• Aucun résultat trouvé

Réformes paramétriques : à la recherche de la viabilité

Liste des sigles

Chapitre 1 Problématique de la recherche

1.4 Solutions envisagées par différents acteurs

1.4.1 Réformes paramétriques : à la recherche de la viabilité

Bien que les réformes paramétriques soient considérées comme mineures comparativement aux autres solutions proposées, il ne faut pas conclure que leurs conséquences sont sans importance. Ces réformes peuvent être d‘augmenter l‘âge pour avoir droit à la pleine pension, d‘élever le montant des contributions, de réduire la générosité du calcul de la pension et/ou de l‘indexation (Whiteford et Whitehouse 2006: 78). Comme nous le verrons dans les prochains paragraphes, ces modifications risquent d‘altérer le niveau de vie des travailleurs et des retraités. Elles sont néanmoins jugées nécessaires par des économistes et des gouvernements afin d‘assurer la viabilité des régimes publics et les régimes d‘entreprise à prestations déterminées.

1.4.1.1 Élever l’âge de la retraite

La popularité des retraites anticipées en dépit de l‘augmentation de l‘espérance de vie fait en sorte que le temps passé à la retraite s‘allonge comme mentionné plus haut. Pour contrer la menace que représente l‘augmentation du taux de passivité, plusieurs suggèrent de relever l‘âge pour avoir droit aux prestations publiques. Gruber et Wise (2002, cité dans Whiteford et Whitehouse 2006) estiment que retarder la retraite de trois ans se traduirait par une augmentation de 36 % d‘hommes âgés de 56 et 65 sur le marché du travail. Or, une augmentation de 10 % de travailleurs âgés sur le marché du travail réussirait à diminuer la

part du PIB destinée à la retraite de 0,6 points de pourcentage (Dang et al. cité dans Whiteford et Whitehouse 2006). Les gouvernements en Autriche, en Allemagne, en Italie, aux États-Unis et au Royaume-Uni ont d‘ailleurs adopté des réformes en ce sens (Disney 2003: 1431).

Un sondage réalisé en 2007 par la firme AXA indique que les travailleurs canadiens s‘opposent à l‘augmentation de l‘âge de la retraite, mais considèrent qu‘une telle mesure est inévitable. Les répondants affirment toutefois que le report de la retraite ne devrait pas excéder trois ans. Il est à noter que les Québécois résistent plus que les autres Canadiens à ce recul.

Figure 16 : Quelle est l‘opinion vis-à-vis l‘allongement de l‘âge de la retraite?

Dans la même veine, la plus importante centrale syndicale au pays, soit le Congrès du travail du Canada (CTC), s‘oppose également « à toute augmentation de l‘âge de l‘admissibilité aux prestations de pension des régimes publics » (Baldwin 2005: ii). La centrale justifie sa position en précisant que les travailleurs sont attachés à la retraite anticipée et que c‘est son mandat de défendre les intérêts de ses membres (Baldwin 2005: ii).

1.4.1.2 Élever les contributions

Une deuxième réforme paramétrique à considérer est l‘augmentation des cotisations aux régimes publics (Whiteford et Whitehouse 2006: 81). De telles réformes ont été adoptées au Canada en 1998 (Young et Prisner 2007: 2), mais aussi en France (Disney 2003: 1431), en Suède et aux Pays-Bas (Anderson 2004) en réponse aux pressions démographiques. Cette solution a toutefois ses détracteurs, notamment parmi certains économistes néoclassiques qui considèrent qu‘une telle manœuvre nuira aux régimes publics à long terme et que d‘autres options devraient être envisagées. Ces derniers affirment qu‘une augmentation des cotisations correspond à une hausse d‘impôts et une augmentation des taxes sur la masse salariale. Ceci a pour effet de diminuer la demande de travail, car les employeurs verront leurs coûts de main-d‘œuvre augmenter. Les travailleurs, eux, réduiront leur offre de travail car la hausse d‘impôt rendra le travail moins attrayant. Cette double chute de l‘offre et de la demande de travail diminuera la population active et, par conséquent, les recettes fiscales. Le système de retraite sera alors de nouveau en crise et un cercle vicieux s‘instaurera (Cerda, 2005: 510; voir aussi Clark, 2003 : 1339; Whiteford et Whitehouse, 2006 : 81). Emery et Rongve (1999) ainsi que Whiteford et Whitehouse (2006) soulignent toutefois que cette hausse de taxe pourrait être compensée par une augmentation du salaire réel ou une augmentation de la productivité.

Une augmentation de la contribution pourrait également s‘appliquer aux régimes d‘entreprise, qu‘ils soient à prestations ou à cotisations définies, et aux REÉR. Toutefois, le résultat serait une baisse dans l‘immédiat des liquidités des employeurs et des particuliers et donc de la demande agrégée.

1.4.1.3 Réduire la générosité des prestations

Une autre façon d‘améliorer la viabilité des régimes publics et privés, est de diminuer les sorties d‘argent, c‘est-à-dire réduire la générosité des prestations. Plusieurs options sont offertes : réduire le taux de remplacement ou augmenter la période de référence15. De telles réformes se sont produites en Allemagne, en Finlande et au Royaume-Uni (Disney 2003; Hinrichs et Kangas 2003).

Des réformes en ce sens sont décriées par l‘Association québécoise des retraités de secteurs public et parapublic (AQRP) qui considère que les régimes publics sont déjà insuffisants (Ascah 2006: 8). L‘Association considère également qu‘il faille bonifier les RPA plutôt qu‘en réduire la générosité, entre autres, car « la rente initiale est souvent insuffisante [et que] la rente acquise en cas de départ avant la retraite a souvent une petite valeur (Ascah 2006: 10). La résistance des Canadiens face aux coupes dans les prestations de retraite apparaît également dans le sondage réalisé par la firme AXA. Selon ce sondage, les répondants s‘attendent à ce que le gouvernement relève l‘âge pour avoir droit à la retraite plutôt qu‘à une diminution des prestations (AXA 2007: 65).

15 « La rente de retraite est généralement fonction du salaire des meilleures années. Plus la période de

référence est longue, plus la moyenne de salaire aura tendance à diminuer » Ruta, S. et Dagenais, L. F. (2003). Les systèmes de protection sociale et d'encadrement juridique des travailleurs autonomes: comparaisons Europe - Amérique, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse..

1.4.1.4 Réduire l’indexation des prestations

L‘indexation des prestations permet aux retraités de ne pas perdre leur pouvoir d‘achat en cas d‘inflation. Les prestations peuvent évoluer avec les salaires, avant ou après impôts, ou selon l‘indice des prix à la consommation (IPC). Des réformes au Royaume-Uni et en Allemagne ont mené à une réduction de la générosité de l‘indexation en liant les prestations de retraite à l‘IPC car celui-ci progresse plus lentement que les salaires ou en indexant les rentes au salaire net puisqu‘il est inférieur au salaire brut (Disney 2003: 1433). Le calcul est encore plus complexe en Suède où la prestation est liée aux salaires, à la croissance économique et à l‘espérance de vie (Anderson 2004: 295).

Une telle réforme est peu envisageable au Québec ou au Canada, car les régimes publics sont déjà indexés à l‘IPC (RRQ 2004: 58) et que les Régimes complémentaires ne sont que partiellement liés à l‘IPC lorsqu‘ils sont indexés (RRQ 2004; Ascah 2006). Ainsi, le maintien du niveau de vie des personnes âgées pourrait être compromis à long terme, car l‘indexation des différents régimes est déjà faible.

Les gouvernements disent souvent être contraints à procéder à des réformes paramétriques afin d‘assurer la viabilité des régimes publics. Toutefois, ces réformes font rarement l‘unanimité auprès des différentes générations de travailleurs, car certaines cohortes s‘en trouvent pénalisées (de Walque 2005: 203). Certes, les plus jeunes auront droit à une baisse d‘impôt à court terme, mais ne profiteront pas de prestations aussi généreuses que celles de leurs grands-parents pour le même investissement. Les désavantages sont encore plus évidents pour les travailleurs matures ayant cotisé toute leur vie active, mais qui auront une rente moins généreuse que prévue (Disney 2003: 1437).

Les réformes paramétriques susmentionnées font également des insatisfaits parmi les groupes de pression représentant les travailleurs et les retraités. Dans certains cas, l‘insatisfaction est telle que la paix sociale en est perturbée. Ce fut le cas notamment en France et en Italie (Disney 2003: 1437) ainsi qu‘en Grèce (O'Donnell et Tinios 2003: 262). Procéder à de telles réformes nécessite donc de préparer le terrain, politiquement parlant, en habituant les électeurs à l‘idée que les réformes sont nécessaires et en créant des coalitions pour faciliter l‘adoption des différentes mesures (Disney 2003: 1437). Plusieurs acteurs s‘opposent également aux réformes paramétriques des régimes privés. Notamment, des travailleurs, des retraités et des organismes qui défendent leurs intérêts font pression afin que le gouvernement adopte des politiques publiques maintenant ou bonifiant les régimes existants.

Certains économistes néoclassiques s‘opposent, eux aussi, aux réformes paramétriques, mais pour des raisons différentes. Ceux-ci considèrent que les régimes publics sont intenables et que des réformes mineures ne permettent pas de régler le problème à la source. Ils souhaitent que les décideurs envisagent des réformes plus radicales et adoptent des politiques publiques en ce sens (Clark 2003; Disney 2003; Borsch-Supan 2005; Cerda 2005).

1.4.2 De prestations à cotisations définies : transfert du risque sur les