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Synthèse de chapitre

Chapitre 3 : Terminologie et langue de spécialité

3.2 Terminologie : discipline et pratique

La terminologie est une discipline transversale aux confluents de la lexicologie, de la traduction et des recherches en langues de spécialité. Parce qu’elle inclut la notion de système conceptuel, son caractère linguistique n’a pas manqué de susciter des interrogations comme le note Depecker :

De notre point de vue, la pratique terminologique nécessite qu'on fasse le partage entre le linguistique et le conceptuel, entre ce qui est de l'ordre des langues et ce qui est de l'ordre de la pensée logique. C'est précisément ce que l'on fait quand on distingue entre signifié et concept. C'est d'ailleurs sans doute là le point de partage entre la linguistique, telle qu'elle a été conçue jusqu'à présent, et la terminologie. Et même, pour nous, la distinction entre concept et signifié fonde la terminologie. (Depecker, 2005)

Cependant, toutes les interrogations autour du terme sont minimisées par Guilbert (1981) qui adopte un point de vue linguistique et lexicographique pour rappeler le rôle de vecteur de communication et d’élément informatif de l’énoncé linguistique et qu’en tant que tel, le terme, signe linguistique, trouve en cet énoncé un lieu de formation.

La terminologie apparaît plus comme une discipline pratique que théorique. Son usage à travers le monde répond souvent à des besoins de normalisation pour une politique linguistique.

3.2.1 Terminologie lexicologie et traduction

L’objet d’étude de la lexicologie est l’ensemble des unités qui constituent le lexique ainsi que les relations qu’elles entretiennent. Ces unités sont généralement assimilées aux mots. Les linguistes font des distinctions entre lexicologie et terminologie, en insistant sur leurs objets d’étude respectifs : le terme et le mot. Les

termes constituent des « étiquettes de classes d’objets pris dans un univers donné »

alors que le mot en tant que signe linguistique arbitraire ne renvoie pas à un objet réel ou imaginaire (Le Guern, 1989). Sans revenir sur les détails de différenciation entre le mot et le terme, rappelons quelques éléments méthodologiques ainsi que la terminologisation et déterminologisation en tant que processus qui mettent les unités dans l’un ou l’autre domaine d’étude. La déterminologisation est un « étirement sémantique qui se produit lorsqu’un terme attire l’attention du public ». (Meyer et

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accessible du passage d’un terme à la langue commune est le dictionnaire et ajoute aussi :

il suffit que le locuteur cesse d’être spécialiste dans une situation de communication propre à son activité, et que du même coup la valeur de la référence change, pour que la forme signifiante n’appartienne plus à un vocabulaire spécifique et, inversement, pour qu’une forme du lexique général soit englobée dans un vocabulaire particulier. (Guilbert, 1973 : 6)

La lexicologie ainsi que son versant pratique, la lexicographie, couvrent l’étude d’unités lexicales selon des méthodes différentes de la terminologie et de la terminographie comme le souligne Bessé :

Les objets traités, comme les méthodes de traitement, ne sont pas les mêmes. La lexicographie s’intéresse aux mots, la terminographie, aux termes. Le terme se définit comme une unité signifiante constituée d’un mot (terme simple) ou de plusieurs mots (terme complexe) qui désigne un concept déterminé, de façon univoque à l’intérieur d’un domaine. Mais ce qui permet le mieux de distinguer la lexicographie de la terminographie, c’est sans doute la différence de démarche. L’optique de la terminographie, et à plus forte raison de celle de la terminologie, est onomasiologique, allant du concept au signe. Le point de vue de la lexicographie est quant à lui sémasiologique. (Bessé, 1990 : 254).

Le lexique est organisé sur la base d’éléments formels et sémantiques. La morphologie lexicale s’intéresse à la structure des mots qui composent le lexique, leur variation en contexte (flexion), alors que le sens des mots et les relations qu’ils entretiennent, sont étudiés par la sémantique lexicale. Le sens lexical d’un mot peut être décrit indépendamment de son emploi et ce sens est appelé invariant sémantique. La lexicologie étudie également les différentes variations de la langue (diachronique, diatopique et diastratique).

Les rapports entre la lexicologie et la terminologie sont problématiques. Cela s’expliquerait par le rapprochement systématique qui est fait pour ces deux domaines, la terminologie n’est en fin de compte que l’étude du lexique de spécialité. Son évolution a été telle, qu’elle a fini par s’ériger en partenaire de la lexicologie.

S’il y a donc un domaine où l’interaction continuelle du langage et du monde doit fondamentale, c’est celui de la terminologie, d’une terminologie qui loin d’absorber la lexicologie, la traite en partenaire. (Eluerd, 2000)

En traitant les langues de spécialité, la terminologie contribue à la dynamique du lexique qu’elle enrichit grâce à la déterminologisation et à la création de nouveaux mots.

La terminologie se présente comme une discipline sœur de la traduction. La perspective de la pratique terminologique en traduction est interlinguistique. Elle vient en appoint à la pratique de l’activité de traduction. Son apport premier est d’aider à la clarté et à la clarification.

L'emploi - et la reconnaissance - du terme juste est le garant d'une bonne transmission tout au long de la chaîne de communication, sans solution de continuité. A cet égard, la terminologie est le support indispensable qui permet de véhiculer sans ambiguïté le vouloir-dire dans un domaine de spécialité - scientifique, technique, professionnel ou social - et de le faire comprendre. (Durieux, 1992)

En effet, la traduction technique, la traduction littéraire étant le parent pauvre de la terminologie même si Legros-Chapuis (1992) relève des nécessités dans ce

domaine, bute beaucoup sur des problèmes d’ordre terminologique. Cela ne

concerne pas que la méconnaissance de telle ou telle autre unité terminologique de la part du traducteur. Grâce à un travail de recherche, il est très facile de retrouver la signification de l’unité et de savoir quel concept elle dénote. Comme le relève

Rochard (1992), lorsqu’ils sont mis dans leur contexte cognitif « les termes

apparaissent de façon beaucoup plus banale : leur sens s'impose de lui-même ». Il s’ensuit une recherche d’adaptabilité du terme au contexte précis de traduction.

La terminologie permet donc un travail de fouille et de documentation qui ne se limite pas à un « dépouillement comparatif de textes existant en plusieurs langues » (Bergmann, 1992). Les documents donnent au traducteur une vision large, à même de mener vers l’unité terminologique la plus appropriée. Même si ce terme convient, selon l’appréciation du traducteur, son acceptation par le client n’est pas sûre, d’où la mise au point d’une harmonisation ou mise à jour de sa démarche terminologique. D’autres difficultés liées à la culture ou à l’environnement géographiques (Maher, 1992) se posent.

Par ailleurs, la terminologie, permet une économie de la langue, puisqu’en l’absence de termes désignés, le traducteur est amené à des tournures paraphrastiques verbeuses qui souvent alourdissent ou obscurcissent la traduction.

La terminologie, parce qu’elle dépend d’un système conceptuel qui évolue, se trouve

elle-même dans une dynamique. Elle n’est pas statique et ne se résume pas, dans le

cadre de la traduction, à la connaissance d’un terme de la langue source et de son équivalent de la langue cible. Elle requiert une prise en compte du champ notionnel à une période bien déterminée pour une cible donnée.

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3.2.2 Pratique terminologique

La pratique de la terminologie se résume à un travail de repérage, d’extraction, de constitution de base de données et d’outils de référencement ou

encore à des travaux de création et de normalisation dans le cadre d’un

aménagement terminologique. Mais la pratique comporte un soubassement d’approches théoriques parti de Vienne en passant par Prague et l’école soviétique. Aujourd’hui en plus de la pratique professionnelle courante, la terminologie est envisagée sous un angle social qui prend en compte le cadre d’évolution et d’application du projet.

En soutenant sa thèse portant sur le thème de la normalisation internationale de la langue technique en 1931, Eugène Wüster jetait les bases de ce qui sera plus tard un outil de référence de la théorie générale de la terminologie. Le travail de l’Autrichien détaille les caractéristiques de la terminologie qui est considérée comme un outil de communication qui réduit les différents écueils auxquels les usagers d’une langue technique donnée peuvent être confrontés. La conception

terminologique de Wüster est « d’ordre purement méthodologique et normatif »

(Rondeau, 1984). Il a beaucoup tenu à l’harmonisation des termes et notions selon des domaines spécifiques. L’intérêt de Wüster pour la langue était secondaire, il était plutôt dans la recherche d’efficacité et de précision Il aura publié entre 1931 et sa mort des travaux autour de la TGT. Parmi ceux-ci Felber (1987) énumère les plus représentatifs : Wüster (1957, 1958, 1959a, 1959b, 1969, 1971, 1974, 1979). L’organisme ISO s’est largement inspiré et dans certains cas a repris à son compte une bonne partie des œuvres de Wüster. Selon Felber (1987) « on lui doit presque tous les projets des Recommandations de la Norme. »

La terminologie sous l’école de Prague comporte une composante philosophique en plus d’épouser le structuralisme saussurien. En effet, elle insiste sur la relation entre langage, pensée et réalité, en plus de mettre la langue commune au cœur des études menées. La langue commune est abordée sous un angle fonctionnel, un outil de communication utilisé dans différents domaines de la vie.

Dans une approche linguistique l’école soviétique, a, sous la houlette de Lotte, initié un travail de fondement théorique de la terminologie. Il faut dire aussi que cette école a été particulièrement influencée par Wüster. Les éléments

développés tournent autour de l’univocité du terme, de l’impact du changement de

signification sur la création de termes ainsi que leur structure entre autres éléments. Si la terminologie est née et s’est, en grande partie, façonnée dans ces trois foyers (école de vienne, école de Prague, école soviétique), elle a fait le tour du

monde, en consolidant sa place dans les pays européens, en constituant un réel outil d’affirmation identitaire au Quebec, en Catalogne, ou encore en s’érigeant en nécessité pour l’aménagement linguistique, la normalisation.

La pratique de la terminologie en Afrique a fait l’objet d’une étude de Halaoui (1991) qui s’est penché sur la problématique de la terminologie africaine pour déceler les caractéristiques les orientations théoriques et méthodologiques. Haloui évoque en premier lieu les fondements de cette terminologie en référence aux différents cadres d’émergence de travaux terminologiques. Le travail terminologique peut être le fait de terminologues de manière autonome, peut être spontané, se lance dans cette tâche. Cela n’a pas de véritable impact tant en ce qui a trait à la

méthodologie qu’à la théorie puisque ces travaux ne servent en fin de compte que

leurs auteurs. Le deuxième fondement est selon lui culturel. Il naît « d’une

perspective de satisfaction (…) d’un besoin de promotion de la langue ». C’est donc le souci de défense d’une langue qui exprime une culture qui peut motiver les travaux terminologiques. Le troisième fondement est économique et serait la conséquence d’une réalité qui fait de l’information et la connaissance des éléments clés du développement économique.

L’idée que développe Halaoui pour ce qui est du fondement individuel doit être nuancée. Le dictionnaire machine outil est une œuvre que l’auteur a réalisée en

solitaire. Il se présente aujourd’hui comme un ouvrage de référence. À notre sens,

ces travaux faits de manière éparpillée constituent des premiers jets qui, s’ils sont regroupés, donneraient des bases sur le plan linguistique, mais aussi sur le plan de l’approche.

Les objectifs visés par les recherches en terminologie en Afrique selon Halaoui, s’inscrivent dans le cadre de l’enrichissement de la langue en vue d’une utilisation actualisée. Mais cela passe par une mise à jour des unités phonétiques, morphologiques de la langue, mais aussi les différents aspects combinatoires. La raison avancée par l’auteur demeure le caractère scriptural des travaux terminologiques qui contraste avec la tradition orale de la plupart des langues africaines.

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