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6.D.2 Énergie et entropie

Dans le document Histoire des sciences (Page 144-148)

Joule James Prescott Joule (1818/1889) est le fils d’un riche brasseur de Manchester et peut se permettre de faire de la physique en amateur. En 1841, il donne la relation entre le courant électrique, la résistance et la chaleur produite : c’est l’effet Joule. Il sait alors que la chaleur peut être produite par un travail mécanique ou électrique et n’est pas une substance. Il mesure l’équivalent en travail de la chaleur nécessaire pour faire grimper un gramme d’eau d’un degré Celsius (la calorie) et trouve la valeur acceptée aujourd’hui à 1% près. À la même époque, il commence sa série d’expériences au cours de laquelle il mesure l’échauffement d’une quantité d’eau par un frottement mécanique, dont le travail est mesuré par la chute d’un poids. La conclusion de tout cela est que la chaleur est une forme de mouvement, une forme d’énergie microscopique, qui peut s’obtenir d’un travail mécanique. Indépendamment de Joule et un peu avant lui, l’Allemand Julius Robert von Mayer (1814/1878) arrive aussi à la conclusion que la chaleur n’est pas une substance, mais une forme d’énergie mécanique. Il calcule même l’équivalent mécanique de la chaleur en 1842 et obtient 1 cal=3,86 J.

D. La thermodynamique

Figure 6.9

James Prescott Joule (1818/1889)wikipédia

Helmholtz En 1847 paraît un article de Hermann Helmholtz (1821/1894) intitulé Sur la conservation de

l’énergie, qui précise ces idées et énonce le premier principe de la thermodynamique : la cha- leur est une forme d’énergie mécanique microscopique. Tout travail mécanique effectué par un système (une machine) s’accompagne d’une diminution équivalente de son énergie interne et vice-versa. Helmholtz était non seulement

physicien et mathématicien, mais aussi physiologiste, ce qui lui permettait justement d’aborder la question de l’énergie sous plusieurs angles. En particulier, il raisonnait que si l’Univers est composé uniquement de particules, sur lesquelles agissent des forces centrales mutuelles, alors l’énergie mécanique, telle que défi- nie par Lagrange à la fin du XVIIIe siècle, doit être conservée. L’audace est ici de supposer que les mêmes principes fondamentaux de physique s’appliquent à tout l’Univers, et en particulier aux êtres vivants. Le mérite principal de Helmholtz est d’avoir formulé un principe qui puisse unir toutes les sciences connues et de l’appliquer à la mécanique, à l’électromagnétisme, à l’astronomie, à la chimie et à la physiologie. Clausius C’est l’Allemand Rudolf Clausius (1822/1888) qui va réconcilier la théorie dynamique de la cha-

leur avec les idées de Carnot et devenir ainsi le «père de la thermodynamique» (Carnot en est le «grand-père»). L’idée est simple : une machine thermique reçoit de la chaleur de la source chaude, en trans- forme une partie en travail mécanique et cède le reste à la source froide. Il y a donc «chute de chaleur» de la source chaude à la source froide, mais une partie de cette chaleur est convertie en travail utile. Les résultats de Carnot sur les machines idéales réversibles demeurent intacts.

La température absolue La théorie dynamique de la chaleur ne convainc pas tout le monde immédiate- ment. En particulier, William Thomson (1824/1907), plus tard Lord Kelvin, est initialement un partisan du calorique. Il fait un stage d’études à Paris, rencontre Clapeyron et parvient à trouver une copie du livre de Carnot en 1848, après 3 ans de recherches ! À l’aide des principes de Carnot, le frère de Kelvin (James Thomson) arrive à prédire que la température de fusion de l’eau diminue quand la pression augmente ! Les résultats de Kelvin semblent démontrer que Carnot a raison et que le principe de la chute du calorique permet de faire des prédictions correctes. Seulement, Joule aussi semble avoir raison et le calorique ne semble pas exister ! Après la lecture de Clausius, Kelvin se convertit à la théorie dynamique de la chaleur et utilise les idées de Carnot sur les machines réversibles pour définir une échelle de température

absolue, indépendante des agents utilisés dans les thermomètres. L’idée d’une échelle absolue de température

T

1

T

2

W

Q

T

1

Q

1

Q

2

T

2

W

Carnot

Clausius

Figure 6.10

Schéma d’une machine thermique, selon la conception de Carnot en 1824 et celle de Clausius. Carnot, avant son adhésion à la théorie dynamique de la chaleur, conçoit la machine thermique comme extrayant un travail W de la chute du calorique en quantité Q d’un réservoir chaud (température T1) vers un réservoir froid (température T2, inférieure à T1). Clausius réalise que la chaleur Q1cédée par le réservoir chaud est partiellement transformée en travail mécanique et que le reste, Q2= Q1− W , est cédé au réservoir froid.

pratique, il fallait utiliser des thermomètres à base de gaz parfaits. Seulement, aucun gaz n’est parfait : tous les gaz montrent des déviations par rapport à la loi de Charles quand la température est suffisamment basse. L’idée de Kelvin est de définir cette échelle indépendamment des gaz parfaits, mais seulement en fonction du cycle de Carnot, plus universel (cf. Fig.6.8) : si la quantité de chaleur reçue de la source chaude sur AB est Q1et que la quantité de chaleur cédée à la source froide sur CD est Q2, alors le rapport des températures

absolues des deux réservoirs est

T1 T2=

Q1 Q2

(6.10) Évidemment, cette définition est purement théorique et doit être mise en pratique dans des appareils de mesure concrets, ce qui n’est pas immédiatement évident. D’autre part, la définition (6.10) ne définit l’échelle de température qu’à une constante multiplicative près. On a choisi de fixer cette constante en demandant que les graduations de cette échelle soient les mêmes que celles de l’échelle Celsius, c’est-à-dire qu’il y ait 100 degrés entre les point de fusion et d’ébullition de l’eau (à pression normale). Le point de fusion de l’eau est alors 273,15 K (degrés Kelvin) et le point d’ébullition 373,15 K. Il ressort de la relation (6.10) qu’au zéro absolu (-273,15◦), aucune chaleur ne peut être transférée : le froid absolu, en quelque sorte. En fonction des températures absolues, l’efficacité de la machine de Carnot, c’est-à-dire le rapport du travail accompli (W = Q1−Q2) sur la chaleur fournie (Q1), est

Q1−Q2

Q1 = 1 − T2

T1 (6.11)

Quant à la loi des gaz parfaits, elle prend alors la forme P V = nRT , où n est le nombre de moles de gaz et

Rune constante.

L’entropie et les machines irréversibles

En 1854, Clausius introduit une nouvelle quantité, l’entropie, qu’il définit comme suit.14Dans la machine idéale de Carnot, la chaleur est échangée à température constante et aucune chaleur n’est échangée quand la tempéra- ture varie. En utilisant la température absolue de Kelvin et en supposant qu’une chaleur est positive si elle

D. La thermodynamique

V P

Figure 6.11

Tout cycle dans un diagramme de Clapeyron peut être décomposé en une somme de cycles de Carnot infinitésimaux. Sur ce diagramme, chaque losange constitue un petit cycle de Carnot et le cycle indiqué en trait gras en englobe un certain nombre. Le travail effectué au cours de ce cycle est la somme des travaux effectués lors de chacun des cycles de Carnot englobés. Dans la limite où la taille des cycles de Carnot tend vers zéro, tout cycle peut être représenté de cette façon.

est reçue par la machine et négative si elle est cédée par la machine, le bilan calorifique du cycle de Carnot peut s’écrire

Q1 T1 +

Q2

T2 = 0 (6.12)

Clausius considère ensuite un cycle quelconque, pas nécessairement un cycle de Carnot, et conçoit qu’un tel cycle peut aussi être réversible si la condition suivante est satisfaite :

d Q

T = 0 (6.13)

où la différentielle de chaleur dQ est reçue par la machine sur un élément infinitésimal du cycle, sur lequel la température (variable) est T . Une façon de démontrer la relation (6.13) à partir de la relation de Carnot (6.12) est de composer le cycle quelconque en une somme infinie de cycles de Carnot, dans l’esprit du calcul intégral, comme sur la Fig.6.11. En fait, tout cycle est réversible s’il est parcouru suffisamment lentement, si le système (par exemple le gaz) est toujours pratiquement à l’équilibre thermique en tout point du cycle. Ceci est un idéal, jamais réalisé en pratique : une machine non idéale accomplit moins de travail qu’une machine réversible et cède trop de chaleur à la source froide. Par conséquent

Q1 T1 + Q2 T2 < 0 (Carnot) ou ∮ d Q T < 0 (Clausius) (6.14)

Si la suite des changements qui amènent une machine (ou un système en général) du point A au point B sont partout réversibles, alors l’intégrale

B

A

d Q

ne dépend pas du parcours choisi pour la calculer sur le diagramme de Clapeyron et donc ne dépend que des points d’arrivée et de départ. Cette intégrale est donc la différence d’une fonction S entre les deux points :

B

A

d Q

T = S(B) −S(A) (réversible) (6.16)

C’est cette fonction que Clausius appelle entropie. Elle est définie par cette intégrale et par un point de ré- férence arbitraire. L’entropie caractérise l’état d’un système et peut servir de variable de description du système au même titre que la pression, le volume ou la température.

Une machine est réversible si l’entropie ne change pas au cours d’un cycle. Par contre, si la machine est irréversible, la chaleur cédée est trop grande et

B

A irr.

d Q

T < S(B) −S(A) (irréversible) (6.17)

Cette formule est une forme du deuxième principe de la thermodynamique, formulé pour la première fois de manière claire par Clausius. Ce principe vise en fait beaucoup plus large que la simple efficacité des machines à vapeur, car les raisonnements impliqués sont très généraux. Il revient à dire que l’entropie d’un système fermé ne peut qu’augmenter, ou, dans le cas d’un processus réversible, rester la même.

Par exemple, considérons deux réservoirs à des températures T1et T2(T1> T2) et considérons une machine

très simple qui ne produit aucun travail et dont le seul rôle est de transmettre de la chaleur du réservoir chaud au réservoir froid (cette machine n’est en fait qu’un contact thermique). Soit∆Q > 0 la quantité de chaleur

cédée par le réservoir chaud, égale à la quantité de chaleur reçue par le réservoir froid. Selon la définition de l’entropie, le changement d’entropie du réservoir chaud est∆S1= −∆Q/T1, alors que le changement

d’entropie du réservoir froid est∆S2= ∆Q/T2(on considère que les réservoirs sont suffisamment grands

pour que leur changement de température soit négligeable si∆Q n’est pas trop grand). Le changement total d’entropie des deux réservoirs est donc

∆S = ∆S1+ ∆S2= ∆Q 1 T2− 1 T1 ‹ > 0 (6.18)

Autrement dit, le processus de transfert de chaleur entre deux objets de températures différentes augmente l’entropie totale et est donc irréversible. Une façon équivalente de formuler le deuxième principe de la ther- modynamique est d’affirmer que lorsque deux objets de températures différentes sont mis en contact, l’objet froid se réchauffe et l’objet chaud se refroidit, et non le contraire, l’énergie étant par ailleurs conservée.

Dans le document Histoire des sciences (Page 144-148)