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6.D.1 Sadi Carnot

Dans le document Histoire des sciences (Page 142-144)

Plusieurs chercheurs se cassèrent les dents sur le problème de l’efficacité des machines à vapeur, mais un seul semble avoir compris qu’une donnée essentielle des ces machines était la présence de deux «réser- voirs» : un réservoir chaud (la chaudière) et un réservoir froid (le condenseur, ou même l’air ambiant). Ce physicien s’appelait Sadi Carnot (1796/1832), fils d’un autre scientifique, Lazare Carnot.12Sadi Carnot pu-

blia à compte d’auteur, en 1824, un petit livre intitulé Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines

propres à développer cette puissance. Dans cet ouvrage, Carnot raisonne sur l’efficacité des «machines à feu» (on

dirait aujourd’hui «machine à vapeur» ou, plus généralement, «machine thermique»), indépendamment de l’agent utilisé (vapeur, air, etc.). Les idées développées par Carnot dans cet ouvrage sont le fondement de la thermodynamique, mais sont basées sur une prémisse erronée : Carnot est convaincu de l’existence du calorique. En fait, il compare le fonctionnement d’une machine thermique à celui d’un moulin à eau, qui accomplit un travail en faisant chuter l’eau d’un niveau plus élevé à un niveau plus bas. Comme Carnot père avait longtemps étudié les moulins à eau, cette comparaison est apparue naturellement à son fils. Sadi Car- not raisonne que la température est le «niveau» du calorique et que la machine effectue un travail à partir de la «chute de calorique» d’une température plus élevée à une température plus basse.13Carnot conçoit ensuite une machine idéale, la plus efficace possible, qui pourrait être utilisée dans les deux sens : elle serait

réversible : en fournissant un travail mécanique, on pourrait faire remonter une quantité équivalente de ca-

lorique d’une température basse à une température plus élevée : un réfrigérateur, en quelque sorte. Carnot arrive à la conclusion que l’efficacité de la machine idéale réversible ne dépend que des températures T1et

T2des réservoirs chaud et froid et il donne un exemple théorique de machine idéale fonctionnant avec un gaz parfait, qui fonctionne selon ce qu’on appelle le cycle de Carnot.

La Fig.6.8explique le fonctionnement du cycle de Carnot pour un gaz parfait. Les variations du volume du cylindre et de la pression à l’intérieur du cylindre sont portées sur un graphique volume pression appelé dia-

gramme de Clapeyron. Le cycle procède selon des courbes isothermes (c.-à-d. à température constante) décrites

par l’équation P V = const. et selon des courbes adiabatiques (c.-à-d. sans échange de chaleur, en isolation) décrites par l’équation P Vγ= const., où γ est le rapport cp/cv (généralement comprise entre 1 et 2, selon

les gaz). La forme de la courbe adiabatique a été obtenue par Jean-Baptiste Biot (1774/1862) vers 1820, mais elle était connue de Watt (et gardée secrète : c’est l’indicateur de Watt mentionné plus haut) cinquante ans

12. Lazare Carnot était un homme d’action : d’une part, il a contribué à la théorie des machines et a fondé, avec Gaspard Monge, la géométrie moderne. Pendant la Révolution française, il est élu député à la législative et à la convention et est membre du comité du salut public aux côtés de Robespierre. Il est alors en quelque sorte le ministre de la guerre et organise la levée en masse des soldats. Il a joué un rôle capital dans la victoire de la France contre les puissances étrangères qui l’avaient envahie pendant la révolution : on l’a surnommé «l’organisateur de la victoire».

13. Cette conception de la chaleur a aussi un analogue électrique : la quantité de calorique correspond à la charge électrique circulant dans un circuit et la différence de température correspond à la différence de potentiel.

D. La thermodynamique

Figure 6.7

Sadi Carnot (1796/1832)wikipédia

V

P

T

1

T

2 courbes adiabatiques courbes isothermes A D C B Figure 6.8

Schéma du cycle de Carnot. Sur AB, le cylindre est en contact avec le réservoir chaud (température T1) et le gaz se dilate. Sur BC, le cylindre est isolé de son environnement, la dilatation continue, mais la température du gaz diminue (détente). Sur CD, le cylindre est mis en contact avec le réservoir froid (température T2< T1) et le gaz est contracté. Sur DA, le cylindre est de nouveau isolé, le gaz est contracté et sa température s’élève jusqu’à T1. Là, le cycle recommence. Le travail effectué par la machine en un cycle est l’aire limitée par le cycle (en gris).

auparavant. Dans une machine à vapeur, les courbes adiabatiques correspondent à la détente de Watt, alors que les courbes isothermes correspondent à l’entrée et la sortie de la vapeur ; mais il faut garder à l’esprit que la machine à vapeur suit en pratique un cycle beaucoup plus complexe que celui de Carnot, qui n’est qu’un exercice théorique. Le travail W exercé par un gaz à pression P sur un piston de surface A qui se déplace sur une distance x est égal au produit de la force P A s’exerçant sur le piston par la distance parcourue :

W = PAx = P ∆V , où ∆V est l’accroissement de volume du gaz. La pression est généralement fonction du

volume le long d’un cycle de fonctionnement, de sorte que le travail total effectué le long du cycle est donné par l’intégrale W = ∫ AB C P d V + ∫ C D A P d V (6.9)

Dans la partie supérieure du cycle (ABC), le gaz travaille sur le piston alors que dans sa partie inférieure (CDA) c’est le piston qui travaille sur le gaz (le deuxième terme de l’équation ci-haut est négatif), mais le bilan est positif et est égal à l’aire comprise à l’intérieur des courbes du cycle sur le diagramme de Clapeyron. Le livre de Carnot passe inaperçu. Ce n’est que dix ans plus tard qu’Émile Clapeyron (1799/1864) en trouve une copie, comprend l’importance des concepts qui y sont développés et en fait la publicité. Quant à Carnot, il ne fait pas la publicité de son livre, peut-être parce qu’au moment même où il le publie il comprend que le calorique n’existe pas ! En fait, les conclusions de Carnot dans son ouvrage ne dépendent pas de façon critique de l’hypothèse du calorique, mais cela, Carnot ne le sait pas. Carnot est mort du choléra en 1832 (l’année du choléra) et ses papiers ont été brûlés par souci d’hygiène, sauf quelques-uns qui ont été retrouvés plus tard et publiés. Ces papiers et ces notes montrent que Carnot avait compris l’équivalent mécanique de la chaleur :

La chaleur n’est autre chose que la puissance motrice, ou plutôt que le mouvement qui a changé de forme. C’est un mouvement dans les particules des corps, partout où il y a destruction de puissance motrice il y a en même temps production de chaleur en quantité précisément pro- portionnelle à la quantité de puissance motrice détruite. Réciproquement, partout où il y a destruction de chaleur, il y a création de puissance motrice.

«Puissance motrice» doit être pris ici au sens d’«énergie mécanique». Carnot arrive même à déterminer, on ne sait comment, l’équivalent mécanique de la chaleur : 3,77 joules par calorie (la véritable valeur est 4,18). Tout cela, vingt ans avant Joule.

Dans le document Histoire des sciences (Page 142-144)