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B L’électricité et le magnétisme 5.B.1 Les observations qualitatives

Dans le document Histoire des sciences (Page 118-120)

Les phénomènes électriques et magnétiques sont connus de la plus haute antiquité. Les Grecs (Thalès) avaient déjà remarqué que l’ambre (êlektron [ηλεκτρον]) attire les corps légers après avoir été frotté. D’autre part, ils connaissaient une espèce de pierre, associée à la ville de Magnésie, en Ionie, qui avait la vertu d’atti- rer les petits morceaux de fer. Ils appelèrent cette pierre magnês (μαγνης), qui signifie «de Magnésie». Plus tard, au moyen-âge, cette pierre fut appelée aimant, du grec adamas (αδαμας), qui veut dire «acier». Ces deux phénomènes, celui de l’ambre (ou électrique) et celui de l’aimant (ou magnétique) furent souvent confondus, car ils consistaient tous les deux en une attraction, une force exercée à distance, chose très mystérieuse à une époque où on ne concevait naturellement que des forces de contact.

Les phénomènes électriques ne seront pas vraiment étudiés avant le XVIIe siècle. Par contre, on écrira beau- coup plus sur les phénomènes magnétiques, en raison de leur rôle dans le fonctionnement de la boussole. Celle-ci, dans sa version primitive, était une pierre d’aimant en forme d’aiguille flottant sur l’eau et s’orien- tant d’elle-même vers le nord. L’invention est due aux Chinois, qui la transmirent aux Arabes, et ces derniers aux Occidentaux. Au siècle de la scolastique, le Français Pierre de Maricourt (en latin, Petrus Peregrinus), étudia les propriétés de l’aimant (Epistola de Magnete, 1269). En particulier, il expliqua comment identifier les pôles Nord et sud d’un aimant. Il affirma qu’un aimant brisé en deux ne donne pas un pôle Nord et un pôle Sud séparés, mais deux nouveaux aimants avec deux pôles opposés chacun. Il expliqua l’orientation de la boussole par la présence de gisements magnétiques au pôle nord. Il ignorait cependant la différence entre le pôle Nord magnétique terrestre et le pôle géographique (il est possible que les deux coïncidassent en ap- parence, de son point de vue, à son époque). Plus important encore, Maricourt insista sur la nécessité pour un savant de connaître les arts manuels et de mener des expériences. Roger Bacon dit de lui :

Je connais un homme – et un seul – dont on puisse faire l’éloge pour ses découvertes. Ce que les autres ne voient avec effort que vaguement et obscurément comme des chauves-souris au crépuscule, lui le voit au grand jour parce qu’il est le maître des expériences. Il a honte d’ignorer des choses que connaissent des illettrés, des vieilles femmes, des soldats ou des laboureurs.

L’influence de Maricourt se fait sentir dans l’oeuvre la plus connue sur les aimants à l’époque de la révolution scientifique : De Magnete (1601), de l’Anglais William Gilbert (1544/1603). Alors que Maricourt compare la pierre d’aimant à la sphère céleste, Gilbert la considère plutôt comme la matière terrestre par excellence et propose que la Terre elle-même est un gigantesque aimant. Les deux proposent de tailler la pierre d’aimant en forme de sphère, en analogie avec la sphère céleste (Maricourt) ou avec la Terre (Gilbert). Gilbert discute aussi des phénomènes électriques et découvre que beaucoup de substances peuvent être «électrisées», pas seulement l’ambre. Descartes traite aussi du magnétisme, mais à l’image du reste de son oeuvre, c’est-à-dire en pure imagination et de façon qualitative. Il imagine des «effluves» passant à travers les pores de la matière, etc.

B. L’électricité et le magnétisme

Machines électrostatiques La première machine électrostatique est construite par l’Allemand Otto von

Guericke (1602/1686) qui fut aussi maire de Magdebourg. Dans son Experi- menta nova (1672), il décrit comment il a construit une sphère de soufre de la taille d’une tête d’enfant, qu’il a

embrochée sur une manivelle et placée sur des supports. Il la fait tourner en la frottant à un tissu et parvient à l’électriser considérablement. Il observe non seulement qu’elle attire les petits objets, mais qu’une fois en contact, ceux-ci sont violemment repoussés par la sphère, jusqu’à ce qu’ils entrent en contact avec d’autres objets. En langage moderne, la sphère de soufre chargée attire les objets neutres par polarisation induite, leur donne une partie de sa charge quand ils entrent en contact avec elle et les repousse ensuite parce qu’ils ont des charges de même signe. Guericke est influencé par Gilbert : il adopte une forme sphérique en analogie avec la Terre et choisit peut-être le soufre en raison de son caractère «magique».

Les machines électrostatiques sont perfectionnées au XVIIIe siècle, notamment par l’Anglais Hauksbee. Une autre innovation technique importante est la bouteille de Leyde, la première forme du condensateur. Ce dispo- sitif est mis au point accidentellement par le Hollandais Petrus van Musschenbroek (1692/1761), qui cherche à emprisonner l’électricité dans une bouteille remplie d’eau et reçoit par mégarde un violent choc élec- trique ! La bouteille est ensuite raffinée : on ne fait qu’interposer une bouteille de verre entre deux plaques métalliques cylindriques, une à l’intérieur, l’autre à l’extérieur. Les chocs électriques causés par la décharge des bouteilles de Leyde seront une source inépuisable de divertissement dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. À Versailles, devant le roi, on donne un choc violent à 240 soldats (une compagnie complète des gardes) qui se tiennent par la main !

Une ou deux électricités ? Le XVIIIe siècle sera fécond en observations qualitatives sur les phénomènes électriques. En 1729, l’Anglais Stephen Gray (v.1670/1736) distingue deux types de matériaux : conducteurs et isolants. Le verre, la résine et la soie sont des isolants ; le bois, le chanvre, les métaux sont des conducteurs, comme l’être humain d’ailleurs : Gray suspend un enfant par des cordes de soie, l’électrise et constate que l’enfant attire les petits objets (fétus). Le Français Charles Du Fay (1698/1739) pousse plus loin ces travaux. Il montre que le bois et le chanvre ne sont conducteurs qu’en raison de l’eau qu’ils contiennent. Il montre qu’un objet conducteur peut être électrisé, à condition d’être suspendu par un isolant. Plus important, il distingue deux types d’électricités : l’électricité vitrée et l’électricité résineuse, qui sont en langage moderne les charges positive et négative. Il montre que des objets chargés de la même électricité se repoussent alors que ceux chargés d’électricités différentes s’attirent. Lors d’une expérience dans laquelle il est lui-même suspendu par des cordes de soie, il est chargé par une machine électrostatique et ensuite déchargé par une longue étincelle qui jaillit de son corps !

Au contraire de du Fay, l’Américain Benjamin Franklin (1706/1790) propose qu’il n’y a qu’une sorte de fluide électrique, dont tout corps possède une quantité équilibrée. Ce sont les surplus et les déficits de ce fluide qui constituent les électricités vitrée et résineuse. Après Franklin, on remplacera les mots «vitrée» et «rési- neuse» par «positive» et «négative» pour qualifier l’électricité. Franklin est aussi l’inventeur du paratonnerre : il comprit que la foudre n’est qu’une décharge de l’électricité de l’atmosphère et qu’il est préférable de ca- naliser cette décharge vers le sol au moyen d’une pointe métallique et d’un long fil conducteur, évitant ainsi à une construction de faire office de (mauvais) conducteur et de risquer l’incendie.4

Le reste du siècle verra se populariser ces expériences amusantes dans les salons aristocratiques. On en conclura aussi que le corps humain possède des vertus électriques et magnétiques et certains essaieront

4. Certains, à l’encontre de Franklin, croyaient qu’il était préférable que les paratonnerres aient des extrémités sphériques et non pointues (ce qui est faux). On raconte que le roi d’Angleterre George III, après la déclaration d’indépendance des États-Unis (1776), fit remplacer les paratonnerres en pointe de ses châteaux par des paratonnerres à extrémité sphériques, parce que Franklin faisait partie des rebelles !

de contrôler ces vertus. Un certain Franz Anton Mesmer (1734/1815) prétendait pouvoir guérir les mala- dies en contrôlant le magnétisme humain. Le verbe «magnétiser» (en anglais : to mesmerize) est synonyme d’«hypnotiser», de «fasciner». On croyait à l’époque que la personne en état d’hypnose échangeait un «fluide magnétique» avec l’hypnotiseur.

Galvani et Volta À la fin du XVIIIe siècle, l’Italien Luigi Galvani (1737/1798) fait une découverte remar- quable et tout à fait accidentelle : ayant disséqué une grenouille sur la même table qu’une machine électrostatique en marche, il constate que les muscles de la grenouille morte se contractent violem- ment lorsqu’un scalpel entre en contact avec les nerfs, au moment où la machine se décharge. Ceci ne fait qu’ajouter de l’eau au moulin des partisans de l’électricité animale. Galvani répète ses expériences de mul- tiples façons, par exemple en suspendant la grenouille à un crochet de cuivre relié à un paratonnerre. Un jour de beau temps, comme l’orage ne vient pas, il suspend le crochet de cuivre à un balcon de fer et les contractions reprennent de plus belle : Galvani vient de découvrir la pile électrique sans le savoir ! Comme quoi les découvertes importantes sont très souvent fortuites…

C’est Alessandro Volta (1745/1827) qui est le véritable inventeur de la pile électrique (1800). Volta s’oppose aux idées de Galvani sur l’origine animale de l’électricité et prétend qu’elle vient du contact des deux métaux différents (cuivre et fer ou argent et zinc). Il construit une colonne de disques de zinc intercalés avec des disques d’argents, tous les disques séparés les uns des autres par des morceaux de drap mouillé. Ce dispositif produit de l’électricité en surabondance, beaucoup plus que ce que les anciennes machines électrostatiques peuvent produire.5Cette capacité de produire de grandes quantités d’électricité provoquera une explosion

de la science au XIXe siècle, car elle permet de produire des courants électriques continus. Elle ouvre la porte à l’électrolyse et à l’électromagnétisme proprement dit.

Dans le document Histoire des sciences (Page 118-120)