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9.B.2 La théorie du «big bang»

Dans le document Histoire des sciences (Page 198-200)

L’Univers courbe Revenons maintenant à l’Univers en expansion. Dans les années 1920, Einstein et d’autres astronomes tentèrent d’appliquer la théorie de la relativité générale à l’Uni- vers dans son ensemble. Pour progresser le moindrement, il faut supposer que la masse de l’Univers est répartie uniformément dans l’espace et non regroupée au sein de galaxies, de groupes de galaxies, etc. C’est une simplification assez monstrueuse en apparence, mais étant donné que l’Univers compte des milliards de galaxies, cela se compare un peu à supposer que la surface de la Terre est lisse alors qu’elle comporte un relief compliqué : à l’échelle de la planète, la différence importe peu. Le progrès principal en ce sens fut

14. Pour éliminer l’aplatissement du soleil comme cause dominante de la précession, des comparaisons avec la précession cor- respondante de Mars sont nécessaires, et concluantes.

B. Relativité générale et cosmologie

réalisé par un prêtre belge, l’abbé Georges Lemaître (1894/1966),15qui énonça la théorie d’un Univers en

expansion à partir d’un noyau primitif qui aurait explosé il y a des milliards d’années, lors du big bang. Pour comprendre un peu cette notion, figurons-nous l’espace-temps comme une sphère. Traçons sur cette sphère des méridiens et des parallèles. Les parallèles correspondent à des courbes à temps constant, c’est-à-dire à l’espace proprement dit, alors que le temps s’écoule le long des méridiens, vers le haut. Dans sa phase d’ex- pansion, l’Univers se trouve dans l’«hémisphère sud» de cette sphère. Le cercle de l’espace se dilate au fur et à mesure, mais aucune galaxie n’est vraiment au centre de l’Univers et la vitesse de fuite des galaxies aug- mente proportionnellement à leur distance le long du cercle, comme constaté par Hubble. Une autre image est souvent donnée, en deux dimensions d’espace cette fois. Considérons l’Univers spatial comme un ballon en expansion (le temps n’est plus représenté comme un axe cette fois, mais comme un mouvement). Les ga- laxies correspondent à des points sur ce ballon et aucun point sur le ballon n’occupe une position privilégiée par rapport aux autres. Or, alors que le ballon se gonfle, les galaxies s’éloignent toutes les unes des autres, avec une vitesse proportionnelle à la distance qui les sépare. En fait, l’Univers n’est pas en expansion dans l’espace : l’espace lui-même est en expansion. De même, la question de ce qu’il y avait «avant» le big bang est sans objet, car le temps est apparu concurremment à l’espace ; dit un peu gauchement, le temps n’existait pas «avant» le big bang.16

L’abondance cosmique de l’hélium

Le décalage vers le rouge des galaxies lointaines est une observation qui milite en faveur de la théorie du big bang, mais pas de manière sûre et déterminante. D’autres explications à ce décalage ont d’ailleurs été proposées. Il existe ce- pendant des raisons plus solides d’accepter l’hypothèse du big bang : l’abondance d’hélium dans l’Univers. Les astrophysiciens ont, depuis les années 1930, perfectionné les modèles de la dynamique stellaire en y in- corporant les lois de l’hydrodynamique, de la thermodynamique et de la physique nucléaire. De nos jours, ces modèles fonctionnent relativement bien. Il est possible, en se servant de ces modèles, de calculer la quantité des différents éléments légers qui auraient dû être produits par les étoiles depuis leur formation. Il est aussi possible d’estimer l’abondance des différents éléments dans l’Univers par des méthodes spectroscopiques. L’accord entre la théorie et l’observation est satisfaisant, sauf pour l’hélium ou le désaccord est énorme : il y a beaucoup plus d’hélium dans les étoiles (25% de la masse de l’Univers) que ce qu’elles auraient pu produire par les réactions de fusion que l’on connaît. La solution à ce paradoxe est que la majeure partie de l’hélium de l’Univers aurait été produite dans une phase initiale de l’Univers, alors que celui-ci était suffisamment chaud dans son ensemble pour permettre cette réaction de fusion (on appelle cette production nucléosynthèse pri-

mordiale). Environ 100 secondes après le big bang, la température de l’Univers étant d’environ un milliard de

degrés, des noyaux d’hélium ont commencé à être formés à partir des protons et des neutrons par une suite de réactions nucléaires analogues à celles qui ont lieu au coeur des étoiles légères comme le Soleil. Ces réac- tions ont duré jusqu’à ce que l’Univers soit vieux d’une douzaine de jours et qu’il se soit alors trop refroidi. On a calculé qu’à la suite de cette période, l’hélium représentait justement 25% de la masse de l’Univers, à peu de chose près ce qu’il représente aujourd’hui, la production d’hélium dans les étoiles étant négligeable en comparaison. Cette concordance entre abondance calculée et abondance observée de l’hélium est l’un des succès les plus importants de la théorie du big bang.

15. Les ecclésiastiques sont très rares au panthéon scientifique. Mentionnons N. Copernic, G. Lemaître, G. Mendel, Giraud- Soulavie, R. Haüy.

16. Notons ici la similitude entre ce point de vue et celui de Saint-Augustin, prétendant qu’il est absurde de se demander ce que Dieu faisait avant d’avoir créé le monde, car Dieu a créé le temps et l’espace en même temps, et donc l’expression «avant la création» n’a aucun sens.

Le rayonnement de fond cosmique

Un autre succès de la théorie du big bang, encore plus important, fut la pré- diction et l’observation du rayonnement de fond cosmique. Expliquons briè- vement. En 1965, Arno Penzias et Robert Wilson, deux chercheurs des labora- toires Bell, observèrent un rayonnement micro-onde très isotrope, en provenance du ciel, tel que devrait produire un corps noir à une température de 3 degrés Kelvin. L’Univers baigne donc dans une distribution de photons thermalisée à 3K17. Or pour que des photons, produits d’une manière ou d’une autre, puissent

être thermalisés, il faut que la matière environnante soit environ un milliard de fois plus dense que ne l’est l’Univers actuellement. La conclusion est que l’Univers a dû être un milliard de fois plus dense à un moment donné de son histoire. À ce moment-là, la température de l’Univers était 1000 fois plus élevée (donc 3 000K). C’est alors que les atomes ont commencé à être formés, c’est-à-dire que les électrons ont été capturés par les noyaux. Ensuite, les photons thermalisés se sont découplés de la matière atomique et ont subi une ex- pansion par un facteur 1000, ce qui les a refroidis d’autant, alors que la même expansion par un facteur 1000 diminuait la densité de l’Univers d’un facteur un milliard. L’existence de ce rayonnement de fond cosmique avait été anticipée par ceux mêmes qui avaient calculé l’abondance d’hélium primordial. En 1965, on avait commencé à étudier les moyens de détecter ce rayonnement, et c’est alors que la découverte fortuite de Penzias et Wilson vint confirmer son existence.

Au cours des dernières décennies, la cosmologie, l’étude de l’évolution de l’Univers dans son ensemble, a in- tégré les découvertes de la physique des particules élémentaires. Ces deux disciplines sont maintenant très voisines, ce qui est paradoxal à première vue, car l’une traite de l’infiniment petit et l’autre de l’infiniment grand. Cependant, le lien entre les deux disciplines se noue autour des premiers instants de l’Univers, alors qu’il est peuplé de particules de haute énergie. La cosmologie se distingue aussi par son caractère relative- ment spéculatif, aux confins du domaine de la méthode scientifique.

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