparition de problèmes sociaux. 2. Mise à l‘agenda (agenda-setting) : Processus par lequel les gouvernements prennent

connaissance des problèmes sociaux et les priorisent.

3. Formulation de politiques (policy formulation ou alternative selection) : Processus par lequel le gouvernement propose différentes options de politiques.

4. Promulgation (enactment ou decision-making) : Processus par lequel les gouvernements investissent une voie plutôt qu‘une autre.

5. Implantation (implementation) : Processus par lequel les gouvernements mettent en application les politiques.

6. Évaluation (evaluation) : Processus par lequel les résultats des politiques sont évalués par l‘État et les acteurs sociaux.

Les conclusions de l‘évaluation fournissent une rétroaction en permettent de voir si la politique parvient à corriger complètement le problème social initial. Si ce n‘est pas le cas, un nouveau cycle recommence pour réajuster le tir (Birkland, 2005 : 225; DeLeon, 1999 : 20, Sabatier, 1999 : 6; Howlett et Ramesh, 1995 : 11).

Figure 20 : Étapes du processus politique

Source : Birkland, : 225

Source : Birkland (2005: 225)

Cette séquence permet de comprendre le processus de politiques publiques tant au point de vue conceptuel qu‘opérationnel. Il ne faut pas concevoir cette liste comme étant composée d‘étapes aux frontières étanches, il peut y avoir des chevauchements. Par contre, chaque étape comporte des caractéristiques et des processus bien à elle, permettant de la distinguer des autres. Il faut souligner que toutes les politiques ne franchiront pas nécessairement chacune des étapes, certaines propositions se rendront à peine plus loin que les étapes d‘initiation ou d‘estimation et n‘atteindront jamais l‘étape de la sélection (DeLeon 1999: 21).

L‘engouement pour ce cadre conceptuel dans les années 1970 aux États-Unis vient du fait qu‘il recentrait l‘attention sur le processus des politiques publiques à une époque où les politologues se préoccupaient surtout des institutions (voir les théories institutionnalistes plus loin). Toujours par rapport à la théorie institutionnaliste en sciences politiques, le cadre

Apparition problème Mise à l‘Agenda Formulation de politiques Promulgation Mise en œuvre Évaluation

conceptuel permettait d‘étudier le processus politique grâce à une approche multidisciplinaire, d‘étudier les effets d‘interaction entre les étapes ainsi que d‘inclure les normes sociales et les valeurs personnelles dans l‘analyse.

Jenkins-Smith et Sabatier ainsi que Nakamura ont toutefois relevé quatre failles majeures du cadre conceptuel des étapes :

1. « The stages model is not really a causal theory since it never identifies a set of causal drivers that govern the process within and across stages. Instead, work within each stage has tended to develop on its own, almost totally without reference to research in other stages. In addition, without causal drivers there can be no coherent set of hypothesis within and across stages » (Sabatier 1999: 7).

2. « The proposed sequence of stages is often descriptively inaccurate. For example, evaluations of existing programs affect agenda-setting, and policy formulation/legitimation occurs as bureaucrats attempt to implement vague legislation ». (Nakamura, 1987 cité dans Sabatier 1999: 7)

3. « The stages heuristic has a very legalistic, top-down bias in which the focus is typically on the passage and implementation of a major piece of legislation. This focus neglects the interaction of the implementation and evaluation of numerous pieces of legislation – none of them pre-eminent – within a given policy domain » (Hern et Hull, 1982 et Sabatier, 1986 cités dans Sabatier, 1999: 7).

4. « The assumption that there is a single policy cycle focused on a major piece of legislation oversimplifies the usual process of multiple levels of government. […]. Focusing on a ‗policy cycle‘ makes very little sense » (Sabatier, 1999: 7, italiques

dans le texte original; voir aussi Birkland, 2005 : 224).

Ces critiques seraient tout à fait légitimes selon DeLeon (1999: 24). Toutefois, ces critiques n‘enlèvent rien à l‘utilité du cadre conceptuel pour situer et expliquer les différentes étapes du processus politique (Voir aussi Howlett et Ramesh 1995: 12). En outre, plusieurs ouvrages classiques en sciences politiques relatent en profondeur certaines étapes. Par exemple, John Kingdon dont le modèle théorique a été retenu pour cette thèse s‘est penché sur les étapes de l‘initiation et de l‘estimation correspondant à la phase de la mise à l‘agenda. D‘autres auteurs de renom ont opté pour d‘autres phases, telles l‘implantation ou l‘évaluation (Voir aussi Birkland 2005: 224). C‘est parce qu‘elle permet de décrire les

étapes que peut franchir une politique avec beaucoup de simplicité que nous avons fait mention de ce cadre conceptuel.