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6.B.2 Pression, volume et température

Dans le document Histoire des sciences (Page 135-142)

Au milieu du XVIIe siècle, les expériences sur le vide motivent une étude des propriétés élastiques de l’air. En effet, tout vide est imparfait – surtout à cette époque – et ne constitue en fait qu’une baisse de pression à l’intérieur de l’enceinte évacuée. La première question qui se pose porte sur la variation de la pression de l’air en fonction du volume du contenant.

La loi de Boyle En 1660, Robert Boyle publie la loi qui porte son nom et qui stipule que le produit du volume par la pression est une constante à température constante :

P V = const (à température constante) (6.3)

La loi de Boyle fut redécouverte indépendamment par le Français Edme Mariotte (1620/1684) en 1679.5

Décrivons l’expérience simple de Mariotte et voyons comment elle révèle la loi (6.3).

Mariotte remplit partiellement un tube de mercure, en laissant une hauteur L d’air au sommet (cf. Fig.6.2). Ensuite, il retourne ce tube dans un bassin de mercure, en prenant soin de ne pas laisser échapper l’air. Une fois retourné, le même air occupe un volume plus grand (la hauteur de la colonne d’air est Let la hauteur

de la colonne de mercure est h, au lieu de h = 76cmHg si le vide était fait dans la colonne supérieure. On doit attendre un court laps de temps avant de mesurer h, afin que la température de la colonne d’air,

soudainement refroidie, remonte à la valeur de l’environnement. Montrons ce que la relation (6.3) implique pour les valeurs de L , L, h et h. Soit P la pression atmosphérique – égale à la pression hydrostatique

3. Le vide parfait est un idéal, bien sûr. Disons que Guericke abaissa considérablement la pression à l’intérieur de la sphère. La technologie du vide n’a pas cessé de progresser depuis.

4. Un tableau de Joseph Dright de Derby intitulé Expérience avec la machine pneumatique illustre une expérience similaire réalisée couramment dans les salons du XVIIIe siècle. On le retrouve en couverture de l’ouvrage de Maury [52]. On remarquera la délicatesse des femmes et la froide cruauté des hommes sur ce tableau !

5. En fait, les Anglais Power et Towneley ont obtenu la loi de Boyle avant ce dernier, en 1653, mais n’ont pas publié leurs résultats. L’attribution officielle d’une loi physique à un savant, par le nom qu’on lui donne, n’est pas un gage de la priorité de ce savant. Il existe de nombreux exemples du contraire. La postérité associe parfois à une loi physique le nom de celui qui l’a le plus fait connaître, sans nécessairement l’avoir découvert le premier.

L

za g g H

L

h

za g g H Figure 6.2

Schéma de l’expérience de Mariotte. À gauche, un tube est partiellement rempli de mercure et il reste une hauteur

Ld’air à l’intérieur. À droite, le même tube est retourné dans un bassin de mercure et la hauteur de la colonne d’air est passée de L à L, alors que celle de la colonne de mercure est h.

à la base de la colonne de mercure – et P′la pression dans la colonne d’air du tube renversé. La hauteur d’équilibre hde la colonne de mercure est alors telle que P − P= ρg h, oùρ est la densité du mercure

et g est l’accélération gravitationnelle. Au contraire, dans une colonne de mercure évacuée de hauteur h, la relation correspondante est P = ρg h = 76cm. La relation (6.3) signifie ici que P V = PV, où V et V′ sont les volumes de la colonne d’air avant et après renversement. Comme la section du tube est uniforme, on peut aussi écrire P L= PL. Mais comme P= ρg h et P= P − ρg h= ρg (h − h), on peut exprimer

la loi de Boyle comme

L h= L(h − h′) ou encore h

h +

L

L′= 1 (6.4)

C’est cette relation que vérifia Mariotte.

La loi de Charles Une fois que les échelles de température seront bien établies, on pourra s’intéresser à la dilatation des gaz en fonction de la température. Signalons tout d’abord les travaux du Français Jacques Charles (1746/1823), qui étudia comment les gaz se dilatent lors d’une augmentation de la température et en arriva à la loi qui porte son nom et qui peut s’écrire

V1 V2=

T1− A

T2− A (6.5)

où V1et V2sont les volumes d’un gaz à deux températures T1et T2différentes, mais à pression constante.

La constante A est directement mesurable. En 1802, Louis-Joseph Gay-Lussac (1778/1850) obtient la valeur

A= −267◦. Un peu plus tard, Henri Victor Regnault (1810/1878) obtient la valeur plus précise A= −273◦. En combinant la loi de Charles avec la loi de Boyle P V = const. (à température constante), on arrive à la loi des gaz parfaits :

P V = α(T − A) (6.6)

α est une constante, proportionnelle à la masse de gaz contenue dans le volume V .6Cette loi suggère fortement l’existence d’une température A ≈ −273◦ à laquelle les volumes de tous les gaz seraient nuls (expérimentalement, cette constante est à peu de choses près la même pour tous les gaz). C’est là le premier signe de la possibilité de définir une échelle de température absolue.

6. Plus tard, Avogadro proposera que des volumes égaux de gaz aux mêmes températures et pressions comportent des nombres égaux de molécules et la loi des gaz parfaits pourra s’écrire P V= nR(T − A), où n est le nombre de moles de gaz et R est la même constante pour toutes les espèces de gaz.

C. La machine à vapeur

Les différentes compressibilités Une autre découverte importante sur les gaz datant de la même période est la différence entre compression à température fixe (isotherme) et compression sans transfert de chaleur (adiabatique). Expliquons : la compressibilité isothermeκ d’un gaz est la variation relative de volume d’un gaz lors d’une variation de la pression, le tout à température constante. On peut exprimer mathématiquement cette notion par la dérivée partielle

κ = −1 V ∂ V ∂ P ‹ T (6.7) où l’indice T signifie que la dérivée est prise à température constante. Or, si la compression est effectuée sans qu’il soit possible au gaz de céder de la chaleur à son environnement, la température ne peut rester constante ; en fait, elle augmente. La compressibilité est alors différente et appelée compressibilité adiabatique

κs. On démontre que

κs= κ

cv

cp

(6.8) où cvest la chaleur spécifique du gaz à volume constant et cpla chaleur spécifique à pression constante. Les

Français Clément et Desormes mesurent en 1819 que les deux chaleurs spécifiques sont différentes et qu’elles sont dans le rapportγ = cp/cv ≈ 1, 4 pour l’air.7Comme cv < cp, ceci signifie qu’un gaz isolé thermique-

ment est moins compressible (plus «rigide») qu’un gaz qui donne de sa chaleur à son environnement, lorsque comprimé. Ce fait en apparence banal est justement d’une importance capitale pour le fonctionnement de la machine à vapeur.8

C

La machine à vapeur

Les progrès réalisés au XIXe siècle dans l’étude de la chaleur sont indissociables des progrès techniques réalisés depuis le XVIIIe siècle dans la mise au point de machines susceptibles d’utiliser la chaleur dans le but de produire un travail mécanique. Nous allons donc brosser un tableau rapide des progrès de la machine à vapeur, de ses premiers balbutiements jusqu’aux perfectionnements apportés par James Watt.

Le pionnier de l’utilisation de la vapeur pour accomplir un travail est le Français Denis Papin (1647/1714). Assistant de Huygens, puis de Boyle, Papin résida tour à tour en France, en Angleterre, à Venise et en Al- lemagne.9 En 1681, Papin invente l’autocuiseur (la «marmite de Papin») : les aliments y sont cuits dans la vapeur sous pression. Il invente la chaudière, récipient résistant dans laquelle l’eau est amenée à ébullition, et la combinaison cylindre-piston qui permet d’utiliser la pression de vapeur pour accomplir un travail mé- canique. Il construit une machine, assez inefficace, décrite à la Fig.6.3. Le défaut de cette machine est son temps de refroidissement trop long et sa consommation excessive de combustible.

7. Plus précisément, pour un gaz diatomique (N2ou O2), mais ceci n’est pas immédiatement apprécié à l’époque.

8. Il joue aussi un rôle dans la vitesse du son. Newton, en se basant sur la loi de Boyle, avait obtenu une vitesse de son propor- tionnelle à la racine carréepκ de la compressibilité du gaz. Or, la valeur de Newton était de 20% inférieure à la valeur mesurée. L’erreur de Newton a été de supposer que la température est toujours la même au sein de l’onde sonore, même si la pression varie (de manière sinusoïdale pour une onde de fréquence donnée). Or, les parties du gaz qui sont comprimées lors du passage de l’onde se réchauffent nécessairement, parce que la chaleur provenant de leur compression n’a pas le temps d’être évacuée. Aussi, la com- pressibilité apparaissant dans la vitesse du son doit être adiabatique (κs) et non isotherme (κ). C’est Laplace qui rectifia le calcul de

Newton et obtint une valeur de la vitesse du son en parfait accord avec les mesures.

P

A

B

C

chaleur cylindre piston vide partiel Figure 6.3

Schéma de la machine de Papin. Au départ (A), le piston est enfoncé complètement, jusqu’au niveau de l’eau. Ensuite (B), l’eau est chauffée et la vapeur pousse le piston jusqu’en haut. À ce stade la machine n’accomplit aucun travail utile, hormis vaincre le frottement. Ensuite (C), on laisse le tout refroidir. La vapeur se condense à l’intérieur du cylindre et la pression atmosphérique pousse sur le piston, le fait redescendre et entraîne la charge à laquelle le piston est liée par une poulie.

B C A chaleur chaudière cylindre eau de la mine ua e é uc av ée vapeur Figure 6.4

Schéma de la machine de Savery, destinée à pomper l’eau des mines. Dans une première étape, la valve B est fermée et les valves A et C sont ouvertes. La vapeur en provenance de la chaudière pousse l’eau du cylindre vers l’extérieur en C. Ensuite, A et C sont fermées et B est ouverte. On refroidit le cylindre de l’extérieur avec de l’eau. La vapeur restant dans le cylindre se condense et l’eau de la mine est aspirée dans le cylindre en B, en fait poussée d’autre part par la pression atmosphérique. Ensuite, on recommence le cycle, etc.

C. La machine à vapeur

En 1698, l’Anglais Thomas Savery (1650/1715) brevète une pompe à eau actionnée par la vapeur sous pres- sion (cf. Fig.6.4). Cette pompe était utilisée pour retirer l’eau accumulée au fond des mines. Comme elle reposait sur la pression atmosphérique pour aspirer l’eau des mines, elle ne devait pas être installée à plus de 10 mètres du niveau de la nappe d’eau, donc en profondeur. L’eau aspirée était ensuite repoussée vers le haut par la vapeur sous pression. Son désavantage, outre d’être installée sous terre, est que la pression de vapeur nécessaire augmente avec la profondeur de la pompe. Le refroidissement était obtenu en arrosant le réservoir avec de l’eau.

A B C contrepoids et charge not sip

eau froide vapeur

évacuation pivot

Figure 6.5

Schéma de la machine de Newcomen, une amélioration de celle de Papin. Dans une première étape, B et C sont fer- mées, la vapeur entre en A et pousse le cylindre vers le haut (aucun travail utile n’est accompli). Deuxièmement, A est fermé et B est ouvert : de l’eau froide est introduite dans le cylindre et condense la vapeur. La pression atmo- sphérique pousse le piston vers le bas et tire la charge sur l’autre balancier. Troisièmement, seul C est ouvert et l’eau condensée, ainsi que le reste de la vapeur, est évacuée. Ensuite, on recommence le cycle. L’ouverture des valves A, B et C, au début commandée par des humains, fut ensuite automatisée, c’est-à-dire réglée avec le mouvement du balancier.

La machine de Savery fut progressivement remplacée par celle de Thomas Newcomen (1663/1729), achevée en 1712 et expliquée à la Fig.6.5. Cette machine est en fait un perfectionnement de celle de Papin, le cylindre étant refroidi rapidement par une entrée d’eau froide. Elle dévore cependant de grandes quantités de com- bustible. Le combustible en question était surtout du bois au début du XVIIIe siècle, et sera progressivement remplacé par du charbon au cours du siècle.

James Watt Le perfectionnement de la machine de Newcomen fut l’oeuvre de l’Écossais James Watt (1736/1819). Watt est le type même de l’ingénieur appliquant la méthode scientifique. Watt débuta comme apprenti horloger et fut engagé comme garçon de laboratoire à l’Université de Glasgow où le professeur de physique lui demanda, en 1764, de réparer un modèle réduit de machine de Newcomen, utilisé pour les démonstrations pendant les cours, et qui n’avait jamais vraiment fonctionné. Watt constate effectivement que la petite machine, reproduction fidèle d’une vraie machine, mais à une échelle plus pe- tite, ne reçoit pas assez de vapeur de sa chaudière pour actionner le piston. Il en découvre la raison : dans la machine de Newcomen, la vapeur qui entre dans le cylindre doit non seulement pousser le piston, mais

C D B A not sip rue sne dn oc vapeur vapeur Figure 6.6

Schéma simplifié de la machine à vapeur à double action de Watt. Dans un premier temps, seule la valve A est ouverte et la vapeur pousse le piston vers le bas. La valve A n’est pas ouverte complètement jusqu’au bout de la course du piston : un mécanisme de détente est installé, de sorte que l’expansion de la vapeur – et non son entrée en force – pousse le piston dans la dernière partie de sa course. Deuxièmement, seule C est ouverte et la vapeur chaude se rue vers le condenseur froid. La pression au-dessus du piston est ensuite très diminuée (inférieure à la pression atmosphérique). Troisièmement, seule B est ouverte et le même procédé recommence, mais dans l’autre sens (le piston est poussé vers le haut). Quatrièmement, seule D est ouverte et la vapeur est évacuée vers le condenseur. Ensuite le cycle reprend. Le mouvement de va-et-vient du piston est converti en mouvement circulaire à l’aide d’une bielle et d’un vilebrequin et accomplit un travail. L’ouverture des quatre valves est réglée automatiquement par un mouvement alternatif secondaire (excentrique). L’entrée de la vapeur est contrôlée par un ingénieux mécanisme de rétroaction : le régulateur.

C. La machine à vapeur

réchauffer les parois du cylindre après le cycle de refroidissement. Ce réchauffement consomme une partie de la vapeur. Or, dans un modèle réduit à l’échelle, le rapport surface/volume est plus grand que dans l’origi- nal et la proportion de vapeur consacrée au réchauffement augmente, quitte à neutraliser complètement la fonction première de la machine. Watt a donc l’idée de séparer complètement la fonction refroidissement du cylindre : il invente le condenseur (cf. Fig.6.6) vers lequel la vapeur est évacuée à chaque cycle et dans lequel elle est refroidie. Le cylindre reste donc toujours à la même température. Il propose aussi un mécanisme à double action : ce n’est plus la pression atmosphérique qui pousse le piston, mais la vapeur, dans les deux sens. Il invente un moyen de convertir le mouvement alternatif du piston en mouvement circulaire, à l’aide d’une bielle et d’une manivelle. Il invente aussi un dispositif à rétroaction pour réguler l’entrée de la vapeur et stabiliser la machine. Watt brevète la machine à double action en 1780 et en a l’exclusivité jusqu’en 1800. Watt a toujours à l’esprit le coût d’opération de la machine et cherche à la rendre plus efficace, c’est-à-dire à maximiser le travail mécanique produit pour une quantité donnée de charbon. Le perfectionnement de la machine à vapeur requiert de la part de Watt une suite d’observations scientifiques sur les propriétés de la vapeur en fonction de la pression et de la température. Il découvre avec Joseph Black la chaleur latente, c’est- à-dire la chaleur nécessaire pour faire passer l’eau de l’état liquide à l’état de vapeur, sans changement de température.10Watt produit un diagramme donnant la pression de la vapeur en fonction de la température

(«l’indicateur de Watt»), diagramme qui restera un secret industriel très bien gardé («England’s best kept secret») jusqu’au début du XIXe siècle.

Une révolution dans les transports

Si l’utilité première de la machine à vapeur est de pomper l’eau des mines, elle trouva rapidement de nombreuses applications, notamment dans les usines de textiles où, conjuguée à l’invention de nouveaux dispositifs de tissage, elle per- mettra d’augmenter rapidement la production et de diminuer les prix. La machine à vapeur sera aussi la cause d’une révolution dans les transports, même si celle-ci se fit attendre quelques décennies. Des les années 1760/1770, le Français Joseph Cugnot construit un véhicule automobile capable de se déplacer à 5 km/h et de traîner un canon. En 1783, le premier navire à vapeur, actionné par une machine de Watt, est expérimenté sur la Saône par Jouffroy d’Abbans ; le navire vogue pendant 15 minutes puis se disloque ! Le premier navire à vapeur rentable est construit par l’Américain Robert Fulton et opéré sur l’Hudson en 1807. La première locomotive sur rail est construite par l’Anglais Trevithick en 1803. En 1829, l’Anglais Stephenson construit l’engin le plus rapide de son époque : surnommée the rocket, cette locomotive se déplace à la vitesse verti- gineuse de 20 km/h et peut tirer trois fois son poids ! À partir du milieu du XIXe siècle, les chemins de fer apparaissent dans tous les pays développés et les navires à voiles sont progressivement remplacés par les navires à vapeur.

Les conséquences sociales de la première révolution industrielle furent énormes : urbanisation, apparition de la classe ouvrière, augmentation de la production de biens matériels et de l’espérance de vie, etc. Les structures politiques et sociales durent lentement s’adapter à ces changements causés en bonne partie par l’innovation technique en général et la machine à vapeur en particulier.11

10. Edmund Halley savait déjà en 1691 que l’eau bout à température constante.

11. Il serait présomptueux d’attribuer aux seules innovations techniques la révolution industrielle. Les conditions préalables à l’innovation doivent aussi être présentes, à savoir un certain libéralisme économique et politique. C’est en Angleterre que ces conditions apparurent en premier et la première révolution industrielle y démarra dans la dernière moitié du XVIIIe siècle.

D

La thermodynamique

Au début du XIXe siècle, les machines à vapeur étaient assez répandues, mais les principes physiques fon- damentaux régissant leur fonctionnement restaient obscurs. Plusieurs physiciens, à l’instar de Watt, cher- chaient des moyens d’améliorer l’efficacité des machines, c’est-à-dire la quantité de travail fournie par kilo- gramme de charbon consommé. Plusieurs se demandaient si leur efficacité ne pouvait pas être augmentée en changeant l’agent, c’est-à-dire en remplaçant la vapeur par un autre gaz, ou en augmentant la pression, etc.

Dans le document Histoire des sciences (Page 135-142)