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7.C.1 L’hypothèse atomique et l’étude des gaz

Dans le document Histoire des sciences (Page 164-167)

Les proportions définies À partir des mesures précises de Lavoisier et d’autres chimistes de la fin du XVIIIe siècle, il devint de plus en plus clair que les réactions chimiques se pro- duisaient toujours en proportions fixes des réactants. Autrement dit, le rapport des masses des réactants est toujours le même s’ils se transforment complètement. Par exemple, à 2 g d’hydrogène s’unissent toujours 16 g d’oxygène pour former de l’eau. Cette loi des proportions définies (1806) a été formalisée et défendue le plus activement par Joseph Louis Proust (1754/1826), qui s’opposait en cela à Berthollet. Ce dernier ap- puyait son opposition à cette «loi» en citant des réactions où elle n’était manifestement pas valable, mais il se trouve que ces réactions impliquaient des alliages (mélanges de métaux).

Dalton C’est l’Anglais John Dalton (1766/1844) qui est connu comme le père de la théorie atomique, et à juste titre. Dalton émit son hypothèse atomique en 1803 et publia son New System of Chemical

Philosophy entre 1808 et 1827. Dalton n’était pas un chimiste de formation et c’est via la météorologie qu’il

s’intéressa à la composition des gaz. Sa première découverte d’importance est que la vapeur d’eau ne se com- bine pas chimiquement à l’air comme un composé, contrairement à ce que croyait Lavoisier. Au contraire, l’humidité de l’air est le résultat d’un mélange de vapeur d’eau avec les gaz (azote et oxygène, principale- ment) qui forment l’air sec. C’est alors qu’il formula la loi des pressions partielles, déduite de l’observation de la pression de vapeur avant et après son mélange avec l’air. Cette loi stipule que chaque partie d’un mélange gazeux exerce une pression sur les parois comme si les autres parties du mélange étaient absentes et que la pression totale du mélange est simplement la somme arithmétique des pressions partielles des parties du mélange.

Dalton découvre aussi la loi des proportions multiples : quand deux éléments, par exemple le carbone et l’hy- drogène, peuvent se combiner de différentes manières pour former des composés différents (comme le CO et le CO2), les masses de l’un des réactants (l’autre réactant étant en quantité fixe) sont en proportions numé-

riques simples dans les différentes réactions. Par exemple, pour une masse de carbone donnée, il faut deux fois plus d’oxygène pour former le CO2que le CO. Cette découverte vient renforcer la loi des proportions

définies de Proust.

De ses observations sur les pressions partielles, qui s’expliquent facilement par l’hypothèse que les gaz sont formés de particules agitées, et de la loi des proportions définies, Dalton arriva naturellement à l’hypothèse

C. L’hypothèse atomique

que les différents éléments sont composés de particules indivisibles, toutes identiques (les atomes) et que les composés sont formés aussi de particules microscopiques (les molécules) obtenues en combinant les atomes des éléments correspondants d’une manière fixe, en des proportions conséquemment toujours identiques. Il développa ces idées à partir de 1803 et assigna un poids relatif à chaque atome (les poids de Dalton sont souvent entachés d’erreurs). Bien sûr, la théorie de Dalton ne lui permettait pas de connaître la masse exacte (ou la taille) des atomes et ses combinaisons d’atomes ne correspondaient pas toujours à nos molécules mo- dernes. Par exemple, le composé C2H4 était pour lui la combinaison d’un atome de carbone et de deux

atomes d’hydrogène, car seules les proportions comptaient pour lui.

L’hypothèse d’Avogadro A posteriori, l’argument le plus fort en faveur de l’hypothèse atomique à l’épo- que est l’une des lois découvertes par Louis-Joseph Gay-Lussac (1778/1850) sur les volumes des réactants gazeux (1808). Gay-Lussac découvrit que, lors des réactions chimiques complètes, les gaz se combinent en des rapports de volume simples (à la même température et la même pression). Gay- Lussac observa que cette découverte supportait la théorie de Dalton, mais ajouta des nuances de manière à ne pas froisser son supérieur, Berthollet !

Les combinaisons observées par Gay-Lussac étaient parfois déroutantes. Par exemple, il observa qu’un vo- lume d’oxygène réagit avec deux volumes d’hydrogène pour donner deux volumes de vapeur d’eau. Mais si on suppose, comme Dalton, que les gaz hydrogène et oxygène sont formés d’atomes individuels, on s’attendrait plutôt à obtenir un seul volume de vapeur d’eau, en vertu de la réaction schématique suivante :

2H+ O −→ H20 (7.6)

Pour expliquer cette anomalie, le comte italien Amedeo Avogadro (1776/1856) propose que les gaz hydro- gène et oxygène sont en fait constitués de molécules, c’est-à-dire des combinaisons de plusieurs atomes de la même espèce. Ainsi, les résultats de Gay-Lussac sur la synthèse de la vapeur d’eau s’expliquent, si on suppose que les réactants sont des gaz diatomiques :

2H2+ O2−→ 2H20 (7.7)

Avogadro est donc l’auteur du concept de molécule, qu’il intégra aux observations de Gay-Lussac pour formu- ler sa célèbre hypothèse, que des volumes égaux de gaz à la même pression et température contiennent des nombres

égaux de molécules. Cette hypothèse sera proposée indépendamment par Ampère en 1814. Elle explique la loi

de Gay-Lussac si on accepte l’existence des atomes et des molécules.

Malheureusement, l’hypothèse d’Avogadro, si féconde, ne fut pas acceptée par la majorité de la communauté des chimistes, en raison de son appel à des entités inobservables (les atomes). Jusqu’en 1860, la détermina- tion des poids moléculaires sera l’un des problèmes principaux de la chimie et de multiples controverses et hypothèses contradictoires verront le jour. En 1858, Stanislao Cannizzaro (1826/1910) suggère de retourner à l’hypothèse d’Avogadro, formulée 47 ans auparavant, pour déterminer les poids moléculaires. Cette façon de procéder est progressivement acceptée après le congrès de Karlsruhe en 1860.

Du point de vue de la théorie cinétique des gaz, développée plus tard, il est assez évident que deux gaz à la même température et pression comptent le même nombre de molécules. Il est également clair que chaque atome d’un solide possède la même capacité calorifique et que, par conséquent, la capacité calorifique par unité de masse d’une substance varie en raison inverse de la masse de chaque atome. Cette propriété, décou- verte expérimentalement par Dulong et Petit en 1819, ne sera comprise que par Maxwell cinquante ans plus tard. Malheureusement pour l’hypothèse atomique, la théorie était alors en retard sur l’expérience. En fait, avant la théorie cinétique, on s’imaginait que chaque atome ou molécule était entouré d’un nuage de calo- rique et que ce calorique était à l’origine de la chaleur dégagée au cours des réactions chimiques. D’ailleurs,

ce nuage de calorique était relié d’une certaine façon aux affinités entre éléments différents, et «expliquait» pourquoi certaines combinaisons chimiques ont lieu et d’autres pas. Encore une fois, ce modèle n’était qu’un support à l’imagination dans la détermination des «tables d’affinité» entre différents éléments.

7.C.2

L’électrolyse

Davy La découverte de l’électrolyse sera le facteur le plus déterminant dans le progrès de la chimie au dé- but du XIXe siècle. Le véritable pionnier de cette technique est l’Anglais Humphry Davy (1778/1829). Davy débute comme assistant d’un médecin de province, mais est congédié par celui-ci à cause de son goût prononcé pour les expériences «explosives». Il s’intéresse par la suite à la machine à vapeur et aux divers gaz. Il expérimente sur lui-même l’air nitreux déphlogistiqué de Priestley (N2O) qu’il appelle laughing gas (gaz

hilarant) à cause de ses effets particuliers ! Cette découverte est à l’origine d’un nouveau problème de toxico- manie : il devient à la mode dans les salons de se divertir en inhalant du gaz hilarant (on l’utilise alors aussi pour les anesthésies). En 1806, Davy, qui est directeur de la Royal Institution, découvre l’électrolyse, constate que les métaux se rassemblent au pôle négatif (cathode) et l’oxygène et les acides au pôle positif (anode). Il conclut que l’électricité vainc l’affinité naturelle entre les éléments et peut donc dissocier les composés. Il en déduit que l’affinité entre les éléments est de nature électrique (ce en quoi il a parfaitement raison). En 1807, il parvient à décomposer des substances alcalines qu’on croyait être des éléments jusqu’alors et isole le sodium et le potassium. En 1808, il isole le magnésium, le calcium, le strontium et le baryum. Le rapport des poids des produits de l’électrolyse est également dans des proportions définies, ce qui supporte l’hypothèse atomique.

Faraday Nous avons mentionné plus haut que Davy recruta Faraday et que celui-ci lui succéda à la Royal

institution. Au cours d’un voyage en France (autorisé expressément par Napoléon alors que la

guerre contre l’Angleterre faisait rage), Davy et Faraday discutèrent avec Gay-Lussac et Louis Thénard, les spécialistes français de l’électrochimie. Ceux-ci leur firent part de leur soupçon que la vitesse de décom- position de l’électrolyte ne dépendait pas de la nature des électrodes, mais uniquement de la quantité de courant électrique passant par la batterie. Stimulé par ce voyage, Faraday poursuivit les travaux de Davy sur l’électrolyse et, plus tard, en énonça les lois :

1. La quantité de matière produite par unité de temps par électrolyse est proportionnelle au courant électrique qui circule dans le bassin.

2. Les produits de l’électrolyse apparaissent en des proportions identiques à celles observées, pour les mêmes composés, dans des réactions chimiques ordinaires (les équivalents électrochimiques sont les mêmes que les équivalents chimiques).9

Davy et Faraday eurent l’intuition que les atomes contenaient une certaine électricité et que cette électri- cité jouait un rôle capital dans les réactions chimiques. Citons Faraday : «Les atomes dans la matière sont d’une certaine façon dotés de pouvoirs électriques ou associés à de tels pouvoirs, auxquels ils doivent leurs propriétés les plus frappantes et, parmi celles-ci, leur affinité chimique.» L’avenir leur donna raison. Berzélius D’autres chimistes utilisèrent à profit l’électrolyse, dont le Suédois Jöns Jakob Berzélius (1779/

1848), qui réussit à isoler d’autres éléments (silicium, sélénium, thorium, zirconium) et éla- bora une théorie électrique des interactions chimiques, théorie qui dominera une partie du siècle. Selon cette théorie, qualifiée de dualiste, chaque substance inorganique est composée de deux parties, portant des

9. En langage moderne, les lois de Faraday sur l’électrolyse s’expriment en fonction de la constante de Fadaray F , qui donne la charge électrique d’une mole d’électrons, à savoir 96,485 kC.

C. L’hypothèse atomique

charges électriques opposées, liées par leur attraction électrique. L’opposition entre acides et bases, entre oxydants et réducteurs, entre métaux et isolants, était vue comme une manifestation de ce dualisme. Cette théorie, un peu trop simpliste et parfois poussée à l’excès (comme en chimie organique), allait susciter des réactions négatives plus tard au cours du siècle ; mais elle contribua à faire de Berzélius le chef de file reconnu de la chimie à partir de 1820.

Berzélius passa de longues années à tenter de déterminer les poids atomiques des différents éléments connus. Cependant, son rejet de l’hypothèse d’Avogadro lui rendit la tâche très difficile. Mais la contribution la plus durable de Berzélius est la notation sténographique encore utilisée de nos jours pour les composés et réactions chimiques (H20, CH4, etc.).

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