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Synthèse de chapitre

Chapitre 3 : Terminologie et langue de spécialité

4.4 Définition de la collocation

La collocation suscite beaucoup d’intérêt auprès des linguistes, dont les

positions divergent. Cela n’est pas propre à la collocation, mais à tous les faits de

langues qui impliquent autant de niveaux d’analyse. Il s’agira, dans ce qui suit, d’adopter une définition par rapport à cette profusion de considérations, une

définition opérante qui servira tout au long des recherches de cette thèse.

Certaines notions clés qui sont apparues de manière fréquente dans la littérature peuvent être relevées. Elles constituent les « invariants » des différentes approches.

4.4.1 Définition : concepts clés

À la suite des différents éléments évoqués à propos de la collocation, nous pouvons retenir les notions suivantes :

Phrasème

Le phrasème constitue sans conteste la notion la moins problématique du fait de son caractère monosémique de locution plus ou moins figée. Mel’čuk l’utilise d’ailleurs et il convient de noter qu'un phrasème demeure englobant.

Fréquence

La cooccurrence fréquente est un élément qui revient non seulement dans la

perspective statistique, mais aussi dans la perspective lexicosémantique. En effet, le

caractère plus ou moins fixe de la collocation fait que les éléments constitutifs apparaissent presque systématiquement.

Opacité

Elle réfère à la déduction qui peut être faite des éléments constitutifs de la collocation. De ce point de vue, la collocation se situerait entre les locutions figées et les expressions libres. L’opacité est souvent opposée à la compositionnalité ou encore à la transparence.

Contrainte

Dans les travaux lexicographiques, la notion de contrainte, une base qui sélectionne un collocatif (Mel’čuk et Hausmann), apparaît de manière saillante. C’est d’ailleurs dans une perspective d’encodage de la production langagière que les FL se présentent comme des moyens qui permettent de trouver, pour chaque lexie qu’utilise le locuteur, des éléments de valeur d’‘intensité’, de ‘dégradation’,

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d’‘opérateur’, etc. Cette considération débouche sur « une dissymétrie des

composants de la collocation » (Tutin et Grossmann, 2002 : 11), c’est-à-dire qu’un

des éléments prévaut sur l’autre.

Arbitraire, conventionnel

Chez des auteurs comme Mel’čuk et Hausmann, le phénomène

collocationnel demeure conventionnel. Il n’y a pas de véritables règles ou d’indices

qui prédisent ou justifient l’usage conjoint de mots ou lexies.

Expression binaire

C’est également une notion qui revient chez Mel’čuk et Hausmann. Les collocations se forment avec deux lexèmes principalement. Le problème de cette limitation est qu’elle n’est pas toujours vraie c’est la raison pour laquelle, l’association de constituants est préférée (Tutin et Grossmann, 2002 : 10), afin d’inclure les qualifiants qui se font à l’aide de syntagmes.

4.4.2 Définition de travail

À la suite ce que nous venons de développer sur la collocation et en tenant compte des deux principales approches sur cette question, il nous appartient de dire très clairement notre position par rapport à la collocation.

Hausmann et Mel’čuk mettent en avant la notion de contrainte qui est pour nous fondamentale. En effet, le premier parle de base et collocatif (Hausmann,

1979), ce qu’ailleurs le second dénomme mot-clé et élément de la valeur de la FL

(Mel’čuk, 1984). Si le choix de la base ou mot-clé est libre, le collocatif ou élément de valeur ne l’est pas dans la mesure où ils spécifient le sens de la base.

Pour nous, la collocation est une préférence d’apparition d’items lexicaux sous l’effet plus ou moins notable de contraintes linguistiques ou usagères. Les possibles occurrences entre lexèmes, de même que leurs fréquences d’apparition conjointe les consacrent comme des collocations. Le principe de semi-idiomaticité tel qu’il est décrit et qui se fonde sur la compositionnalité ne constitue pas pour nous un critère nécessaire. La fréquence d’occurrence dans l’environnement textuel est donc un élément pertinent pour déterminer une collocation.

Sur le plan formel, nous traitons particulièrement les collocations binaires, mais pensons également comme Tutin et Grossmann que de manière rigoureuse la notion de constituants convient. En effet, elle inclut tous les spécifiants, surtout avec les patrons terminologiques qui comportent souvent des éléments de spécification.

Nous utilisons le terme collocation pour désigner les patrons syntaxiques ou

combinaisons lexicales spécialisées et générales. Ce choix s’explique par le fait que

pour nous le fonctionnement CLS est semblable à celui des collocations ou combinaisons lexicales générales.

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Synthèse de chapitre

Ce chapitre a abordé la collocation et le champ d’étude dans lequel se situe,

la phraséologie. La complexité de la notion a été évoquée. Sa définition dépend essentiellement de la perspective d’étude. La collocation, d’abord utilisée par Firth (1957), a par la suite été abordée par des auteurs comme Katz et Fodor (1963) en termes de sélections restrictives. Coseriu (1967) voyait dans ces groupements une forme de « solidarité lexicale ».

La collocation relève du texte, selon Firth qui a forgé le terme et les auteurs contextualistes qui se situent dans sa lignée. Partant, sa définition est fonction d’apparitions cooccurrentes. En abordant la notion de collocation, Firth ne se limite pas à des considérations purement syntaxiques du phénomène. Il évoque en effet une dimension sémantique qui est visible par la distribution des constituants puisque des mots sémantiquement proches tendent à apparaître dans le même contexte.

La collocation, d’après la plupart des auteurs cités, se situe donc entre les combinaisons libres et celles qui sont figées. Ce continuum dans lequel elle se trouve donne quelques-unes de ses caractéristiques. Ni totalement libre, ni

totalement figée, la collocation n’en demeure pas moins un phénomène de sélection

restrictive qui fait que deux lexèmes cooccurrent fréquemment. Cette restriction est tout de même souple puisqu’elle peut donner lieu à une certaine flexibilité

combinatoire que l’on retrouve dans les combinaisons libres, d’où la relative

compositionnalité des éléments constitutifs de la collocation.

Les études sur les collocations ont eu de réels impacts lexicographiques, dans

les deux perspectives adoptées. Cela s’explique par les difficultés d’apprentissage de

ces combinaisons lexicales. Si comme Hausmann (1997), l’on reconnait que tout est

idiomatique dans la langue, il n’en demeure pas moins que l’idiomaticité des

collocations révèle un fonctionnement syntaxico sémantique unique de la langue. Dans le domaine des études en langue de spécialité, la collocation constitue un indice de spécialisation. Mais globalement, il faut noter que la perspective lexicosémantique adoptée dans cette thèse ne s’applique pas de manière rigoureuse, puisque des différences sont relevées entre les collocations de la langue générale et celles que l’on retrouve dans les langues de spécialité.