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Eau Terre

Dans le document Histoire des sciences (Page 36-41)

Air

Feu

humide

chaud

froid

sec

Figure 2.8

Les éléments et les qualités fondamentales chez Aristote.

La physique d’Aristote La physique d’Aristote comporte les éléments suivants : 1. Les quatre éléments d’Empédocle, tous des aspects d’une

substance première.

C. La période classique

2. Quatre qualités fondamentales (le chaud, le froid, le sec et l’humide) agissent sur la matière première par combinaisons non contraires pour donner les quatre éléments :

(a) Eau : froid et humide. (b) Air : chaud et humide. (c) Terre : froid et sec. (d) Feu : chaud et sec.

3. Les éléments peuvent se transformer l’un dans l’autre, de manière cyclique (une qualité changeant à la fois).

4. Les combinaisons d’éléments différents sont de trois types : (a) Synthesis (σύνθεσις) : mélange mécanique.

(b) Mixis (μῖξις) : l’analogue de nos combinaisons chimiques. (c) Krasis (κρᾶσις) : l’analogue de nos solutions.

5. Un cinquième élément (quintessence ou éther) se trouve dans le monde céleste (par opposition à sub- lunaire). Chez Platon, il correspond au dodécaèdre.

6. L’Univers est unique, limité et sphérique. Les sphères concentriques sont, dans cet ordre : (a) La Terre immobile

(b) La sphère de l’eau. (c) La sphère de l’air. (d) La sphère du feu.

(e) Les sphères célestes : Lune, Soleil, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, étoiles fixes. (f) Au-delà de la sphère des fixes, c’est le néant : il n’y a même pas d’espace.

7. La notion de mouvement ou kinesis (κίνησις) englobe tout type de changement : (a) Altération de la substance d’un objet.

(b) Dilatation et contraction.

(c) Changement de qualité fondamentale. (d) Translation, ou phora (φορά).

8. Le monde céleste ne connaît que le mouvement circulaire uniforme. Le monde sublunaire connaît trois types de mouvement de translation :

(a) Le mouvement naturel : chaque élément tend à rejoindre sa sphère. Le feu monte, la terre descend. (b) Le mouvement violent : un objet peut subir l’influence d’une force et se déplacer de manière non

naturelle tant que cette force est appliquée.

(c) Le mouvement volontaire, effectué par les humains et les animaux.

(d) En langage moderne, la vitesse v d’un objet est proportionnelle à la force appliquée F , divisée par la résistance R du milieu : F = R v . Cette loi du mouvement est en fait correcte pour les vitesses terminales dans les milieux visqueux, mais ignore complètement la phase d’accélération. De cette loi, Aristote déduit que le vide est impossible, car la résistance du vide serait nulle, ce qui impliquerait une vitesse infinie, notion absurde. Si le vide n’existe pas, alors les atomes n’existent pas non plus et donc la matière est divisible à l’infini.

On constate que ce système possède une certaine cohérence, ce qui explique son immense popularité, jus- qu’au XVIIe siècle.

L’histoire naturelle d’Aristote Aristote a observé 495 espèces animales et a élaboré un système taxino- mique simple :

1. Les animaux à sang rouge (enaima) : (a) Les quadrupèdes vivipares. (b) Les quadrupèdes ovipares.

(c) Les oiseaux (classifiés selon leur nourriture et leurs pattes). (d) Les poissons.

2. Les animaux dépourvus de sang rouge (anaima) : (a) Les animaux à corps mous (céphalopodes). (b) Les animaux à écailles (crustacés).

(c) Les animaux à coquilles (mollusques). (d) Les insectes et les vers.

Les niveaux taxinomiques énumérés ci-haut sont les grands genres. Aristote a aussi utilisé les genres et les

espèces. Selon Aristote, «la Nature ne fait rien en vain» : les animaux ont les organes dont ils ont besoin. La

génération spontanée est possible pour les formes inférieures de vie.

On peut affirmer qu’Aristote a procédé à des observations méthodiques et qu’il a fait preuve d’un sens cri- tique élevé. Le principal mérite de la science aristotélicienne est d’être grosso modo en accord avec les ob- servations les plus courantes. Par contre, Aristote sera généralement dépassé par une science hellénistique supérieure. Ce n’est que plus tard, après le déclin de la science grecque, que son influence sera dominante.

D

La médecine grecque classique

La médecine des temples Pendant la période classique, deux types de médecine s’opposent en Grèce : la médecine des temples et celle des différentes écoles de médecine. La première est une pratique magique, florissante en Grèce au moment même de la naissance de la philosophie et de la science rationnelle. Il est possible qu’elle ait été importée d’Égypte, ou du moins fortement influencée par elle. Même Platon, dans ces dialogues, la considère comme une forme valable de médecine.

En quoi consiste-t-elle ? Le malade devait se rendre dans un centre spécial, entourant un temple du dieu grec de la médecine, Asclépios.7Le malade subissait un traitement rituel, consistant en un bain suivi d’une période de repos, appelée incubation, au cours de laquelle le malade rêvait. Ses rêves étaient ensuite interprétés par les prêtres d’Asclépios, qui établissaient un pronostic. En fait, le malade pouvait espérer voir sa propre guérison (ou les moyens de l’atteindre) en songe.

La médecine des temples ne faisait que peu appel aux drogues et ne pratiquait pas du tout la chirurgie. En fait, le traitement était essentiellement psychologique et le repos en était un élément essentiel.

Par ailleurs, comme en Égypte et indépendamment de la médecine des temples, existaient des herboristes (les rhizotomoi ou «cueilleurs de racines») qui préparaient une foule de remèdes traditionnels. Leur pratique n’est pas seulement empirique, mais teintée de croyances magiques. En particulier, ils croyaient que cer- taines plantes devaient être cueillies à des périodes particulières du cycle lunaire, en prononçant certaines formules ou incantations.

D. La médecine grecque classique

Les écoles de médecine Parallèlement à la médecine des temples – et en opposition avec elle – existaient des écoles de médecine. Mentionnons les quatre écoles principales à l’époque préclassique :

1. L’école pythagoricienne, dont le principal représentant fut Alcméon de Crotone. Selon cette école, la santé est le résultat d’un équilibre de différentes forces à l’intérieur du corps.8 Les pythagoriciens

avaient déjà identifié le cerveau comme le centre des sensations.

2. L’école sicilienne, représentée par Empédocle d’Agrigente (plus connu pour sa théorie des quatre élé- ments). Empédocle a introduit la notion (a posteriori stérile) de pneuma (πνεῦμα), ou «souffle de vie», qui pénètre le corps par les poumons. Il propose aussi un mouvement de va-et-vient du sang entre le coeur et les veines, une idée qui ne sera définitivement oubliée qu’avec les travaux de William Harvey sur la circulation unidirectionnelle du sang au XVIIe siècle.

3. L’école ionienne, où l’on pratiquait un peu la dissection.

4. L’école d’Abdère, où l’on insistait beaucoup sur les conditions de la santé : gymnastique et diététique. Avec le temps, deux écoles principales survécurent : l’école de Cnide et l’école de Cos, situées géographi- quement très près l’une de l’autre. L’école de Cnide accordait une grande importance aux observations (par exemple on y pratiquait l’auscultation des poumons), mais était réticente à la théorie. À Cos, au contraire, on insistait sur l’importance de la théorie et du raisonnement : la médecine de Cos est la première médecine véritablement scientifique, bien que ses théories nous paraissent aujourd’hui bien naïves.

Le représentant le plus illustre de l’école de Cos est Hippocrate (−460/ − 377) . Les oeuvres d’Hippocrate et de ses disciples forment ce qu’on appelle le corpus hippocratique et furent extrêmement influentes jusqu’à la Renaissance. On peut justement considérer Hippocrate comme le père de la médecine scientifique, en raison de sa prudence, de sa méfiance à l’égard des pratiques magiques, de la consignation précise qu’il fit de ses traitements et de leurs résultats, négatifs comme positifs. Les médecins de Cos élaborèrent des théories sur le fonctionnement du corps humain, dont la théorie des humeurs, mais ne leur accordait pas de valeur absolue et acceptaient que ces théories ne pouvaient pas tout expliquer. Cette attitude prudente reste pertinente encore dans la médecine actuelle, étant donnée la complexité du corps humain.

Hippocrate pense que le meilleur remède à une maladie est le système de défense du malade lui-même, ou encore la vertu guérissante de la nature (vis medicatrix naturæ, en latin). Le rôle du médecin consiste principalement à identifier le mal et les conditions les plus propices à la guérison naturelle du patient, mais il est clair que le gros du travail doit être fait par l’organisme lui-même. Chaque maladie doit suivre son cours et l’environnement du malade (le réconfort de ses proches tout comme les médicaments) doit l’aider à surmonter la crise qui survient à un certain stade de l’évolution du mal, au-delà duquel le malade est soit condamné, soit sauvé.

La théorie des humeurs L’une des théories les plus influentes de l’école de Cos est la théorie des hu- meurs,9selon laquelle le corps humain comporte principalement quatre types de liquides, qui doivent exister en proportions équilibrées afin que l’individu reste en bonne santé :

1. Le sang, associé au «sec» et produit par le foie.

2. La pituite, ou flegme, ou lymphe, élément principal du mucus nasal, associée à l’«humide» et produite par les poumons.

3. La bile, associée au «chaud» et produite par la vésicule biliaire.

8. En fait, ce principe est formulé de manière si floue qu’il est encore exact aujourd’hui ! 9. Le mot humeur est utilisé ici dans son sens premier, celui de liquide.

4. L’atrabile ou bile noire, associée au «froid» et produite par la rate.

Les maladies sont causées par un déséquilibre des différentes humeurs et le traitement doit tenter de ré- tablir cet équilibre. Plus tard, Galien (voir plus bas) a élaboré une théorie des tempéraments associés aux différentes humeurs, théorie qui vaut la peine d’être mentionnée en raison de sa longévité. Selon Galien, les tempéraments humains existent en quatre types, selon l’humeur dominante de chaque individu :

1. Le type sanguin, chaleureux et aimable. 2. Le type flegmatique, lent et calme.

3. Le type colérique ou bilieux, prompt et emporté. 4. Le type mélancolique ou atrabilaire, triste et renfermé.

Notons que le langage courant possède des reliques de cette ancienne théorie, dans les expressions suivantes : «être de mauvaise humeur», «se faire de la bile» ou «du mauvais sang», «se dilater la rate», etc.

E

La période hellénistique

À l’époque d’Aristote, la Grèce tombe sous la domination du royaume de Macédoine et de son roi Philippe II. Le fils de celui-ci, Alexandre, forme le projet audacieux de conquérir l’Empire perse. De −334 à −327, il s’empare de tout l’Empire perse (incluant l’Égypte) et va même au-delà, se rendant jusqu’au fleuve Indus (Pakistan actuel). Au cours de ses conquêtes, il fonde un grand nombre de villes (au moins 17) qu’il appelle toutes Alexandrie ! La plus connue est bien sûr celle qu’il fonde à l’extrémité ouest du delta du Nil, sur la Mé- diterranée. Après sa mort prématurée, son empire est partagé entre ses généraux, les diadoques10: Séleucos

hérite de l’Asie, Antigone de la Macédoine et de la Grèce et Ptolémée Sôter de l’Égypte. L’adjectif hellénis-

tique désigne la période des trois derniers siècles avant notre ère pendant laquelle la culture grecque s’est

imprégnée en Orient, après les conquêtes d’Alexandre. En contrepartie, les influences orientales, en parti- culier religieuses, se firent sentir en Occident. Politiquement, la période hellénistique fut encombrée des guerres que se livrèrent les diadoques et se termina par la conquête romaine du monde grec, s’achevant par la bataille d’Actium en −30.

Par le brassage d’idées, de cultures et de religions qui s’y déroula, cette période cosmopolite est celle de l’antiquité qui ressemble le plus à notre monde moderne. C’est à cette époque, plus précisément entre −300 et −150 que la science antique connut son apogée. Il fallut attendre le XVIIe siècle avant que le niveau de la science occidentale atteigne celui de la science hellénistique.

Alexandrie et le Musée Même si Alexandre est le fondateur officiel d’Alexandrie d’Égypte, il ne fit qu’or- donner sa construction, sur un site judicieusement choisi pour la qualité de son port et de ses liens fluviaux avec le Nil. Les véritables constructeurs de la ville furent les deux premiers rois lagides : Ptolémée I Sôter (roi de −323 à −285) et Ptolémée II Philadelphe (de −285 à −247).11Alexandrie fut

non seulement la capitale du royaume d’Égypte, mais la métropole effective du monde grec et des sciences jusqu’au Ve siècle de notre ère, c’est-à-dire pendant sept siècles.

10. Diadochoi (Διάδοχοι) veut dire «successeurs».

E. La période hellénistique

Ptolémée I est le fondateur du Musée,12institut culturel et scientifique inspiré du Lycée d’Aristote, mais à

plus grande échelle : le Musée comportait des promenades, des salles de cours, des cellules (bureaux), un observatoire, des salles de dissection, des logements et même un jardin zoologique. Le Musée était flanqué d’une immense bibliothèque, qui a compté plusieurs centaines de milliers de volumes (sous forme de rou- leaux de papyrus). Cette institution était entretenue par les rois (en particulier par Ptolémée II qui continua l’oeuvre de son père) et ensuite par les empereurs romains. Les savants (environ une centaine) recevaient un salaire de l’État.13

Plus qu’un édifice, le Musée était un regroupement de savants, attirés à Alexandrie par le patronage de Pto- lémée I, qui considérait à juste titre que la richesse de son royaume serait vaine si elle ne permettait pas le développement (ou du moins l’entretien) des arts et des sciences. Ptolémée I y attira les savants, en particu- lier Démétrius de Phalère, Straton de Lampsaque et Euclide. Démétrius de Phalère, philologue et fondateur

de facto de la bibliothèque, fut le premier directeur du Musée et peut être l’instigateur de sa construction.

Plus important pour la science fut le rôle de Straton de Lampsaque (mort en −268), élève de Théophraste et nommé précepteur du prince héritier (le futur Ptolémée II). Straton passa de longues années à Alexandrie et donna au Musée son orientation scientifique avant de retourner à Athènes diriger le Lycée, de −286 à sa mort. Aristote s’étant déjà distancé de Platon en affirmant l’importance de l’observation dans l’édifice des connaissances, Straton pousse plus loin cette tendance et consacre un certain divorce entre la philosophie et ce qu’on peut désormais appeler la science. D’ailleurs, la métaphysique ne fut pas encouragée au Musée. La prospérité scientifique d’Alexandrie dura environ 150 ans. Les rois Ptolémée III Évergète (de −247 à −222) et Ptolémée IV Philopator (de −222 à −205) furent encore assez puissants pour stimuler les progrès scien- tifiques et techniques, mais la puissance des rois lagides déclina rapidement. En particulier, Ptolémée VIII (dit Évergète II), suite à une lutte de pouvoir où il était soutenu par Rome, semble avoir momentanément persécuté la communauté grecque d’Alexandrie et causé une dispersion des savants vers −145. Cette date marque la fin de l’âge d’or de la science hellénistique.

Nous allons passer en revue quelques-unes des figures marquantes de cette époque exceptionnelle.

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